ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"469"> droit les organes de la génération dans les hommes absolument semblables à ceux des femmes, s'il en faisoit partie.

M. Daubenton appuie ce système sur la description de quelques foetus peu avancés, que Ruysch a fait connoitre, ou qui sont au cabinet du Roi. Ces foetus, quoique du sexe féminin, paroissent mâles au premier coup - d'oeil, & Ruysch en a fait une regle générale pour les foetus femelles de quatre mois environ, dans un passage qu'on peut ajoûter à ceux que M. Daubenton a cités, thes. jv. n°. 42. foetus humanus quatuor proeter propter mensium, quantvis primâ fronte visus masculini videatur sexus, tamen sequioris est, id quod in omnibus foetibus humanis, sexus foeminini ea oetate reperitur.

M. Daubenton s'est rencontré jusqu'à un certain point avec Galien, qui dans le second livre PERI\ SWE/RMATOS2, chap. v. ne met d'autre différence entre les parties génitales de l'homme & de la femme, que celle de la situation ou du développement. Pour prouver que ces parties, d'abord ébauchées dans le sac du péritoine, y restent renfermées, ou en sortent suivant les forces ou l'imperfection de l'animal; il a aussi recours aux dissections de femelles pleines, & aux foetus nés avant terme. On retrouve la même hypothèse dans le traité de Galien, de usu partium, l. XIV. c. vj. & Avicenne l'a entierement adoptée dans le troisieme livre de son canon, fen. 21. tract. I. cap. j.

Mais Galien ne croit pas que les hommes manquent de matrice; il croit qu'en se renversant, elle forme le scrotum, & renferme les testicules, qui sont extérieurs à la matrice. Il fait naître la verge d'un prolapsus du vagin, au lieu de la chercher dans le clitoris.

Piccolhomini & Paré avoient embrassé l'opinion de Galien; Dulaurent, Kyper, & plusieurs autres anatomistes, n'y ont trouvé qu'un faux air de vraissemblance. Cette question paroît intimement liée avec celle des hermaphrodites, d'autant plus que nous n'avons que des exemples fabuleux & poétiques d'hommes devenus femmes; au lieu qu'on trouve plusieurs femmes changées en hommes, dont les métamorphoses sont attestées sérieusement. Cette remarque singuliere, avec les preuves dont elle est susceptible, se trouve dans Frommann, de fascinatione magicâ, pag. 866. Voyez Hermaphrodite.

Hippocrate, aphor. 43. liv. VII. dir positivement qu'une femme ne devient point ambidextre. Galien le confirme, & ajoûte que c'est à cause de la foiblesse qui lui est naturelle; cependant on voit des dames de charité qui saignent fort bien avec l'une & l'autre main. Je sai que cet aphorisme a été expliqué par Sextus Empiricus, p. m. 380. des foetus femelles qui ne sont jamais conçus dans le côté droit de la matrice. J. Albert Fabricius a fort bien remarqué que cette interprétation a été indiquée par Galien dans son commentaire; mais il devoit ajoûter que Galien la desapprouve au même endroit.

Les Anatomistes ne sont pas les seuls qui ayent regardé en quelque maniere la femme comme un homme manqué; des philosophes platoniciens ont eu une idée semblable. Marsile Ficin dans son commentaire sur le second livre de la troisieme enneade de Plotin (qui est le premier PERI\ WRONO/IAS2), chap. xj. assûre que la vertu générative dans chaque animal, s'efforce de produire un mâle, comme étant ce qu'il y a de plus parfait dans son genre; mais que la nature universelle veut quelquefois une femelle, afin que la propagation, dûe au concours des deux sexes, perfectionne l'univers. Voyez tom. II. des oeuvres de Marsile Ficin, pag. 1693.

Les divers préjugés sur le rapport d'excellence de l'homme à la femme, ont été produits par les coûtu<cb-> mes des anciens peuples, les systèmes de politique & les réligions qu'ils ont modifiés à leur tour. J'en excepte la religion chrétienne, qui a établi, comme je le dirai plus bas, une supériorité réelle dans l'homme, en conservant néanmoins à la femme les droits de l'égalité.

