ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"978"> air froid, une grande chaleur qui succede à un grand froid dans le printems; comme aussi les fraîcheurs de la nuit, qui se font sentir ordinairement dans cette saison, après des jours assez chauds. C'est même de cette derniere cause dont Sydenham ne craint pas d'assûrer qu'elle fait périr plus de monde que la peste, la guerre, & la famine.

L'angine inflammatoire qui est occasionnée par quelques - unes de ces différentes causes, produit différens symptomes, parmi lesquels il en est de très violens & de terribles, selon la diversité des parties qui en sont le siége.

Les symptomes communs à toute sorte d'angine qui la caractérisent, sont la difficulté de respirer ou d'avaler, avec un sentiment de douleur dans le fond de la gorge, sans que le thorax & les poumons ni l'estomac soient essentiellement affectés. L'angine vraie est distinguée en général de la fausse, parce que celle - là est accompagnée de rougeur, de chaleur dans le siége de la maladie, & la fievre s'y joint ordinairement: celle - ci n'est essentiellement accompagnée d'aucun de ces symptomes. On peut aussi distinguer par des signes propres les différentes parties affectées dans l'angine vraie; si elle a son siége dans la membrane musculeuse de la trachée artere, on y ressent tous les symptomes de l'inflammation avec une fievre ardente très - violente, sans qu'il paroisse rien de changé à l'extérieur & dans le fond de la gorge: dans ce cas le malade a les yeux enflammés, saillans hors de la tête comme ceux d'un animal qu'on étrangle, & quelquefois même tournés: il parle avec beaucoup de peine; il ne peut souvent pas articuler les paroles de maniere à se faire entendre; la voix est aiguë & semblable aux cris des petits chats. Il est obligé de tenir toûjours la bouche ouverte, & il en coule une salive écumeuse; il tire la langue, qui paroît enflammée & fort enflée: les levres deviennent livides; il a le cou roide; on y voit souvent de l'enflure avec rougeur; douleur & pulsation; les - veines jugulaires, frontales, canines paroissent variqueuses & fort gonflées; la respiration est petite, fréquente. Le malade ne peut exercer cette fonction qu'étant sur son séant & avec de grands efforts, ce qui indique combien la circulation du sang est gênée dans les poumons; il paroît avide de respirer un air frais, parce qu'il se sent une chaleur brûlante dans la poitrine: le pouls change à tout instant; le malade est dans une agitation continuelle, d'une inquiétude extrème; il se jette souvent hors du lit; il ne peut pas rester couché sur le dos; il ne voit, il n'entend que confusément; il ne sait ni ce qu'il dit ni ce qu'il fait, tant il est occupé de la crainte de la suffocation, dont il est fortement menacé: quelquefois même il tombe dans un vrai délire.

Plus le mal est voisin de la glotte, plus les symptomes mentionnés sont violens; & si l'inflammation gagne les muscles qui servent à la fermer, la suffocation suit de près: c'est le cas le plus terrible; c'est l'angine la plus funeste; c'est celle de cette espece que quelques auteurs distinguent par le nom de suffocatoire: Hippocrate en donne une description bien exacte, lib. III. de morbis. Il convient ici d'observer que dans cette sorte d'esquinancie il arrive souvent que non - seulement les parties intérieures du larynx & de la trachée - artere sont affectées, mais encore les poumons; ce qui contribue beaucoup à rendre la respiration difficile: c'est ce qui a été prouvé par l'ouverture des cadavres de plusieurs personnes qui étoient mortes suffoquées par l'effet de la maladie dont il s'agit. Dodonée assûre dans ses observations avoir trouvé dans ce cas les poumons purulens ou abscédés.

Si l'inflammation n'affecte que les muscles destinés à élever l'os hyoide & le larynx, la respiration est presque aussi libre que dans l'état naturel; le commencement de la déglutition est accompagné d'une douleur très - vive, & on peut appercevoir dans la gorge quelque rougeur avec tumeur.

Lorsque c'est le pharynx qui est enflammé, on peut en appercevoir les signes en examinant le fond de la bouche, après avoir abaissé la langue, en la comprimant vers sa base: la respiration est assez libre dans ce cas, mais la déglutition est très - douloureuse, se fait très - difficilement, & ne peut quelquefois pas se faire du tout. Ce que le malade veut avaler revient par les narines, ou il entre quelque partie dans le larynx & la trachée - artere, qui excite une toux violente: par conséquent il ne peut prendre ni aliment ni boisson; la masse des humeurs s'échauffe, devient acre faute d'être renouvellée par le chyle; la fievre qui accompagne presque toûjours cette espece d'angine, devient plus ardente, sans être aussi violente que dans la premiere espece, & celle - là ne tend pas aussi promptement à la mort.

