ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"523"> pas une seule fois. Enfin, dans la supposition même de Schuyl, l'effervescence fermentative qui se fait entre les deux ligatures du boyau, ne prouve pas qu'elle se fasse sans ligature; il est démontré au contraire qu'il n'en paroît pas le moindre indice dans les animaux vivans, pas même dans le cas où le suc pancréatique, par l'insertion de son canal dans le cholidoque, se trouve mêlé avec la bile dans un lieu si resserré, avant que de couler dans l'intestin: ce mélange se fait avec aussi peu d'agitation que celui de l'eau avec de l'eau. Il y a plusieurs animaux dont le suc pancréatique & la bile coulent à de très - grandes distances dans le canal intestinal, ensorte qu'ils sont mêlés avec d'autres fluides, avec les alimens, & ont ainsi perdu beaucoup de leur énergie avant de s'unir l'un à l'autre. Ces animaux ne font pas moins bien leurs fonctions, relativement à la chylification; ils n'en vivent pas moins sainement. Voyez Pancréatique (suc), Bile, Digestion, pour y trouver l'exposition des véritables usages de ces fluides digestifs dans l'économie animale, connue d'après la nature seule, & non d'après les préjugés, les fruits de l'imagination.

Celle des fermentateurs étoit si féconde en ce genre, qu'il n'y avoit aucune circonstance de la chylification à laquelle ils ne fissent l'application de leur principe, que tout s'opere dans le corps humain par fermentation. Il paroît d'abord assez singulier que les alimens dont nous usons pour la plûpart, qui sont de nature & de couleur si différentes, étant pris séparément ou mêlés dans les premieres voies, fournissent également un extrait toûjours uniforme, toûjours de couleur laiteuse: Willis, avec d'autres partisans de la fermentation, ne trouverent pas la moindre difficulté à lui attribuer encore ce phénomene. Ils penserent que ce ne pouvoit être que l'effet de la combinaison du soufre & du sel volatil des alimens avec l'acide du ventricule & des intestins, de la même maniere, par exemple, que l'esprit de corne de cerf, ou une dissolution de soufre faite avec un fluide lixiviel, ou l'extrait résineux des végétaux, blanchissent, deviennent laiteux par l'affusion d'un acide: mais l'erreur est manifeste dans ceste explication; car ces sortes de mélanges qui forment ce qu'on appelle des laits virginaux, n'operent ce changement qu'autant qu'ils disposent à une précipitation de la partie résineuse, qui étant d'abord suspendue dans son véhicule comme un sable fin, qui le rend d'un blanc opaque, ce véhicule perd bientôt après sa blancheur, se clarifie ensuite, la pondre résineuse tombant au fond du vase qui contient le mélange: mais il n'arrive rien de pareil à l'égard du chyle, qui conserve constamment sa couleur laiteuse jusqu'à ce qu'il soit intimement mêlé avec le sang, & peut - être même jusqu'à ce qu'il soit décomposé par l'action des organes qui le convertilsent en sang. Voyez Sanguification. D'ailleurs, l'existence du ferment acide dans les premieres voies étant démontrée faussement supposée, joint à ce que les parties sulphureuses & salines ne sont pas toûjours en même proportion dans les alimens, quoique le chyle ait toûjours le même degré de blancheur, les fondemens de l'explication dont il s'agit manquent de tous les côtés.

Cependant non - seulement la couleur du chyle, mais encore l'odeur des matieres fécales a paru à certains fermentateurs devoir être attribuée à l'effet de quelque ferment. Vanhelmont ne se contentant pas de la précipitation ci - dessus mentionnée pour la séparation des parties excrémenteuses des alimens & des sucs digestifs, parce qu'il ne la trouvoit pas suffisante pour rendre raison de la puanteur que contractent assez promptement ces excrémens lorsqu'ils sont parvenus dans les gros intestins, crut devoir attribuer ce changement à un ferment stercoral, c'est - à - dire, destiné à exciter la putrefaction dans les matieres fécales, en se mêlant avec elles, & y faisant naître une fermentation corruptive pour les faire dégénérer en matieres absolument stercorales. Il faisoit résider ce ferment dans l'appendice vermiforme qui le fournissoit continuellement à la cavité du boyau coecum; Voyez ses oeuvres, sextupl. digest. paragr. 81. mais il ne donne aucune preuve de l'existence d'un tel ferment; il répugne d'ailleurs à ce qu'exige l'économie animale saine, qui est si ennemie de toute sorte de pourriture, que la Nature ait fournie elle - même, dans une partie du corps, une cause toûjours existante de putréfaction. Il étoit cependant bien peu nécessaire, ce me semble, d'y avoir recours, sur - tout pour celle des excrémens. La disposition qu'ont toutes les humeurs animales à contracter ce genre de corruption, lorsqu'elles sont retenues dans un lieu chaud & humide; les parties grossieres des différens sucs digestifs, & sur - tout de la bile alkalescente de sa nature, mêlées avec le marc des alimens aussi putrescibles pour la plûpart, suffisent pour y produire le genre de corruption & la puanteur qu'ils ont dans les gros boyaux. Voyez Déjection. Les différentes combinaisons, dans le concours des puissances tant physiques que méchaniques, qui coopérant à tout l'ouvrage de la digestion dans les différens animaux, établissent les différences essentielles que l'on observe dans les matieres fécales de chaque espece d'animal, sans recourir à autant de sortes de fermens.

