ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"679"> dité; & on les multiplie aisément de graine, ou de bouture, pourvû qu'on s'y prenne dès le commencement du printems: mais les boutures doivent être plantées dans une terre naturelle, legere, sablonneuse, & au mois de Mai; elles y réussiront fort bien, & seront en état d'être mises au mois d'Août suivant dans des pots & couches chaudes, où on les laissera en plein air jusqu'au mois de Septembre; car les ficoïdes se plaisent à découvert, & les petites gelées ont de la peine à mordre dessus. Par rapport au tems de leur durée, la plûpart des especes en buisson veulent être renouvellées tous les deux ou trois ans, aussi bien que les especes rampantes; car les plantes de ce genre qui ont trois ans périssent souvent, ou si elles vivent, elles sont ordinairement mal - faites & délabrées.

Il est d'usage en plusieurs endroits d'Angleterre, de faire venir ces boutures sur une couche faite avec du tan, qui est un mélange, lequel, sans brûler les plantes, leur fournit une chaleur douce pendant trois ou quatre mois.

Il y a quelques especes de ficoïdes qui sont annuelles, & qu'on doit multiplier de graine tous les ans. Leurs feuilles sont d'abord à - peu - près comme celles de la tête de fleche, couvertes de petites vessies remplies d'un jus clair, qui les fait paroître comme autant de diamans lorsque le soleil donne dessus; mais à mesure que la plante grossit, les feuilles diminuent & changent de figure. Leurs branches sont couvertes de vésicules transparentes, & produisent au mois de Septembre des petites fleurs blanches. Cette espece passera l'hyver, pourvû qu'on fasse lever les jeunes plantes vers le mois de Juillet & d'Août; car alors elles ne se disposeront point à fleurir pendant trois ou quatre mois.

Il y a une autre espece de ficoïdes qui sont nains, & qui ont la même forme que l'aloès; ils croissent toûjours fort près de terre, sans pousser de branches. La plûpart durent cinq ou six ans sans être renouvellées; mais elles pourront perdre quelques - unes de leurs feuilles les plus proches de terre, si la surface du terrein n'est pas couverte de déconibres criblés, qui contribuent à boire l'humidité, & à empêcher les feuilles de se pourrir. Ces especes basses ont ordinairement les feuilles plus succulentes, & par conséquent ont plus à craindre l'hamidité que les autres: on les plante sur de petites élévations de terre au milieu des pots.

Pareillement, quelques - unes des especes rampantes, qui ont les feuilles bien succulentes & les tiges tendres, doivent être mises dans une terre dont le sommet soit couvert d'une couche mince de décombres, ou de cendres de charbon de terre, pour empêcher que le trop d'humidité ne les pourrisse. La terre que l'on destine à chaque espece de cette plante, doit être legere & sablonneuse, & mêlée avec une quatrieme partie de décombres.

Les especes en buisson dont la tige est ligneuse, doivent être arrosées modérément. Cette classe de ficoïdes demande la chaleur & l'avantage du soleil, sans quoi leurs fleurs ne s'épanoüiroient jamais, à l'exception des especes qui ne fleurissent que la nuit. Il est bon de ne planter les boutures, que quand la cicatrice de leur coupe est formée.

Les ficoïdes sont très - diversifiés par la couleur de leurs fleurs blanches, jaunes, dorées, orangées, bleues, pourpres, écarlates; & même quelques especes sont continuellement en fleurs. Un des plus remarquables ficoïde est celui que les Anglois nomment diamond plant, ou ice plant, & les Botanistes ficoide d'Afrique, à fleurs de plantain ondées, argentées, & brillantes comme des facettes de glace. Miller a trouvé le secret d'en perfectionner la culture, & de faire venir en Angleterre la tige, les branches & les feuilles de cette espece, plus belles qu'en Afrique. Voyez ce qu'il dit à ce sujet dans son dictionnaire des plantes de jardin, & joignez - y l'ouvrage de Bradley, intitulé Historia plantar. succulentar. ornée de figures en taille - douce, & dont les diverses décades ont paru successivement à Londres en 1716, 1717, 1725, & 1727, in - 4°. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FICTIF ou FICTICE (Page 6:679)

FICTIF ou FICTICE, adj. (car ces deux mots paroissent l'un & l'autre en usage), se dit, en Philosophie, des choses qu'on suppose sans fondement; un être fictif, une hypothese fictice. Fictif paroît aujourd'hui plus usité; fictice est plus analogue au latin fictitius, qui a le même sens.

Fictif (Page 6:679)

Fictif, (Jurisprud.) se dit de quelque chose qui n'est point réel, mais que l'on suppose par fiction; par exemple, une rente, un office, sont des immeubles fictifs, au lieu qu'un héritage est un immeuble réel. Voyez Immeubles. Il y a des propres fictifs, qui sont les deniers stipulés propres. Voyez Propres. (A)

Fictif (Page 6:679)

Fictif, (Docimast.) Voyez Poids fictif.

