ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"814"> De plus, comme tout ce qu'on chantoit dans la tragédie, quoique divisé en scenes, étoit compris sous le nom général de choeur, de même chaque partie de la fable ou de l'action, chaque incident, quoiqu'il formât à part un épisode, étoit compris sous le nom général d'épisode, qu'on donnoit à toute l'action prise ensemble. Les parties du choeur étoient autant de choeurs, & les parties de l'épisode autant d'épisodes.

En ce sens (& c'est le second qu'Aristote donne à ce terme) chaque partie de l'action exprimée dans le plan & dans la premiere constitution de la fable, étoient autant d'épisodes; telles sont dans l'Odissée, l'absence & les erreurs d'Ulysse, le desordre qui regne dans sa maison, son retour, & sa présence qui rétablissent toutes choses.

Aristote nous donne encore une troisieme sorte d'épisode, lorsqu'il dit que ce qui est compris & exprimé dans le premier plan de la fable, est propre, & que les autres choses sont des épisodes. Par propre il entend ce qui est absolument nécessaire, & par épisode ce qui n'est nécessaire qu'à certains égards, & que le poëte peut ou employer ou rejetter. C'est ainsi qu'Homere après avoir dressé le premier plan de sa fable de l'Odyssée, n'a plus été maître de faire ou de ne pas faire Ulysse absent d'Ithaque; cette absence étoit essentielle & par cette raison Aristote la met au rang des choses propres à la fable: mais il ne nomme point de la sorte les avantures d'Antiphate, de Circé, des Syrennes, de Scylla, de Caribde, &c. le poëte avoit la liberté d'en choisir d'autres; ainsi elles sont des épisodes distinguées de la premiere action, à laquelle en ce sens elles ne sont point propres ni immédiatement nécessaires. Il est vrai qu'on peut dire qu'elles le sont à quelques égards; car l'absence d'Ulysse étant nécessaire, il falloit aussi nécessairement que n'étant pas dans son pays il fût ailleurs. Si donc le poëte avoit la liberté de ne mettre que les avantures particulieres que nous venons de citer, & qu'il a choisies, il n'avoit pas la liberté générale de n'en mettre aucunes. S'il eût omis cellesci, il eût été nécessairement obligé de leur en substituer d'autres, ou bien il auroit omis une partie de la matiere contenue dans son plan, & son poëme auroit été défectueux. Le défaut de ces incidens n'est donc pas d'être tels que le poëte eût pû, sans changer le fonds de l'action, leur en substituer d'autres; mais de n'être pas liés entr'eux de façon que le précédent amene celui qui le suit; car c'est peu de se succéder, il faut encore qu'ils naissent les uns des autres.

Le troisieme sens du mot épisode, revient donc au second; toute la différence qui s'y rencontre, c'est que ce que nous appellons épisode dans le second sens, est le fonds ou le canevas de l'épisode pris dans le troisieme sens, & que ce dernier ajoûte à l'autre certaines circonstances vraissemblables, quoique non nécessaires, des lieux, des princes, & des peuples chez lesquels Ulysse a été jetté par le courroux de Neptune.

Il faut encore ajoûter que dans l'épisode pris en ce troisieme sens, l'incident ou l'épisode dans le premier sens sur lequel l'autre est fondé, doit être étendu & amplifié, sans quoi une partie essentielle de l'action & de la fable n'est pas un épisode.

Enfin c'est à ce troisieme sens qu'il faut restraindre le précepte d'Aristote, qui prescrit de ne faire les épisodes qu'après qu'on a choisi les noms qu'on veut donner aux personnages. Homere, par exemple, n'auroit pas pû parler de flotte & de navires comme il a fait dans l'Iliade, si au lieu des noms d'Achille, d'Agamemnon, &c. il avoit employé ceux de Capanée, d'Adraste, &c. Voyez Fable.

