ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"132"> sur l'arbre de la croix, pour la rédemption du genre humain. Par ce sacrifice de la nouvelle loi, les mérites de la mort & passion de Jesus - Christ sont appliqués aux fideles; & on l'offre dans l'Eglise catholique, pour les vivans & pour les morts. Voyez Sacrement & Sacrifice.

La matiere de ce sacrement est le pain de froment & le vin; la discipline de l'église latine est de consacrer avec du pain azyme ou sans levain: celle de l'église greque est de se servir de pain levé; l'un & l'autre est indifferent pour la validité du sacrement. C'est un précepte de tradition ecclésiastique, de méler un peu d'eau dans le vin; la pratique en est constante parmi les Grecs & les Latins; & elle est confirmée par S. Cyprien & par les autres peres. Ce mélange figure l'union des fideles avec Jesus - Christ.

La forme de ce sacrement sont ces paroles de Jesus - Christ, pour le pain, ceci est mon corps; pour le vin, ceci est le calice de mon sang, ou c'est mon sang; paroles que le prêtre prononce, non pas en son propre nom, mais au nom de Jesus - Christ; & par la vertu desquelles le pain & le vin sont transsubstantiés, ou changés au corps & au sang de Jesus - Christ. Voyez Transsubstantiation.

Les évêques & les prêtres ont toûjours été les seuls ministres ou consécrateurs de l'eucharistie; mais anciennement les diacres la distribuoient aux fideles, & ils pourroient encore aujourd'hui la dispenser, par ordre de l'évêque.

Depuis l'institution de l'eucharistie, les Chrétiens ont, de tout tems, célébré ce mystere dans leurs assemblées religieuses, dans lesquelles les évêques ou les prêtres benissoient du pain & du vin, & le distribuoient aux assistans, comme étant devenu par la consécration le vrai corps & le vraisang de J.C.De - là lerespect qu'ils ont eu pour l'eucharistie, & l'adoration qu'ils lui ont rendue, comme on peut s'en convaincre par les prieres qui, dans toutes les lithurgies, suivent les paroles de la consécration, & qui sont autant d'actes ou de témoignages d'adoration, & de monumens de la foi des peuples. Les cathécumenes & les pénitens n'assistoient point à la consécration de l'eucharistie, & ne participoient point à sa réception. Jusqu'au douzieme siecle, les fideles la recevoient sous les deux especes du pain & du vin, tant dans l'église latine que dans l'église greque. Cette derniere a retenu son ancien usage; mais l'église latine a adopté celui de n'administrer l'eucharistie aux simples fideles, que sous l'espece du pain. Le retranchement de la coupe, ou de l'espece du vin, a occasionné les guerres les plus sanglantes en Bohème dans le quinzieme siecle, & l'on en agita le rétablissement au concile de Trente; mais enfin la discipline présente de l'église, à cet égard, a prévalu. Voyez Hussites & Taborites.

La présence réelle de Jesus - Christ dans l'eucharistie, a été premierement attaquée dans le neuvieme siecle, par Jean Scot, dit Erigene ou l'Hibernois, qui avoit été précepteur de Charles le Chauve. Cet écrivain, que les Protestans ont voulu faire passer pour un grand génie, n'étoit qu'un scholastique trèsobscur dans ses expressions, & dont l'ouvrage sur l'eucharistie, connu à peine de trois ou quatre de ses contemporains, seroit demeuré dans un éternel oubli, si les Calvinistes ne. l'en eussent tiré, pour se prévaloir de son autorité; mais au fond, elle n'est pas en elle - même d'un grand poids; & le style embrouillé de cet auteur ne décide pas une controverse si importante.

Bérenger, archidiacre d'Angers, excita un peu plus de rumeur dans le onzieme siecle. Il nia ouvertement la présence réelle & la transsubstantiation: On tint, tant en France qu'en Italie, divers conciles où il fut cité; il y comparut, fut convaincu d'er<cb-> reurs; il les rétracta & y retomba; enfin, après différentes variations, il mourut catholique en 1083, si l'on en croit Clavius, l'auteur de la chronique de S. Martin, Hildebert du Mans, & Baltride évêque de Dol, auteurs contemporains de Bérenger. Voyez Bérengariens.

