ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"26"> on trouve dans les registres de la chambre des comptes un arrêté fait par cette chambre, portant qu'elle ne députeroit point à ces états.

On tient encore de tems en tems des états particuliers dans quelques provinces, qu'on appelle par cette raison pays d'états; tels que les états d'Artois, ceux de Bourgogne, de Bretagne, &c. & autres, dont on parlera dans les subdivisions suivantes.

Quelques personnes peu au fait des principes de cette matiere, croyent que toute la robe indistinctement doit être comprise dans le tiers - état; ce qui est une erreur facile à réfuter.

Il est vrai que les gens de robe qui ne sont pas nobles, soit de naissance ou autrement, ne peuvent être placés que dans le tiers - état; mais ceux qui joüissent du titre & des prérogatives de noblesse, soit d'extraction ou en vertu de quelque office auquel la noblesse est attachée, ou en vertu de lettres particulieres d'annoblissement, ne doivent point être confondus dans le tiers - état; on ne peut leur contester le droit d'être compris dans l'ordre ou état de la noblesse, de même que les autres nobles de quelque profession qu'ils soient, & de quelque cause que procede leur noblesse.

On entend par ordre ou état de la noblesse, la classe de ceux qui sont nobles; de même que par tiersétat on entend un troisieme ordre distinct & séparé de ceux du clergé & de la noblesse, qui comprend tous les roturiers, bourgeois, ou paysans, lesquels ne sont pas ecclésiastiques.

Chez les Romains la noblesse ne résidoit que dans l'ordre des sénateurs, qui étoit l'état de la robe. L'ordre des chevaliers n'avoit de rang qu'après celui des sénateurs, & ne joüissoit point d'une noblesse parfaite, mais seulement de quelques marques d'honneur.

En France anciennement tous ceux qui portoient les armes étoient réputés nobles; & il est certain que cette profession fut la premiere source de la noblesse; que sous les deux premieres races de nos rois, ce fut le seul moyen d'acquérir la noblesse: mais il faut aussi observer qu'alors il n'y avoit point de gens de robe, ou plûtôt que la robe ne faisoit point un état différent de l'épée. C'étoient les nobles qui rendoient alors seuls la justice: dans les premiers tems ils siégeoient avec leurs armes; dans la suite ils rendirent la justice sans armes & en habit long, selon la mode & l'usage de ces tems - là, comme sont présentement les gens de robe.

Sous la troisieme race il est survenu deux changemens considérables, par rapport à la cause productive de la noblesse.

L'un est que le privilége de noblesse dont joüissoient auparavant tous ceux qui faisoient profession des armes, a été restraint pour l'avenir à certains grades militaires, & n'a été accordé que sous certaines conditions; ensorte que ceux qui portent les armes sans avoir encore acquis la noblesse, sont compris dans le tiers - état, de même que les gens de robe nonnobles.

L'autre changement est qu'outre les grades militaires qui communiquent la noblesse, nos rois ont établi trois autres voies pour l'acquérir; savoir la possession des grands fiefs qui annoblissoit autrefois les roturiers, auxquels on permettoit de posséder fiefs; l'annoblissement par lettres du prince; & enfin l'exercice de certains offices d'épée, de judicature, ou de finance, auxquels le roi attache le privilége de noblesse.

Ceux qui ont acquis la noblesse par l'une ou l'autre de ces différentes voies, ou qui sont nés de ceux qui ont été ainsi annoblis, sont tous également nobles, car on ne connoît point parmi nous deux sortes de noblesse. Si l'on distingue la noblesse de robe de celle d'épée, ce n'est que pour indiquer les différentes cau<cb-> ses qui ont produit l'une & l'autre, & non pour établir entre ces nobles aucune distinction. Les honneurs & priviléges attachés à la qualité de nobles, sont les mêmes pour tous les nobles, de quelque cause que procede leur noblesse.

On distingue à la vérité plusieurs degrés dans la noblesse; savoir celui des simples gentilshommes nobles ou écuyers; celui de la haute noblesse, qui comprend les chevaliers, comtes, barons, & autres seigneurs; & le plus élevé de tous, qui est celui des princes. Le degré de la haute noblesse peut encore recevoir plusieurs subdivisions pour le rang: mais encore une fois il n'y a point de distinction entre les nobles par rapport aux différentes causes dont peut procéder leur noblesse. On ne connoît d'autres distinctions parmi la noblesse, que celles qui viennent de l'ancienneté, ou de l'illustration, ou de la puissance que les nobles peuvent avoir à cause de quelque office dont ils seroient revêtus: tels que sont les offices de judicature, qui conferent au pourvû l'exercice d'une partie de la puissance publique.