Le terme d'épisode, au sentiment d'Aristote, ne signifie donc pas dans l'épopée un évenement étran<cb-> ger ou hors d'oeuvre, mais une partie nécessaire & essentielle de l'action & du sujet; elle doit être étendue & amplifiée avec des circonstances vraissemblables.

C'est par cette raison que le même auteur prescrit que l'épisode ne soit point ajoûté à l'action & tiré d'ailleurs, mais qu'il fasse partie de l'action même; & que ce grand maître parlant des épisodes ne s'est jamais servi du terme ajoûter, quoique ses interpretes l'ayent trouvé si naturel ou si conforme à leurs idées, qu'ils n'ont pas manqué de l'employer dans leurs traductions ou dans leurs commentaires. Il ne dit cependant pas qu'après avoir tracé son plan & choisi les noms de ses personnages, le poëte doive ajoûter les épisodes, mais il se sert d'un terme dérivé de ce mot, comme si nous disions en françois que le poëte doit épisodier son action.

Ajoûtez à cela, que pour faire connoître quelle doit être la véritable étendue d'une tragédie ou de l'épopée, & pour enseigner l'art de rendre celle - ci plus longue que l'autre, il ne dit pas qu'on ajoûte peu d'épisodes à l'action tragique, mais simplement que les épisodes de la tragédie sont courts & concis, & que l'épopée est étendue & amplifiée par les siens. En un mot la vengeance & la punition des méchans énoncée en peu de paroles, comme on la lit dans le plan d'Aristote, est une action simple, propre, & nécessaire au sujet; elle n'est point un épisode, mais le fonds & le canevas d'un épisode; & cette même punition expliquée & étendue avec toutes les circonstances du tems, des lieux, & des personnes, n'est plus une action simple & propre, mais une action épisodiée, un véritable épisode, qui pour être plus au choix & à la liberté du poëte, n'en contient pas moins un fonds propre & nécessaire.

Après tout ce que nous venons de dire, il semble qu'on pourroit définir les épisodes, les parties nécessaires de l'action étendues avec des circonstances vraissemblables.

Un épisode n'est donc qu'une partie de l'action, & non une action toute entiere; & la partie de l'action qui sert de fonds à l'épisode, ne doit pas, lorsqu'elle est épisodiée, demeurer dans la simplicité, telle qu'ellé est énoncée dans le premier plan de la fable.

Aristote, après avoir rapporté les parties de l'Odyssée considérées dans cette premiere simpliciré, dit formellement qu'en cet état elles sont propres à ce poëme, & il les distingue des épisodes. Ainsi que dans l'OEdipe de Sophocle la guérison des Thébains n'est pas un épisode, mais seulement le fonds & la matiere d'un épisode, dont le poëte étoit le maître de se servir. De même Aristote en disant qu'Homere dans l'Iliade a pris peu de chose pour son sujet, mais qu'il s'est beaucoup servi de ses épisodes, nous apprend que le sujet contient en soi beaucoup d'épisodes dont le poëte peut se servir, c'est - à - dire qu'il en contient le fonds ou le canevas, qu'on peut étendre & développer comme Sophocle a fait le chatiment d'OEdipe.

Le sujet d'un poëme peut s'amplifier de deux manieres; l'une, quand le poëte y employe beaucoup de ses épisodes; l'autre, lorsqu'il donne à chacun une étendue considérable. C'est principalement par cet art, que les poëtes épiques étendent beaucoup plus leurs poëmes que les dramatiques ne font les leurs. D'ailleurs il y a certaines parties de l'action qui ne présentent naturellement qu'un seul épisode, comme la mort d'Hector, celle de Turnus, &c. au lieu que d'autres parties de la fable plus riches & plus abondantes, obligent le poëte à faire plusieurs épisodes sur chacune, quoique dans le premier plan elles soient énoncées d'une maniere aussi simple que les autres: telles sont les combats des Troyens contre les Grecs, l'absence d'Ulysse, les erreurs d'Enée, &c. car l'ab<pb-> [p. 815] sence d'Ulysse hors de son pays & pendant plusieurs années, exige nécessairement sa présence ailleurs; le dessein de la fable le doit jetter en plusieurs périls & en plusieurs états; or chaque péril & chaque état fournit un épisode, que le poëte est maître d'employer ou de négliger.

