ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"660"> quelque violente émotion de l'ame, quelque paroxysme de colere, de terreur, &c. toutes ces choses sont très - propres à produire différens genres de spasmes, de piquotemens dans les nerfs, des ardeurs, des douleurs, des gonflemens d'entrailles, &c. qui se manifestent par des inquiétudes, des insomnies, par des agitations de membres, par des cris, des tremblemens, des sursauts convulsifs, & même par des mouvemens épileptiques. Toute sorte d'intempérie de l'air, mais sur - tout le froid & les changemens prompts de celui - ci au chaud, & réciproquement, qui affectent les adultes, sur - tout ceux qui ont quelque foiblesse de nerfs, à cause des dérangemens dans la transpiration, qui en surviennent, font encore bien plus d'impression sur les enfans, & alterent bien plus considérablement leur santé, & produisent en eux de très - mauvais effets. Les trop grandes précautions que l'on prend pour les garantir des injures de l'air, pour les tenir chauds, peuvent au contraire leur être aussi très - nuisibles, de même qu'un régime trop recherché, & l'usage trop fréquent de remedes; tout cela tend à affoiblir leur tempérament, parce qu'ils ne peuvent pas ensuite supporter les moindres erreurs dans l'usage des choses nécessaires, sans en éprouver de mauvais effets, des impressions fâcheuses; c'est pourquoi les enfans des personnes riches, qui sont élevés trop délicatement, sont ordinairement d'une santé plus foible que ceux pour lesquels on n'a pas pris tant de soin, tels que ceux des gens de la campagne, des pauvres. C'est cette considération qui a fait dire à Loke dans son excellent ouvrage sur l'éducation des enfans, qu'il croiroit pouvoir renfermer dans cette courte maxime, « que les gens de qualité devroient traiter leurs enfans comme les bons paysans traitent les leurs », tous les conseils qu'il pourroit donner sur la maniere de conserver & augmenter la santé de leurs enfans, ou du moins pour leur faire une constitution qui ne soit point sujete à des maladies; & qu'il ne penseroit pas pouvoir donner une regle générale plus assûrée à cet égard que celle - ci, « qu'on gâte la constitution des enfans par trop d'indulgence & de tendresse », s'il n'étoit persuadé que les meres pourroient trouver cela un peu trop rude, & les peres un peu trop cruel. Il explique donc en faveur des uns & des autres sa pensée plus au long, dans la premiere section de l'ouvrage dont il s'agit, qui est sans contredit une des meilleures sources dans lesquelles on puisse puiser des préceptes salutaires pour l'éducation des enfans, soit physique, soit morale. Voyez Enfance.

