ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"528"> les académies des hommes d'un talent très - foible, soit par faveur & malgré elles, soit autrement, c'est alors le devoir du secrétaire de se rendre pour ainsi dire médiateur entre sa compagnie & le public, en palliant ou excusant l'indulgence de l'une sans manquer de respect à l'autre, & même à la vérité. Pour cela il doit réunir avec choix & présenter sous un point de vûe avantageux, ce qu'il peut y avoir de bon & d'utile dans les ouvrages de celui qu'il est obligé de loüer. Mais si ces ouvrages ne fournissent absolument rien à dire, que faire alors? Se taire. Et si par un malheur très - rare, la conduite a deshonoré les ouvrages, quel parti prendre? Loüer les ouvrages.

C'est apparemment par ces raisons que les académies des Sciences & des Belles - Lettres n'imposent point au secrétaire la loi rigoureuse de faire l'éloge de tous les académiciens: il seroit pourtant juste, & desirable même, que cette loi fût sévérement établie; il en résulteroit peut - être qu'on apporteroit dans le choix des sujets, une sévérité plus constante & plus continue: le secrétaire, & sa compagnie par contre - coup, seroient plus intéressés à ne choisir que des hommes loüables.

Concluons de ces réflexions, que le secrétaire d'une académie doit non - seulement avoir une connoissance étendue des différentes matieres dont l'académie s'occupe, mais posséder encore le talent d'écrire perfectionné par l'étude des Belles - Lettres, la finesse de l'esprit, la facilité de saisir les objets & de les présenter, enfin l'éloquence même. Cette place est donc celle qu'il est le plus important de bien remplir, pour l'avantage & pour l'honneur d'un corps littéraire. L'académie des Sciences doit certainement à M. de Fontenelle une partie de la réputation dont elle joüit: sans l'art avec lequel ce célebre écrivain a fait valoir la piûpart des ouvrages de ses confreres, ces ouvrages, quoiqu'excellens, ne seroient connus que des savans seuls, ils resteroient ignorés de ce qu'on appelle le public; & la considération dont joüit l'académie des Sciences, seroit moins générale. Aussi peut - on dire de M. de Fontenelle, qu'il a rendu la place dont il s'agit très - dangereuse à occuper. Les difficultés en sont d'autant plus grandes, que le genre d'écrire de cet auteur célebre est absolument à lui, & ne peut passer à un autre sans s'altérer; c'est une liqueur qui ne doit point changer de vase; il a eu, comme tous les grands écrivains, le style de sa pensée; ce style original & simple ne peut représenter agréablement & au naturel un autre esprit que le sien; en cherchant à l'imiter (j'en appelle à l'expérience), on ne lui ressemblera que par les petits défauts qu'on lui a reprochés, sans atteindre aux beautés réelles qui font oublier ces taches legeres. Ainsi pour réussir après lui, s'il est possible, dans cette carriere épineuse, il faut nécessairement prendre un ton qui ne soit pas le sien: il faut de plus, ce qui n'est pas le moins difficile, accoûtumer le public à ce ton, & lui persuader qu'on peut être digne de lui plaire en se frayant une route différente de celle par laquelle il a coûtume d'être conduit; car malheureusement le public, semblable aux critiques subalternes, juge d'abord un peu trop par imitation; il demande des choses nouvelles, & se révolte quand on lui en présente. Il est vrai qu'il y a cette différence entre le public & les critiques subalternes, que celui - là revient bientôt, & que ceux - ci s'opiniatrent. (O)

Eloge (Page 5:528)

Eloge, (Droit civil.) elogium, dans le droit écrit, signifie le blâme, & non pas la loüange; de sorte que ce mot, chez les jurisconsultes romains, deshonore ou du moins flétrit la probité & la réputation de celui qu'un testateur rappelle dans son testament avec éloge. Un pere, selon les lois romaines, doit ou instituer ses enfans dans une certaine somme, ou les deshériter nommément, à peine de nullité du testament. Dans ce dernier cas, la raison que le pere donne pour autoriser l'exhérédation de son enfant, est appellée elogium dans la jurisprudence romaine. Cicéron plaidant pour Cluentius, fait mention du testament de Cn. Egnatius, qui avoit deshérité son fils avec cet éloge (c'est - à - dire avec opprobre), que son fils avoit pris de l'argent pour condamner Oppiniacus.