Si l'inflammation a son siége dans les amygdales, la luete, les membranes musculeuses du voile du palais, ce dont on peut aussi s'assûrer par l'inspection des parties, la respiration est gênée, pénible; il ne passe que peu ou point d'air par les narines: par conséquent le malade tient toûjours la bouche ouverte; il ne peut avaler qu'avec de grandes douleurs, à cause que les organes affectées concourent beaucoup à la déglutition; les alimens sont même souvent rejettés dans la bouche, parce qu'ils ne peuvent pas passer sous les arcades du voile du palais trop tendu & trop douloureux; il se filtre une plus grande quantité d'humeurs dans les amygdales, & dans toutes les glandes muqueuses qui sont dispersées dans le tissu des parties enflammées: le malade ne cesse de cracher des matieres visqueuses, glaireuses en abondance; il sent une douleur vive dans l'intérieur de l'oreille & dans la partie qui communique avec la gorge; il sent aussi un craquement lorsqu'il avale, & quelquefois même il en résulte une surdité complette. Ces derniers accidens ne peuvent être attribués qu'à l'inflammation, qui affecte aussi la trompe d'Eustachi, en partie ou dans toute son étendue, ensorte même qu'elle s'étende jusqu'à la membrane qui tapisse la cavité du tambour de l'oreille.

Lorsque l'inflammation attaque l'oesophage proprement dit au - dessous du pharynx, les symptomes sont les mêmes que dans le cas où le pharynx est enflammé: on ne peut pas en découvrir les signes par l'inspection, mais le malade peut aisément indiquer le siége du mal par la douleur qu'il ressent dans la partie affectée, lorsque ce qu'il avale y est parvenu. La matiere de la déglutition est souvent repoussée & remonte dans la bouche, ce qu'on peut appeller regorgement, pour distinguer ce symptome du vomissement.

Si plusieurs de ces différentes especes d'inflammation attaquent en même tems un malade, il est facile d'en tirer la conséquence que la maladie sera d'autant plus violente & plus dangereuse, & les symptomes d'autant plus funestes, qu'il y aura un plus grand nombre de parties affectées: il est rare qu'aucune de ces especes d'inflammation se trouve solitaire; le mal gagne de proche en proche, & s'étend plus ou moins sur les parties voisines.

L'angine aqueuse, oedémateuse, catarrheuse a ordinairement son siége dans les glandes, dans les vaisseaux secrétoires & excrétoires de la mucosité qui est destinée à lubrifier toutes les parties de la gorge; ses effets sont l'enflure blanche & froide de ces mêmes parties, sans aucun des signes de l'inflammation, la douleur, s'il y en a, n'ayant lieu que par le mouvement & la distension des organes de la respiration [p. 979] ou de la déglutition: si la tumeur lymphatique devient schirreuse, on le connoît par les signes du skirrhe. Voy. Skirrhe. De même que si celui - ci devient chancreux, on en jugera par les signes du chancre. Voyez Chancre.

Les symptomes ci - dessus énoncés caractérisent l'angine suffocatoire, & la distinguent de la non suffocatoire; l'idiopathique & la sympathique, l'épidémique & la sporadique ont aussi leur caractere propre, que leur qualité spécifique annonce suffisamment: la suppuratoire & la gangreneuse se font connoître par les signes de la suppuration & de la gangrene.

Toutes les angines humorales sont formées par des tumeurs; mais il n'y en a point dans la paralytique & la convulsive qui dépendent des muscles de la partie affectée, trop constamment contractés ou relâchés par le défaut des nerfs moteurs, qui pechent par trop ou trop peu de jeu. L'esquinancie paralytique est souvent une suite de l'apoplexie, de l'émiplégie, des grandes évacuations, des longues convalescences, pendant lesquelles les forces diminuent de plus en plus, bien - loin de se rétablir, de la compression des nerfs, par la luxation de quelque vertebre du cou, sur - tout de la seconde, &c. L'angine convulsive est un symptome de maladie spasmodique, comme l'épilepsie, la passion hystérique, hypocondriaque: on distingue ces deux especes d'angine par le défaut de tumeur, tant au - dedans qu'au - dehors, & par les signes des maladies dont elles sont les accessoires.

