ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
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FEU (Page 6:599)

FEU, s. m. (Physiq.) Le caractere le plus essentiel du feu, celui que tout le monde lui reconnoît, est de donner de la chaleur. Ainsi on peut définir en général le feu, la matiere qui par son action produit immédiatement la chaleur en nous. Mais le feu est - il une matiere particuliere? ou n'est - ce que la matiere des corps mise en mouvement? c'est sur quoi les Philosophes sont partagés. Les scholastiques regardent le feu comme un des quatre élémens ou principes des corps, en quoi ils ne sont pas fort éloignés des principes de la chimie moderne. Voyez plus bas Feu, (Chimie.)

Le feu, selon Aristote, rassemble les parties homogenes, & sépare les hétérogenes, ce qui n'est pas vrai, du moins en général; puisque si l'on fait fondre dans un même vase, du suif, de la cire, de la poix, de la résine, le tout s'incorpore ensemble.

Selon les Cartésiens, le feu n'est autre chose que le mouvement excité dans les particules des corps par la matiere du premier élément dans laquelle ils nagent. Voyez Cartésianisme & Matiere subtile. Selon Newton, le feu n'est qu'un corps échauffé. Voyez Chaleur. Enfin selon un grand nombre de philosophes modernes, c'est une matiere particuliere. Voyez Chaleur, & la suite de cet article.

Comme le feu échappe à nos sens, & qu'il se rencontre dans tous les corps & dans tous les lieux où il est possible de faire des expériences, il est très - difficile de distinguer les vrais caracteres qui lui sont propres. M. Musschenbroek lui en donne deux, savoir la lumiere & la raréfaction. Voyez Lumiere & Raréfaction. Ce physicien prétend que partout où il y a lumiere, même sans chaleur, il y a feu. Il le prouve par la lumiere de la lune, qui rassemblée au foyer d'un verre ardent, éclaire beaucoup fans brûler. Mais il semble qu'on peut contester que cette lumiere, en ce cas, soit du feu. Il n'est pas démontré que la matiere qui produit la lumiere, soit la même que celle qui produit la chaleur. Il est vrai que la lumiere de la lune est refléchie de celle du soleil, & que la lumiere du soleil est accompagnée de chaleur. Mais encore une fois, il faudroit avoir prouvé incontestablement que la lumiere & la chaleur du soleil sont absolument produites par le même principe & par la même matiere. D'ailleurs, supposons même qu'il n'y ait d'autre différence entre la lumiere du soleil & celle de la lune, sinon que celle - ci n'échauffe pas parce qu'elle est produite par un mouvement trop rallenti; on pourroit dire en ce cas, que la lumiere de la lune ne seroit point proprement du feu, puisqu'elle manqueroit du mouvement nécessaire pour être un feu véritable.

De la raréfaction des corps par le feu. Tous les corps, si on en excepte un petit nombre dont nous parlerons plus bas, se raréfient ou se dilatent en tout sens par le moyen du feu. Cette raréfaction continue aussi long - tems que le feu reste appliqué à ces corps. Elle est d'autant plus grande que le feu est plus ardent; cependant elle ne va pas à l'infini, & ne passe pas une certaine étendue déterminée. C'est au moyen du pyrometre (Voyez Pyrometre.), qu'on mesure la raréfaction des corps par le feu. La raréfaction d'un corps exposé au feu se fait d'abord lentement, puis s'accélere jusqu'à un certain maximum d'accélération, au - delà duquel la raréfaction se fait encore, & continue toûjours, mais moins vîte, jusqu'à ce que le corps soit arrivé à sa plus grande dilatation. Le même feu qui raréfie divers corps, ne les dilate ni en raison inverse de leur pesanteur, ni en raison inverse de leur force ou résistance à être divisés, ni en raison composée de ces deux - là, mais suivant un autre rapport tout - à - fait inconnu. [p. 600]

L'étain (à un même degré de feu) est celui de tous les métaux qui se raréfie le plus vîte; ensuite le plomb, puis l'argent, le cuivre jaune, le rouge, & le fer.