Ce seul passage peut suffire pour prouver l'usage que les jurisconsultes ont fait du mot elogium dans un sens contraire à sa signification naturelle; mais les lois qui sont dans le Digeste & dans le Code, sous les titres de liber. & posth. & de Carbon. edicto, ainsi que les déclamations de Quintilien, en fournissent une infinité d'autres exemples. Dictionn. de Richelet, derniere édition. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ELONGATION (Page 5:528)

ELONGATION, s. f. en Astronomie, est la digression ou la distance dont une planete s'éloigne du Soleil par rapport à un oeil placé sur la Terre, c'est - à - dire l'arc ou angle apparent de la planete & du Soleil, vûs l'un & l'autre de la Terre. Voy. Planete.

La plus grande distance d'une planete au soleil, s'appelle sa plus grande élongation, & elle varie par deux raisons; savoir, parce que la Terre & la planete tournent l'une & l'autre, non dans des cercles, mais dans des ellipses. Cette variation est plus ou moins considérable, selon que les ellipses que les planetes décrivent, s'éloignent plus ou moins d'être des cercles; ainsi elle est moindre dans Vénus que dans Mercure, dont l'orbite est fort elliptique.

C'est sur - tout dans les mouvemens de Vénus & de Mercure qu'on a égard aux élongations. Mercure est dans sa plus grande élongation, lorsque la ligne menée de la Terre à Mercure, est tangente de l'orbite de cette planete; car il est facile de s'assûrer que l'arc compris entre le lieu de Mercure & le lieu du Soleil, c'est - à - dire l'angle compris entre les lignes menées de la Terre au Soleil & de la Terre à Mercure, est alors le plus grand qu'il est possible: il en est de même de Vénus. Or supposant que ces planetes, ainsi que la Terre, décrivent des cercles autour du Soleil, & qu'on connoisse le rapport des rayons de leurs orbites, il est facile de tirer de - là l'angle de leur plus grande élongation; car cet angle pour Mercure est l'angle au sommet d'un triangle rectangle, dont l'hypothénuse est la distance de la Terre au Soleil, & dont la base est la distance de Mercure au Soleil, ou le rayon de son orbite: & pour Vénus, c'est l'angle du sommet d'un triangle rectangle, dont l'hypothénuse est la même que celle du précédent, & dont la base est le rayon de l'orbite de Vénus. On prend ici les triangles pour rectangles, quoiqu'ils ne le soient qu'à - peu - près, & que même ils s'en éloignent assez sensiblement pour Mercure. Voyez les Instit. astronom.

A l'exception de Vénus & de Mercure, l'élongation de toutes les autres planetes, par rapport au Soleil, peut aller jusqu'à 180d; ce qui est évident, puisque la Terre est entre ces planetes & le Soleil.

La plus grande élongation de Vénus est de 45d, & la plus grande élongation de Mercure de 30d; c'est - à - dire que la premiere de ces planetes ne s'éloigne jamais du Soleil de plus de 45d, ou n'en est jamais vûe plus distante que de ce nombre de degrés, & que l'autre ne s'en éloigne jamais plus que de 30d; c'est ce qui fait queMercure est si rarement visible, & qu'il se perd d'ordinaire dans la lumiere du Soleil. Voyez Mercure & Vénus.

Quelques auteurs se sont servis aussi du terme d'élongation, pour marquer la différence du mouvement entre deux planetes, l'une plus rapide, & l'au<pb-> [p. 529] l'autre plus lente, ou la quantité d'espace dont l'une devance l'autre.

