ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"72"> qui surchargent la masse, se déposent sur les parties les moins disposées à résister à leur abord; & les portions glanduleuses de la gorge, naturellement assez lâches, & abreuvées d'une grande quantité d'humeur muqueuse, sont le plus fréquemment le lieu où elles se fixent. 2°. Dès que nous abreuvons un cheval aussi - tôt après un exercice violent, & que nous lui présentons une eau vive & trop froide, ces mêmes parties en souffrant immediatement l'impression, la boisson occasionne d'une part le resserrement soudain de toutes les fibres de leurs vaisseaux, & par une suite immanquable, celui des pores exhalans, & des orifices de leurs tuyaux excrétoires. D'un autre côté, elle ne peut que procurer l'épaississement de toutes les humeurs contenues dans ces canaux, dont les parois sont d'ailleurs assez fines & assez déliées pour que les corpuseules frigorifiques agistent & s'exercent sur les liqueurs qui y circulent. Ces premiers effets, qui produisent dans l'homme une extinction de voix ou un enrouement, se déclarent dans le cheval par une toux sourde, à laquelle souvent tous les accidens ne se bornent pas. Les liqueurs étant retemies & arrêtées dans les vaisseaux, celles qui y affluent font effort contre leurs parois, tandis qu'ils n'agissent eux - mêmes que sur le liquide qui les contraint: celui - ci pressé par leur réaction, gêné par les humeurs en stase qui s'opposent à son passage, & pousse sans cesse par le fluide qu'il précede, se fait bientôt jour dans les vaisseaux voisins. Tel qui ne reçoit, pour ainsi dire, que les globules séreuses, étant forcé, admet les globules rouges; & c'est ainsi qu'accroît l'engorgement, qui peut encore être saivi d'une grande inflammation, vû la distension extraordinaire des solides, leur irritation, & la perte de leur souplesse ensuite de la rigidité qu'ils ont acquise.

Ces progrés ne surprennent point, lorsqu'on réfléchit qu'il s'agit ici des parties garnies & parsemées de nombre de vaisseaux préposés à la séparation des humeurs, dont l'excrétion empêchée & suspendue, doit donner lieu à de plus énormes ravages. En effet, l'irritation des solides ne peut que s'etendre & se communiquer des nerfs de la partie à tout le genre nerveux: il y a donc dès - lors une augmentation de mouvement dans tout le système des fibres & des vaisseaux. De plus, les liqueurs arrêtées tout - à - coup par le ressertement des pores & des tuyaux excrétoires, resluent en partie dans la masse, à laquelle elles sont étrangeres; elles l'alterent incontestablement, elles détruisent l'équilibre qui doit y regner. En faut - il davantage pour rendre la circulation irréguliere, vague & précipitée dans toute son étendue; pour produire enfin la sievre, & en conséquence la dépravation de la plûpart des fonctions, dont l'excrétion parfaite dépend toûjours de la régularité du mouvement circulaire?

Un funeste enchainement de maux dépendant les uns des autres, & ne reconnoissant qu'une seule & même cause, quoique legere, entraîne donc souvent la destruction & l'anéantissement total de la machine, lorsqu'on ne se précautionne pas contre les premiers accidens, ou lorsqu'on a la témérité d'entreprendre d'y remédier sans connoitre les lois de l'économie animale, & sans égard aux principes d'une saine Thérapeutique.

Toutes les indications curatives sé réduisent d'abord ici à favoriser la résolution. Pour cet effet on vuidera les vaisseaux par d'amples saignées à la jugulaire, que l'on ne craindra pas de multiplier dans les esquinancies graves. On prescrira un régime délayant, rafraichissant: l'animal sera tenu au son & à l'eau blanche; on lui donnera des lavemens émolliens régulierement deux ou trois fois par jour; & la même décoction préparée pour ces lavemens, mêlée avec son eau blanche, sera une boisson des plus salutaires. Si la sievre n'est pas considérable, on pourra lui administrer quelques legers diaphorétiques, à l'effet de rétablir la transpiration, & de pousser en - dehors, par cette voie, l'humeur surabondante.

Les topiques dont nous userons, seront, dans le cas d'une grande inflammation, des cataplasmes de plantes émollientes; & dans celui où elle ne seroit que foible & legere, & où nous appercevrions plûtot un simple engorgement d'humeurs visquentes, des cataplasmes résolutifs. Lors même que le mal résidera dans l'intérieur, on ne cessera pas les applications extérieures; elles agiront moins essicacement, mais elles ne seront pas inutiles, puisque les vaitseaux de toutes ces parties communiquent entr'eux, & répondent les uns aux autres.