On a si fort négligé l'éducation des femmes chez tous les peuples policés, qu'il est surprenant qu'on en compte un aussi grand nombre d'illustres par leur érudition & leurs ouvrages. M. Chrétien Wolf a donné un catalogue de femmes célebres, à la suite des fragmens des illustres greques, qui ont écrit en prose. Il a publié séparément les fragmens de Sappho, & les éloges qu'elle a reçus. Les Romains, les Juifs, & tous les peuples de l'Europe, qui connoissent les lettres, ont eu des femmes savantes.

A. Marie de Schurman a proposé ce probleme: l'étude des lettres convient - elle à une femme chrétienne? Elle soûtient l'affirmative; elle veut même que les dames chrétiennes n'en exceptent aucune, & qu'elles embrassent la science universelle. Son deuxieme argument est fondé sur ce que l'étude des lettres éclaire, & donne une sagesse qu'on n'achete point par les secours dangereux de l'expérience. Mais on pourroit douter si cette prudence précoce ne coûte point un peu d'innocence. Ce qu'on peut dire de plus avantageux, pour porter à l'étude des Sciences & des Lettres, c'est qu'il paroît certain que cette étude cause des distractions qui affoiblissent les penchans vicieux.

Un proverbe hébreu borne presque toute l'habileté des femmes à leur quenouille, & Sophocle a dit que le silence étoit leur plus grand ornement. Par un excès opposé, Platon veut qu'elles ayent les mêmes occupations que les hommes. Voyez le cinquieme dialogue POLITEIWN.

Ce grand philosophe veut au même endroit que les femmes & les enfans soient en commun dans sa république. Ce réglement paroît absurde; aussi a - t - il donné lieu aux déclamations de Jean de Serres, qui sont fort vives.

La servitude domestique des femmes, & la polygamie, ont fait mépriser le beau sexe en Orient, & l'y ont enfin rendu méprisable. La répudiation & le divorce ont été interdits au sexe qui en avoit le plus de besoin, & qui en pouvoit le moins abuser. La loi des Bourguignons condamnoit à être étouffée dans la fange, une femme qui auroit renvoyé son légitime époux. On peut voir sur tous ces sujets l'excellent ouvrage de l'Esprit des lois, liv. XVI. Tous les Poëtes grecs depuis Orphée, jusqu'à S. Grégoire de Nazianze, ont dit beaucoup de mal des femmes. Euripide s'est acharné à les insulter, & il ne nous reste presque de Simonide, qu'une violente invective contr'elles. L'on trouvera un grand nombre de citations de poëtes grecs, injurieuses aux femmes, dans le commentaire de Samuel Clarke, sur les vers 426 & 455, liv. XI. de l'Odyssée. Clarke a pris ce recueil de la Gnomologia Homerica de Duport, page 208, qu'il n'a point cité. Le galant Anacréon, en même tems qu'il attribue aux femmes une beauté qui triomphe du fer & de la flamme, dit que la nature leur a refusé la prudence, FRO/NHMA, qui est le partage des hommes.

Les poetes latins ne sont pas plus favorables au sexe; & sans parler de la fameuse satyre de Juvénal, sans compiler des passages d'Ovide, & de plusieurs autres, je me contenterai de citer cette sentence de Publius Syrus: mulier qua sola cogitat, male cogitat, qu'un de nos poëtes a ainsi rendue: femme qui pense, à coup sûr pense mal. Platon dans son dialogue, *NO/MWN, tom. II. pag. 909. E. attribue principalement aux femmes l'origine de la superstition, des voeux, & des sacrifices. Strabon est du même senti<pb-> [p. 470] ment, liv. VII. de sa géographis; les Juifs qui ne croyent pas leurs cérémonies superstitieuses, accusent les femmes de magie, & disent que plus il y a de femmes, plus il y a de sorcieres.