Le mouvement de la Lune par rapport au Soleil, ou l'arc compris entre la Lune & le Soleil, s'appelle l'élongation de la Lune au Soleil; cependant les astronomes modernes se servent presque toûjours en ce cas du mot distance. Voyez les art. Lune & Soleil. On dit aussi élongation diurne, élongation horaire, &c.

Angle d'élongation, ou angle à la Terre, c'est la différence entre le vrai lieu du Soleil & le lieu géocentrique d'une planete; tel est l'angle E T R (Planches d'Astron. sig. 26.) compris entre le lieu E du Soleil, & le lieu géocentrique R de la planete. Voy. Géocentrique, &c. (O)

Elongation (Page 5:529)

Elongation, terme de Chirurgie; c'est l'allongement d'une partie, causé par le gonflement des cartilages qui encroûtent les têtes & les cavités des os, ou par un amas d'humeurs dans la cavité articulaire qui enchâsse la tête de l'os. L'élongation est une espece de luxation imparfaite. M. Petit le chirurgien a parlé dans les mémoires de l'académie royale des Sciences, d'une luxation qui se fait peu - à - peu, & long - tems après l'action de la cause externe. Cela arrive principalement lorsqu'à l'occasion d'un coup ou d'une chûte, il y a eu une percussion dans la cavité, par la tête de l'os même. L'engorgement des cartilages est un effet ordinaire de la contusion qu'ils ont soufferte. Il y a aussi des causes internes du déplacement de l'os. Hippocrate (aphor. lx. sect. 6.) dit qu'il arrive par le relâchement des ligamens à la suite des deuleurs sciatiques; & il recommande l'application du cautere actuel, pour consumer l'humidité superflue qui abreuve les ligamens, afin de les rétablir dans leur ressort naturel. Le feu est un des meilleurs moyens que l'art puisse employer pour fortifier & corroborer les parties; mais c'est un remede extrème, auquel on ne doit avoir recours qu'après avoir reconnu l'inutilité des douches, des fomentations, de l'application des sachets faits avec des médicamens qui peuvent avoir la vertu de remettre les parties dans leur état naturel. (Y)

ELOQUENCE (Page 5:529)

ELOQUENCE, s. f. (Belles - Lettres) L'article suivant nous a été envoyé par M. de Voltaire, qui, en contribuant par son travail à la perfection de l'Encyclopédie, veut bien donner à tous les geas de Lettres citoyens, l'exemple du. véritable intérêt qu'ils doivent prendre à cet ouvrage. Dans la lettre qu'il nous a fait l'honneur de nous écrire à ce sujet, il a la modestie de ne donner cet article que comme une simple esquisse; mais ce qui n'est regardé que comme une esquisse par un grand maître, est un tableau précieux pour les autres. Nous exposons donc au public cet excellent morceau, tel que nous l'avons reçû de son illustre auteur: y pourrions - nous toucher sans lui faire tort?

L'Eloquence, dit M. de Voltaire, est née avant les regles de la Rhétorique, comme les langues se sont formées avant la Grammaire. La nature rend les hommes éloquens dans les grands intérêts & dans les grandes passions. Quiconque est vivement émû, voit les choses d'un autre oeil que les autres hommes. Tout est pour lui objet de comparaison rapide, & de métaphore: sans qu'il y prenne garde il anime tout, & fait passer dans ceux qui l'écoutent, une partie de son enthousiasme. Un philosophe trèséclairé a remarqué que le peuple même s'exprime par des figures; que rien n'est plus commun, plus naturel que les tours qu'on appelle tropes. Ainsi dans toutes les langues le coeur brûle, le courage s'allume, les yeux étincellent, l'esprit est accablé: il se partage, il s'épuise: le sang se glace, la tête se renverse: on est enflé d'orgueil, enyvré de vengeance. La nature se peint par - tout dans ces images fortes devenues ordinaires.

