ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"266"> & trompeuses ont pris la place de cet objet, & ne s'apperçoivent pas que leur jugement seul est faux. Il faut l'avoüer, la correspondance entre l'ordre des sensations & l'ordre des choses est telle sur la plûpart des objets dont nous sommes environnés, & qui font sur nous les impressions les plus vives & les plus relatives à nos besoins, que l'expérience commune de la vie ne nous fournit aucun secours contre ce faux jugement, & qu'ainsi il devient en quelque sorte naturel & involontaire. On ne doit donc pas être étonné que la plûpart des hommes ne puissent pas imaginer qu'on ait besoin de prouver l'existence des corps. Les philosophes qui ont plus généralisé la notion de l'existence, ont reconuu que leurs jugemens & leurs sensations tomboient sur deux ordres de choses très différens, & ils ont senti toute la difficulté d'assûrer leurs jugemens sur un fondement solide. Quelques-uns ont tranché le noeud en niant l'existence de tous les objets extérieurs, & en n'admettant d'autre réalité que celle de leurs idées: on les a appellés Egoistes & Idéalistes. Voyez Egoisme & Idéalisme. Quelques - uns se sont conrentés de nier l'existence des corps & de l'univers matériel, & on les a nommés Immatérialistes. Ces erreurs sont trop subtiles, pour être fort répandues; à peine en connoît - on quelques partisans, si ce n'est chez les philolophes Indiens, parmi lesquels on prétend qu'il y a une secte d'Egoistes. C'est le célebre évêque de Cloyne, le docteur Berkeley, connu par un grand nombre d'ouvrages tous remplis d'esprit & d'idées singulieres, qui, par ses dialogues d'Hylas & de Philonoüs, a dans ces derniers tems réveillé l'attention des Métaphysiciens sur ce système oublié. Voyez Corps. La plûpart ont trouvé plus court de le mépriser que de lui répondre, & cela étoit en effet plus aisé. On essayera dans l'article Immatérialisme, de refuter ses raisonnemens, & d'établir l'existence de l'univers matériel: on se bornera dans celui - ci à montrer combien il est nécessaire de lui répondre, & à indiquer le seul genre de preuves dont on puisse se servir pour assûrer non - seulement l'existence des corps, mais encore la réalité de tout ce qui n'est pas compris dans notre sensation actuelle & instantanée.