Après avoir traité des causes qui contribuent à augmenter la foiblesse du tempérament des enfans, en augmentant la sensibilité du genre nerveux, il reste à dire quelque chose de celles qui produisent le même effet, en disposant ultérieurement leurs humeurs à l'acrimonie acide, qui est si souvent dominante dans leurs maladies. Ces causes sont très - différentes entr'elles: il en est plusieurs dont il a été fait mention ci - dessus. Les principales sont celles qui corrompent le lait ou dans le sein des nourrices, ou dans le corps des enfans; le rendent épais, grossier, ou le font entierement cailler; ce qui peut arriver de différentes manieres de la part des nourrices surtout. Si elles sont sujettes à de violentes passions, & qu'elles s'y livrent souvent; si elles se nourrissent principalement de fruits ou de fromage, de différentes préparations au vinaigre, d'alimens aigres, acres, salés; si elles usent pour leur boisson de beaucoup de vin qui ne soit pas bien mûr, ou de toute autre liqueur spiritueuse, il ne peut se former de toutes ces différentes matieres qu'un lait de mauvaise qualité, visqueux, grossier, acre, &c. qui s'aigrit facilement dans les premieres voies des enfans, d'où naissent non - seulement des obstructions dans les visceres du bas - ventre, & sur - tout dans les intestins & dans le mésentere, mais encore du gravier, des calculs dans la vessie; ce qui n'est pas rare à cet âge: & même lorsque le lait se trouve chargé de parties actives fournies par les alimens, il s'échauffe aisément; & étant porté dans le sang des enfans, il y excite des agitations fébriles, des fievres ardentes. Ce n'est pas seulement la qualité des alimens dont usent les meres, qui peut nuire à leurs nourriçons, c'en est aussi la quantité, même des meilleurs, lorsqu'elles ne font pas de l'exercice, qu'elles menent une vie trop sédentaire, parce qu'il ne peut résulter de cette façon de vivre que des humeurs épaisses, grossieres, qui fournissent un lait aussi imparfait; germe de bien des maladies. Le froid des mammelles, en resserrant les vaisseaux galactoferes, peut aussi contribuer beaucoup à l'épaississement du fluide qu'ils contiennent. Le coït trop fréquent des nourrices, les menstrues qui leur surviennent, les attaques de passion hystérique, la constipation, les spasmes, les ventosités des premieres voies; toutes ces altérations dans l'économie animale, corrompent leur lait, & les enfans qui s'en nourrissent deviennent foibles, languissans, pleureux, & indiquent assez par leur mauvais état le besoin qu'ils ont d'une meilleure nourriture; ainsi l'on peut assûrer que leurs maladies sont le plus souvent produites par le mauvais régime & la mauvaise santé des nourrices, en tant qu'elles ne peuvent en conséquence leur fournir qu'un lait de très - mauvaise qualité. Elles peuvent aussi leur nuire, lors même qu'elles n'ont qu'une bonne nourriture à leur donner: si elles les remplissent trop, soit que ce soit du lait, soit des soupes, ou d'autres alimens les mieux préparés; la quantité dont ils sont farcis surcharge leur estomac, sur - tout pendant qu'ils sont le plus foibles & petits; ils ne peuvent pas la digérer, elle s'aigrit, & dégénere en une masse caillée ou plâtreuse qui distend ce viscere, en tiraille les fibres, en détruit le ressort; d'où suivent bien de mauvais effets, tels que les enflures du ventricule, les cardialgies, les oppressions, les vomissemens, les diarrhées, & autres semblables altérations qui détruisent la santé de ces petites créatures. C'est ce qui a fait dire à Ethmuller, d'après Hippocrate, que les nourrices, en donnant trop de lait à la fois, ou de toute autre nourriture aux enfans, les font mourir par trop d'empressement à leur fournir les moyens de vivre, dum lactant, mactant; car comme toute replétion excessive est mauvaise, sur - tout de pain pour les adultes, on peut dire la même chose de celle de lait pour les enfans. On fait encore bien plus de tort à leur santé, lorsqu'on leur donne des alimens trop variés, & souvent de mauvaise qualité, aigres, salés, acres; lorsqu'on leur fait manger beaucoup de viande; qu'on leur donne de la nourriture, sans attendre que celle qu'ils ont prise auparavant soit digérée; qu'on les fait user de vin, de liqueurs spiritueuses, sous prétexte de ranimer leur appétit, ou de les fortifier, ou de les tranquilliser. Toutes ces fautes de régime sont très - pernicieuses aux enfans; ces différentes matieres alimentaires, ou sont propres à faire cailler le lait, avec lequel elles se mêlent, elles affoiblissent l'estomac; ou elles suivent leur tendance naturelle à la corruption, ou elles portent l'acrimonie, l'incendie dans le sang doux & balsamique de ces tendres éleves; d'où naissent un grand nombre de maladies différentes. On peut joindre à toutes ces causes le changement trop fréquent de nourrices, & par conséquent de lait. Les qualités des alimens trop variées nuisent aux adultes, à plus forte raison aux enfans, non - seulement pendant qu'ils tetent, mais encore après qu'ils sont sevrés.

Pour ce qui est du prognostic à porter sur les maladies des enfans, il faut d'abord chercher à savoir [p. 661] s'ils sont nés de parens robustes, de bonne santé de corps & d'esprit, sur - tout à l'égard des meres, parce qu'ils ne sont pas ordinairement si délicats; ils ne sont pas conséquemment si sujets à être affectés par les mauvaises impressions des choses nécessaires à la vie: ils ne deviennent pas si facilement malades, & ils n'ont pas autant de disposition à succomber aux maladies qui leur surviennent. On peut dire la même chose de ceux qui ne sont pas élevés si délicatement, qui sont accoûtumés à supporter impunément les effets des changemens d'air, d'alimens qui seroient pernicieux à tous autres, qui sont endurcis par un régime tel que celui qu'observent les paysans à l'égard de leurs enfans. Il est aussi certain en général que les maladies des enfans, quoiqu'innombrables, pour ainsi dire, sont plus faciles à guérir que celles des adultes, pourvû qu'elles soient bien traitées; parce que comme ils sont plus susceptibles des altérations qui troublent en eux l'économie animale par de très - legeres causes, de même les moindres remedes placés à - propos, & différentes autres choses convenables à leur nature, peuvent en rétablir aisément les desordres; ensorte que la plûpart ne meurent que parce que l'on employe souvent une trop grande quantité de secours, ou de trop puissans moyens pour leur rendre la santé, qui auroit pû être rétablie ou d'elle - même, ou avec très - peu de soins. Les Medecins ont peut - être plus nui au genre humain en médicamentant les enfans, qu'ils ne lui ont été utiles à cet égard. On observe constamment que les enfans gros, gras, charnus, & ceux qui tetent beaucoup, ceux qui ont des nourrices d'un grand embonpoint, pleines de sang, sont plus sujets à être malades, & à l'être plus fréquemment que d'autres; ils sont plus communément affectés du rachitis, de la toux convulsive, des aphthes. Les enfans maigres sont ordinairement affligés de fievres, d'inflammations; ceux qui ont le ventre libre, sont aussi mieux portans que ceux qui l'ont serré: & enfin comme la plûpart périssent par les douleurs de ventre, les tranchées & les mouvemens convulsifs, par les symptomes d'épilepsie, c'est toûjours un mauvais signe que ces différens maux se joignent avec les insomnies, aux différentes maladies dont ils sont affectés.