Non - seulement le feu raréfie les métaux, mais il les fond; les uns ont besoin pour cela d'un degré de feu beaucoup plus grand que les autres. L'étain, d'abord froid comme la glace, ensuite fondu, fait raréfier au pyrometre un lingot de fer, jusqu'à 109 degrés; le plomb, dans les mêmes circonstances, fait raréfier le même lingot de 217 degrés. Les métaux qui se fondent avant que d'être rougis, n'ont pas encore acquis leur plus grand degré de chaleur dans l'instant de la fusion; car après cet instant, ils continuent à raréfier encore considérablement les métaux plus durs qu'on plonge dans ces métaux fondus. Cela est au moins vrai du plomb, comme M. Musschenbroek s'en est assûré par des expériences, & il est porté à croire qu'il en est de même de l'or, de l'argent, du cuivre & du fer. Voyez l'article Fusion.

Lorsque le feu volatilise les parties du corps, on dit que ces parties se réduisent en vapeurs, & on donne à cette action le nom d'évaporation. Voyez Évaporation, Fumée, &c.

Après que le feu a dissipé les particules les plus subtiles des corps, il ne reste plus que les plus grossieres, qui par l'action du feu, ont cessé d'être adhérentes les unes aux autres. Voyez Cendres.

Des que les corps cessent d'être échauffés ou entretenus dans la chaleur qu'ils ont acquise, ils se condensent, & se condensent d'autant plus vîte que le fluide dans lequel ils nagent, contient moins de feu. C'est pour cela que les corps chauds qui se refroidissent, se condensent plus vîte, toutes choses d'ailleurs égales, que ceux qui sont moins chauds, parce que le fluide où ces corps nagent, est plus froid par rapport aux premiers. Les corps qui se raréfient le plus vîte par la présence du feu, sont aussi ceux qui se condensent le plus vîte dès que le feu cesse d'agir. Les fluides, ainsi que les solides, se dilatent par le feu, & se condensent par le froid.

Le fluide qui se dilate le plus & le plus promptement, est l'air; ensuite l'esprit - de - vin, l'huile de pétrole, celle de térebenthine, celle de navet, le vinaigre distillé, l'eau douce, l'eau salée, l'eau - forte, l'huile de vitriol, l'esprit - de - nitre, le vif - argent. C'est sur la dilatation des fluides par le feu, qu'est fondée la construction des thermometres. V. Thermometre.

Il résulte de ces différens faits, que les corps doivent se raréfier de plus en plus aux approches de l'été, & se condenser à celles de l'hyver; que les corps doivent se dilater davantage dans les pays plus chauds (c'est pour cela que le pendule d'un horloge se dilate davantage sous l'équateur que près des poles); qu'enfin les corps doivent se dilater le jour, & se condenser la nuit.

Au reste il y a des corps solides que le feu condense au lieu de les dilater, comme les bois, les os, les membranes, les cordes - à - boyau, &c.

Un verre épais & vuide que l'on approche subitement du feu, se casse & éclate en pieces, parce que la facilité du verre à être dilaté par le feu, fait que les parties extérieures sont d'abord violemment dilatées à l'approche du feu, tandis que les parties extérieures ne le sont pas encore, ce qui cause la séparation de ces parties. Au contraire quand le verre est mince, il ne se casse pas, parce que la dilatation se fait en même tems à l'intérieur & à l'extérieur.

De l'augmentation du poids des corps par le feu. Le feu en s'introduisant dans les corps, augmente leur poids; c'est ce que M. Musschenbroek prouve, art. 954 - 957 de ses Essais de I'hysique, par différentes expériences; on sent combien elles sont aisées à faire, puisqu'il ne s'agit que de peser un corps avant qu'il soit pénétré par le feu, & immédiatement après qu'il l'a été. Nous y renvoyons donc, & nous avertirons seulement que quand même on trouveroit dans certains cas un corps moins pesant après qu'il a été exposé au feu, qu'après qu'il a été refroidi, ou avant qu'il y fût expose, il ne faudroit pas se flater d'en rien conclure contre le principe général que nous avançons ici. Car les corps se dilatent par le feu; & par conséquent par les lois de l'hydrostatique, ils doivent perdre dans l'air une plus grande partie de leur poids, que quand ils ne sont pas dilatés. Si done ce surplus qu'ils perdent de leur poids est plus grand que le poids que le feu leur ajoûte, ils paroitront moins pesans, quoiqu'en effet ils le soient davantage. Mais si on fait l'expérience dans le vuide, alors l'augmentation du poids par le feu sera sensible.

