ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"499"> faut observer que les feuilles extérieures, celles qui touchent immédiatement à l'enclume & au marteau, ne s'étendent pas autant que celles qui sont renfermées entr'elles, celles - ci conservant la chaleur plus long - tems, & cedant par conséquent aux coups plûtôt & plus long - tems.

Après cette premiere façon, parmi ces feuilles on en entre - larde quelques - unes qui dans le travail précédent n'avoient pas été assez étendues; puis on fait la même opération sur tous les paquets ou trousses. On remet au feu chaque paquet entre - lardé, on chauffe. Quand le tout est assez chaud, on retire les feuilles du feu par paquets d'environ cent feuilles chacun. On divise un paquet en deux parties égales, & l'on applique ces deux parties de maniere que ce qui étoit en - dedans se trouve en - dehors. On les porte en cet état sous le gros marteau, on bat, on épuise la trousse: on entre - larde encore des feuilles de rebut, on remet au feu, on retire du feu: on divise encore en deux parties chaque paquet, remettant le dedans en - dehors, & l'on bat pour la troisieme fois sous le marteau. Il faut observer que dans les deux dernieres opérations on ne remet plus en trousse, on se contente seulement de rechauffer par paquet. Dans la succession de ce travail, chaque feuille a eu un côté tourné vers le dedans de la trousse ou du paquet, & un côté tourné vers le marteau, & exposé à l'action immédiate du feu. Ce dernier côté a nécessairement été mieux plané que l'autre, plus net, moins chargé de crasse; ce qui produit aussi quelque inégalité dans le succès de l'étamage.

Tandis qu'on forme une nouvelle trousse dans la forge A, & que des feuilles s'y préparent à être mises dans l'état où nous avons conduit celles - ci, les mêmes ouvriers rognent; ils se servent pour cet effet d'une cisaille, & d'un chassis qui détermine l'étendue de la feuille. Chaque feuille est rognée séparément. Quand les feuilles sont rognées & équarries, opération dans laquelle chaque feuille pliée se trouve coupée en deux, la cisaille emportant le pli, on prend toutes ces feuilles, on en forme des piles sur deux grosses barres de fer rouge qu'on met à terre; on contient ces piles par une ou deux autres grosses barres de fer rouges qu'on pose dessus.

Cependant les feuilles de la trousse en travail, du paquet qui suit, s'avancent jusqu'à l'état d'être équarries; mais dans la chaude qui précede immédiatement leur équarrissage, on divise chaque paquet en deux, & l'on met entre ces deux portions égales de feuilles non - équarries, une certaine quantité de feuilles équarries: on porte le tout sous le gros marteau; on bat, & les feuilles équarries reçoivent ainsi leur dernier poli. Après cette opération, les feuilles équarries des paquets iront à la cave, & les non - équarries, à la cisaille.

De ces feuilles prêtes à aller à - la cave, les unes sont gardées en tôle, ce sont les moins parfaites; les autres sont destinées à être mises en fer blanc. Avant que de les y porter, on les décape grossierement au grès, puis elles descendent à la cave ou étuve, où elles sont mises dans des tonneaux pleins d'eaux sûres, c'est - à - dire dans un mélange d'eau & de farine de seigle, à laquelle on a excité une fermentation acéteuse, par l'action d'une grande chaleur répandue & entretenue par des fourneaux F dans ces caves, où il put fort, & où il sait très - chaud. C'est - là qu'elles achevent de se décaper, c'est - à - dire que la crasse de forge qui les couvre encore, en est tout - à - fait enlevée. Peut - être feroit - on bien d'enlever en partie cette crasse des feuilles avant que de les mettre dans l'eau sûre; cette eau en agiroit sûrement d'autant mieux. Les feuilles passent trois fois vingt - quatre heures dans ces eaux, où on les tourne & retourne de tems en tems, pour les exposer à l'action du fluide en tout sens; puis on les retire, & on les donne à des femmes G, qui se servent pour cet effet de sable, d'eau, de liége, & d'un chiffon: cela s'appelle blanchir, & les ouvriers & ouvrieres occupés à ce travail, blanchisseurs. Après l'écurage ou blanchiment des feuilles, on les jette à l'eau pour les préserver de la grosse rouille; la rouille fine qui s'y forme, tombe d'elle - même: c'est de - là qu'elles passent à l'étamage.

L'attelier d'étamage E consiste en une chaudiere de fer fondu, E, placée dans le milieu d'une espece de table de plaques de fer inclinées legerement vers la chaudiere qu'elles continuent proprement. Cette chaudiere a beaucoup plus de profondeur que n'a de hauteur la feuille qui s'y plonge toûjours verticalement, & jamais à plat; elle contient 1500 à 2000 d'étain. Dans le massif qui soûtient ceci, est pratiqué un four, comme de boulanger, dont la cheminée est sur la gueule, & qui n'a d'autre ouverture que cette gueule, qui est opposée au côté de l'étameur. Ce four se chauffe avec du bois.