Quant à la nécessité de donner des preuves de l'existence des corps & de tous les êtres extérieurs; en disant que l'expérience & le méchanisme connu de nos sens, prouve que la sensation n'est point l'objet, qu'elle peut exister sans aucun objet hors de nous, & que cependant nous ne voyons véritablement que la sensation, l'on croiroit avoir tout dit, si quelques métaphysiciens, même parmi ceux qui ont prétendu refuter Berkeley, n'avoient encore recours à je ne sai quelle présence des objets par le moyen des sensations, & à l'inclination qui nous porte involontairement à nous fier là - dessus à nos sens. Mais comment la sensation pourroit - elle être immédiatement & par elle - même un témoignage de la présence des corps, puisqu'elle n'est point le corps, & sur - tout puisque l'expérience nous montre tous les jours des occasions où cette sensation existe sans les corps? Prenons celui des sens, auquel nous devons le plus grand nombre d'idées, la vûe. Je vois un corps, c'est à - dire que j'apperçois à une distance quelconque une image colorée de telle ou telle façon; mais qui ne sait que cette image ne frappe mon ame que parce qu'un faisceau de rayons mis avec telle ou telle vîtesse est venu frapper ma retine, sous tel ou tel angle? qu'importe donc de l'objet, pourvû que l'extrémité des rayons, la plus proche de mon organe, foit mûe avec la même vîtesse & dans la même direction? Qu'importe même du mouvement des rayons, si les filets nerveux qui transmettent la sensation de la retine au sensorium, sont agités des mêmes vibrations que les rayons de lumiere leur auroient com<cb-> muniquées? Si l'on veut accorder au sens du toucher une confiance plus entiere qu'à celui de la vûe, sur quoi sera fondée cette confiance? Sur la proximité de l'objet & de l'organe? Mais ne pourrai je pas toûjours appliquer ici le même raisonnement que j'ai fait sur la vûe? N'y a - t - il pas aussi depuis les extrémités des papilles nerveuses, répandues sous l'épiderme, une suite d'ébranlemens qui doit se communiquer au sensorium? Qui peut nous assûrer que cette suite d'ébranlemens ne peut commencer que par une impression faite sur l'extrémité extérieure du nerf, & non par une impression quelconque qui commence sur le milieu? En général, dans la méchanique de tous nos sens, il y a toûjours une suite de mouvemens transmis par une suite de corps dans une certaine direction, depuis l'objet qu'on regarde comme la cause de la sensation jusqu'au sensorium, c'est - à - dire jusqu'au dernier organe, au mouvement duquel la sensation est attachée; or dans cette suite, le mouvement & la direction du point qui touche immédiatement le sensorium, ne suffit - il pas pour nous faire éprouver la sensation, & n'est - il pas indifférent à quel point de la suite le mouvement ait commencé, & suivant quelle direction il ait été transmis? N'estce pas par cette raison, que quelle que soit la courbe décrite dans l'atmosphere par les rayons, la sensation est toûjours rapportée dans la direction de la tangente de cette courbe? Ne puis - je pas regarder chaque filet nerveux par lequel les ébranlemens parviennent jusqu'au sensorium, comme une espece de rayon? Chaque point de ce rayon ne peut - il pas recevoir immédiatement un ébranlement pareil à celui qu'il auroit reçû du point qui le précede, & dans ce cas n'éprouverons - nous pas la sensation, sans qu'elle ait été occasionnée par l'objet auquel nous la rapportons? Qui a pu même nous assûrer que l'ébranlement de nos organes est la seule cause possible de nos sensations? En connoissons - nous la nature? Si par un dernier effort on réduit la présence immédiate des objets de nos sensations à notre propre corps, je demanderai en premier lieu, par où notre corps nous est rendu présent; si ce n'est pas aussi par des sensations rapportées à différens points de l'espace; & pourquoi ces sensations supposeroient plûtôt l'existence d'un corps distingué d'elles, que les sensations qui nous représentent des arbres, des maisons, &c. & que nous rapportons aussi à différens points de l'espace. Pour moi je n'y vois d'autre différence, sinon que les sensations rapportées à notre corps sont accompagnées de sentimens plus vifs ou de plaisir ou de douleur; mais je n'imagine pas pourquoi une sensation de douleur supposeroit plus nécessairement un corps malade, qu'une sensation de bleu ne suppose un corps réfléchissant des rayons de lumiere. Je demanderai en second lieu, si les hommes à qui on a coupé des membres, & qui sentent des douleurs très - vives qu'ils rapportent à ces membres retranchés, ont par ces douleurs un sentiment immédiat de la présence du bras ou de la jambe qu'ils n'ont plus. Je ne m'arrêterai pas à réfuter les conséquences qu'on voudroit tirer de l'inclination que nous avons à croire l'existence des corps malgré tous les raisonnemens métaphysiques; nous avons la même inclination à répandre nos sensations sur la surface des objets extérieurs, & tout le monde sait que l'habitude suffit pour nous rendre les jugemens les plus faux presque naturels. Voyez Couleur. Concluons qu'aucune sensation ne peut immédiatement, & par elle - même, nous assûrer de l'existence d'aucun corps.

