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Il faut définir tous les termes, excepté les radicaux,
c'est - à - dire ceux qui désignent des sensations
simples ou les idées abstraites les plus générales. V.
l'article
Je n'ignore point que ce sentiment n'est pas celui de ces hommes qui nous entretiennent de tout & qui ne savent rien; qui ne sont point de nos académies; qui n'en seront pas, parce qu'ils ne sont pas dignes d'en être; qui se mêlent cependant de désigner aux places vacantes; qui, osant fixer les limites de l'objet de l'académie françoise, se sont presqu'indignés de voir entrer dans cette compagnie les Mairans, les Maupertuis, & les d'Alemberts, & qui ignorent que la premiere fois que l'un d'eux y parla, ce fut pour rectifier la définition du terme midi. On diroit, à les entendre, qu'ils prétendroient borner la connoissance de la langue & le dictionnaire de l'académie à un très - petit nombre de termes qui leur sont familiers. Encore, s'ils y regardoient de plus près; parmi ces termes, en trouveroient - ils plusieurs, tels qu'arbre, animal, plante, fleur, vice, vertu, vérité, force, loi, pour la définition rigoureuse desquels ils seroient bien obligés d'appeller à leur secours le philosophe, le jurisconsulte, l'historien, le naturaliste; en un mot celui qui connoit les qualités réelles ou abstraites qui constituent un être tel, & qui le spécifient ou qui l'individualisent, selon que cet être a des semblables ou qu'il est solitaire.
Concluons donc qu'on n'exécutera jamais un bon
vocabulaire sans le concours d'un grand nombre de
talens, parce que les définitions de noms ne different
point des définitions de choses (Voyez l'art.
Un Dictionnaire universel & raisonné des Sciences & des Arts ne peut donc être l'ouvrage d'un homme seul. Je dis plus; je ne crois pas que ce puisse être l'ouvrage d'aucune des sociétés littéraires ou savantes qui subsistent, prises séparément ou en corps.
L'académie françoise ne fourniroit à une Encyclopédie que ce qui appartient à la langue & à ses usages; l'académie des inscriptions & belles - lettres, que des connoissances relatives à l'Histoire profane, ancienne & moderne, à la Chronologie, à la Géographie & à la Littérature; la Sorbonne, que de la Théologie, de l'Histoire sacrée, & des Superstitions; l'académie des sciences, que des Mathématiques, de l'Histoire naturelle, de la Physique, de la Chimie, de la Medecine, de l'Anatomie, &c. l'académie de Chirurgie, que l'art de ce nom; celle de Peinture, que la Peinture, la Gravûre, la Sculpture, le Dessein, l'Architecture, &c. l'Université, que ce qu'on entend par les Humanités, la Philosophie de l'école, la Jurisprudence, la Typographie, &c.
Parcourez les autres sociétés que je peux avoir omises, & vous vous appercevrez, qu'occupées chacune d'un objet particulier, qui est sans doute du ressort d'un dictionnaire universel, elles en négligent une infinité d'autres qui doivent y entrer; & vous n'en trouverez aucune qui vous fournisse la généralité de connoissances dont vous aurez besoin. Faites mieux; imposez - leur à toutes un tribut; vous verrez combien il vous manquera de choses encore, & vous serez forcé de vous aider d'un grand nombre d'hommes répandus en différentes classes, hommes prétieux, mais à qui les portes des académies n'en sont pas moins fermées par leur état. C'est trop de tous les membres de ces savantes compagnies pour un seul objet de la science humaine; ce n'est pas assez de toutes ces sociétés pour la science de l'homme en général.
Sans doute, ce qu'on pourroit obtenir de chaque société savante en particulier seroit très - utile, & ce qu'elles fourniroient toutes avanceroit rapidement le Dictionnaire universel à sa perfection. Il y a même une tâche qui rameneroit leurs travaux au but de cet ouvrage & qui devroit leur être imposée. Je distingue deux moyens de cultiver les sciences: l'un d'augmenter la masse des connoissances par des découvertes; & c'est ainsi qu'on mérite le nom d'inventeur: l'autre de rapprocher les découvertes & de les ordonner entre elles, afin que plus d'hommes soient éclairés, & que chacun participe, selon sa portée, à la lumiere de son siecle; & l'on appelle auteurs classiques, ceux qui réussissent dans ce genre qui n'est pas sans difficulté. J'avoue que, quand les sociétés savantes répandues dans l'Europe s'ocuperoient à recueillir les connoissances anciennes & modernes, à les enchaîner, & à en publier des traités complets & méthodiques, les choses n'en seroient que mieux; du moins jugeons - en par l'effet. Comparons les quatre - vingts volumes in - 4°. de l'académie des sciences, compilés selon l'esprit dominant de nos plus célebres académies, à huit ou dix volumes exécutés, comme je le conçois, & voyons s'il y auroit à choisir. Ces derniers renfermeroient une infiniré de matériaux excellens dispersés dans un grand nombre d'ouvrages, où ils restent sans produire aucune sensation utile, comme des charbons épars qui ne formeront jamais un brasier; & de ces dix volumes, à peine la collection académique la plus nombreuse en fourniroit - elle quelques - uns. Qu'on jette les yeux sur les mémoires de l'académie des inscriptions, & qu'on calcule combien on en extrairoit de feuilles pour un traité scientifique. Que dirai - je des Transactions philosophiques, & des Actes des curieux de la nature? Aussi tous ces recueils énormes commencent à chanceler; & il n'y a aucun doute que le premier abréviateur qui aura du goût & de l'habileté ne les fasse tomber. Ce devoit être leur dernier sort.
