ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"409"> leurs paupieres & leurs yeux de ce qu'on nomme al - co - hol, qui est la poudre de mine de plomb. Cette opération se fait en trempant dans cette poudre un petit poinçon de bois de la grosseur d'une plume, & en le passant ensuite entre les paupieres: elles se persuadent que la couleur sombre, que l'on parvient de cette façon à donner aux yeux, est un grand agrément au visage de toutes sortes de personnes.

Entr'autres colifichets des femmes d'Egypte, ajoûte le voyageur anglois, j'ai vû tirer des catacombes de Sakara, un bout de roseau ordinaire renfermant un poinçon de la même espece de ceux des Barbaresques, & une once de la même poudre dont on se sert entore actuellement (1740) dans ce pays - là, pour le même usage.

Les femmes greques & romaines emprunterent des Asiatiques, la coûtume de se peindre les yeux avec de l'antimoine; mais pour étendre encore plus loin l'empire de la beauté, & réparer les couleurs flétries, elles imaginerent deux nouveaux fards inconnus auparavant dans le monde, & qui ont passé jusqu'à nous: je veux dire le blanc & le rouge. Delà vient que les Poétes feignirent que la blancheur d'Europe ne lui venoit que parce qu'une des filles de Junon avoit dérobé le petit pot de fard blanc de cette déesse, & en avoit fait présent à la fille d'Agenor. Quand les richesses affluerent dans Rome, elles y porterent un luxe affreux; la galanterie introduisit les recherches les plus rafinées dans ce genre, & la corruption générale y mit le sceau.

Ce que Juvénal nous dit des bapses d'Athènes, de ces prêtres efféminés qu'il admet aux mysteres de la toilette, se doit entendre des dames romaines, sur l'exemple desquelles, ceux dont le poëte veut parler, mettoient du blanc & du rouge, attachoient leurs longs cheveux d'un cordon d'or, & se noircissoient le sourcil, en le tournant en demi-rond avec une aiguille de tête.

Ille supercilium madidâ fuligine factum, Obliquâ producit acu, pingitque trementes, Attollens oculos. Juvén. Sat. 2.

Nos dames, dit Pline le naturaliste, se fardent par air jusqu'aux yeux, tanta est decoris affectatio, ut tingantur oculi quoque; mais ce n'étoit - là qu'un leger cravon de leur mollesse.

Elles passoient de leurs lits dans des bains magnifiques, & là elles se servoient de pierres - ponces pour se polir & s'adoucir la peau, & elles avoient vingt sortes d'esclaves en titre pour cet usage. A cette propreté luxurieuse, succéda l'onction & les parsums d'Assyrie: enfin le visage ne reçut pas moins de façons & d'ornemens que le reste du corps.

Nous avons dans Ovide des recettes détaillées de fards, qu'il conseilloit de son tems aux dames romaines, je dis aux dames romaines, car le fard du blanc & du rouge étoit reservé aux femmes de qualité sous le regne d'Auguste; les courtisanes & les affranchies n'osoient point encore en mettre. Prenez donc de l'orge, leur disoit - il, qu'envoy ent ici les laboureurs de Libye; ôtez - en la paille & la robe; prenez une pareille quantité d'ers ou d'orobe, détrempés l'un & l'autre dans des oeufs, avec proportion; faites sécher & broyer le tout; jettez - y de la poudre de corne de cerf; ajoûtez - y quelques oignons de narcisse; pilez le tout dans le mortier; vous y admettrez enfin la gomme & la farine de froment de Toscane; que le tout soit lié par une quantité de miel convenable: celle qui se servira de ce fard, ajoûte - il, aura le teint plus net que la glace de son miroir.

Quoecumque afficiet tali medicamine vultum, Fulgebit speculo loevior ipsa suo.

Mais on inventa bien - tôt une recette plus simple que celle d'Ovide, & qui eut la plus grande vogue: c'étoit un fard composé de la terre de Chio, ou de Samos, que l'on faisoit dissoudre dans du vinaigre. Horace l'appelle humida creta. Pline nous apprend que les dames s'en servoient pour se blanchir la peau, de même que de la terre de Selinuse, qui est, dit - il, d'un blanc de lait, & qui se dissout promptement dans l'eau. Fabula, selon Martial, craignoit la pluie, à cause de la craie qui étoit sur son visage; c'étoit une des terres dont nous venons de parler. Et Pétrone, en peignant un efféminé, s'exprime ainsi: Perfluebant per frontem sudantis acacioe rivi, & inter rugas malarum, tantùm erat cretoe, ut putares detractum parietem nimbo laborare: « Des ruisseaux de gomme couloient sur son front avec la sueur, & la craie étoit si épaisse dans les rides de ses joues, qu'on auroit dit que c'étoit un mur que la pluie avoit déblanchi ».

Poppée, cette célebre courtisane, doüée de tous les avantages de son sexe, hors de la chasteté, usoit pour son visage d'une espece de fard onctueux, qui formoit une croûte durable, & qui ne tomboit qu'apres avoir été lavée avec une grande quantité de lait, lequel en détachoit les parties, & découvroit une extrème blancheur: Poppée, dis - je, mit ce nouveau fard à la mode, lui donna son nom, Poppoeana pingicia, & s'en servit dans son exil même, où elle fit mener avec elle un troupeau d'ânesses, & se seroit montrée avec ce cortége, dit Juvénal, jusqu'au pole hyperborée.