FICTION (Page 6:679)

FICTION, s. f. (Belles - Lettres.) production des Arts qui n'a point de modele complet dans la nature.

L'imagination compose & ne crée point: ses tableaux les plus originaux ne sont eux - mêmes que des copies en detail; & c'est le plus ou le moins d'analogie entre les différens traits qu'elle assemble, qui constitue les quatre genres de fiction que nous allons distinguer; savoir, le parfait, l'exagéré, le monstrueux, & le fantastique.

La fiction qui tend au parfait, ou la fiction en beau, est l'assemblage régulier des plus belles parties dont un composé naturel est susceptible, & dans ce sens étendu, la fiction est essentielle à tous les arts d'imitation. En Peinture, les Vierges de Raphael & les Hercules du Guide, n'ont point dans la nature de modele individuel; il en est de même en Sculpture de la Vénus pudique & de l'Apollon du Vatican; en Poësie de Cornélie & de Didon. Qu'ont fait les Artistes? ils ont recueilli les beautés éparses des modeles existans, & en ont composé un tout plus ou moins parfait, suivant le choix plus ou moins heureux de ces beautés réunies. Voyez dans l'article Critique, la formation du modele intellectuel, d'après lequel l'imitation doit corriger la nature.

Ce que nous disons d'un caractere ou d'une figure, doit s'entendre de toute composition artificielle & imitative.

Cependant la beauté de composition n'est pas toûjours un assomblage de beautés particulieres. Elle est relative à l'effet qu'on se propose, & consiste dans le choix des moyens les plus capables d'émouvoir l'ame, de l'étonner, de l'attendrir, &c. Ainsi la furie qui poursuit Io, doit être décharnée; ainsi le gardien d'un serrail doit être hideux. La bassesse & la noirceur concourent de même à la beauté d'un tableau héroïque. Dans la tragédie de la mort de Pompée, la composition est belle autant par les vices de Ptolemée, d'Achillas, & de Septime, que par les vertus de Cornélie & de César. Un même caractere a aussi ses traits d'ombre & de lumiere, qui s'embellissent par leur mélange: les sentimens bas & lâches de Felix achevent de peindre un politique. Mais il faut que les traits opposés contrastent ensemble, & ne détonnent pas. Narcisse est du même ton que Burrhus; Tersite n'est pas du même ton qu'Achille.

C'est sur - tout dans ces compositions morales, que le peintre a besoin de l'étude la plus profonde, non seulement de la nature entant que modele, pour l'imiter, mais de la nature spectatrice pour l'intéresser & l'émouvoir.

Horace, dans la peinture des moeurs, laisse le [p. 680] choix ou de suivre l'opinion, ou d'observer les convenances; mais le dernier parti a cet avantage sur le premier, que dans tous les tems les convenances suffisent à la persuasion & à l'intérêt. On n'a besoin de recourir ni aux moeurs ni aux préjugés du siecle d'Homere, pour fonder les caracteres d'Ulysse & d'Achille: le premier est dissimulé, le poëte lui donne pour vertu la prudence: le second est colere, il lui donne la valeur. Ces convenances sont invariables comme les essences des choses, au lieu que l'autorité de l'opinion tombe avec elle: tout ce qui est faux est passager: l'erreur elle - même méprise l'erreur: la vérité seule, ou ce qui lui ressemble, est de tous les pays & de tous les siecles.

La fiction doit donc être la peinture de la vérité, mais de la vérité embellie, animée par le choix & le mélange des couleurs qu'elle puise dans la nature. Il n'y a point de tableau si parfait dans la disposition naturelle des choses, auquel l'imagination n'ait encore à retoucher. La nature dans ses opérations ne pense à rien moins qu'à être pittoresque. lci elle étend des plaines, où l'oeil demande des collines; là elle resserre l'horison par des montagnes, où l'oeil aimeroit à s'égarer dans le lointain. Il en est du moral comme du physique. L'histoire a peu de sujets que la Poësie ne soit obligée de corriger & d'embellir pour les rendre intéressans. C'est donc au peintre à composer des productions & des accidens de la nature un mélange plus vivant, plus varié, plus touchant que ses modeles. Et quel est le mérite de les copier servilement? Combien ces copies sont froides & monotones, auprès des compositions hardies du génie en liberté? Pour voir le monde tel qu'il est, nous n'avons qu'à le voir en lui - même; c'est un monde nouveau qu'on demande aux Arts; un monde tel qu'il devroit être, s'il n'étoit fait que pour nos plaisirs. C'est donc à l'artiste à se mettre à la place de la nature, & à disposer les choses suivant l'espece d'émotion qu'il a dessein de nous causer, comme la nature les eût disposées elle - même, si elle avoit eu pour premier objet de nous donner un spectacle riant, gracieux, ou pathétique.