Les douleurs d'entrailles, les coliques, sont ordinairement épidémiques pour les enfans, depuis la mi - Juillet jusqu'à la mi - Septembre; & il en meurt plus alors dans un mois, que dans quatre de toute autre partie de l'année, parce que les grandes chaleurs, qui se font principalement sentir dans ce temslà, épuisent leurs forces, & les font aisément succomber à tous les maux qu'elles produisent, ou qui surviennent par toute autre cause. Les tranchées sont plus dangereuses à proportion qu'elles sont plus violentes, qu'elles durent davantage, ou qu'elles reviennent plus souvent, à cause des fievres, des affections asthmatiques, convulsives, épileptiques qu'elles peuvent occasionner, si on n'y apporte pas promptement remede. Celles qui sont causées par les vers, ne cessent pas qu'ils ne soient chassés du corps.

Les aphthes qui n'affectent qu'en petit nombre la surface de la bouche des enfans, qui ne causent pas beaucoup de douleur, qui sont rouges & jaunâtres, cedent plus facilement aux remedes que ceux qui s'étendent en grand nombre dans toute la bouche, qui sont noirâtres, de mauvaise odeur, & qui forment des ulceres profonds: ceux qui proviennent de cause externe, sont moins fâcheux que ceux qui sont produits par un vice de sang, par la corluption des humeurs. Les aphthes qui sont accompagnés d'inflammation, de difficulté d'avaler & de respirer, sont ordinairement très funestes.

La maigreur & la consomption des enfans, sont toûjours des maladies très - dangereuses, sur - tout lorsqu'elles sont invétérées, & causées par des obstructions au mésentere & aux autres visceres du basventre ou de la poitrine. Si la diarrhée s'y joint, & que les malades rendent par le fondement une matiere purulente, sanglante, de fort mauvaise odeur, le mal est incurable: il y a au contraire à espérer, si les digestions étant rectifiées, l'appétit revient, se soûtient régulierement; si l'enflure du ventre diminue, & que les forces se rétablissent. Il conste par un grand nombre d'observations, que les fievres intermittentes ont souvent guéri des enfans de la consomption.

Pour ce qui est de la curation des maladies des enfans, on ne peut en donner ici qu'une idée fort en raccourci: la plûpart d'entr'elles, soit qu'elles leur soient propres, soit qu'elles leur soient communes avec les adultes, sont traitées chacune en son lieu; ainsi voyez, par exemple, Vérole (petite), Rougeole, Chartre, Rachitis, Epilepsie, Cardialgie, Vers, Dentition, Teigne , &c. On peut dire en général que comme les principales causes des maladies des enfans consistent principalement dans le relâchement des fibres naturellement très délicates, & la foiblesse des organes augmentée par l'humidité trop abondante dont ils sont abreuvés, & dans l'acidité dominante des humeurs, on doit combattre ces vices par les contraires: ainsi les astringens, les absorbans, les antiacides, qui conviennent pour corriger l'état contre nature des solides & des fluides; & les legers purgatifs, pour évacuer l'humide superflu & corrompu, employés avec prudence, selon les différentes indications qui se présentent, sont les remedes communs à presque toutes les curations des maladies des enfans C'est ce qu'a parfaitement bien établi le docteur Harris dans sa dissertation sur ce sujet, en bannissant de la pratique, dans ce cas, l'usage des remedes chimiques, diaphorétiques, incendiaires, & de toute autre qualité, dont elle étoit surchargée. Il est certain même, indépendamment de la considération des causes de ces maladies, que la maniere de traiter ces petits malades ne sauroit être trop simplifiée, vû la difficulté qu'il y a à les soûmettre à prendre des drogues, & à leur faire observer un régime convenable, surtout avant qu'ils ayent atteint l'âge de connoissance.

A peine l'homme est - il mis au monde, qu'il se trouve souvent dans le cas d'avoir besoin des secours de la Medecine, & de payer le tribut à cet art, pour éviter de le payer si - tôt à la nature. En effet, dans le cas où les enfans nouveau - nés ont pour la plûpart des mucosités gluantes dans la bouche, l'oesophage, l'estomac, les intestins, & quelquefois des matieres nourricieres imparfaitement digérées, avant de sortir du ventre de leurs meres, qui ont pû s'échauffer dans les parties qui les contiennent, s'y corrompre par l'agitation excitée pendant le travail de l'accouchement, dont s'ensuivent des cardialgies, des douleurs de ventre, des tranchées, & autres symptomes fâcheux; si après avoir fait prendre aux enfans ainsi affectés, quelques gorgées du premier lait de la mere, qui est ce qu'on appelle colostrum, que la nature semble avoir destiné à cet usage, attendu qu'il est très - laxatif, l'évacuation de ces matieres ne se fait pas, ou s'il est impossible de leur faire prendre le teton tant que le mal dure, il est à propos d'ouvrir doucement la bouche au nouveauné, & de répandre peu - à - peu & à différentes reprises dans l'intervalle de dix à douze heures, de l'eau en petite quantité, dans laquelle on a dissous du sucre ou délayé du miel, pour détremper ces différentes matieres, en purger les premieres voies, & en favoriser l'expulsion. Si ces impuretés sont si abondantes dans l'estomac & les intestins, qu'elles causent des

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