RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
"526">
Il ne suffit pas au style de l'orateur d'être clair, correct, propre, précis, élégant, noble, convenable au sujet, harmonieux, vif, & serré; il faut encore qu'il soit facile, c'est - à - dire que la gêne de la composition ne s'y laisse point appercevoir. Le style naturel, dit Pascal, nous enchante avec raison; car on s'attendoit de trouver un auteur, & on trouve un homme. Le plaisir de l'auditeur ou du lecteur diminuera à mesure que le travail & la peine se feront sentir. Un des moyens de se préserver de ce défaut, c'est d'éviter ce style figuré, poétique, chargé d'ornemens, de métaphores, d'antitheses, & d'épithetes, qu'on appelle, je ne sai par quelle raison, style académique. Ce n'est assûrément pas celui de l'académie Françoise; il ne faut, pour s'en convaincre, que lire les ouvrages & les discours même des principaux membres qui la composent. C'est tout au plus le style de quelques académies de province, dont la multiplication excessive & ridicule est aussi funeste aux progrès du bon. goût, que préjudiciable aux vrais intérêts de l'état; depuis Pau jusqu'à Dunkerque, tout sera bien - tôt académie en France.
Ce style académique ou prétendu tel, est encore celui de la plûpart de nos prédicateurs, du moins de plusieurs de ceux qui ont quelque réputation; n'ayant pas assez de génie pour présenter d'une maniere frappante, & cependant naturelle, les vérités connues qu'ils doivent annoncer, ils croyent les orner par un style affecté & ridicule, qui fait ressembler leurs sermons, non à l'épanchement d'un coeur pénétré de ce qu'il doit inspirer aux autres, mais à une espece de représentation ennuyeuse & monotone, où l'acteur s'applaudit sans être écouté. Ces fades harangueurs peuvent se convaincre par la lecture réfléchie des sermons du P. Massillon, sur - tout de ceux qu'on appelle le petit - carême, combien la véritable éloquence de la chaire est opposée à l'affectation du style: nous ne citerons ici que le sermon qui a pour titre de l'humanité des grands, modele le plus parfait que nous connoissions en ce genre; discours plein de vérité, de simplicité, & de noblesse, que les princes devroient lire sans cesse pour se former le coeur, & les orateurs chrétiens pour se former le goût.
L'affectation du style paroît sur - tout dans la prose de la plûpart des poëtes: accoûtumés au style orné & figuré, ils le transportent comme malgré eux dans leur prose; ou s'ils font des efforts pour l'en bannir,
Telles sont les principales lois de l'élocution oratoire. On trouvera sur ce sujet un plus grand détail dans les ouvrages de Cicéron, de Quintilien, &c. surtout dans l'ouvrage du premier de ces deux écrivains qui a pour titre Orator, & dans lequel il traite à fond du nombre & de l'harmonie du discours. Quoique ce qu'il en dit soit principalement relatif à la langue latine qui étoit la sienne, on peut néanmoins en tirer des regles générales d'harmonie pour toutes les langues.
Nous ne parlerons point ici des figures, sur lesquelles
tant de rhéteurs ont écrit des volumes: elles servent
sans doute à rendre le discours plus animé; mais
si la nature ne les dicte, elles sont froides & insipides.
Elles sont d'ailleurs presque aussi communes,
même dans le discours ordinaire, que l'usage des
mots, pris dans un sens figuré, est commun dans toutes
les langues. Voyez
Sur les qualités du style en général dans toutes
sortes d'ouvrages, voyez
Je finis cet article par une observation, qu'il me semble
que la plûpart des rhéteurs modernes n'ont point
assez faite; leurs ouvrages, calqués pour ainsi dire sur
les livres de rhétorique des anciens, sont remplis de
définitions, de préceptes, & de détails, nécessaires
peut - être pour lire les anciens avec fruit, mais absolument
inutiles, & contraires même au genre d'éloquence
que nous connoissons aujourd'hui.
ELOGE (Page 5:526)
ELOGE, s. m. (Belles - Lettres.) loüange que l'on donne à quelque personne ou à quelque chose, en considération de son excellence, de son rang, ou de ses vertus, &c.
La vérité simple & exacte devroit être la base & l'ame de tous les éloges; ceux qui sont outrés & sans vraissemblance, font tort à celui qui les reçoit, & à [p. 527]
Voyez au mot
Qu'il nous soit permis à cette occasion de déplorer l'abus intolérable de panégyriques & de satyres, qui avilit aujourd'hui la république des Lettres. Quels ouvrages que ceux dont plusieurs de nos écrivains periodiques ne rougissent pas de faire l'éloge? quelle ineptie, ou quelle bassesse? Que la postérité seroit surprise de voir les Voltaire & les Montesquieu déchirés dans la même page où l'écrivain le plus médiocre est célébré! Mais heureusement la postérité ignorera ces loüanges & ces invectives éphémeres; & il semble que leurs auteurs l'ayent prévû, tant ils ont eu peu de respect pour elle. Il est vrai qu'un écrivain satyrique, après avoir outragé les hommes célebres pendant leur vie, croit réparer ses insultes par les éloges qu'il leur donne après leur mort; il ne s'apperçoit pas que ses éloges sont un nouvel outrage qu'il fait au mérite, & une nouvelle maniere de se deshonorer lui - même. (O)
Eloge, Louange (Page 5:527)
Eloges Académiques (Page 5:527)
Les éloges historiques sont en usage dans nos académies des Sciences & des Belles - Lettres, & à leur exemple dans un grand nombre d'autres: c'est le secrétaire qui en est chargé. Dans ces éloges on détaille toute la vie d'un académicien, depuis sa naissance jusqu'à sa mort; on doit néanmoins en retrancher les détails bas, puérils, indignes enfin de la majesté d'un éloge philosophique.
Ces éloges étant historiques, sont proprement des mémoires pour servir à l'histoire des Lettres: la vérité doit donc en faire le caractere principal. On doit néanmoins l'adoucir, ou même la taire quelquefois, parce c'est un éloge, & non une satyre, que l'on doit faire; mais il ne faut jamais la déguiser ni l'altérer.
Dans un éloge académique on a deux objets à
peindre, la personne & l'auteur: l'une & l'autre se
peindront par les faits. Les réflexions philosophiques
doivent sur - tout être l'ame de ces sortes d'écrits; elles
seront tantôt mêlées au récit avec art & briéveté,
tantôt rassemblées & développées dans des morceaux
particuliers, où elles formeront comme des
masses de lumiere qui serviront à éclairer le reste.
Ces réflexions séparées des faits, ou entre - mêlées
avec eux, auront pour objet le caractere d'esprit de
l'auteur, l'espece & le degré de ses talens, de ses lumieres
& de ses connoissances, le contraste ou l'accord
de ses écrits & de ses moeurs, de son coeur &
de son esprit, & sur - tout le caractere de ses ouvrages,
leur degré de mérite, ce qu'ils renferment de
neuf ou de singulier, le point de perfection où l'académicien
avoit trouvé la matiere qu'il a traitée, &
le point de perfection où il l'a laissée, en un mot,
l'analyse raisonnée des écrits; car c'est aux ouvrages
qu'il faut principalement s'attacher dans un éloge
académique: se borner à peindre la personne, même
avec les couleurs les plus avantageuses, ce seroit
faire une satyre indirecte de l'auteur & de sa compagnie;
ce seroit supposer que l'académicien étoit sans
talens, & qu'il n'a été reçu qu'à titre d'honnête homme,
titre très - estimable pour la société, mais insuffisant
pour une compagnie littéraire. Cependant
comme il n'est pas sans exemple de voir adopter par
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.