Ce qui a pu faire croire à quelques - uns que toute la robe étoit indistinétement dans le tiers - état, est sans doute que dans le dénombrement des gens de cet état on trouve ordinairement en tête certains magistrats ou officiers municipaux, tels que les prevôts des marchands, les maires & échevins, capitouls, jurats, consuls, & autres semblables officiers; parce qu'ils sont établis pour représenter le peuple, qu'ils sont à la tête des députés du tiers - état pour lequel ils portent la parole. On comprend aussi dans le tiers - état tous les officiers de judicature & autres gens de robe non nobles; & même quelques - uns qui sont nobles, soit d'extraction ou par leur charge, lorsqu'en leur qualité ils stipulent pour quelque portion du tiers - état.

Il ne s'ensuit pas de - là que toute la robe indistinctement soit comprise dans le tiers - état; les gens de robe qui sont nobles, soit de naissance, ou à cause de leur office, ou autrement, doivent de leur chef être compris dans l'état de la noblesse, de même que les autres nobles.

Prétendroit - on que les emplois de la robe sont incompatibles avec la noblesse, ou que des maisons dont l'origine est toute militaire & d'ancienne chevalerie, ayent perdu une partie de l'éclat de leur noblesse pour être entrées dans la magistrature, comme il y en a beaucoup dans plusieurs cours souveraines, & principalement dans les parlemens de Rennes, d'Aix, & de Grenoble? ce seroit avoir une idée bien fausse de la justice, & connoître bien mal l'honneur qui est attaché à un si noble emploi.

L'administration de la justice est le premier devoir des souverains. Nos rois se font encore honneur de la rendre en personne dans leur conseil & dans leur parlement: tous les juges la rendent en leur nom; c'est pourquoi l'habit royal avec lequel on les représente, n'est pas un habillement de guerre, mais la toge ou robe longue avec la main de justice, qu'ils regardent comme un de leurs plus beaux attributs.

Les barons ou grands du royaume tenoient autrefois seuls le parlement; & dans les provinces la justice étoit rendue par des ducs, des comtes, des vicomtes, & autres officiers militaires qui étoient tous réputés nobles, & siégeoient avec leur habit de guerre & leurs armes.

Les princes du sang & les ducs & pairs concourent encore à l'administration de la justice au parlement. Ils y venoient autrefois en habit long & sans épée; ce ne fut qu'en 1551 qu'ils commencerent à en user autrement, malgre les remontrances du parlement, qui représenta que de toute ancienneté cela étoit reservé au roi seul. Avant M. de Harlai, lequel sous Louis XIV. retrancha une phrase de la formule du serment des ducs & pairs, ils juroient de se com<pb-> [p. 27] porter comme de bons & sages conseillers au parlement.

Les gouverneurs de certaines provinces sont conseillers nés dans les cours souveraines du chef - lieu de leur gouvernement.

Les maréchaux de France, qui sont les premiers officiers militaires, sont les juges de la noblesse dans les affaires d'honneur.

Les autres officiers militaires font tous la fonction de juges dans les conseils de guerre.

Nos rois ont aussi établi dans leurs conseils des conseillers d'épée, qui prennent rang & séance avec les conseillers de robe du jour de leur réception.

Ils ont pareillement établi des chevaliers d'honneur dans les cours souveraines, pour représenter les anciens barons ou chevaliers qui rendoient autrefois la justice.

Enfin les baillis & sénéchaux qui sont à la tête des jurisdictions des bailliages & sénéchaussées, non - seulement sont des officiers d'épéc, mais ils doivent être nobles. Ils siégent l'épée au côté, avec la toque garnie de plumes, comme les ducs & pairs; ce sont eux qui ont l'honneur de conduire la noblesse à l'armée, lorsque le ban & l'arriere - ban sont convoqués pour le service du roi. Ils peuvent outre cet office, remplir en même tems quelque place militaire, comme on en voit en effet plusieurs.

Pourroit - on après cela prétendre que l'administration de la justice fût une fonction au - dessous de la noblesse?

L'ignorance des barons qui ne savoient la plûpart ni lire ni écrire, fut cause qu'on leur associa des gens de loi dans le parlement; ce qui ne diminua rien de la dignité de cette cour. Ces gens de loi furent d'abord appellés les premiers sénateurs, maîtres du parlement, & ensuite présidens & conseillers. Telle fut l'origine des gens de robe, qui furent ensuite multipliés dans tous les tribunaux.

Depuis que l'administration de la justice fut confiée principalement à des gens de loi, les barons ou chevaliers s'adonnerent indifféremment, les uns à cet emploi, d'autres à la profession des armes; les premiers étoient appellés chevaliers in lois; les autres, chevaliers d'armes. Simon de Bucy premier président du parlement en 1344, est qualifié de chevalier en lois; & dans le même tems Jean le Jay président aux enquêtes, étoit qualifié de chevalier. Les présidens du parlement qui ont succédé dans cette fonction aux barons, ont encore retenu de - là le titre & l'ancien habillement de chevalier.

Non - seulement aucun office de judicature ne fait décheoir de l'état de noblesse, mais plusieurs de ces offices communiquent la noblesse à ceux qui ne l'ont pas, & à toute leur postérité.