Dans le seizieme siecle, les Protestans ont attaque l'eucharistie; mais tous ne s'y sont pas pris de la même mamere. Luther & ses sectateurs, en reconnoissant la présence réelle de Jesus - Christ dans l'eucharistie, ont rejetté la transsubstantiation, soûtenant que la substance du pain & du vin demeuroit avec le corps & le sang de Jesus - Christ. Voyez Consubstantiation & Impanation.

Zuingle au contraire a enseigné que l'eucharistie n'étoit que la figure du corps & du sang de Jésus - Christ, à laquelle on donnoit le nom des choses dont elle est la figure. Voyez Zuingliens.

Enfin Calvin a prétendu que l'eucharistie renferme seulement la vertu du corps & du sang de Jesus - Christ, & qu'on ne le reçoit dans ce sacrement que par la foi, & d'une maniere toute spirituelle: les Anglicans ont adopté cette derniere doctrine; & l'on peut voir, dans la belle histoire des variations écrite par M. Bossuet, quel partage ces diverses opinions ont occasionné parmi les Protestans. Voyez Calvinisme & Calvinistes.

A entendre Calvin, ses premiers sectateurs & les ministres calvinistes, le dogme de la présence réelle universellement établi dans l'église romaine, n'étoit rien moins qu'une idolatrie manifeste & suffisante pour autoriser le schisme qui en a séparé une grande partie de l'Allemagne & tout le nord de l'Europe; & cependant, par une inconséquence évidente, ce même Calvin & ses sectateurs n'ont pas fait difficulté de communiquer, en matiere de religion, avec les Luthériens, qui font profession de croire la présence réelle. Voyez Luthériens.

Jamais dispute n'a été agitée avec plus de chaleur que celle de la présence réelle. Jamais question n'a été plus enveloppée de subtilités de la part des novateurs, ni mieux & plus profondément discutée de celle des Catholiques. Nous allons donner un précis des principales raisons de part & d'autre.

Les Catholiques prouvent la vérité de la présence réelle par deux voies; l'une qu'ils appellent de discussion, l'autre, qu'ils appellent de prescription.

La voie de discussion consiste à prouver la vérité de la présence réelle, par les textes de l'Ecriture qui regardent la promesse de l'eucharistie, son institution, & l'usage de ce sacrement: ceux qui concernent la promesse sont ces paroles de Jesus - Christ, en S. Jean, chap. VI. V. 54. & suiv. si vous ne mangez la chair àu Fils de l'homme, & ne buvez son sang, vous n'aurez point ma vie en vous: ma chair est véritablement viande, & mon sang est véritablement breuvage. Celui qui mange ma chair & qui boit mon sang demeure en moi & moi en lui. Les paroles de l'institution sont celles - ci, en S.Matt. chap. XXVI. vers. 26. S.Marc, XIV. vers. 22. S. Luc, chap. XXII. vers. 19. prenez & mangez, ceci est mon corps; prenez & buvez, ceci est mon sang ou le calice de mon sang. Enfin les textes, où il s'agit de l'usage de l'eucharistie, se trouvent dans la premiere épître de S. Paul aux Corinthiens, chap. XX. vers. 16. Le calice que nous bénissons n'est - il pas la communication du sang de Jesus - Christ? & le pain que nous rompons n'est - il pas la participation du corps du Seigneur? & dans le chap. suiv. vers. 27. après avoir rapporté les paroles de l'institution, l'apôtre ajoûte: ainsi quiconque aura mangé ce pain ou bû le calice du Seigneur indignement, sera coupable de la profanation du corps & du sang du Seigneur.

