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Fanal (Page 6:393)
Le vaisseau commandant, outre les trois fanaux de poupe, en porte un quatrieme à la grande hune, soit pour faire des signaux, soit pour d'autres besoins.
On nomme aussi fanaux, toutes les lanternes dont on se sert dans le vaisseau pour y mettre les lumieres dont on a besoin.
Fanal de combat, c'est une lanterne plate d'un côté, qui est formée de sorte qu'on peut l'appliquer contre les côtés d'un vaisseau en - dedans, pour éclairer lorsqu'il faut donner un combat dans la nuit.
Fanal de soute, c'est un gros falot qui sert à renfermer la lumiere pendant le combat, pour éclairer dans les soutes aux poudres.
On se sert aussi de fanaux placés différemment, pour faire les signaux dont on est convenu. (Z)
FANATISME (Page 6:393)
FANATISME, s. m. (Philosophie.) c'est un zele
aveugle & passionné, qui naît des opinions superstitieuses,
& fait commettre des actions ridicules,
injustes, & cruelles; non - seulement sans honte &
sans remords, mais encore avec une sorte de joie
& de consolation. Le fanatisme n'est donc que la
superstition mise en action. Voyez
Imaginez une immense rotonde, un panthéon à mille autels; & placé au milieu du dôme, figurez - vous un dévot de chaque secte éteinte ou subsistante, aux piés de la divinité qu'il honore à sa façon, sous toutes les formes bisarres que l'imagination a pû créer. A droite, c'est un contemplatif étendu sur une natte, qui attend, le nombril en l'air, que la lumiere céleste vienne investir son ame; à gauche, c'est un énergumene prosterné qui frappe du front contre la terre, pour en faire sortir l'abondance: là, c'est un saltinbanque qui danse sur la tombe de celui qu'il invoque; ici c'est un pénitent immobile & muet, comme la statue devant laquelle il s'humilie: l'un étale ce que la pudeur cache, parce que Dieu ne rougit pas de sa ressemblance; l'autre voile jusqu'à son visage, comme si l'ouvrier avoit horreur de son ouvrage: un autre tourne le dos au midi, parce que c'est - là le vent du démon; un autre tend les bras vers l'orient, où Dieu montre sa face rayonnante: de jeunes filles en pleurs meurtrissent leur chair encore innocente, pour appaiser le démon de la concupiscence par des moyens capables de l'irriter; d'autres dans une posture toute opposée, sollicitent les approches de la divinité: un jeune homme, pour amortir l'instrument de la virilité, y attache des anneaux de fer d'un poids proportionné à ses forces; un autre arrête la tentation dès sa source, par une amputation tout - à - fait inhumaine, & suspend à l'autel les dépouilles de son sacrifice.
Voyez les tous sortir du temple, & pleins du dieu qui les agire, répandre la frayeur & l'illusion sur la face de la terre. Ils se partagent le monde, & bientôt le feu s'allume aux quatre extrémités; les peuples écoutent, & les rois tremblent. Cet empire que l'enthousiasme d'un seul exerce sur la multitude qui le voit ou l'entend, la chaleur que les esprits rassemblés se communiquent; tous ces mouvemens tumultueux augmentés par le trouble de chaque particulier, rendent en peu de tems le vertige général.
Poussez - les dans le desert, la solitude entretiendra le zele: ils descendront des montagnes plus redouta<cb->
La peur des êtres invisibles ayant troublé l'imagination, il se forme un mélange corrompu des faits de la nature avec les dogmes de la religion, qui mettant l'homme dans une contradiction éternelle avec lui - même, en sont un monstre assorti de toutes les horreurs dont l'espece est capable: je dis la peur, car l'amour de la divinité n'a jamais inspiré des choses inhumaines. Le fanatisme a donc pris naissance dans les bois, au milieu des ombres de la nuit; & les terreurs paniques ont élevé les premiers temples du Paganisme.