Cette pâte de l'invention de Poppée qui couvroit tout le visage, formoit un masque, avec lequel les femmes alloient dans l'intérieur de leur maison: c'étoit - là, pour ainsi dire, le visage domestique, & le seul qui étoit connu du mari. Ses levres, si nous écoutons Juvénal, s'y prenoient à la glu:

Hinc miseri viscantur labra mariti. Ce teint tout neuf, cette fleur de peau, n'étoit faite que pour les amans; & sur ce pié - là, ajoûte l'abbé Nadal, la nature ne donnoit rien ni aux uns ni aux autres.

Les damès romaines se servoient pour le rouge, au rapport de Pline, d'une espece de fucus qui étoit une racine de Syrie avec laquelle on teignoit les laines. Mais Théophraste est ici plus exact que le naturaliste romain: les Grecs, selon lui, appelloient fucus, tout ce qui pouvoit peindre la chair; tandis que la substance particuliere dont les femmes se servoient pour peindre leurs joues de rouge, étoit distinguée par le nom de rizion, racine qu'on apportoit de Syrie en Grece à ce sujet. Les Latins, à l'imitation du terme grec, appellerent cette plante radicula; & Pline l'a confondue avec la racine dont on teignoit les laines.

Il est si vrai que le mot fucus étoit un terme général pour désigner le fard, que les Grecs & les Romains avoient un fucus métallique qu'ils employoient pour le blanc, & qui n'étoit autre chose que la céruse ou le blanc de plomb de nos revendeuses à la toilette. Leur fucus rouge se tiroit de la racine rizion, & étoit uniquement destiné pour rougir les joues: ils se servirent aussi dans la suite pour leur blanc, d'un fucus composé d'une espece de craie argentine; & pour le rouge du purpurissum, préparation qu'ils faisoient de l'écume de la pourpre, lorsqu'elle étoit encore toute chaude. Voyez Pourpre, (Coquille).

C'en est assez sur les dames greques & romaines. Poursuivons à - présent l'histoire du fard jusqu'à nos jours, & prouvons que la plûpart des peuples de l'Asie & de l'Afrique sont encore dans l'usage de se colorier diverses parties du corps de noir, de blanc, de rouge, de bleu, de jaune, de verd, en un mot de toutes sortes de couleurs, suivant les idées qu'ils se [p. 410] sont formées de la beauté. L'amour - propre & la vanité ont également leur recherche dans tous les pays du monde; l'exemple, les tems, & les lieux, n'y mettent que le plus ou le moins d'entente, de goût, & de perfection.

En commençant par le Nord, nous apprenons qu'avant que les Moscovites eussent été policés par le czar Pierre premier, les femmes Russes savoient déjà se mettre du rouge, s'arracher les sourcils, se les peindre ou s'en former d'artificiels. Nous voyons aussi que les Groenlandoises se bariolent le visage de blanc & de jaune; & que les Zembliennes, pour se donner des graces, se font des raies bleues au front & au menton. Les Mingreliennes, sur le retour, se peignent tout le visage, les sourcils, le front, le nez, & les joues. Les Japonoises de Jédo se colorent de bleu les sourcils & les levres. Les Insulaires de Sombréo au nord de Nicobar, se plâtrent le visage de verd & de jaune. Quelques femmes du royaume de Décan se font découper la chair en fleurs, & teignent les fleurs de diverses couleurs, avec des jus de racines de leur pays.

Les Arabes, outre ce que j'en ai dit ci - dessus, sont dans l'usage de s'appliquer une couleur bleue aux bras, aux levres, & aux parties les plus apparentes du corps; ils mettent hommes & femmes cette couleur par petits points, & la font pénétrer dans la chair avec une aiguille faite exprès: la marque en est inaltérable.

Les Turquesses africaines s'injectent de la tuthie préparée dans les yeux, pour les rendre plus noirs, & se teignent les cheveux, les mains, & les piés en couleur jaune & rouge. Les femmes maures suivent la mode des Turquesses; mais elles ne teignent que les sourcils & les paupieres avec de la poudre de mine de plomb. Les filles qui demeurent sur les frontieres de Tunis se barbouillent de couleur bleue le menton & les levres; quelques - unes impriment une petite fleur, dans quelque autre partie du visage, avec de la fumée de noix de galle & du safran. Les femmes du royaume de Tripoli font consister les agrémens dans des piquûres sur la face, qu'elles pointillent de vermillon; elles peignent leurs cheveux de même. La plûpart des filles Negres du Sénégal, avant que de se marier, se font broder la peau de différentes figures d'animaux & de fleurs de toutes couleurs. Les Négresses de Serra - Liona se colorent le tour des yeux de blanc, de jaune, & de rouge.