On a prétendu que ce genre de fiction n'avoit point de regle sûre, par la raison que l'idée du beau, soit en Morale, soit en Physique, n'étoit ni absolue ni invariable. Quoi qu'il en soit de la beauté physique, sur laquelle du moins les notions éclairées & polies sont d'accord depuis trois mille ans, la beauté morale est la même chez tous les peuples de la terre. Les Européens ont trouvé une égale vénération pour la justice, la générosité, la constance, une égale horreur pour la cruauté, la lâcheté, la trahison, chez les sauvages du nouveau monde, que chez les peuples les plus vertueux.

Le mot du cacique Guatimosin, & moi, suis - je sur un lit de roses? auroit été beau dans l'ancienne Rome; & la réponse de l'un des proscrits de Néron au licteur, utinam tu tam fortiter ferias, auroit été admirée dans la cour de Montésuma.

Mais plus l'idée & le sentiment de la belle nature sont déterminés & unanimes, moins le choix en est arbitraire, & plus par conséquent l'imitation en est difficile, & la comparaison dangereuse du modele à l'imitation. C'est - là ce qui rend si glissante la carriere du génie dans la fiction qui s'éleve au parfait; c'est sur - tout dans la partie morale que nos idées se sont étendues. Nous ne parlons point de cette anatomie subtile qui recherche, s'il est permis de s'exprimer ainsi, jusqu'aux fibres les plus déliées de l'ame: nous parlons de ces idées grandes & justes, qui embrassent le système des passions, des vices & des vertus, dans leurs rapports les plus éloignés. Jamais le coloris, le dessein, les nuances d'un caractere; jamais le contraste des sentimens & le combat des intérêts n'ont eu des juges plus éclairés ni plus rigoureux; jamais par conséquent on n'a eu besoin de plus de talens & d'étude pour réussir, aux yeux de son siecle, dans la fiction morale en beau. Mais en même tems que les idées des juges se sont épurées, étendues, élevées, le goût & les lumieres des Peintres ont dû s'épurer, s'élever, & s'étendre. Homere seroit mal reçu aujourd'hui à nous peindre un sage comme Nestor; mais aussi ne le peindroit - il pas de même. On voit l'exemple des progrès de la poésie philosophique dans les tragédies de M. de Voltaire. Les premiers maîtres du théatre sembloient avoir épuisé les combinaisons des caracteres, des intérêts, & des passions; la Philosophie lui a ouvert de nouvelles routes. Mahomet, Alzire, Idamé, sont du siecle de l'Esprit des lois; & dans cette partie même, le génie n'est donc pas sans ressource, & la fiction peut encore y trouver, quoiqu'avec peine, de nouveaux tableaux à former.

La nature physique est plus féconde & moins épuisée; & sans nous mêler de pressentir ce que peuvent le travail & le génie, nous croyons entrevoir des veines profondes, & jusqu'ici peu connues, où la fiction peut s'étendre, & l'imagination s'enrichir. Voyez Epopée.

Il est des arts sur - tout pour lesquels la nature est toute neuve. La Poésie, dans sa course rapide, semble avoir tout moissonné; mais la Peinture, dont la carriere est à - peu - près la même, en est encore aux premiers pas. Homere, lui seul, a fait plus de tableaux que tous les Peintres ensemble. Il faut que les difficultés méchaniques de la Peinture donnent à l'imagination des entraves bien gênantes, pour l'avoir retenue si long tems dans le cercle étroit qu'elle s'est prescrit.

Cependant dès qu'un génie audacieux & mâle a conduit le pinceau, on a vû éclore des morceaux sublimes; les difficultés de l'art n'ont pas empêché Raphael de peindre la transfiguration, Rubens le massacre des innocens, Poussin les horreurs de la peste & le déluge, &c. Et combien ces grandes compositions laissent au - dessous d'elles tous ces morceaux d'une invention froide & commune, dans lesquels on admire sans émotion des beautés inanimées! Qu'on ne dise point que les sujets pathétiques & pittoresques sont rares; l'Histoire en est semée, & la Poésie encore plus. Les grands poëtes semblent n'avoir écrit que pour les grands peintres: c'est bien dommage que le premier qui, parmi nous, a tenté de rendre les sujets de nos tragédies (Coypel), n'ait pas eu autant de talent que de goût, autant de génie que d'esprit! C'est - là que la fiction en beau, l'art de réunir les plus grands traits de la nature, trouveroit à se déployer. Qu'on s'imagine voir exprimés sur la toile Clitemnestre, Iphigénie, Achille, Eriphile, & Arcas, dans le moment où celui - ci leur dit:

Gardez - vous d'envoyer la princesse à son pere. ... Il l'attend à l'autel pour la sacrifier.

Le cinquieme acte de Rodogune a lui seul de quoi occuper tout la vie d'un peintre laborieux & fécond. Rappellons - nous ces momens:

Une main qui nous fut bien chere! Madame, est - ce la vôtre ou celle de ma mere? . . . . . . . . . . . . . . . . . Faites - en faire essai . . . . . Je le ferai moi - même. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Seigneur, voyez ses yeux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Va, tu me veux en vain rappeller à la vie. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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