ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

RECHERCHE Accueil Mises en garde Documentation ATILF ARTFL Courriel

Previous page

"538"> d'eau, jusqu'à ce qu'on l'employe; & s'il y en a plus de broyé qu'on n'en employera, il faut le tenir couvert d'eau seconde.

Pour l'employer il faut avoir un chevalet de cuivre rouge ou jaune. Ce chevalet n'est autre chose qu'une plaque repliée par ses deux bouts. Ces replis lui servent de piés; & comme ils sont de hauteurs inégales, la surface du chevalet sera en plan incliné. On a une spatule avec laquelle on prend de l'émail broyé, & on le met sur le chevalet, où cette portion qu'on en veut employer s'égoutte d'une partie de son eau, qui s'étend le long des bords du chevalet. Il y a des artistes qui se passent de chevalet. On reprend peu - à - peu avec la spatule l'émail de dessus le chevalet, & on le porte dans le champlever de la piece à émailler, en commençant par un bout & finissant par l'autre. On supplée à la spatule avec un cure - dent: cela s'appelle charger. Il faut que cette premiere charge remplisse tout le champlever, & soit au niveau de l'or; car il s'agit ici d'une plaque d'or. Nous parlerons plus bas de la maniere dont il faut charger les plaques de cuivre; il n'est pas nécessaire que l'émail soit broyé pour cette premiere charge, ni aussi fin, ni aussi soigneusement que pour une seconde.

Ceux qui n'ont point de chevalet, ont un petit godet de fayence dans lequel ils transvasent l'émail du mortier: le fond en est plat; mais ils le tiennent un peu incliné, afin de déterminer l'eau à tomber d'un côté.

Lorsque la piece est chargée, on la place sur l'extrémité des doigts, & on la frappe legérement par les côtés avec la spatule, afin de donner lieu par ces petites secousses aux molécules de l'émail broyé, de se composer entr'elles, de se serrer, & de s'arranger.

Cela fait, pour retirer l'eau que l'émail chargé peut encore contenir, on place sur les bords un linge fin, blanc & sec, & on l'y laisse tant qu'il aspire de l'eau. Il faut avoir l'attention de le changer de côté. Lorsqu'il n'aspire plus rien des bords, on y fait un pli large & plat, qu'on pose sur le milieu de l'émail à plusieurs reprises; après quoi on prend la spatule, & on l'appuye legérement sur toute la surface de l'émail, sans toutefois le déranger: car s'il arrivoit qu'il se dérangeât, il faudroit l'humecter derechef, afin qu'il se disposât convenablement, sans le tirer du champlever.

Quand la piece est seche, il faut l'exposer sur des cendres chaudes, afin qu'il n'y reste plus aucune humidité. Pour cet effet on a un morceau de taule percé de plusieurs petits trous, sur lequel on la place. La piece est sur la taule, la taule est sur la cendre: elle reste en cet état jusqu'à ce qu'elle ne fume plus. On observera seulement de la tenir chaude jusqu'au moment de la passer au feu; car si on l'avoit laissée refroidir, il faudroit la réchauffer peu - à - peu à l'entrée du fourneau, sans quoi l'on exposeroit l'émail à p etiller.

Une précaution à prendre par rapport à la taule percée de trous, c'est de la faire rougir & de la battre avant que de s'en servir, afin d'en séparer les écailles. Il faut qu'elle ait les bords relevés, ensorte que la piece que l'on place dessus n'y touchant que par ses extrémités, le contre - émail ne s'y attache point.

On a des pinces longues & plates, qu'on appelle releve - moustache, dont on se sert pour enlever la plaque & la porter au feu.

On passe la piece au feu dans un fourneau, dont on trouvera la figure & des coupes dans nos Planches de l'Emailleur, avec celles d'un pain d'émail, du mortier, de la molette, du chevalet, de la spatule, des taules, du releve - moustache, des moufles, de la pierre à user, des inventaires, & des autres outils de l'attelier du Peintre sur l'émail. Voyez donc nos figures & leur explication.