Conséquences sur la matiere du feu, tirées des faits precédens. M. Musschenbroek conclut de - là avec M. Lemery & plusieurs autres (Voyez Chaleur.), que le feu est un corps particulier qui s'insinue dans les autres; que ce corps est pesant, qu'il est impénétrable, puisqu'il est refléchi par le miroir ardent; que ses parties sont très - subtiles, par conséquent fort solides & fort poreuses; qu'elles sont fort lisses & à ressort; qu'enfin elles peuvent être ou mûes avec beaucoup de rapidité (mouvement nécessaire pour produire la chaleur), ou en repos dans les pores des corps, comme dans ceux de la chaux. Nous passons legerement sur ces conclusions conjecturales.

Il n'y a, dit Boerhaave, aucune expérience par laquelle on a prouvé que le feu eût changé d'autres corps en véritable feu, quoique ces corps fussent la nourriture même du feu. Si donc le feu n'est pas en état de produire du feu de quelqu'autre matiere étrangere, il ne se trouvera non plus aucune matiere qui puisse le produire; car il n'y a en effet que le feu qui ait la vertu de produire du feu. Mais tout le feu est - il donc d'une seuie & même matiere, ou y en a - t - il de diverses sortes? nous l'ignorons. Si les écoulemens électriques ne sont que du feu, il y a, selon M. Musschenbroek, différentes sortes de feu.

Il est difficile, selon quelques philosophes, de penser que le feu ne soit autre chose que du mouvement, puisque le mouvement se perd en se communiquant, & que le feu s'augmente au contraire à mesure qu'il se communique. Cette preuve ne nous paroît pas sans réplique; car 1°. le mouvement peut s'augmenter par la communication, comme il arrive dans le choc des corps élastiques & dans les fluides. 2°. Il ne seroit pas moins difficile d'expliquer, en regardant le feu comme une matiere particuliere, comment une petite portion de cette matiere mise en mouvement, communique son mouvement avec tant de force & de rapidité à un beaucoup plus grand nombre d'autres parties de la même matiere.

Quelques physiciens ont pensé que le feu étoit plus approchant de la nature de l'esprit que de celle du corps; ils ont nié que ce fût une matiere. Cette opinion soûtenue avec esprit dans une dissertation moderne, est trop erronée pour mériter d'être refutée. D'autres ont crû que la nature du feu étoit de n'avoir point de pesanteur; les expériences dont nous venons de parler semblent prouver le contraire: & Boyle a, comme l'on sait, écrit un livre de ponderabilitate flammoe. Il est vrai (car pourquoi ne le pas avoüer?) que ces expériences ne sont pas rigoureusement démonstratives. Car l'excès de pesanteur qu'acquierent les corps calcinés, pourroit venir à la rigueur, non du feu qui est entré dans leurs pores, mais de quelque matiere étrangere qu'il a entraînée & qui s'y est jointe; mais comme on n'a point non plus de preuves de la jonction de cette matiere [p. 601] étrangere au feu, il est plus naturel de croire que l'augmentation de poids vient du feu même.

Au reste, il n'est pas inutile d'observer que de grands physiciens sont là - dessus peu d'accord entr'<-> eux: Lemery & Homberg tiennent pour le poids, & Boerhaave le nie; il prétend qu'ayant pesé une barre de fer embrasée, il ne l'a pas trouvée plus pesante; mais, comme on l'a déjà insinué, cette barre en augmentant de volume par le feu, pourroit avoir autant perdu de poids par cette augmentation, qu'elle pouvoit en avoir gagné par la quantité de feu introduite dans ses pores; ainsi cette expérience bien entendue seroit contre Boerhaave.