L'étamage doit commencer à six heures du matin. La veille de ce jour, l'étameur met son étain à fondre en F à dix heures du soir; il fait feu, son étain est bientôt fondu: il le laisse six heures en fusion, puis il y introduit l'arcane, qu'on ignore; il est à présumer que c'est du cuivre, & ce soupçon est fondé sur ce que la chose qu'on ajoûte doit servir à la soudure: or le cuivre peut avoir cette qualité, puisqu'il est d'une fusibilité moyenne entre le fer & l'étain. Peut - être faudroit - il employer celui qui a été enlevé des vaisseaux de cuivre étamés, & qui a déjà avec lui une partie d'étain. Il ne faut ni trop ni trop peu d'arcane. L'arcane est en si petite quantité dans l'étain, qu'en enlevant l'étamage d'un grand nombre de plaques de fer étamées, & faisant l'essai de cet étain, on ne peut rendre l'addition sensible: il faut donc très - peu d'addition. Nous pouvons assûrer que c'est un alliage; mais s'il en faut peu, il ne faut non plus ni trop ni trop peu de feu. Mais ces choses ne se décrivent point, & font l'ouvrier; elles consistent dans un degré qui ne s'apprécie que par l'usage.

On fait fondre l'étain sous un tectum de suif de quatre à cinq pouces d'épaisseur, parce que l'étain fondu se calcine facilement quand il est en fusion, & qu'il a communication avec l'air. Cette précaution empêche la communication, & peut même réduire quelque petite portion d'étain qui pourroit se calciner; secret que n'ignorent point les fondeurs de cuilleres d'étain. Ils savent bien que la prétendue crasse qui se forme à la surface de l'étain qu'ils fondent, est une véritable chaux d'étain qu'ils pourront réduire en la fondant avec du fuif ou autre matiere graffe. Ce tectum de suif est de suif brûlé, & c'est - là ce qui lui donne sa couleur noire.

Dès les six heures du matin, lorsque l'étain a le degré de chaleur convenable (car s'il n'est pas assez chaud, il ne s'attache point au fer; trop chaud, l'étamage est trop mince & inégal), on commence à travailler. On trempe dans l'étain, en F, les feuilles retirées de l'eau; l'ouvrier les jette ensuite à côté, sans s'embarrasser de les séparer les unes des autres, & en effet elles sont presque toutes prises ensemble. Ce premier travail fait sur toutes les feuilles, l'ouvrier en reprend une partie qu'il trempe toutes ensemble dans son étain fondu: il les y tourne, retourne en tout sens, divisant, soûdivisant son paquet sans le sortir de la chaudiere; puis il les prend une à une, & les trempe séparément dans un espace séparé par une plaque de fer qui forme dans la chaudiere même un retranchement. Il les tire donc de la grande partie de la chaudiere, pour les plonger une à une dans ce retranchement. Cela fait, il les met à égoutter sur deux petites barres de fer assemblées parallelement, & hérissées d'autres petites barres de [p. 500] fer fixées perpendiculairement sur chacune, comme en n. Les feuilles sont placées sur les barres de fer paralleles qui les soûtiennent, & entre les barres verticales qui les conservent verticales.

Une petite fille o prend chaque feuille de dessus l'égouttoir; & s'il y a de petites places qui n'ayent pas pris l'étain, elle les racle fortement avec une espece de gratoir, & les remet à côté de l'attelier, d'où elles retourneront à l'étamage. Quant à celles qui sont parfaites, elles sont distribuées à des filles qui avec de la siûre de bois & de la mousse, les frotent long - tems pour les dégraisser; après quoi il ne s'agit plus que d'emporter une spece de lisiere ou reborde qui s'est formé à l'un des côtés de la feuille tandis qu'on les mettoit à égoutter. Pour cet effet on trempe exactement ce rebord dans l'étain fondu, en q. Il y a un point à observer, c'est qu'il ne faut tremper ni trop ni trop peu long - tems, sans quoi un des étains, en coulant, feroit couler l'autre, & la plaque resteroit noire & imparfaite. Les défauts principaux de cette lisiere sont de se calciner, ronger, détruire, sur - tout dans les ouvrages qui doivent souffrir le feu, où elle ne devroit jamais se trouver. Après cette immersion, un ouvrier frote fortement des deux côtés l'endroit trempé, avec de la mousse, emporte l'étain superflu, & les feuilles sont faites.

On fait des plaques de différentes largeur, longueur & épaisseur: les ouvriers disent que le profit est immense. La fabrique est à Mansvaux, en Alsace.

p, chaudiere où l'on fait fondre le suif. q, fourneau d'étain fondu pour les rebords.

Fer a cheval (Page 6:500)

Fer a cheval, ferrum équinum, genre de plante à fleurs papilionacées. Il sort du calice un pistil qui devient dans la suite une silique applatie, composée de plusieurs pieces courbées en forme de croissant, ou de fer à cheval. Cette silique renferme des semences qui ont la même forme. Tournefort, Inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Les Botanistes comptent trois especes générales de fer à cheval, & la plus commune, ou la germanique, qui se trouve dans les boutiques, est mise au rang des plantes astringentes; elle vient dans les terres à marne, fleurit en Juin & Juillet, & perfectionne sa semence en Août & Septembre.