Il faudra se pourvoir de charbon de bois de hêtre, & à son défaut, de charbon de bois de chêne. On commencera par charger le fond de son fourneau de trois lits de branches. Ces branches auront un bon doigt de grosseur; on les coupera chacune de la longueur de l'intérieur du fourneau, jusqu'à son ouverture; on les rangera les unes à côté des autres, de maniere qu'elles se touchent. On placera celles du second lit dans les endroits où celles du premier lit se touchent, & celles du troisieme lit, où se touchent celles du second; ensorte que chaque branche du troisieme lit soit portée sur deux branches du second, & chaque branche du second sur deux branches du premier. On choisira les branches fort droites, afin qu'elles ne laissent point de vuide: un de leurs bouts touchera le fond du fourneau, & l'autre correspondra à l'ouverture. On a choisi cette disposition, afin que s'il arrivoit à une branche de se consumer trop promptement, on pût lui en substituer facilement une autre.

Cela fait, on a une moufle de terre; on la place sur ces lits de charbon, l'ouverture tournée du côté de la bouche du fourneau, & le plus à ras de cette bouche qu'il est possible.

La moufle placée, il s'agit de garnir ses côtés & sa partie postérieure, de charbons de branches. Les branches des côtés sont rangées comme celles des lits: les postérieures sont mises transversalement. Les unes & les autres s'élevent jusqu'à la hauteur de la moufle. Au - delà de cette hauteur les branches sont rangées longitudinalement & parallelement à celles des lits. Il n'y a qu'un lit sur la moufle.

Lorsque ce dernier lit est fait, on prend du petit charbon de la même espece, & l'on en répand dessus à la hauteur de quatre pouces. C'est alors qu'on couvre le fourneau de son chapiteau, qu'on étend sur le fond de la moufle trois ou cinq branches qui remplissent son intérieur en partie, & qu'on jette par la bouche du sourneau, du charbon qu'on a eu le soin de faire allumer tandis qu'on chargeoit le fourneau.

On a une piece de terre qu'on appelle l'atre; on la place sur la mentonniere: elle s'éleve à la hauteur du fond de la moufle. On a de gros charbons de la même espece que celui des lits; on en bouche toute l'ouverture de la moufle, puis on laisse le fourneau s'allumer de lui - même. on attend que tout en paroisse également rouge. Le fourneau s'allume par l'air qui se porte aux fentes pratiquées tant au fourneau qu'à son chapiteau.

Pour s'assûrer si le fourneau est assez allumé, on retire l'atre, afin de découvrir le charbon rangé en lits sous la moufle; & lorsqu'on voit ces lits egalement rouges par - tout, on remet l'atre & les charbons qui étoient dessus, & l'on avive le feu en soufflant dans la moufle avec un soufflet.

Si en ôtant la porte du chapiteau l'on s'appercevoit que le charbon se fût soûtenu élevé, il faudroit le faire descendre avec la pincette, & aviver le feu dans la moufle avec le soufflet, après avoir remis la porte du chapiteau.

Quand la couleur de la moufle paroîtra d'un rouge blanc, il sera tems de porter la piece au feu; c'est pourquoi l'on nettoyera le fond de la moufle du charbon qui y est & qu'on rejettera dans le fourneau par le trou du chapiteau. On prendra la piece avec le releve moustache, & on la placera sous la moufle le plus avant qu'on pourra. Si elle eût été froide, il eût fallu, comme nous en avons déjà averti plus haut, l'exposer d'abord sur le devant de la moufle, pour l'échauffer, & l'avancer successivement jusqu'au fond.

Pour introduire la piece dans la moufle, il a fallu [p. 539] écarter les charbons qui couvroient son entrée. Quand la piece y est introduite, on la referme avec deux charbons seulement, à - travers desquels on regarde ce qui se passe.