Si la squinancie ayant été négligée dès les commencemens, l'humeur forme extérieurement un dépôt qui ne puisse se terminer que par la suppuration, on mettra en usage les cataplasmes maturatifs; on examinera attentivement la tumeur, & on l'ouvrira avec le fer aussi - tôt que l'on y appercevra de la siuctuation. Il n'est pas possible de soulager ainsi l'animal dans la circonstance où le dépôt est interne; tous les chemins pour y arriver, & pour reconnoitre précisément le lieu que nous devrions percer, nous sont interdits: mais les cataplasmes anodyns fixés extérieurement, diminueront la tension & la douleur. Nous hâterons la suppuration, en injectant des liqueurs propres à cet effet dans les naseaux de l'animal, & qui tiendront lieu des gargarismes que l'on prescrit à l'homme; comme lorsqu'il s'agira de résoudre, nous injecterons des liqueurs résolutives. Enfin la suppuration étant faite & le dépôt abcédé, ce que nous reconnoîtrons à la diminution de la fievre, à l'excrétion des matieres mêmes, qui flueront en plus ou moins grande quantité de la bouche du cheval; à une plus grande liberté de se mouvoir, &c. nous lui mettrons plusieurs fois par jour des billots enveloppés d'un linge roulé en plusieurs deubles, que nous aurons trempés dans du miel rosat.

Toute inflammation peut se terminer par - là en gangrene, & l'esquinancie n'en est pas exempte. On conçoit qu'alors le mal a été porte à son plus haut degré. Tous les accidens sont beaucoup plus violens. La ficvre, l'excrétion des matieres visqueuses, qui précede la sécheresse de la langue & l'aridite de toute la bouche; l'inflammation & la rougeur des yeux, qui semblent sortir de leur orbite; l'état inquiet de l'animal, l'impossibilité dans laquelle il est d'avaler, son oppression, tout annonce une disposition prochaine à la mortification. Quand elle est formée, la plûpart de ces symptomes redoutables s'évanoüissent, le battement de flanc est appaisé, la douleur de la gorge est calmée, la rougeur de l'oeil dissipée, l'animal, en un mot, plus tranquille; mais on ne doit pas s'y tromper, l'abattement occasionne plûtôt ce calme & cette tranquillité fausse & apparente, que la diminution du mal. Si l'on considere exactement le cheval dans cet état, on verra que ses yeux sont ternes & larmoyans, que le battement de ses arteres est obscur; & que du fond du siége de la maladie s'échappent & se détachent des especes de filandres blanchâtres, qui ne sont autre chose que des portions de la membrane interne du larynx & du pharynx, qui s'exfolie: car la gangrene des parties internes, principalement de celles qui sont membraneuses, est souvent blanche.

Ici le danger est extrème. On procédera à la cure par des remedes modérément chauds, comme par des cordiaux tempérés: on injectera par les naseaux du vin dans lequel on aura délayé de la thériaque, ou quelques autres liqueurs spiritueuses: on appliquera extérieurement des cataplasmes faits avec des plan<pb-> [p. 73] res résolutives les plus fortes, & sur lesquels on aura fait fondre de l'onguent styrax; & l'on préviendra l'aneantissement dans lequel la difficulté d'avaler précipiteroit inévitablement l'animal, par des lavemens nutritifs.

Quant à l'obstacle qui prive l'animal de la faculté de respirer, on ne peut frayer un paisage à l'air, auquel la glotte n'en permet plus, qu'en faisant une ouverture à la trachée, c'est à - dire en ayant recours à la bronchotomie; opération que j'ai pratiquée avec succès, & que j'entrepris avec d'autant plus de confiance, qu'elle a été premierement tentée sur les animaux: car Avensoer parmi les Arabes, ne la recommanda sur l'homme qu'après l'expérience qu'il en fit lui - même sur une chevre.

Il s'agissoit d'un cheval réduit dans un état à m'ôter tout espoir de le guérir, au moins par le secours des remedes. Il avoit un battement de slanc des plus vifs: l'oeil appercevoit sensiblément à l'insertion de l'encolure dans le poitrail, une fréquence & une intermittence marquée dans la pulsation des carotides. Les arteres temporales, ou du larmier, me firent sentir aussi ce que dans l'homme on appelle un pouls caprisant. Les veines angulaires & jugulaires étoient extrèmement gonslées; le cheval étoit comme hors d'haleine, & pouvoit à peine se soûtenir; ses yeux étoient vifs, enflammés, &, pour ainsi parler, hors des orbites; ses naseaux fort ouverts; sa langue brûlante & livide, sortoit de la bouche; une matiere visqueuse, gluante & verdâtre, en découloit: il n'avaloit aucune sorte d'alimens; les plus liquides, dont quelque tems auparavant une partie passoit dans le pharynx, tandis que celle qui ne pouvoit pas enfiler cette voie naturelle, revenoit & se dégorgeoit par les naseaux, n'outre - passoient plus la cloison du palais: l'inflammation étoit telle enfin, que celle de l'intérieur du larynx fermant l'ouverture de la glotte, occasionnoit la difficulté de respirer, pendant que celle qui attaquoit les autres parties, étoit la cause unique de l'impossibilité de la déglutition.

Dans des maladies aigués & compliquées, il faut parer d'abord aux accidens les plus pressans; des circonstances urgentes ne permettent pas le choix du tems, & la necessité seule détermine. L'animal étoit prêt à suffequer, je ne pensai donc qu'il lui faciliter là liberté de la respiration. Je m'armai d'un bistouri, d'un scalpel, & je me munis d'une canule de plomb que je fis fabriquer sur le champ; j'en couvris l'entrée avec une toile très - fine, & j'attachai aux anneaux dont elle étoit garnie sur les côtés du pavillon, un lien, dans le dessein de l'assujettir dans la trachée.