Il ne reste plus rien à dire de la fermentation concernant les premieres voies. Si les disciples n'étoient pas toûjours excessifs dans le parti qu'ils prennent en faveur d'un maître fameux par quelque nouveaute, lorsquelle est attaquée; si les sectaires ne se faisoient pas un devoir, une gloire d'enchérir sur les écarts de leur chef, en quelque genre que ce soit, les fermentateurs se seroient bornés avec Vanhelmont, à faire usage de leur grand principe de l'effervescence fermentative des acides avec les alkalis, pour la seule chylification; car cet auteur dit expressément que tout acide est ennemi du corps humain, dans quelque partie qu'il se trouve, excepté l'estomac & le duodenum, attendu qu'il suppose que son ferment acide mêlé avec le chyle, a changé de nature par son union avec la bile. S'il n'y a point, selon lui, d'acide naturellement dans le sang, il ne peut y avoir de fermentation, dans le sens de ce chimiste.

Mais Sylvius, Dissert. VIII. 63. X. 58. & toute sa secte, trouverent que l'idée de cette puissance physique étoit trop féconde en moyens de rendre raison de tout dans l'économie animale, pour qu'ils ne s'empressassent pas à l'introduire dans les secondes voies, pour étendre son influence sur toutes les fonctions. Ils imaginerent donc que le chyle étant imprégné d'acides par son mélange avec le ferment stomachal & le suc pancréatique, & par son union à la lymphe des glandes conglobées du mésentêre, supposée acide & rendue telle par son séjour dans les glandes, avec la propriété conséquente de continuer, dans toutes les voies du chyle, la fermentation commencée entre tous les fermens digestifs, devoit, étant portée dans toute la masse du sang avec son acidité dommante, nécessairement fomenter ou produire une effervescence avec ce fluide alkalescent de sa nature; ce qui formoit le mouvement intestin qui étoit attribué au sang pour conserver sa fluidité.

Voici quelques observations tirées de l'Essai de Physique sur l'usage des parties du corps humain, attribue à M. Senac, qui pourront faire juger combien les expériences sont contraires à cette opinion. [p. 524] 1°. Le chyle d'un animal bien sain, nourri d'alimens qui ne soient pas pour la plûpart acescens ou alkalescens, étant mêlés avec des acides ou des alkalis, ne bouillonne pas: s'il est arrivé quelquefois qu'il ait paru bouillonner, c'est à cause de la grande quantité des substances de l'une ou de l'autre nature, qui ont fourni le chyle; il n'est pas surprenant qu'il arrive quelque ébullition par le mélange des sels acides ou alkalis. 2°. Quand on reçoit le chyle dans un vaisseau, on ne remarque pas d'ébullition: cependant, selon les fermentateurs, cela devroit arriver quand le chyle est tiré du canal torachique: car c'est alors que les sels de nature opposée qu'il renferme, doivent agir les uns sur les autres; mais on a beau examiner le chyle dans le canal même avec le microscope, on n'y observe pas le moindre mouvement. Ces deux raisons sont suffisantes pour prouver qu'il ne doit pas fermenter avec le sang; car il ne peut pas trouver dans le sang quelque cause de fermentation plus forte que le mélange des acides avec les alkalis: mais voici encore des raisons plus pressantes. 3°. Si on lie la veine où le chyle se décharge, on n'y remarque aucune effervescence dans le tems qu'il se mêle avec le sang: quelque chose qu'on dise, on ne sauroit l'établir. 4°. Les matieres qui composent le sang sont huileuses en bonne partie: or on sait par la Chymie, que les huiles grasses empêchent les fermentations. Les acides du vinaigre qui ont dissous le plomb, & qui sont mêlés avec beaucoup d'huile, comme l'analyse nous l'apprend, ne bouillonnent point avec les alkalis. Il y a plusieurs autres exemples qu'il seroit trop long de rapporter ici. 5°. Jamais il n'y a eu de fermentation sans repos dans les substances fermentescibles, c'est - à - dire, qu'elles ne doivent être agitées par aucune cause externe. Or comment trouver ce repos dans le sang, qui est porté par tout le corps avec une assez grande rapidité?

Mais, dira - t - on, d'où vient la chaleur animale? la fermentation n'est - elle pas absolument nécessaire pour la produire? Voyez ce qui a été dit à ce sujet dans l'excellent article fourni par M. Venel, sur la chaleur animale.

Les Chymistes ont aussi crû trouver la cause de la rougeur du sang dans divers mélanges, comme de l'alkali avec des matieres sulphureuses, avec le nitre de l'air. Voyez Sang.