Si l'on s'apperçoit que la fusion soit plus forte vers le fond de la moufle que sur le devant ou sur les côtés, on retourne la piece, jusqu'à ce qu'on ait rendu la fusion égale par - tout. Il est bon de savoir qu'il n'est pas nécessaire au premier feu, que la fusion soit poussée jusqu'où elle peut aller, & que la surface de l'émail soit bien unie.

On s'apperçoit au premier feu que la piece doit être retirée, lorsque sa surface, quoique montagneuse & ondulée, présente cependant des parties liées & une surface unie, quoique non plane.

Cela fait, on retire la piece; on prend la taule sur laquelle elle étoit posée, & on la bat pour en détacher les écailles: cependant la piece refroidit.

On rebroye de l émail, mais on le broye le plus fin qu'il est possible, sans le mettre en bouillie. L'émail avoit baissé au premier feu: on en met donc à la seconde charge un tant - soit - peu plus que la hauteur du filet: cet excès doit être de la quantité que le feu ôtera à cette nouvelle charge. On charge la piece cette seconde fois, comme on l'a chargée la premiere: on prépare le fourneau comme on l'avoit préparé: on met au feu de la même maniere; mais on y laisse la piece en fusion, jusqu'à ce qu'on lui trouve la surface unie, lisse & plane. Une attention qu'il faut avoir à tous les feux, c'est de balancer sa piece, l'inclinant de gauche à droite & de droite à gauche, & de la retourner. Ces mouvemens servent à composer entr'elles les parties de l'émail, & à distribuer également la chaleur.

Si l'on trouvoit à la piece quelque creux au sortir de ce second feu, & que le point le plus bas de ce creux descendît au - dessous du filet, il faudroit la recharger legérement, & la passer au feu, comme nous venons de le prescrire.

Voilà ce qu'il faut observer aux pieces d'or. Quant à celles ce cuivre, il faut les charger jusqu'à trois fois, & les passer autant de fois au feu: on s'épargne par ce moyen la peine de les user, l'émail en devient même d'un plus beau poli.

Je ne dis rien des pieces d'argent, car on ne peut absolument en émailler des plaques; cependant tous les auteurs en font mention, mais je doute qu'aucun d'eux en ait jamais vû. L'argent se boursoufle, il fait boursoufler l'émail; il s'y forme des oeillets & des trous. Si l'on réussit, c'est une fois sur vingt; encore est - ce très imparfaitement, quoiqu'on ait pris la précaution de donner à la plaque d'argent plus d'une ligne d'épaisseur, & qu'on ait soudé une feuille d'or par - dessus. Une pareille plaque soûtient à peine un premier feu sans accident: que seroit - ce donc si la peinture exigeoit qu'on lui en donnât deux, trois, quatre, & même cinq? d'où il s'ensuit ou qu'on n'a jamais sû peindre sur des plaques d'argent émaillées, ou que c'est un secret absolument perdu. Toutes nos peintures en émail sont sur l'or ou sur le cuivre.

Une chose qu'il ne faut point ignorer, c'est que toute piece émaillée en plein du côté quel'on doit peindre, doit être contre - émaillée de l'autre côté, à moitié moins d'émail, si elle est convexe; si elle est plane, il faut que la quantité du contre - émail soit la même que celle de l'émail. On commence par le contre<-> émail, & l'on opere comme nous l'avons prescrit ci - dessus; il faut seulement laisser au contre - émail un peu d'humidité, sans quoi il en pourroit tomber une partie lorsqu'on viendroit à frapper avec la spatule les côtés de la plaque, pour faire ranger l'émail à sa surface, comme nous l'avons prescrit.