Letitre même de chevalier qui distingue la plus haute noblesse, a été accordé aux premiers magistrats.

Ils peuvent posséder des comtés, marquisats, baronnies; & le roi en érige pour eux de même que pour les autres nobles: ils peuvent en prendre le titre non - seulement dans les actes qu'ils passent, mais se faire appeller du titre de ces seigneuries. Cet usage est commun dans plusieurs provinces, & cela n'est pas sans exemple à Paris: le chancelier de Chiverni se faisoit appeller ordinairement le comte de Chiverni; & si cela n'est pas plus commun parmi nous, c'est que nos magistrats préferent avec raison de se faire appeller d'un titre qui annonce la puissance publique dont ils sont revêtus, plûtôt que de porter le titre d'une simple seigneurie.

Louis XIV. ordonna en 1665 qu'il y auroit dans son ordre de S. Michel six chevaliers de robe.

Enfin le duché - pairie de Villemor fut érigé pour le chancelier Séguier, & n'a été éteint que faute d'hoirs mâles.

Tout cela prouve bien que la noblesse de robe ne forme qu'un seul & même ordre avec la noblesse d'épée. Quelques auteurs regardent même la premiere comme la principale: mais sans entrer dans cette discussion, il suffit d'avoir prouvé qu'elles tiennent l'une & l'autre le même rang, & qu'elles participent aux mêmes honneurs, aux mêmes priviléges, pour que l'on ne puisse renvoyer toute la robe dans le tiers - état.

M. de Voltaire en son histoire universelle, tom. II. pag. 240, en parlant du mépris que les nobles d'armes font de la noblesse de robe, & du refus que l'on fait dans les chapitres d'Allemagne, d'y recevoir cette noblesse de robe, dit que c'est un reste de l'ancienne barbarie d'attacher de l'avilissement à la plus belle fonction de l'humanité, celle de rendre la justice.

Ceux qui seroient en état de prouver qu'ils descendent de ces anciens Francs qui formerent la premiere noblesse, tiendroient sans contredit le premier rang dans l'ordre de la noblesse. Mais combien y at - il aujourd'hui de maisons qui puissent prouver une filiation suivie au - dessus du xij. ou xüj. siecle?

L'origine de la noblesse d'épée est à la vérité plus ancienne que celle de la noblesse de robe: mais tous les nobles d'épée ne sont pas pour cela plus anciens que les nobles de la robe. S'il y a quelques maisons d'épée plus anciennes que certaines maisons de robe, il y a aussi des maisons de robe plus anciennes que beaucoup de maisons d'épée.

Il y a même aujourd'hui nombre de maisons des plus illustres dans l'épée qui tirent leur origine de la robe, & dans quelques - unes les aînés sont demeurés dans leur premier état, tandis que les cadets ont pris le parti des armes: diroit - on que la noblesse de ceuxci vaille mieux que celle de leurs aînés?

Enfin quand la noblesse d'épée en général tiendroit par rapport à son ancienneté le premier rang dans l'ordre de la noblesse, cela n'empêcheroit pas que la noblesse de robe ne fût comprise dans le même ordre; & il seroit absurde qu'une portion de la noblesse aussi distinguée qu'est celle - ci, qui joüit de tous les mêmes honneurs & priviléges que les autres nobles, fût exceptée du rôle de la noblesse, qui n'est qu'une suite de la qualité de nobles, & qu'on la renvoyât dans le tiers état, qui est la classe des rotutiers, précisément à cause d'un emploi qui donne la noblesse, ou du moins qui est compatible avec la noblesse déjà acquise.

Si la magistrature étoit dans le tiers - état, elle seroit du moins à la tête; au lieu que ce corps a toûjours été représenté par les officiers municipaux seulement.

Qu'on ouvre les procès - verbaux de nos coûtumes, on verra par - tout que les gens de robe qui étoient nobles par leurs charges ou autrement, sont dénommés entre ceux qui composoient l'état de noblesse, & que l'on n'a compris dans le tiers - état que les officiers municipaux ou autres officiers de judicature qui n'étoient pas nobles, soit par leurs charges ou autrement.

Pour ce qui est des états, il est vrai que les magistrats ne s'y trouvent pas ordinairement, soit pour éviter les discussions qui pourroient survenir entre eux & les nobles d'épée pour le rang & la préséance, soit pour conserver la supériorité que les cours ont sur les états.

Il y eut en 1558 une assemblée de notables, tenue en une chambre du parlement. La magistrature y prit pour la premiere fois séance; elle n'y fut point confondue dans le tiers - état; elle formoit un quatrieme ordre distingué des trois autres, & qui n'étoit point inférieur à celui de la noblesse. Mais cet arrangement n'étoit point dans les principes, n'y ayant en France que trois ordres ou états, & qu'un seul ordre de no<pb->

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