Plutarque dit qu'un roi d'Egypte connoissant l'inconstance de ses peuples prompts à changer de joug, pour se les asservir sans retour, sema la division entr'eux, & leur fit adorer pour cela, parmi les animaux, les especes les plus antipathiques. Chacun, pour honorer son dieu, fit la guerre aux adorateurs du dieu opposé, & les nations se jurerent entr'elles la même haine qui régnoit entre leurs divinités: ainsi le loup & le mouton virent des hommes traînés en sacrifice au pié de leurs autels. Mais sans examiner si la cruauté est une des passions primitives de l'homme, & s'il est par sa nature un animal destructeur; si la faim ou la méchanceté, la force ou la crainte, l'ont rendu l'ennemi de toutes les especes vivantes; si c'est la jalousie ou l'intérêt qui a introduit l'homicide sur la terre; si c'est la politique ou la superstition qui a demandé des victimes; si l'une n'a pas pris le masque de l'autre, pour combattre la nature & surmonter la force; si les sacrifices sanglans du paganisme viennent de l'enfer, c'est - à - dire de la férocité des passions noires & turbulentes, ou de l'égarement de l'imagination, qui se perd à force de s'élever; enfin, de quelque part que vienne l'idée de satisfaire à la divinité par l'effusion du sang, il est certain que, dès qu'il a commencé de couler sur les autels, il n'a pas été possible de l'arrêter; & qu'après l'usage de l'expiation, qui se faisoit d'abord par le lait & le vin, on en vint de l'immolation du bouc ou de la chevre, au sacrifice des enfans. Il n'a fallu qu'un exemple mal interpreté pour autoriser les horreurs les plus révoltantes. Les nations impies à qui l'on reprochoit le culte homicide de Moloch, ne répondoient - elles pas au peuple qui alloit les exterminer de la part de dieu, à cause de ces mêmes abominations, qu'un de ses patriarches avoit conduit son fils sur le bûcher? comme si une main invisible n'avoit pas détourné le glaive sacrilege, pour montrer que les ordres du ciel ne sont pas toûjours irrévocables.
Avant d'aller plus loin, écartons de nous toutes les fausses applications, les allusions injurieuses, & les conséquences malignes dont l'impiété pourroit s'applaudir, & qu'un zele trop prompt à s'alarmer nous attribueroit peut - être. Si quelque lecteur avoit l'injustice de confondre les abus de la vraie religion avec les principes monstrueux de la superstition, nous rejettons sur lui d'avance tout l'odieux de sa pernicieuse logique. Malheur à l'écrivain téméraire & scandaleux, qui profanant le nom & l'usage de la liberté, peut avoir d'autres vûes que celles de dire [p. 394]
Il est affreux de voir comment cette opinion d'appaiser le ciel par le massacre, une fois introduite, s'est universellement répandue dans presque toutes les religions; & combien on a multiplié les raisons de ce sacrifice, afin que personne ne pût échapper au couteau. Tantôt ce sont des ennemis qu'il faut immoler à Mars exterminateur: les Scythes égorgent à ses autels le centieme de leurs prisonniers; & par cet usage de la victoire, on peut juger de la justice de la guerre: aussi chez d'autres peuples ne la faisoit - on que pour avoir de quoi fournir aux sacrifices; desorte qu'ayant d'abord été institués, ce semble, pour en expier les horreurs, ils servirent enfin à les justifier.
Tantôt ce sont des hommes justes qu'un dieu barbare demande pour victimes: les Getes se disputent l'honneur d'aller porter à Zamolxis les voeux de la patrie. Celui qu'un heureux sort destine au sacrifice, est lancé à force de bras sur des javelots dressés: s'il reçoit un coup mortel en tombant sur les piques, c'est de bon augure pour le succès de la négociation & pour le mérite du député; mais s'il survit à sa blessure, c'est un méchant dont le dieu n'a point affaire.
Tantôt ce sont des enfans à qui les dieux redemandent une vie qu'ils viennent de leur donner; justice affamée du sang de l'innocence, dit Montagne. Tantôt c'est le sang le plus cher: les Carthaginois immolent leurs propres fils à Saturne, comme si le tems ne les dévoroit pas assez tôt. Tantôt c'est le sang le plus beau: cette même Amestris qui avoit fait enfoüir douze hommes vivans dans la terre, pour obtenir de Pluton, par cette offrande, une plus longue vie; cette Amestris sacrifie encore à cette insatiable divinité quatorze jeunes enfans des premieres maisons de la Perse, parce que les sacrificateurs ont toûjours fait entendre aux hommes qu'ils devoient offrir à l'autel ce qu'ils avoient de plus précieux. C'est sur ce principe que chez quelques nations on immoloit les premiers nés, & que chez d'autres on les rachetoit par des offrandes plus utiles aux ministres du sacrifice. C'est ce qui autorisa sans doute en Europe la pratique de quelques siecles, de voüer les enfans au célibat dès l'âge de cinq ans; & d'emprisonner dans le cloître les freres du prince héritier, comme on les égorge en Asie.