C'est elle dont l'instinct enseigne à prendre d'abord un air, un ton modeste avec ceux dont on a besoin. L'envie naturelle de captiver ses juges & ses maîtres, le recueillement de l'ame profondément frappée, qui se prépare à déployer les sentimens qui la pressent, sont les premiers maîtres de l'art.

C'est cette même nature qui inspire quelquefois des débuts vifs & animés; une forte passion, un danger pressant, appellent tout - d'un - coup l'imagination: ainsi un capitaine des premiers califes voyant suir les Musulmans, s'écria: Où courez - vous? ce n'est pas là que sont les ennemis. On vous a dit que le califeest tué: eh! qu'importe qu'il soit au nombre des vivans ou des morts? Dieu est vivant & vous regarde: marchez.

La nature fait donc l'éloquence; & si on a dit que les poëtes naissent & que les orateurs se forment, on l'a dit quand l'éloquence a été forcée d'étudier les lois, le génie des juges, & la méthode du tems.

Les préceptes sont toûjours venus après l'art. Tisias fut le premier qui recueillit les lois de l'éloquence dont la nature donne les premieres regles.

Platon dit ensuite dans son Gorgias, qu'un orateur doit avoir la subtilité des dialecticiens, la science des philosophes, la diction presque des poëtes, la voix & les gestes des plus grands acteurs.

Aristote fit voir ensuite que la véritable philosophie est le guide secret de l'esprit dans tous les arts. Il creusa les sources de l'éloquence dans son livre de la Rhétorique; il fit voir que la dialectique est le fondement de l'art de persuader, & qu'être éloquent c'est savoir prouver.

Il distingua les trois genres, le délibératif, le démonstratif, & le judiciaire. Dans le délibératif il s'agit d'exhorter ceux qui déliberent, à prendre un parti sur la guerre & sur la paix, sur l'administration publique, &c. dans le démonstratif, de faire voir ce qui est digne de loüange ou de blâme; dans le judiciaire, de persuader, d'absoudre ou de condamner, &c. On sent assez que ces trois genres rentrent souvent l'un dans l'autre.

Il traite ensuite des passions & des moeurs que tout orateur doit connoître.

Il examine quelles preuves on doit employer dans ces trois genres d'éloquence. Enfin il traite à fond de l'élocution sans laquelle tout languit; il recommande les métaphores pourvû qu'elles soient justes & nobles; il exige sur - tout la convenance, la bienséance. Tous ses préceptes respirent la justesse éclairée d'un philosophe, & la politesse d'un Athénien; & en donnant les regles de l'éloquence, il est éloquent avec simplicité.

Il est à remarquer que la Grece fut la seule contrée de la terre où l'on connût alors les lois de l'éloquence, parce que c'étoit la seule où la véritable éloquence existât. L'art grossier étoit chez tous les hommes; des traits sublimes ont échappé par - tout à la nature dans tous les tems: mais remuer les esprits de toute une nation polie, plaire, convaincre & toucher à la fois, cela ne fut donné qu'aux Grecs. Les Orientaux étoient presque tous esclaves: c'est un caractere de la servitude de tout exagérer; ainsi l'éloquence asiatique fut monstrueuse. L'Occident étoit barbare du tems d'Aristote.

L'éloquence véritable commença à se montrer dans Rome du tems des Gracques, & ne fut perfectionnée que du tems de Cicéron. Marc Antoine l'orateur, Hortensius, Curion, César, & plusieurs autres, furent des hommes éloquens.

Cette éloquence périt avec la république ainsi que celle d'Athenes. L'éloquence sublime n'appartient, dit - on, qu'à liberté; c'est qu'elle consiste à dire des vérités hardies, à étaler des raisons & des peintures fortes. Souvent un maître n'aime pas la vérité,

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