Le cheval, pendant ces préparatifs, étoit tombé, je fus contraint de l'opérer à terre; je le pouvois d'autant plus aisément, que sa tête n'y reposoit point, & que cette opération est plus facile dans l'animal que dans l'homme, en ce que, 1° l'étendue de son encolure présente un plus grand espace; & parce qu'en second lieu, non - seulement le diametre du canal que je voulois ouvrir est plus considérable, mais il est moins enfoncé & moins distant de l'enveloppe extérieure.

La partie moyenne de l'encolure fut le lieu qui me parut le plus convenable pour mon opération, attendu qu'en ne m'adressant point à la portion supérieure, je m'éloignois de l'inflammation, qui pouvoit avoir gagné une partie de la trachée; & que plus près de la portion inférieure, je courois risque d'ouvrir des rameaux artériels & veineux provenant des carotides & des jugulaires, & qui par des variations fréquentes sont souvent en nombre infini dispersées à l'extérieur de ce conduit.

J'employai ensuite un aide, auquel j'ordonnai de pincer conjointement avec moi, & du côté opposé, la peau, à laquelle je fis une incision de deux travers de doigts de longueur. Je n'intéressai que les tégumens; & les muscles étant à découvert, je les leparai seulement pour voir la trachée - artere, à laquelle je fis une ouverture dans l'intervalle de deux de ses anneaux, avec un scalpel tranchant des deux côtés. L'air sortit aussi - tôt impétueusement par cette nouvelle issuë, & cet effort me prouve que la glotte étoit presqu'entierement fermée; & que la petite quantité de celui qui arrivoit dans les poumons par l'inspiration, s'y rarésioit, & ne pouvoit plus s'en échapper. Le soulagement que l'animal en ressentit, fut marqué. Des cette grande expiration, & au moyen des mouvemens alternatifs qui la suivirent, il fut moins inquiet, moins embarrassé. Ces avantages me slaterent, & j'apportai toutes les attentions nécessaire, pour assurer le succès de mon opération.

La sixation de la canule étoit un point important; il falloit l'arréter de maniere qu'elle ne pût entrer ni sortir toute entiere dans la trachée; accident qui auroit été de la derniere fatalité, soit par la difficulté de l'en retirer, soit par les convulsions affreuses qu'elle auroit infailliblement excitées par son impression sur une membrane d'ailleurs si sensible, que la moindre partie des alimens qui se detourne des voies ordinaires, & qui s'y infinue, suscite une toux qui ne cesse qu'autant que par cette même toux l'animal parvient à l'expulser.

Mais les liens que j'avois déjà attachés aux anneaux, me devenoient inutiles; la forme & les mouvemens du cou du cheval, rendoient ma précaution insuffisante. J'imaginai donc d'ôter les bandelettes, & je pratiquai deux points de suture, un de chaque côté, qui prît dans ces mêmes anneaux, & dans les levres de la plaie faite au cuir. La canule ainsi assûrée, je procédai au pansement, qui consista simplement dans l'application d'un emplâtre fenétré fait avec de la poix, par conséquent très - agglutinatif, que je plaçai, comme un contentif & un défensif capable de garantir la plaie de l'acces de l'air extérieur; & je n'eus garde de mettre en usage la charpie, dont quelques filamens auroient pû s'introduire dans la trachée. Ce n'etoit point encore assez, les points de suture maintenant la canule de façon à s'opposer à son entrée totale dans le conduit, qu'elle tenoit ouvert; mais sa situation pouvoit être changée par les différentes attitudes de la tête de l'animal, qui étant muë en - haut & en - avant, auroit pû la tirer hors du canal: aussi prévins - je cet inconvénient, en assujettissant cette partie par une martingale attachée d'un côté à un sursaix qui entouroit le corps du cheval, & de l'autre à la muserole du licou; ensorte que je le contraignis à tenir sa tête dans une position presque perpendiculaire. Je lui fis ensuite une ample saignée à la jugulaire seulement, dans l'intention d'évacuer; & le même soir j'en pratiquai une autre à la saphene, c'est - à - dire à la veine du plat de la cuisse, dans la vûe de solliciter une révulsion.

La canule demeura cinq jours dans cet état. Les principaux accidens disparurent insensiblement; & je ne doute point que cet amandement, qui fut visible deux heures même après que j'eus opéré, ne soit dû à la facilité que j'avois donnée au cheval d'inspirer & d'expirer, quoiqu'artificiellement: l'anxiété, l'agitation, & enfin l'anéantissement dans lequel il étoit, provenant sans doute en partie de la contrainte & de la difficulté de la respiration; contrainte qui causoit une intermission de la circulation dans les poumons; & intermission qui ne pouvoit que retarder & même empêcher la marche & la progression du fluide dans tout le reste du corps, puisque toute la

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