Tantôt c'est le sang le plus pur: n'y a - t - il pas
des Indiens qui exercent l'hospitalité envers tous
les hommes, & qui se font un mérite de tuer tout
étranger vertueux & savant qui passera chez eux,
afin que ses vertus & ses talens leur demeurent?
Tantôt c'est le sang le plus sacré: chez la plûpart
des idolatres, ce sont les prêtres qui font la
fonction des bourreaux à l'autel; & chez les Sibériens on tue les prêtres, pour les envoyer prier
dans l'autre monde à l'intention du peuple. Enfin
toutes les idoles de l'Inde & de l'Amérique se sont
abreuvées de sang humain. Quel spectacle pour
Cortez entrant dans le Mexique, de voir immoler
cinquante hommes à son heureuse arrivée! mais quel
étonnement, quand un des peuples qu'il avoit vaincus,
députa vers lui avec ces paroles:
Mais si l'ignorance ou la corruption abusent des meilleures institutions, quel sera l'abus des choses
Mais tous ces actes d'inhumanité feroient moins de honte à l'imbécillité de l'esprit humain, qu'à la mémoire de quelques coeurs lâches & barbares, si l'on n'avoit vû les sectes & les peuples entiers se dévoüer à la mort par des sacrifices volontaires.
Que les Gymnosophistes indiens se brûlent eux - mêmes, afin que leur ame arrive toute pure au ciel; comme ils attendent que la vieillesse ou quelque maladie violente leur ait ôté toute espérance de vivre, c'est choisir le genre de sa mort, & non en prévenir le terme: mais qu'une jeune épouse se jette dans le bûcher de son époux; que les esclaves suivent leur maître, & les courtisans leur roi, jusqu'au milieu des flammes; que les Tartares circassiens témoignent leur deuil à la mort d'un grand, par des meurtrissures & des incisions dans tout le corps, jusqu'à rouvrir leurs plaies pour prolonger le deuil: voilà ce dont on ne peut attribuer la cause qu'à l'extravagance de l'imagination poussée hors des barrieres naturelles de la raison & de la vie, par une maladie inconcevable.
Quand on est entêté de ses dieux, & frappé d'une
vaine terreur jusqu'à mourir pour leur plaire, ménagera - t on beaucoup leurs ennemis? De - là ces siecles
de persécution qui acheverent de rendre le nom
romain odieux à toute la terre, & qui feront à jamais
l'horreur du Paganisme, & de toutes les sectes
qui voudroient l'imiter. Le zele d'une religion naissante
irrite les sectateurs de l'ancienne; tous les évenemens sinistres retombent sur les nouveaux impies
(car c'est sous ce nom que les ministres de la superstition
ont toûjours diffamé tous leurs contradicteurs),
& les ennemis du culte dominant y servent de victimes.
On prend prétexte de la zizanie qui se mêle entre
les enfans du même pere, pour éteindre toute la
race des prétendus factieux; mais admirez une légion
de six mille hommes qui, plûtôt que de verser
le sang des innocens, se laisse décimer & hacher toute
en pieces: bel exemple pour les tyrans de toutes les
sectes! L'acharnement de la résistance, & l'impuissance
même de la tyrannie, augmentent les torrens
de sang humain: on ne voit qu'échafauds dressés dans
les principales villes d'un grand empire; &, si l'on
en croit les annales de l'Eglise, les bûchers manquent
aux victimes qui courent s'immoler. La fureur
de mourir ayant saisi tous les esprits, on se précipite
du haut des toîts; envain la religion défend de braver
les empereurs, le fanatisme cherche la palme par
la desobéissance, & les homme se poussent les uns
les autres dans les supplices.
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