Lorsque les pieces ont été suffisamment chargées & passées au feu, on est obligé de les user, si elles sont plates; on se sert pour cela de la pierre à affiler les tranchets des cordonniers: on l'humecte, on la promene sur l'émail avec du grais tamisé. Lorsque toutes les ondulations auront été atteintes & effacées, on enlevera les traits du sable avec l'eau & la pierre seule. Cela fait, on lavera bien la piece, en la sayetant & brossant en pleine eau. S'il s'y est formé quelques petits oeillets, & qu'ils soient découverts, bouchez - les avec un grain d'émail, & repassez votre piece au feu, pour la repolir. S'il en paroît qui ne soient point percés, faites - y un trou avec une onglette ou burin: remplissez ce trou, de maniere que l'émail forme au - dessus un peu d'éminence, & remettez au feu; l'éminence venant à s'affaisser par le feu, la surface de votre plaque sera plane & égale.

Lorsque la piece ou plaque est préparée, il s'agit de la peindre. Il faut d'abord se pourvoir de couleurs. La préparation de ces couleurs est un secret; cependant nous avons quelqu'espérance de pouvoir la donner à l'article Porcelaine. Voyez cet article. Il faudroit tâcher d'avoir ses couleurs broyées au point qu'elles ne se sentent point inégales sous la molette, de les avoir en poudre, de la couleur qu'elles viendront après avoir été parfondues, telles que, quoiqu'elles ayent été couchées fort épais, elles ne croûtent point, ne piquent point l'émail, ou ne s'enfoncent point, après plusieurs feux, au - dessous du niveau de la piece. Les plus dures à se parfondre passent pour les meilleures; mais si on pouvoit les accorder toutes d'un fondant qui en rendit le parfond égal, il faut convenir que l'artiste en travailleroit avec beaucoup plus de facilité: c'est - là un des points de perfection que ceux qui s'occupent de la préparation des couleurs pour l'émail, devroient se proposer. Il faut avoir grand soin, sur - tout dans les commencemens, de tenir registre de leurs qualités, afin de s'en servir avec quelque sûreté; il y aura beaucoup à gagner à faire des notes de tous les mélanges qu'on en aura essayés. Il faut tenir ses couleurs renfermées dans de petites boîtes de boüis qui soient étiquetées & numérotées.

Pour s'assûrer des qualités de ses couleurs, on aura de petites plaques d'émail qu'on appelle inventaires: on y exécutera au pinceau des traits larges comme des lentilles; on numérotera ces traits, & l'on mettra l'inventaire au feu. Si l'on a observé de coucher d'abord la couleur égale & legere, & de repasser ensuite sur cette premiere couche de la couleur qui fasse des épaisseurs inégales; ces inégalités détermineront au sortir du feu la foiblesse, la force & les nuances.

C'est ainsi que le peintre en émail formera sa palette; ainsi la palette d'un émailleur est, pour ainsi dire, une suite plus ou moins considérable d'essais numérotés sur des inventaires, auxquels il a recours selon le besoin. Il est évident que plus il a de ces essais d'une même couleur & de couleurs diverses, plus il complete sa palette; & ces essais sont ou de couleurs pures & primitives, ou de couleurs résultantes du mélange de plusieurs autres. Celles - ci se forment pour l'émail, comme pour tout autre genre de peinture: avec cette différence que dans les autres genres de pcinture les teintes restent telles que l'artiste les aura appliquées; au lieu que dans la peinture en émail, le feu les altérant plus ou moins d'une infinité de manieres différentes, il faut que l'émailleur en peignant ait la mémoire présente de tous ces effets; sans cela il lui arrivera de faire une teinte pour une autre, & quelquefois de ne pouvoir plus recouvrer la teinte qu'il aura faite. Le peintre en émail a, pour ainsi dire, deux palettes, l'une sous les yeux, & l'autre dans l'esprit; & il faut qu'il soit attentif à chaque coup de pinceau de les conformer entr'elles; ce qui lui seroit très - difficile, ou peut - être impossible, si, quand il a commencé un ouvrage, il interrompoit

Next page


The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.

PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.