Le feu est il un fluide, comme plusieurs physiciens le prétendent? Il est certain qu'il a une des propriétés des fluides, la mobilité & la ténuité des parties; mais les fluides ont d'autres propriétés qui ne les caractérisent pas moins, & qu'on n'a point encore reconnus dans le feu, comme la propriété de presser également en tous sens, celle de se mettre de niveau, &c. Voyez Fluide.

Au reste, après avoir examiné & comparé les différentes opinions des Philosophes sur la matiere du feu, ce qu'il en résulte de plus certain, ou du moins de plus vraissemblable, c'est que le feu est une matiere particuliere & présente dans tous les corps. Les expériences de l'électricité ne laissent presque aucun lieu d'en douter. Voyez Electricité, & plus bas Feu électrique.

Divers phénomenes physiques du feu. L'eau chaude se refroidit bien plus vite dans le vuide que dans l'air; c'est le contraire du fer. M. Musschenbrock tente d'expliquer ce fait, en disant que l'eau manquant d'unile, & le fer au contraire en ayant beaucoup, il doit nourrir le feu plus long tems que l'eau; que de plus, le feu sort plus facilement de l'eau dans le vuide que dans l'air, au lieu qu'il sort plus difficilement du fer: explication que nous donnons pour ce qu'elle est.

Le bois luisant vermoulu, perd toute sa lurniere dans le vuide, & ne la reprend plus; au cor traire les mouches luisantes la perdent dans le vuide, & la reprennent à l'air.

Si on met dans un lieu spacieux plusieur, corps, tant solides que fluides de différente espece, & qu'on les y laisse pendant quelques heures sans donner aucune chaleur à l'endroit où ils sont, on trouvera par l'application du thermometre à ces corps, qu'ils sont tous devenus également chauds.

On observe que dans les maisons à plusieurs étages, l'é age supérieur est le plus chaud pendant le jour, & le plus froid pendant la nuit; parce que le feu qui a pénétré l'étage supérieur pendant le jour, descend pendant la nuit aux étages inférieurs.

Les observations du thermometre que M. Cossigny a saites dans son voyage aux Indes orientales, nous apprennent que la chaleur n'avoit pas été plus grande en aucun endroit pendant ce voyage, que celle qui fut observée en même tems à Paris. M. Musschenbroek paroît porte à conclure de - là, que la chaleur de l'été est à - peu - près égale dans tous les pays; on expliqueroit même ce phenomene en cas de besoin, par la plus longue ou la plus courte durée des jours qui compense le plus ou le moins d'obliquité des rayons du soleil. Sur quoi voyez Chaleur. Mais malheureusement le fait n'est pas vrai, & il est certain qu'il y a des pays, tel que le Sénégal & plusieurs autres, où il fait beaucoup plus chaud en été que dans nos climats. Voyez les mém. de l'Acad. de 1739.

Un même corps échauffé, appliqué sur un corps dur & dense, se refroidit beaucoup plus vîte qu'appliqué sur un corps mou & poreux, quoique le corps dur paroisse devenir moins chaud que le corps mou; il en est de même d'un corps chaud appliqué à des fluides de différente densité.

La main appliquée sur de la laine aussi chaude que du métal, trouve le métal plus froid, parce qu'elle le touche en un plus grand nombre de points. Voyez Froid, Dégel, & Glace.

Si on frote des corps durs & secs les uns contre les autres, ils s'échauffent & s'enflamment. Le seul frotement met le bois en feu; c'est pour cela que des forêts entieres se consument lorsque les branches des arbres sont agitées par un vent violent. Le frotement produit quelquefois non - seulement de la chaleur, mais de la lumiere. Voyez Électricité & Feuélectrique. Lorsque l'on bat un caillou en plein air avec un fusil d'acier, il en sort des étincelles brillantes & éclatantes, qui ne sont autre chose, du moins en grande partie, que des globules de métal sondu, puisque l'aimant les attire. Mais si l'on bat le caillou dans le vuide, les mêmes globules sortent sans faire d'étincelles, parce que l'huile qui est dans l'air ne prend pas flamme dans le vuide. Sur la nature des étincelles tirées de l'acier par la pierre à fusil, on peut voir un mém. de M. de Reaumur, dans le volume de l'Acad. pour l'année 1736.