Ces textes, disent les Catholiques, ne peuvent s'entendre que littéralement & dans le sens propre. [p. 133] C'est ainsi que les Capharnaïtes, & les apôtres même, entendirent les paroles de la promesse; & Jesus - Christ ne dit pas un mot pour les détromper sur le fond de la chose, quoiqu'ils se trompassent sur la maniere dont Jesus - Christ devoit donnerson corps à manger & son sang à boire: ils pensoient en effet qu'il en seroit de la chair & du sang de Jésus - Christ comme des alimens ordinaires, & qu'ils les recevroient dans leur forme naturelle & physique; idée qui fait horreur & qui les révoha. Mais Jesus - Christ sans leur expliquer la maniere sacramentelle dont il leur donneroit sa chair pour viande, & son sang pour breuvage, n'en promet pas moins qu'il leur donnera l'un & l'autre réellement; & les Calvinistes conviennent que dans ces passages il s'agit du vrai corps & du vrai sang de Jesus - Christ.

Le pain & le vin ne sont ni signes naturels ni signes arbitraires du corps & du sang de Jesus - Christ; & le, paroles de l'institution seroient vuides de sens, si sans avoir préparé l'elprit de ses disciples, le Sauveur eût employé une métaphore aussi extraordinaire pour leur dire qu'il leur donnoit le pain & le vin comme des signes ou des figures de son corps & de son sang. Enfin les paroles qui concernent l'usage de l'eucharistie ne sont pas moins precises; il n'y est mention ni de symboles, m de signes, ni de figures, mais du corps & du sang de Jesus - Christ, & de la profanation de l'un & de l'autre, quand on reçoit indignement l'eucharistie.

D'ailleurs, ajoûtent - ils, comment les peres, pendant neuf tiecles entiers, ont - ils entendu ces paroles, non pas dans les écrits polémiques, ou dans des ouvrages de controverse, mais dans leurs catécheses ou instructions aux cathécumenes, dans leurs sermons & leurs homélies au peuple? Comment, pendant le même espace de tems, les fideles ont - ils entendu ces textes? Que croyoient - ils? Que pensoient - ils? Lorsque dans la célébration sréquente des saints mysteres, le prêtre ou le diacre leur présentant l'eucharistie, disant, corpus Christi, voila ou ceci est le corps de Jesus - Christ, ils répondoient amen, il est vrai; si, comme le supposent les Calvinistes, les uns & les autres ne croyoient pas la présence réelle, le langage des peres & celui du peuple n'étoit qu'un langage évidemment faux & illusoire. Les Pasteurs, comme le remarque très bien l'auteur de la perpétuité de la foi, auroient sans cesse employé des expressions qui énoncent précisément & formellement la présence réelle de Jesus - Christ dans l'eucharistie, pour n'enseigner qu'une présence figurée & metaphorique; & les peuples, de leur côté, intimement convaincus que Jesus - Christ n'étoit pas réellement présent dans l'eucharistie, auroient conçù leur profession de foi dans des termes qui éronçoient formellement la réalité de sa présence. Cette double absurdité est inconcevable dans la pratique.

La voic de prescription consiste à prouver, que depuis la naissance de l'Eglise, jusqu'au tems où Bérenger a commencé à dogmatiser, l'Eglise greque & latine ont constamment & unanimement professé la foi de la présence réelle, & l'ont encore professée depuis Bérenger jusqu'a Calvin, & depuis Calvin jusqu'à nous: c'est ce qu'ont démontré nos controversistes par la tradition non interrompue des peres de l'Eglise, par les décisions des conciles, par toutes les liturgies des églises d'Orient & d'Occident, par la confession même des sectes qui se sont séparées de l'Eglise, telles que les Nestoriens, les Eutychiens, &c. ils ont amené les Calvinistes à ce point. On connoît l'époque de la naissance de votre erreur sur la présence reelle: vous l'avez empruntée des Vaudois, des Petrobrusiens, des Henriciens; vous remontez jusqu'à Bérenger, ou tout au plus, jusqu'à Jean Scot. Vous êtes donc venu troubler l'Eglise dans sa possession. Et quels titres avez - vous pour la combattre? Voyez Henriciens, &c.