Les opinions ayant été fort partagées au sujet du mouvement du coeur, de ce qui cause sa dilatation & sa contraction, de ce qui lui donne la force de pousser le sang dans toutes les parties du corps, & de ce qui le force à recevoir ensuite le sang qui est rapporté de toutes ces parties; les anciens & quelques auteurs du siecle passé croyoient déjà qu'il y avoit un feu concentré qui étoit la cause du mouvement de cet organe. Lorsque Descartes, qui portoit ses vûes sur tout, produisit un sentiment qui ne différoit pas beaucoup de celui - là, comme on ne parloit de son tems que de ferment & de fermentation dans les écoles de Medecine, il en prit le ton, lui qui le donnoit alors à toutes les écoles de Philosophie. Selon lui, il y a un ferment dans le coeur, qui donne aux humeurs une grande expansion: dès qu'une goutte de sang tombe dans cet organe, elle se raréfie, éleve les parois du coeur par l'augmentation de son volume, ouvre au sang qui suit un passage; les ventricules se trouvant ainsi remplis, le sang par sa raréfaction s'élance dans les arteres, & alors les parois du coeur retombent par elles - mêmes.

On omettra ici les expériences qui renversent l'opinion de Descartes, en tant qu'elles prouvent qu'il n'y a pas plus de chaleur dans le coeur, que dans toutes les parties internes du corps humain; que le sang ne sort pas du coeur durant sa dilatation, mais durant sa contraction; que le battement du coeur & des arteres qui se fait en même tems, l'a induit en erreur, parce qu'il croyoit que le coeur, ainsi que les arteres, ne pouvoit battre qu'en se remplissant. On peut trouver, par la raison seule, des difficultés contre cette cause prétendue du mouvement du coeur, qu'il est impossible de résoudre. Une goutte de sang qui entre dans le coeur se raréfie, & ouvre les ventricules au sang qui suit; mais ce sang qui suit ne doit - il pas de même tenir les cavités du coeur ouvertes à celui qu'il précede? & si cela est ainsi, n'est - il pas impossible que les parois du coeur se resserrent jamais? D'ailleurs comment peut - on rendre raison de la nature, de l'origine, de la reproduction continuelle du ferment, auquel on attribue des effets si merveilleux? Comment peut - on concevoir que dans moins d'une seconde ce ferment puisse échauffer & changer si fort le sang veineux, qu'il lui donne la force de surmonter la résistance de toutes les arteres, de tout le poids de l'atmosphere? C'en est assez pour se convaincre que cette opinion, qui n'avoit coûté qu'un instant à l'imagination, a pû être détruite par un instant de réflexion.

Ainsi la secte chimique, après avoir fait dépendre de la fermentation, ou de quelque puissance physique analogue, les principaux changemens qui se font dans les humeurs primitives, voulut encore transporter dans tous les organes où sont préparées celles qui en dérivent, les fermens des laboratoires, pour leur faire opérer toute la variété des secrétions; on imagina donc que dans chaque couloir il y a des levains particuliers qui changent les fluides qui y abondent par le mélange qui se fait entre eux, & par les effets qui s'ensuivent, c'est à - dire toûjours par une fermentation ou une effervescence: mais rien ne prouve ce sentiment, qui est d'ailleurs combattu par une raison d'expérience sans replique. Chaque organe secrétoire ne devroit jamais filtrer que le fluide qui a du rapport avec le ferment dont il est imbu; ou lorsqu'il arrive que quelqu'autre fluide y pénetre, celui qui est étranger devroit participer de la nature que le ferment de cet organe a la propriété de donner, ou au moins perdre quelque chose de sa nature par l'effet d'un mélange qui doit lui être bien hétérogene: cependant dans l'ictere la bile comme bile se répand dans toutes les parties du corps, & par conséquent dans tous les couloirs des secrétions; elle se mêle donc avec tous les fermens sans en changer de qualité. D'ailleurs, d'où viennent les fermens supposés? où est l'organe particulier qui les fournit, qui les renouvelle continuellement? Il n'a pas encore été fait une réponse solidement affirmative à ces questions. Voyez Secrétion.

Après avoir parcouru toutes les parties du corps, pour y voir tous les différens usages que les fermentateurs ont fait de leur principe, pour en tirer l'explication de presque tous les phénomenes de l'économie animale saine, ce seroit ici le lieu de voir comment ils se sont encore servis de la fermentation pour rendre raison des principales causes prochaines des maladies, telles que celles de la fievre, de l'inflammation; pour faire connoître à quoi doivent être attribués les grands effets de ces causes, tels que la coction, la crise: mais outre que cela meneroit trop loin pour cet article - ci, on s'exposeroit à des répétitions; d'ailleurs il n'est pas difficile d'imaginer le rôle que l'on a fait joüer à la fermentation pour la fievre, la coction, la crise, voyez les articles où il est traité de ces choses. Ainsi voyez Fievre, Coction, Crise

Tout ce qui a été dit jusqu'ici au sujet de la fermentation, n'est, ainsi qu'il a été annoncé, que l'histoire des erreurs qu'a produites l'abus du terme & de la chose; du terme, parce qu'on n'avoit point déterminé sa signification caractéristique, parce qu'on con<pb->

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