Les Floridiennes de l'Amérique septentrionale se peignent le corps, le visage, les bras, & les jambes de toutes fortes de couleurs ineffaçables; parce qu'elles ont été imprimées dans les chairs par le moyen de plusieurs piquûres. Enfin les femmes sauvages Caraïbes se barbouillent toute la face de rocou.

Si nous revenons en Europe, nous trouverons que le blanc & le rouge ont fait fortune en France. Nous en avons l'obligation aux Italiens, qui passerent à la cour de Catherine de Medicis: mais ce n'est que sur la fin du siecle passé, que l'usage du rouge est devenu général parmi les femmes de condition.

Callimaque, dans l'hymne intitulée les bains de Pallas, a parlé d'un fard bien plus simple. Les deux déesses Vénus & Pallas se disputoient le prix & la gloire de la beauté: Vénus fut long - tems à sa toilette; elle ne cessa point de consulter son miroir, retoucha plus d'une fois à ses cheveux, regla la vivacité de son teint; au lieu que Minerve ne se mira ni dans le métal, ni dans la glace des eaux, & ne trouva point d'autre secret pour se donner du rouge, que de courir un long espace chemin, à l'exemple des filles de Lacédémone qui avoient accoûtumé de s'exercer à la course sur le bord de l'Eurotas. Si le succès alors justifia les précautions de Vénus, ne fut - ce pas la faûte du juge, plûtôt que celle de la nature?

Quoi qu'il en soit, je ne pense point qu'on puisse réparer par la force de l'art les injures du tems, ni rétablir sur les rides du visage la beauté qui s'est évanoüie. Je sens bien la justesse des réflexions de Rica dans sa lettre à Usbek: « Les femmes qui se sentent finir d'avance par la perte de leurs agrémens, voudroient reculer vers la jeunesse; eh comment ne chercheroient - elles pas à tromper les autres! elles font tous leurs efforts pour se tromper elles - mêmes, & pour se dérober la plus affligeante de toutes les idées ». Mais comme le dit Lafontaine:

Les fards ne peuvent faire Que l'on échappe au tems, cet insigne larron; Les ruines d'une maison Se peuvent réparer; que n'est cet avantage Pour les ruines du visage?

Cependant loin que les fards produisent cet effet, j'ose assûrer au contraire qu'ils gâtent la peau, qu'ils la rident, qu'ils alterent & ruinent la couleur naturelle du visage: j'ajoûte qu'il y a peu de fards dans le genre du blanc, qui ne soit dangereux. Aussi les femmes qui se servent de l'huile de talc comme d'un fard excellent, s'abusent beaucoup; celles qui employent la céruse, le blanc de plomb, ou le blanc d'Espagne, n'entendent pas mieux leurs intérêts; celles qui se servent de préparations de sublimé, font encore plus de tort à leur santé: enfin l'usage continuel du rouge, sur - tout de ce vermillon terrible qui jaunit tout ce qui l'environne, n'est pas sans inconvénient pour la peau. Voyez Rouge.

Afranius répétoit souvent & avec raison à ce sujet: « des graces simples & naturelles, le rouge de la pudeur, l'enjoüement, & la complaisance, voilà le fard le plus séduisant de la jeunesse; pour la vieillesse, il n'est point de fard qui puisse l'embellir, que l'esprit & les connoissances ».

Je ne sache aucun ouvrage sur les fards; j'ai lû seulement que Michel Nostradamus, ce medecin si célebre par les visites & les présens qu'il reçut des rois & des reines, & par ses centuries qui l'ont fait passer pour un visionnaire, un fou, un magicien, un impie, a donné en 1552 un traité des fardemens & des senteurs, que je n'ai jamais pû trouver, & qui peut - être n'est pas fort à regretter. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FARDAGE (Page 6:410)

FARDAGE, s. m. (Marine.) ce sont des fagots qu'on met au fond de cale, quand on charge en grenier. (Z)

FARDER (Page 6:410)

FARDER, v. neut. terme de riviere; un bateau farde sur un autre, lorsqu'il serre trop.

FARE (Page 6:410)

FARE, (Marine.) Voyez Phare.

Fare de Messine (Page 6:410)

Fare de Messine, (le) Géog. fretum siculum, détroit de la mer Méditerranée en Italie, entre la Sicile & la Calabre ultérieure. On l'appelle souvent le Fare, à cause de la tour du Fare placée à son entrée, dans l'endroit où il est le plus étroit; & le Fare de Messine, à cause de la ville de Messine, qui est située sur la ôte occidentale, & où on le traverse d'ordinaire. Ce canal est assez connu par son flux & reflux qui s'y fait de six heures en six heures, avec une extrème rapidité; comme aussi par ses courans qui allant tantôt dans la mer de Toscane, & tantôt dans la mer de Sicile, ont donné lieu à tout ce que les anciens ont dit de Scylle & de Charybde. Ce dernier est un tournant d'eau, que les matelots craignoient beaucoup autrefois, & qu'on affronte aujourd'hui sans péril par le moyen des barques plates. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Fare la Fare (Page 6:410)

Fare la Fare, (Pêche.) étoit une fête du mois de Mai; les pêcheurs s'assembloient avec les officiers des eaux & forêts, pour faire à grand bruit

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