On n'observe pas en général, que le frotement des fluides contre les corps solides, produise dans ces derniers du feu, ou même de la chaleur. On prétend cependant qu'un boulet de canon devient chaud en traversant l'air. Si ce fait est vrai, il me paroit difficile de l'attribuer à d'autres causes qu'au frotement, qu'éprouve le boulet en traversant l'air. En effet, cette chaleur ne pourroit guere venir, ni de la poudre qui s'enflamme & se dissipe trop vîte, ni du frotement du boulet contre les parois de la piece, qui n'est pas assez longue pour cet effet, & que le boulet parcourt d'ailleurs en trop peu de tems, ni des bonds que fait le boulet avant son repos, & qui par leur rapidité & leur peu de durée, ne paroissent guere propres à produire cet effet.

Les corps élastiques paroissent les plus propres à contenir ou à rassembler le feu; c'est en partie pour cela que l'acier trempé est meilleur que le fer souple pour faire sortir d'un caillou des étincelles; c'est aussi pour cette raison que les animaux les plus chauds sont ceux dont les vaisseaux ont beaucoup de solidité & d'élasticité.

Comme on ne peut guere douter ni que les corps ne contiennent du feu, ni qu'ils ne l'attirent, il y a apparence que les corps qu'on échauffe en les frotant, deviennent chauds, tant par le mouvement que ce frotement excite dans les parties du feu qu'ils contiennent, que par un nouveau feu qu'ils attirent dans leurs pores à l'aide du frotement. Si on enduit de quelque liqueur les corps que l'on frote, ils ne deviendront presque pas chauds, parce que l'on détruit par - là l'aspérité de leur surfaces, & par conséquent la vivacité du frotement.

Les corps blancs s'échauffent le plus difficilement, & les corps noirs le plus facilement; parce que les corps blancs refléchissent plus de rayons que les autres, & que les noirs au contraire en absorbent plus que les autres. Voyez Couleur, Blancheur, Noir , &c. Cela est si vrai, que si on enduit de noir, ou qu'on fasse avec une matiere noire un miroir ardent concave, il ne brûlera plus, ou brûlera beaucoup moins qu'un autre. Dans les pays où la terre est blanche, l'air est beaucoup plus chaud, & la terre plus fraîche qu'ailleurs, parce que les rayons sont refléchis en plus grand nombre. Les miroirs ardens de reflexion brùlent mieux en hyver qu'en été, apparemment parce qu'en été les pores étant plus larges, absorbent plus de rayons. Voyez Miroir ardent, Verre, Lentille & Foyer. [p. 602]

On a déjà dit que la lumiere de la lune ne produisoit aucune chaleur, étant rassemblée au foyer d'un miroir ardent. Suivant le calcul de M. Bouguer, la lumiere de la lune dans son plein est 3000000 fois moins dense que celle du soleil: or la lumiere du soleil rassemblée au foyer du miroir du jardin du Roi, n'est que 3.00 fois environ plus dense qu'auparavant: ainsi la lumiere de la lune rassemblée au foyer est encore 1000 fois moins dense que la lumiere directe du soleil. Faut - il s'étonner qu'elle ne produise aucune chaleur?

On rassemble le feu dans les corps en les laissant pourrir & fermenter en plein air; on le voit par les cadavres des animaux, qui s'échauffent & se corrompent. Le foin humide que l'on entasse s'échauffe aussi & même s'enflamme, &c. les raisons physiques de ces faits sont inconnues. Enfin on peut exciter le feu par le mélange de différens fluides, par exemple, de l'esprit de nitre avec le sel des plantes. Voyez Effervescence & Fermentation; & sur les raisons bonnes ou mauvaises qu'on a données de ce phénomene, voyez Attraction.