Ne pourrons - nous donc sortir de nous - mêmes & de cette espece de prison, où la nature nous retient enfermés & isolés au milieu de tous les êtres? Faudra - t - il nous réduire avec les idéalistes à n'admettre d'autre réalité que notre propre sensation? Nous [p. 267] connoissons un genre de preuves, auquel nous sommes accoûtumés à nous fier; nous n'en avons même pas d'autre pour nous assurer de l'existence des objets, qui ne sont pas actuellement présens à nos sens, & sur lesquels cependant nous n'avons aucune espece de doute: c'est l'induction qui se tire des effets pour remonter à la cause. Le témoignage, source de toute certitude historique, & les monumens qui confirment le témoignage, ne sont que des phénomenes qu'on explique par la supposition du fait historique. Dans la Physique, l'ascension du vif - argent dans les tubes par la pression de l'air, le cours des astres, le mouvement diurne de la terre, & son mouvement annuel autour du soleil, la gravitation des corps, sont autant de faits qui ne sont prouvés que par l'accord exact de la supposition qu'on en a faite avec les phénomenes observés. Or, quoique nos sensations ne soient ni ne puissent être des substances existantes hors de nous, quoique les sensations actuelles ne soient ni ne puissent être les sensations passées, elles sont des faits; & si en remontant de ces faits à leurs causes, on se trouve obligé d'admettre un système d'êtres intelligens ou corporels existans hors de nous, & une suite de sensations antérieures à la sensation actuelle, enchaînées à l'état antérieur du système des êtres existans; ces deux choses, l'existence des êtres extérieurs & notre existence passée, seront appuyées sur le seul genre de preuves dont elles puissent être susceptibles: car puisque la sensation actuelle est la seule chose immédiatement certaine, tout ce qui n'est pas elle ne peut acquérir d'autre certitude que celle qui emonte de l'effet à sa cause.

Or on peut remonter d'un effet à sa cause de deux manieres: ou le fait dont il s'agit n'a pû être produit que par une seule cause qu'il indique nécessairement, ou qu'on peut démontrer la seule possible par la voie d'exclusion; & alors la certitude de la cause est précisément égale à celle de l'effet: c'est sur ce principe qu'est fondé ce raisonnement, quelque chose existe: donc de toute éternité il a existé quelque chose; & tel est le vrai fondement des démonstrations métaphysiques de l'existence de Dieu. Cette même forme de procéder s'employe aussi le plus communément dans une hypothèse avoüée, & d'après des lois connues de la nature: c'est ainsi que les lois de la chûte des graves étant données, la vîtesse acquise d'un corps nous indique démonstrativement la hauteur dont il est tombé. L'autre maniere de remonter des effets connus à la cause inconnue, consiste à deviner la nature précisément comme une énigme, à imaginer successivement une ou plusieurs hypothèses, à les suivre dans leurs conséquences, à les comparer aux circonstances du phénomene, à les essayer sur les faits comme on vérifie un cachet en l'appliquant sur son empreinte: ce sont - là les fondemens de l'art de déchiffrer, ce sont ceux de la critique des faits, ceux de la Physique; & puisque ni les êtres extérieurs, ni les faits passés n'ont, avec la sensation actuelle, aucune liaison dont la nécessité nous soit démontrée, ce sont aussi les seuls fondemens possibles de toute certitude au sujet de l'existence des êtres extérieurs & de notre existence passée. Je n'entreprendrai point ici de développer comment ce genre de preuves croît en force depuis la vraissemblance jusqu'à la certitude, suivant que les degrés de correspondance augmentent entre la cause supposée & les phénomenes; ni de prouver qu'elle peut donner à nos jugemens toute l'assûrance que nous desirons: cela doit être exécuté aux articles Certitude & Probabilité. A l'égard de l'application de ce genre de preuves à la certitude de la mémoire, & à l'existence des corps, voyez Identité personnelle, Mémoire , & Immatérialisme.