De tous ces principes il résulte 1°. que les épisodes ne sont point des actions, mais des parties d'une action: 2°. qu'ils ne sont point ajoûtés à l'action & à la matiere du poëme, mais qu'eux - mêmes sont cette action & cette matiere, comme les membres sont la matiere du corps: 3°. qu'ils ne sont point tirés d'ailleurs, mais du fonds même du sujet; qu'ils ne sont pas néanmoins unis & liés nécessairement à l'action, mais qu'ils sont unis & liés les uns aux autres: 4°. que toutes les parties d'une action ne sont pas des épisodes, mais seulement celles qui sont étendues & amplifiées par les circonstances particulieres; & qu'enfin l'union qu'ont entr'eux les épisodes est nécessaire dans le fonds de l'épisode, & vraissemblable dans les circonstances. (G)

Episode (Page 5:815)

Episode, en Peinture, sont des scenes qu'on introduit dans un tableau, qui semblent étrangeres au sujet principal du tableau, & qui néanmoins y sont nécessairement liées. Voyez Composition.

Ces scenes ou épisodes seroient, par exemple, dans un morceau représentant un sacrifice, un homme qui portant du bois pour entretenir le feu de l'autel, en laisse tomber quelques morceaux que d'autres ramassent; ou des femmes qui s'intéréssant à la conservation d'un enfant, le dérangent du passage de la victime. Ces hommes qui ramassent les morceaux de bois tombés, ces femmes qui dérangent l'enfant, forment des épisodes; & cependant liés avec le sujet; ces épisodes jettent une variété, & même une sorte d'intérêt, qui produit de grands effets, particulierement dans la représentation des actions qui ne sont pas suffisamment intéressantes par elles - mêmes.

EPISODIQUE (Page 5:815)

EPISODIQUE, adj. (Belles - Lettres.) En Poésie on nomme fablé épisodique, celle qui est chargée d'incidens superflus, & dont les épisodes ne sont point nécessairement ni vraissemblablement liés les uns aux aurres. Voyez Episode.

Aristote dans sa poétique établit que les tragédies dont les épisodes sont ainsi comme décousus & indépendans entr'eux, sont défectueuses, & il les nomme drames épisodiques, comme s'il disoit, superabundantes in episodis, surchargés d'épisodes; & il les condamne parce que tous ces petils épisodes ne peuvent jamais former qu'un ensemble vicieux. Voy. Fable.

Les actions les plus simples sont les plus sujettes à cette irrégularité, en ce qu'ayant moins d'incidens & de parties que les autres plus composées, elles ont plus besoin qu'on y en ajoûte d'étrangeres. Un poëte peu habile épuisera quelquefois tout son sujet dès le premier ou le second acte, & se trouvera par - là dans la nécessité d'avoir recours à des actions étrangeres pour remplir les autres actes. Aristote, poetiq. chap. jx.

Les premiers poëtes françois sont tombés dans ce défaut; pour remplir chaque acte, ils prenoient des actions qui appartenoient bien au même héros, mais qui n'avoient aucune liaison entr'elles.

Si l'on insere dans un poëme un épisode dont le nom & les circonstances ne soient pas nécessaires; & dont le fonds & le sujet ne fassent pas la partie principale, c'est - à - dire le sujet du poëme, cet épisode rend alors la fable épisodique.

Une maniere de connoître cette irrégularité, c'est de voir si l'on pourroit retranclier l'épisode, & ne rien substituer en sa place, sans que le poëme en souffrît ou qu'il devînt défectueux. L'histoire d'Hypsipile, dans la Thébaïde de Stace, nous fournit un exemple de ces épisodes défectueux. Si l'on retran<cb-> choit toute l'histoire de cette nourrice & de son enfant piqué par un serpent, le fil de l'action principale n'en iroit que mieux; personne n'imagineroit qu'il y eût rien d'oublié ou qu'il manquât rien à l'action. Le Bossu, traité du poëme épique.