Peut - être n'a - t - on attribué aux femmes, des arts d'une vertu occulte, tels que la superstition & la magie, que parce qu'on leur a reconnu plus de ressources dans l'esprit qu'on ne vouloit leur en accorder; c'est ce qui a fait dire à Tite - Live, que la femme est un animal impuissant & indomptable. Le principe de la foiblesse & de l'infériorité des femmes, leur seroit avantageux, si tout le monde en concluoit avec Aristote, que c'est un plus grand crime de tuer une femme qu'un homme. Voyez les problèmes d'Aristote, sect. 29. 11.

C'est une chose remarquable, qu'on a cru être souillé par le commerce légitime des femmes, & qu'on s'en est abstenu la veille des sacrifices chez les Babyloniens, les Arabes, les Egyptiens, les Grecs, & les Romains. Les Hébreux pensent qu'on perd l'esprit de prophétie par un commerce même légitime; ce qui me rappelle la maxime orgueilleuse d'un ancien philosophe, qui disoit qu'il ne falloit habiter avec les femmes, que quand on vouloit devenir pire.

Les rabbins ne croyent pas que la femme fût créée à l'image de Dieu; ils assûrent qu'elle fut moins parfaite que l'homme, parce que Dieu ne l'avoit formée que pour lui être un aide. Un théologien chrétien (Lambert Danaeus, in antiquitatibus, pag. 42.) a enseigné que l'image de Dieu étoit beaucoup plus vive dans l'homme que dans la femme. On trouve un passage curieux dans l'histoire des Juifs de M. Basnage, vol. VII. pag. 301 & 302. « Dieu ne voulut point former la femme de la tête, ni des yeux, ni, &c. (de peur qu'elle n'eût les vices attachés à ces parties); mais on a eu beau choisir une partie honnête & dure de l'homme, d'où il semble qu'il ne pouvoit sortir aucun défaut (une côte), la femme n'a pas laissé de les avoir tous ». C'est la déscription que les auteurs Juifs nous en donnent. On la trouvera peut - être si juste, ajoûte M. Basnage, qu'on ne voudra point la mettre au rang de leurs visions, & on s'imaginera qu'ils ont voulu renfermer une vérité connue sous des termes figurés.

D'autres rabbins ont traduit par côté le mot hébreu stelah, qu'on explique vulgairement côte: ils racontent que le premier homme étoit double & androgyne, & qu'on n'eut besoin que d'un coup de hache pour séparer les deux corps. On lit la même fable dans Platon, de qui les rabbins l'ont empruntée, s'il faut en croire M. le Clerc dans son commentaire sur le pentateuque.

Heidegger a observé, exercitat. 4. de historia patriarcharum, n°. 30. que Moyse ne parle point de l'ame d'Eve, & qu'on doute quelle en est la raison. Il est certain que les femmes étoient à plaindre dans la loi juive, comme M. le Clerc l'a remarqué, lib. cit. pag. 309. col. 2. Jesus - Christ lui - même nous a appris que la répudiation fut permise aux Hébreux, à cause de la dureté de leur coeur; mais lorsqu'il n'a pas voulu que l'homme pût desunir ce que Dieu avoit joint, ses disciples se sont récriés, & ont trouvé que le mariage devenoit onéreux. Th. Crenius dans ses animadversiones philologicoe, & historicoe, part. XV. pag. 61. x. remarque que personne n'a plus maltraité les femmes, & n'a plus recommandé de s'en garder, que Salomon, qui néanmoins s'y est abandonné; au lieu que Jesus - Christ a été plus doux à leur égard, & en a converti un grand nombre; c'est pourquoi, dit - il, il en est qui pensent que Jesus - Christ a eu de la prédilection pour ce sexe. En effet, il a eu une mere sur la terre, & n'a point eu de pere; la premiere personne à qui il s'est montré après sa résurrection, a été Marie - Madeleine, &c.