Existence, Subsistance (Page 6:267)

Existence, Subsistance, (Grammaire.) Il ne faut pas confondre ces deux mots: l'existence se donne par la naissance; la subsistance, par les alimens. Le terme d'exister, dit à ce sujet l'abbé Girard, n'est d'usage que pour exprimer l'évenement de la simple existence; & l'on employe celui de subsister, pour désigner un évenement de durée qui répond à cette existence, ou à cette modification. Exister ne se dit que des substances, & seulement pour en marquer l'être réel; subsister s'applique aux substances & aux modes, mais toûjours avec un rapport à la durée de leur être. On dit de la matiere, de l'esprit, des corps, qu'ils existent. On dit des états, des ouvrages, des affaires, des lois, & de tous les établissemens qui ne sont ni détruits, ni changés, qu'ils subsistent. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

EXITERIES (Page 6:267)

* EXITERIES, adj. pris subst. (Myth.) fêtes que les Grecs célébroient par des sacrifices & des voeux adressés aux dieux, lorsque leurs généraux étoient sur le point de se mettre en marche contre quelque ennemi. Les particuliers avoient aussi leurs exitéries qu'ils fêtoient, lorsqu'ils partoient pour quelque voyage.

EXMOUTH (Page 6:267)

EXMOUTH, (Géog. mod.) ville de la province de Devon en Angleterre. Long. 14. 20. lat. 50. 35.

EXOCATACELE (Page 6:267)

EXOCATACELE, s. m. (Hist. anc.) dans l'antiquité étoit une dénomination générale, sous laquelle on compreneit plusieurs grands officiers de l'église de Constantinople; comme le grand - économe, le grand - chapelain, le grand - maître de la chapelle, le gardien de l'argenterie, le grand - garde des archives, le maître de la petite chapelle, & le premier avocat de l'église. Chambers. (G)

EXOCIONITES (Page 6:267)

EXOCIONITES, s. m. pl. nom donné aux Ariens d'un lieu appellé Exocionium, dans lequel ils se retirerent & tinrent leurs assemblées, après que Théodose le grand les eut chassés de Constantinople. (G)

EXODE (Page 6:267)

EXODE, s. m. (Théol. & Hist. sacrée.) livre canonique de l'ancien Testament, le second des cinq livres de Moyse. Voyez Pentateuque.

Ce nom, dans son origine greque, signifie à la lettre voyage ou sortie; & on ie donne à ce livre, pour marquer celle des enfans d'Israel hors de l'Egypte sous la conduite de Moyse. Il contient l'histoire de tout ce qui se passa dans le desert, depuis la mort de Joseph jusqu'à la construction du tabernacle, pendant quatre ans.

Les Hébreux l'appellent veelle semoth, des premiers mots qui le commencent, & qui signifient en latin hoec sunt nomina, suivant leur coûtume de désigner les livres de l'Ecriture, non par des titres généraux qui en désignent le contenu, mais par les premiers mots de chacun de ces livres. Voy. Bible. (G)

Exode (Page 6:267)

Exode, exodium, (Théol.) dans les septante signifie la fin ou la conclusion d'une fête. Voy. Fête.

Ce mot signifioit proprement le huitieme jour de la fête des tabernacles, qu'on célébroit principalement en mémoire de l'exode ou de la sortie d'Egypte, & du séjour des Israélites dans le desert.

Exode (Page 6:267)

Exode, s. f. (Littérat.) en latin exodia; poëme plus ou moins châtié, accompagné de chants & de danses, & porté sur le théatre de Rome pour servir de divertissement après la tragédie.

Les plaisanteries grossieres s'étant changées en art sur le théatre des Romains, on joüa l'Atellane, comme on joue aujourd'hui parmi nous la piece comique à la suite de la piece sérieuse. Le mot exode, exodia, signifie issues. Ce nom lui fut donné à l'imitation des Grecs, qui nommoient exodion le dernier chant après la piece finie. L'auteur étoit appellé exodiarius, l'exodiaire. Il entroit sur le théatre à la fin des pieces sérieuses, pour dissiper la tristesse & les larmes qu'excitent les passions de la tragédie, & il joüoit cependant la piece comique avec

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