Dans le poëme dramatique, lorsque la fable ou le morceau d'histoire que l'on traite fournit naturellement les incidens & les obstacles qui doivent contraster avec l'action principale, le poëte est dispensé d'imaginer un épisode, puisqu'il trouve dans son sujet même ce qu'en vain il chercheroit mieux ailleurs. Mais lorsque le sujet n'en suggere point, ou que les incidens ne sont pas eux - mêmes assez importans pour produire les effets qu'on se propose, alors il est permis d'imaginer un épisode & de le lier au sujet, ensorte qu'il y devienne comme nécessaire. C'est ainsi que M. Racine a inséré dans son Andromaque l'amour d'Oreste pour Hermione, & que dans Iphigénie il a imaginé l'épisode d'Eriphile. L'Andromaque & Iphigénie ne sont pas des pieces épisodiques, dans le sens qu'Aristote l'entend & qu'il condamne.

Depuis quelques années on a mis sur le théatre françois quelques pieces vraiment épisodiques, composées de scenes détachées, qui ont un rapport à un certain but général, & qu'on appelle autrement pieces à tiroirs. Le nom de comédie ne leur convient nullément, parce que la comédie est une action, & emporte nécessairement dans son idée l'unité d'action; or ces pieces à tiroir, que le défaut de génie a si étrangement multipliées, ne sont que des déclamations partagées en plusieurs points contre certains ridicules. Voyez Unité. (G)

EPISSER une corde (Page 5:815)

EPISSER une corde, (Corderie & Marine.) c'est l'assembler avec une autre, en entrelassant leurs fils ou cordons l'un avec l'autre, ce qui se fait par le moyen d'une broche de fer appellée cornet d'épisse ou épissoir. Après un combat, lorsque quelques manoeuvres sont coupées ou rompues, on est obligé de les épisser quand on n'en a pas de rechange.

Pour épisser deux cables ensemble, il faut premierement détordre les trois tourons, longueur d'environ deux brasses de chaque cable, puis passer chaque touron dans le cable, tant d'un bout que de l'autre, par trois fois; les tourons étant ainsi passés, on décorde un cordon de chaque touron, on le coupe à l'endroit où il est passé, & on y fait entrer les bouts de ces cordons coupés; ensuite on passe chaque touron des cordons restans deux fois dans les cables, & de chaque côté; après cela on les décorde encore, & l'on coupe un des cordons de chaque touron à l'endroit qui est passé dans le cable, & on l'y fait entrer; enfin l'on passe chacun des cordons qui restent dans les tourons du cable, une fois de l'un & de l'autre bout, & on les coupe. (Z)

EPISSOIR (Page 5:815)

EPISSOIR, s. m. (Corderie.) instrument de corne, de buis, ou de fer, pointu par un bout, qui sert à défaire les noeuds & à détortiller les torons d'un cordage.

EPISSURE (Page 5:815)

EPISSURE, s. f. (Corderie & Marine.) c'est un entrelassement de deux bouts de cordes que l'on fait pour les joindre eniemble, au lieu d'y faire un noeud, afin que la corde puisse passer & rouler aisément sur la poulie.

Epissure longue; c'est celle qui se fait avec des bouts de corde inégaux, qu'on assemble de façon qu'ils puissent passer sur une poulie.

Epissure courte; c'est celle où les deux bouts de corde qu'on veut épisser sont égaux, c'est - à - dire coupés de même longueur. (Z)

EPISTAPHYLIN (Page 5:815)

EPISTAPHYLIN, adject. en Anatomie; nom d'un muscle de la luette, qu'on appelle aussi staphylin & azigos. Voyez Luette, &c. (L)

EPISTATE (Page 5:815)

EPISTATE, s. m. (Hist. anc.) nom du sénateur d'Athenes qui étoit en semaine de présider. Ce mot

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.