On a vû au mot Digesteur l'effet que produit sur les corps durs, tels que les os des animaux, la vapeur de l'eau élevée par le feu; on a vû aussi au mot Éolypile, l'effet du feu sur l'eau renfermée dans cet instrument.

Nous ajoûterons à ce qui a été dit dans cet article, que si on met l'éolypile sur des charbons ardens, comme il est représenté dans la fig. 28. de Phys. la compression de la vapeur sur l'eau qui est contenue dans l'éolypile, fait sortir l'eau du tuyau B C, sous la forme d'une fontaine, jusqu'à la hauteur de vingt piés: au contraire, si on retourne l'éolypile (toûjours rempli d'eau & placé sur le feu), en sorte que la partie A soit dessous, & par conséquent dans une situation opposée à celle qui est représentée dans la figure, alors il ne sort plus d'eau en forme de jet, mais la vapeur sort, comme nous l'avons dit, avec bruit, & en formant un vent violent.

Enfin nous avons parlé dans l'article Eau, des effets du feu dans les machines hydrauliques pour élever l'eau. Voyez aussi Pompe, Machine hydraulique , & à l'art. suivant, l'explication de la pompe à feu.

Je me contenterai d'exposer ici l'effet du feu pour élever de l'eau dans une machine assez simple, dont M. Musschenbroek fait la description dans son Essai de Physiq. paragr. 872. A, fig. 22 Pneumat. est un vase posé sur un fourneau D E, dont les ouvertures f,f,f, sont pour laisser échapper la fumée: ce vase est rempli d'eau jusqu'au robinet B; en sorte que depuis B jusqu'à A il est vuide: le feu étant allumé, la vapeur de l'eau monte par le tuyau G G, & de - là dans le vase H, en supposant que l'on tourne le robinet Y, qui forme ou ferme la communication entre G G & H; cette vapeur chasse l'air de tout l'espace H I M K O O: fermons ensuite le robinet Y, alors la soupape qui est en N, & qui s'ouvre de bas en haut, n'est plus pressée par l'air supérieur que le tuyau O O contenoit auparavant; & l'air extérieur pesant sur la surface de l'eau R, le fait monter par le tuyau R N; elle ouvre la soupape N, & remplit l'espace N K M I H; qu'on ouvre alors une seconde fois le robinet Y, une nouvelle vapeur rentrera dans H, pressera l'eau, & la fera monter par la soupape M (qui s'ouvre aussi de bas en haut), dans le tuyau O O; elle remplira le bacquet F, d'où elle retombera par le tuyau T R. Voy. un plus grand détail dans l'endroit cité de M. Musschenbroek.

Au reste, en renvoyant à l'article suivant, & à Machines hydrauliques, pour le détail & l'explication de la pompe à feu, nous ne pouvons trop nous presser d'observer que cette idée appartient primitivement aux François. En 1695, M. Papin proposa dans un petit ouvrage qu'il publia, la construction d'une nouvelle pompe, dont les pistons seroient mis en mouveraent par la vapeur de l'eau bouillante, alternativement condensée & raréfiée. Cette idée fut exécutée en 1705 par M. Dalesme, de l'académie des Sciences. Voyez l'histoire de cette année - là, p. 137. enfin les Anglois l'exécuterent en grand. C'est par le moyen de cette machine qu'on dessécha les mines de Condé en Flandres; les Anglois s'en servent aussi dans leurs mines de charbon; mais ils ne s'en servent plus pour élever les eaux de la Tamise, & cela par deux raisons, parce qu'elle consume trop de matiere, & qu'elle enfume toute la ville.

De l'aliment du feu. On appelle ainsi les corps qui servent à augmenter ou à entretenir le feu, & qui diminuant par son action s'évaporent insensiblement, comme les huiles que l'on tire ou de la terre, ou des végétaux, ou des animaux, ou de certains fluides. Voyez Huile, Phosphore, & sur - tout ce dernier article, où l'on trouvera les propriétés des corps qu'on appelle de ce nom, & qui contiennent en plus grande abondance que les autres la matiere du feu.