Après y avoir sérieusement réfléchi, je trouve que l'objet particulier d'un académicien pourroit être de [p. 636]
C'est à l'exécution de ce projet étendu, non seulement aux différents objets de nos académies, mais à toutes les branches de la connoissance humaine, qu'une Encyclopédie doit suppléer; Ouvrage qui ne s'exécutera que par une sociéte de gens de lettres & d'artistes, épars, occupés chacun de sa partie, & liés seulement par l'intérêt général du genre humain, & par un sentiment de bienveillance réciproque.
Je dis une société de gens de lettres & d'artisles, afin de rassembler tous les talens. Je les veux épars, parce qu'il n'y a aucune société subsistante d'où l'on puisse tirer toutes les connoissances dont on a besoin, & que, si l'on vouloit que l'ouvrage se fît toûjours & ne s'achevât jamais, il n'y auroit qu'à former une pareille société. Toute société a ses assemblées, ces assemblées laissent entr'elles des intervalles, elles ne durent que quelques heures, une partie de ce tems se perd en discussions, & les objets les plus simples consument des mois entiers; d'où il arrivera, comme le di oit un des Quarante, qui a plus d'esprit dans la conversation que beaucoup d'auteurs n'en mettent dans leurs écrits, que les douze volumes de l'Encyclopédie auront paru que nous en serons encore à la premiere lettre de notre vocabulaire; au lieu, ajoutoit - il, que si ceux qui travaillent à cet ouvrage avoient des séances encyclopédiques, comme nous avons des séances académiques, nous verrions la fin de notre ouvrage, qu'ils en seroient encore à la premiere lettre du leur; & il avoit rai on.
J'ajoute, des hommes liés par l'intérêt général du genre humain & par un sentiment de bienveillance réciproque, parce que ces motifs étant les plus honnêtes qui puissent animer des ames bien nées, ce sont aussi les plus durables. On s'applaudit intérieurement de ce que l'on fait; on s'échauffe; on entreprend pour son collegue & pour son ami, ce qu'on ne tenteroit par aucune autre considération; & j'ose assurer, d'après l'expérience, que le succès des tentatives en est plus certain. L'Encyclopédie a rassemblé ses matériaux en assez pen de tems. Ce n'est point un vil intérêt qui en a réuni & hâté les auteurs; ils ont vû leurs efforts secondés par la plûpart des gens de lettres dont ils pouvoient attendre quelques secours; & ils n'ont été importunés dans leurs travaux que par ceux qui n'avoient pas le talent nécessaire pour y contribuer seulement d'une bonne page.
Si le gouvernement se mêle d'un pareil ouvrage, il ne se fera point. Toute son influence doit se borner à en favoriser l'exécution. Un monarque peut d'un seul mot faire sortir un palais d'entre les herbes; mais il n'en est pas d'une société de gens de lettres, ainsi que d'une troupe de manouvriers. Une Encyclopédie ne s'ordonne point. C'est un travail qui veut plûtôt être suivi avec opiniâtreté, que commencé avec chaleur. Les entreprises de cette nature se proposent dans les cours, accidentellement, & par forme d'entretien; mais elles n'y intéressent jamais assez pour n'être point oubliées à - travers le tumulte & dans la confusion d'une infinité d'autres affaires plus ou moins importantes. Les projets littéraires conçus par les grands sont comme les feuilles qui naissent aux printems, se sechent tous les autom<cb->
Mais ce qui doit donner le plus grand poids aux
considérations précédentes, c'est qu'une Encyclopédie, ainsi qu'un vocabulaire, doit être commencée,
continuée, & finie dans un certain intervalle de
tems, & qu'un intérêt sordide s'occupe toûjours à
prolonger les ouvrages ordonnés par les rois. Si l'on
employoit à un dictionnaire universel & raisonné les
longues années que l'étendue de son objet semble
exiger, il arriveroit par les révolutions, qui ne sont
guere moins rapides dans les Sciences, & sur - tout
dans les Arts, que dans la langue, que ce dictionnaire
seroit celui d'un siecle passé, de même qu'un vocabulaire
qui s'exécuteroit lentement, ne pourroit
être que celui d'un regne qui ne seroit plus. Les opinions
vieillissent, & disparoissent comme les mots;
l'intérêt que l'on prenoit à certaines inventions, s'affoiblit
de jour en jour, & s'éteint; si le travail tire en
longueur, on se sera étendu sur des choses momentanées,
dont il ne sera déjà plus question; on n'aura rien
dit sur d'autres, dont la place sera passée; inconvénient
que nous avons nous - mêmes éprouvé, quoiqu'il ne se soit pas écoulé un tems fort considérable
entre la date de cet ouvrage, & le moment où j'écris,
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