Les personnes qui renoncent au mariage, sont censées approcher davantage de la perfection, depuis l'établissement de la religion chrétienne; les Juifs au contraire, regardent le célibat comme un état de malédiction. Voyez Pirke Aboth, chap. j. n°. 5.

S. Pierre dans sa premiere épitre, chap. iij. vers. 7. ordonne aux maris de traiter leurs femmes avec honneur, parce qu'elles sont des vases plus fragiles. Les Juifs disent que la femme est un vase imparfait; que l'époux, achevé l'hébreu, a encore plus de force; car il peut signifier que la femme, sans le secours du mari, n'est qu'un embryon. Voyez Gemare sur le titre sanhedrin du talmud, chap. ij. segm. 15.

Petrus Calanna, dans un livre rare intitulé, philosophia seniorum sacerdotia & platonica, pag. 173, ose dire que Dieu est mâle & femelle en même tems. Godofredus Arnoldus, dans son livre de sophiâ, 2 soûtenu cette opinion monstrueuse, dérivée du platonisme, qui a aussi donné le jour aux éons, ou divinités hermaphrodites des Valentiniens. M. de Beausobre, histoire du Manichéisme, tom. II. pag. 584. veut que ces éons fussent allegoriques; & il se fonde sur ce que Synesius évêque chrétien, attribue à Dieu les deux sexes, quoiqu'il n'ignorât pas que Dieu n'a point d'organes corporels, bien loin d'avoir ceux de la génération. Mais on lit seulement dans Synesius, pag. 140. édition du P. Petau, que le corps de la Divinité n'est point formé de la lie de la matiere; ce qui n'est pas dire que Dieu n'ait aucun organe corporel. D'ailleurs on peut prouver aisément, & Nicephore Grégoras dans son commentaire sur Synesius, nous avertit en plusieurs endroits, que Synesius étoit imitateur & sectateur de Platon.

Les Manichéens pensoient que lorsque Dieu créa l'homme, il ne le forma ni mâle ni femelle, mais que la distinction des sexes est l'ouvrage du diable.

On dit assez communément que Mahomet a exclu les femmes du paradis; le verset 30. de la sura 33. de son alcoran, insinue le contraire. C'est pourtant une tradition sur laquelle deux auteurs musulmans ont écrit, comme on peut voir dans la bibliotheque orientale de M. d'Herbelot.

Mahomet condamne à quatre - vingts coups de foüet ceux qui accuseront les femmes, sans pouvoir produire quatre témoins contr'elles; & il charge les calomniateurs de malédictions en ce monde & en l'autre. Le mari peut, sans avoir des témoins, accuser sa femme, pourvû qu'il jure quatre fois qu'il dit vrai, & qu'il joigne l'imprécation au serment à la cinquieme fois. La femme peut se disculper de la même maniere. Sura 24. vers. 4. & 6. Mahomet recommande la chasteté aux femmes en des termes très peu chastes (ib. vers. 32.); mais il n'est pas bien clair qu'il promette la miséricorde divine aux femmes qui sont forcées de se prostituer, comme l'a prétendu le savant Loüis Maracci dans sa réfutation de l'alcoran.

Le prophete arabe, dans le sura 4. veut qu'un mâle ait une part d'héritage double de celle de la femelle. Il décide formellement (vers. 33.) la supériorité des hommes, auxquels il veut que les femmes obéissent. Si elles sont indociles, il conseille aux maris de les faire coucher à part, & même de les battre. Il a établi de grandes peines contre les femmes coupables de fornication ou d'adultere; mais quoique Maracci l'accuse de ne pas punir les hommes coupables de ces crimes, il est certain qu'il les condamne à cent coups de foüet, comme Selden l'a remarqué, uxor ebraica, pag. 392. On verra aussi avec plaisir dans ce livre de Selden (p. 467 & suiv.), l'origine des Hullas parmi les Mahométans.

Tout le monde a entendu parler d'une dissertation anonyme, où l'on prétend que les femmes ne font

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