L'eau, ni les sels, ni la terre pure, ne peuvent nourrir le feu. Lorsque le feu sépare du reste de la masse les autres parties les plus grossieres de cette nourriture, savoir les parties aqueuses, salines, & terrestres, & même quelques parties oléagineuses, elles s'échappent sous la forme de fumée; & cette fumée attachée aux parois des cheminées, prend le nom de suie. Mais si les parties oléagineuses abondent dans la fumée, & se trouvent imprégnées de beaucoup de feu, alors la fumée se change en flamme. Voyez Flamme & Fumée. Nous renvoyons à ces articles, & sur - tout au premier, pour ne pas rendre celui - ci trop long.

Outre cette nourriture, pour ainsi dire terrestre, dont le feu a besoin pour se conserver, il est encore nécessaire que l'air y ait un acces libre, & que les parties grossieres de l'aliment, comme la fumée, soient détournées du feu. En effet, l'expérience prouve que le feu s'éteint très promptement dans la machine du vuide; & d'autant plus vîte qu'on pompera l'air plus vîte, & que le récipient sera plus petit & mieux fermé. On voit aussi qu'un corps reste d'autant plus long - tems allumé, qu'il jette moins de fumée, comme cela se voit dans la meche & les charbons de tourbes. Le feu s'éteint aussi très - promptement dans de longs vaisseaux ouverts & d'un diametre peu considérable, quoique l'on ne pompe pas l'air qu'ils renferment. Le feu ordinaire brûle mieux en hyver qu'en été, parce l'air étant plus condensé par le froid, retient plus long - tems dans les corps ignés les particules qui sont l'aliment du feu: c'est aussi par cette raison que le soleil éteint un charbon de tourbe quand il y darde ses rayons avec force, parce que la chaleur du soleil raréfie l'air environnant. Au reste, il y a des corps qui n'ont pas besoin d'air pour brûler, comme le phosphore d'urine renfermé dans une phiole vuide d'air, l'esprit de nitre versé dans le vuide sur l'huile de carvi, le minium brûlé dans le vuide avec un verre ardent.

Voilà l'extrait des principaux faits que M. Musschenbroek a rassemblés sur le feu, dans son Essai de Physiq. & auquel nous avons ajoûré quelques réflexions. Il termine ces faits par l'explication de plusieurs questions sur les éssets du feu; mais ces explications nous ayant paru purement conjecturales, & pour la plûpart peu satisfaisantes & assez vagues, nous prenons le parti d'y renvoyer le lecteur, s'il en est curieux. Voyez aussi les articles Froid, Chaleur, &c. [p. 603]

Ceux qui voudront s'instruire plus à fond sur cette matiere, pourront lire ce que M. Boerhaave a écrit sur le feu dans sa Chimie, & les dissertations couronnées ou approuvées par l'académie des Sciences de Paris en 1738, sur la nature du feu & sa propagation. Parmi les dissertations couronnées, il y en a une du célebre M. Euler, dans laquelle il explique d'une maniere ingénieuse la propagation du feu; on peut voir l'extrait de cette dissertation dans les leçons de Physique de M. l'abbé Nollet, tome IV. p. 190 & suiv. Aux trois dissertations couronnées l'académie en a joint deux autres qu'elle a jugées dignes de l'impression, parce qu'elles supposent (ce sont les termes des commissaires du prix) la lecture de plusieurs bons livres de Physique, & qu'elles sont remplis de vûes & de faits très - bien exposés. Une de ces dissertations est de feue madame la marquise du Châtelet, & l'autre est du célebre M. de Voltaire; il a mis à sa piece cette belle devise, qui contient & rappelle en deux vers toutes le propriétés du feu.

Ignis ubique latet, naturam amplectitur omnem; Cuncta parit, renovat, dividit, urit, alit. (O)

Avant que de passer à l'examen du feu envisagé chimiquement, donnons le détail de la pompe à feu.

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