Après avoir exposé les principaux symptomes de l'esquinancie, considérée dans ses différentes especes, & après en avoir déduit les signes diagnostics pour chacune en particulier, l'ordre exige de passer aux prognosties, que l'on peut aussi tirer de ces mêmes symptomes: l'observation enseigne en général que les angines dans lesquelles la respiration est gênée, sont les plus dangereuses, & que les autres qui ne font que rendre la déglutition difficile, sont le moins à craindre pour les suites, pourvû que la respiration ne soit point lésée. Pour ce qui est de l'angine vraie, inflammatoire, qui rend la respiration difficile, celle qui a son siége dans la cavité du larynx, auprès de la glotte & dans ses bords sur - tout, est la plus mauvaise de toutes, & il y a plus à craindre de celle qui empêche la déglutition, lorsque l'on ne peut découvrir aucune tumeur ni rougeur dans la gorge, & que cependant le commencement de l'exercice de la déglutition est fort douloureux. On peut aussi dire de toutes angines inflammatoires, qu'elles doivent être regardées comme très - pernicieuses, & le plus souvent mortelles, lorsqu'elles sont situées dans l'intérieur de la gorge, de maniere que l'on ne puisse appercevoir n tumeur ni rougeur: les autres de la même espece, quoique très - fâcheuses, sont cependant souvent moins dangereuses, sur - tout s'il paroît des tumeurs & des rougeurs dans la gorge, au cou & sur la poitrine; mais si elles rentrent & disparoissent, & que la respiration devienne plus gênée, c'est un très mauvais signe, de même que si la douleur cesse tout - à - coup d'être manifeste, parce qu'il y a tout lieu de craindre, dans ce cas, que l'inflammation ne se termine bien - tôt par une gangrene mortelle. La suppuration, qui peut quelquefois terminer moins malheureusement l'angine, peut avoir aussi des suites très - dangereuses; si l'abcès venant à se rompre tombe dans la trachée - artere, ce qui peut causer une prompte suffocation; si sa formation est suivie d'une fievre hectique, d'une toux seche & fréquente, d'une douleur de côté & d'une expectoration repétée souvent de crachats blancs & visqueux: dans l'angine suffocatoire la mort prévient ordinairement la suppuration.

Quoiqu'il arrive quelquefois que certaine angine inflammatoire n'affecte qu'une des parties de la gorge, & reste solitaire, néanmoins le plus souvent l'inflammation gagne les parties voisines & s'étend beaucoup; ensorte qu'il en résulte un concours de plusieurs différens symptomes qui produisent un desordre proportionné dans les fonctions des parties affectées: d'où il est aisé de conclure que la maladie sera d'autant plus difficile à guérir, que les diverses especes d'angine seront plus multipliées en même tems; il y aura plus à craindre de funestes évenemens de la complication de tant de maux, qui finissent souvent par la mort, après avoir fait essuyer des tourmens & des angoisses supérieures à tout ce que la patience humaine peut surmonter.

Dans l'angine suffocatoire le malade périt par la syncope comme étranglé, au bout de dix - huit heures, depuis le commencement de la maladie, & dans les autres especes d'angines inflammatoires, qui ne sont guere moins violentes, la mort arrive vers le troisieme ou le quatrieme jour au plus tard. Toute angine formée par un dépôt critique à la suite d'une autre maladie, est mortelle: c'est un bon signe dans l'angine inflammatoire, de quelque espece qu'elle soit, que la respiration ne soit pas fort gênée, & que la déglutition de la salive & de la boisson se fasse sans beaucoup de peine; que la fievre ne soit pas bien forte; que le malade dorme, soit tranquille; en un mot qu'il n'y ait aucun des mauvais symptomes mentionnés.

L'angine oedémateuse, catarrheuse, skirrheuse, & toute autre de cette nature, ne doit pas être regardée comme une maladie aiguë: ainsi comme elle est de plus long cours que l'inflammatoiré la plus benigne, elle est aussi moins dangereuse ordinairement, tout étant égal. La cure est plus ou moins difficile, selon que l'humeur qui forme l'obstruction est plus ou moins susceptible de se résoudre aisément: si elle est devenue skirrheuse, le mal peut être de long cours, mais incurable; à plus forte raison si le skirrhe dégénere en chancre, qui se trouve inévitablement toûjours exposé à l'air, & dont la matiere acre, rongeante détruit promptement toutes les parties auxquelles elle est appliquée, à cause de la délicatesse de leur tissu. De - là combien de maux qui, eu égard aux souffrances extrèmes qu'ils produisent, ne hâtent jamais assez la mort sûre qui les suit, & qui en peut être le seul remede.

L'angine paralytique est très - difficile à guérir; si elle dépend d'une cause générale, elle dure quelquefois très long - tems: lorsqu'elle est causée par une résolution particuliere des muscles du larynx ou du pharynx, alors elle est suivie de marasme & de tous les mauvais effets du défaut de nourriture; si la résolution est complete, la mort la suit de près. L'esquinancie paralytique causée par la luxation entiere d'une vertebre du cou, est aussi mortelle: si la luxation n'est pas entiere, on peut tenter la réduction, & la guérison peut suivre.

L'angine causée par une contraction spasmodique subite des muscles du larynx, peut causer la suffocation & une mort prompte: si la convulsion n'est pas violente, elle effraye plus qu'elle n'est dangereuse; elle cesse & revient souvent dans les maladies où le genre nerveux est sujet à des mouvemens spasmodiques irréguliers. Le globe hystérique qu'éprouvent si souvent bien des femmes, est une angine convulsive avec flatulence: l'air arrêté dans l'oesophage, par un resserrement convulsif, se raréfie, comprime la trachée - artere & dispose à la suffocation; effet qui n'est pas ordinairement de longue durée.

Il suit de tout ce qui a été dit jusqu'ici sur l'affection qu'on appelle angine ou esquinancie, que ce n'est pas une maladie simple, mais un assemblage de différentes maladies sous le même nom: elles ont toutes cela de commun, qu'elles consistent dans la

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