Il seroit aisé de multiplier le fer à cheval, en semant ses graines au mois de Mars dans un terrein sec, sans les porter ailleurs; car elles ne souffrent pas la transplantation: alors il faudroit les espacer à un grand pié de distance, parce que cette plante trace sur le terrein, & couvre cet espace en s'étendant. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fer (Page 6:500)

Fer, (Age de) Myth. L'âge de fer est le dernier des quatre âges que les Poëtes ont imaginé. Je m'exprime mal, cet âge n'est point le fruit de leur imagination, c'est le tableau du spectacle de la nature humaine. Voici comme Dryden le dépeint.

Hard steel succeeded then, And stubborn as the metal, were the men. Truth, modesty, and shame, the world forsook; Fraud, avarice, and force, their places took; Then land - marks limited to cach his right, For all before was common as the light: Nor was the ground alone requir'd to bear Her annual income to the crooked share: But greedy mortals, rummaging her store, Dig'd from her entrails first the precious ore; Which next to hell the prudent gods had laid, And that alluring ill to sight display'd: And double death did wretched men invade By steel assaulted, and by gold betray'd. Now brandish'd weapons glitt, ring in their hands, Mankind is broken loose from mortal bands. No rights of hospitality remain; The guest, by him that harbour'd him, is slain: The son - in laws pursues the father's life; The wife her husband murthers, he the wife; The stepdame poison for the son prepares; The son enquires into his father's years: Faith flies, and Piety in exile mourns: And justice, here oppress'd, to heav'n returns.

« L'âge de fer, digne de la race des mortels, vint à succéder; alors la bonne - foi & la vérité bannies du monde, firent place à la violence, à la trahison, à l'insatiable avarice: rien ne resta de commun parmi les hommes que l'usage de la lumiere, qu'ils ne purent se ravir les uns aux autres. On fouilla dans les mines pour en tirer ces métaux, que la sagesse des dieux avoit enfoüis près du Tartare: l'or servit à trahir, & le fer à porter la mort & le carnage. L'hospitalité ne fut plus un asile assuré; la paix ne régna que rarement entre les freres; les enfans compterent les années de leur pere; la cruelle marâtre employa le poison; le mari attenta sur la vie de sa femme, la femme sur celle de son mari; Astrée tout en larmes abandonna le séjour de la terre, qu'elle vit couverte de sang; & la Piété desolée se retira dans le ciel ».

Je sens bien que j'affoiblis les images du poëte anglois, mais j'ai donné l'original. Voulez - vous, peut - être , quelque chose de mieux encore? voyez la peinture qu'Hésiode a faite de cet âge de fer dans son poeme intitulé, Opera & Dies. Je ne dis rien de la peinture d'Ovide (Métamorph. lib. I.); elle est connue de tout le monde, & il semble s'y être surpassé lui - même. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fer d'or (Page 6:500)

Fer d'or, (Chevalier du) Hist. mod. Les chevaliers du fer d'or & écuyers du fer d'argent (car ils réunissoient ces deux titres), étoient une société de seize gentilshommes, en partie chevaliers, & en partie écuyers.

Cette société fut établie dans l'église de Notre - Dame de Paris en 1414, par Jean duc de Bourbon, qui s'y proposa, comme il le dit lui - même, d'acquérir de la gloire & les bonnes graces d'une dame qu'il servoit. Ceux qui entrerent dans cette société, se proposerent aussi de se rendre par - là recommandables à leurs maîtresses. On ne sauroit concevoir un plan plus extravagant d'actions de piété & de fureur romanesque, que celui qui fut imaginé par le duc de Bourbon.

Les chevaliers de sa société devoient porter, aussi bien que lui, à la jambe gauche, un fer d'or de prisonnier pendant à une chaîne; les écuyers en devoient porter un semblable d'argent. Le duc de Bouibon eut soin d'unir étroitement tous les membres de son ordre; & pour cet effet il leur fit promettre de l'accompagner, dans deux ans au plûtard, en Angleterre, pour s'y battre en l'honneur de leurs dames, armés de haches, de lances, d'épées, de poignards, ou même de bâtons, au choix des adversaires. Ils s'obligerent pareillement de faire peindre leurs armes dans la chapelle où ils firent ce voeu, qui est la chapelle de Notre - Dame de Grace, & d'y mettre un fer d'or semblable à celui qu'ils portoient, avec la seule différence qu'il seroit fait en chandelier, pour y brûler continuellement un cierge allumé jusqu'au jour du combat.

Ils réglerent encore qu'il y auroit tous les jours une messe en l'honneur de la Vierge, & que s'ils revenoient victorieux, chacun d'eux fonderoit une seconde messe, feroit brûler un cierge à perpetuité, & de plus se feroit représenter revêtu de sa cotte d'armes, avec toutes ses armes de combattant; que si par malheur quelqu'un d'eux étoit tué, chacun des survivans, outre un service digne du mort, lui feroit dire dix - sept messes, où il assisteroit en habit de deuil.

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