Les Protestans répondent: 1°. que les preuves tirées de l'Ecriture ne sont pas décisives; & que les textes allégués par les Catholiques peuvent aussi bien se prendre dans un sens metaphorique, que ceux - ci: Genes. chap. XLVI. vers. 2. les sept vaches grasses & les sept épis pleins sont sept années d'abondance: & dans Daniel, chap. XXII. vers. 28 ce prophete exphquant à Nabuchodonosor ce que signifioit la statue colossale qu'il avoit vûe en songe, il lui dit, vous étes la téte d'or; ou ce que Jesus - Christ dit dans la parabole de l'yvraie, en S. Matt. chap. XXIII. celui qui seme le bon grain, c'est le Fils de l'homme; le champ, c'est le monde; la bonne semence, ce sont les enfans du royaume; l'yvraie, ce sont les méchans; l'ennemi qui l'a semée, est le diable; la moisson est la consommation des siecles; les moissonneurs sont les anges; & S. Paul, en parlant de la pierre d'où coulerent des sources d'eau pour desaltérer les Israélites dans le desert, dit dans la premiere épître aux Corinthiens, chap. X. vers. 4. or la pierre étoit le Christ. Toutes ces expressions, ajoûtent - ils, sont évidemment métaphoriques: donc, &c.

On leur replique avec fondement, que la disparité est des plus sensibles, & elle se tire de la nature des circonstances, de la disposition des esprits, & des regles du langage établies & reçûes parmi tous les hommes senses. Pharaon & Nabuchodonosor demandoient l'explication d'un songe: le premier demandoit à Joseph ce que signifioient ces sept vaches grasses & ces sept épis pleins qu'il avoit vûs pendant son sommeil; il ne pouvoit donc prendre que dans un sens de signification & de figure la réponse de Joseph. Il en est de même de Nabuchodonosor, par rapport à Daniel; ce monarque auroit perdu le sens commua, s'il eût imag né qu'il étoit réellement la tête d'or de la staiue qu'il avoit vûe en songe: mais il comprit d'abord que cette téte pouvoit bien être une figure de sa propre perionne & de son empire; comme les autres portions de la même statue, composées les unes d'aigent, les autres d'airain, cellesci de fer, celles là d'argile, étoient des symboles de différens autres princes & de leurs monarchies. Jesus Christ propotoit & expliquoit une parabole dont le corps étoit allégorique, & qui renfermoit nécessairement un sens d'application. Personne ne pouvoit s'y méprendre, enfin S. Paul developpoit aux fideles une figure de l'ancien Testament. Les esprits étoient suffisamment disposés à ne pas prendre le signe pour la chose signifiée: mais il n'en est pas ainsi de ces patoles que Jesus - Christ adressa à ses apôtres, ceci est mon corps, ceci est mon sang. Le pain & le vin ne sont pas signes naturels du corps & du sang; & si Jesus - Christ en eut fait alors des signes d'institution ou de convention, les regles ordinaires du langage & du bon sens ne lui eussent pas permis de substituer à l'autre un de ces termes qui n'auroient eu qu'un rapport arbitraire ou d'institution; par exemple, on ne dit pas que du lierre soit du vin, parce qu'il devient signe de vin à vendre, par la convention & l'institution des hommes; on ne dit point qu'une branche d'olivier est la paix, parce que, en conséquence des idées convenues, elle est le signe de la paix. Les apôtres n'étoient nullement prévenus; J.C. n'avoit préparé leurs esprits par aucune exposition ou convention préliminaire: ils devoient donc nécessairement entendre ses paroles dans le sens auquel il les prononcoit; c'est - à - dire dans le sens propre & littéral. Ces raisons qui sont simples & à la portée de tout le monde, n'ont pas paru telles à un écrivain, qui, après avoir vécû long - tems parmi les Catholiques, & pensé comme eux, s'est

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