ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"430"> peut soûtenir long - tems une action intéressante. Delà vient que les bergeries de Racan sont froides à la lecture, & le seroient encore plus au théatre; quoique le style, les caracteres, l'action même de ces bergeries s'éloignent de la simplicité du genre pastoral. L'Aminte & le Pastor - fido, ces poëmes charmans, languiroient eux - mêmes, si les moeurs en étoient purement champêtres. L'action de l'églogue, pour être vive, ne doit avoir qu'un moment. La passion seule peut nourrir un long intérêt; il se refroidit s'il n'augmente. Or l'intérêt ne peut augmenter à un certain point, sans sortir du genre de l'églogue, qui de sa nature n'est susceptible ni de terreur, ni de pitié.

Tout poëme sans dessein, est un mauvais poëme. La Motte, pour le dessein de l'églogue, veut qu'on choisisse d'abord une vérité digne d'intéresser le coeur & de satisfaire l'esprit, & qu'on imagine ensuite une conversation de bergers, ou un évenement pastoral, où cette vérité se développe. Nous tombons d'accord avec lui que suivant ce dessein on peut faire une églogue excellente, & que ce développement d'une vérité particuliere seroit un mérite de plus. Mais nous ajoûtons qu'il est une vérité générale, qui suffit au dessein & à l'intérêt de l'églogue. Cette vérité, c'est l'avantage d'une vie douce, tranquille & innocente, telle qu'on peut la goûter en se rapprochant de la nature, sur une vie mêlée de trouble, d'amertume & d'ennuis, telle que l'homme l'éprouve depuis qu'il s'est forgé de vains desirs, des intérêts chimériques, & des besoins factices. C'est ainsi, sans doute, que M. de Fontenelle a envisagé le dessein moral de l'églogue, lorsqu'il en a banni les passions funees; & si la Motte avoit saisi ce principe, il n'eût proposé ni de peindre dans ce poëme les emportemens de l'amour, ni d'en faire aboutir l'action à quelque vérité cachée. La fable doit renfermer une moralité: & pourquoi? parce que le matériel de la fable est hors de toute vraissemblance. Voyez Fable. Mais l'églogue a sa vraissemblance & son intérêt en elle - même, & l'esprit se repose agréablement sur le sens littéral qu'elle lui présente, sans y chercher un sens mystérieux.

L'églogue en changeant d'objet, peut changer aussi de genre; on ne l'a considérée jusqu'ici que comme le tableau d'une condition digne d'envie, ne pourroit - elle pas être aussi la peinture d'un état digne de pitié? en seroit - elle moins utile ou moins intéressante? elle peindroit d'après nature des moeurs grossieres & de tristes objets; mais ces images, vivement exprimées, n'auroient - elles pas leur beauté, leur pathétique, & sur - tout leur bonté morale? Ceux qui panchent pour ce genre naturel & vrai, se fondent sur ce principe, que tout ce qui est beau en peinture, doit l'être en poésie; & que les paysans de Teniers ne le cedent en rien aux bergers de Pater, & aux galans de Vateau. Ils en concluent que Colin & Colette, Mathurin & Claudine, sont des personnages aussi dignes de l'églogue, dans la rusticité de leurs moeurs & la misere de leur état, que Daphnis & Timarete, Aminthe & Licidas, dans leur noble simplicité & dans leur aisance tranquille. Le premier genre sera triste, mais la tristesse & l'agrément ne sont point incompatibles. On n'auroit ce reproche à essuyer que des esprits froids & superficiels, espece de critiques qu'on ne doit jamais compter pour rien. Ce genre, dit - on, manqueroit de délicatesse & d'élégance; pourquoi? les paysans de la Fontaine ne parlent - ils pas le langage de la nature, & ce langagen'a - t - il point une élégante simplicité? Quel est le critique qui trouvera trop recherché le castaneoe molles & pressi copia lactis de Virgile? D'ailleurs ce langage inculte auroit du moins pour lui l'énergie de la vérité. Il y a peu de tableaux champêtres plus forts, plus intéressans pour l'imagination & pour l'ame, que ceux que la Fontaine nous a peints dans la fable du paysan du Danube. En un mot il n'y a qu'une sorte d'objets qui doivent être bannis de la Poésie, comme de la Peinture: ce sont les objets dégoûtans, & la rusticité peut ne pas l'être. Qu'une bonne paysanne reprochant à ses enfans leur lenteur à puiser de l'eau, & à allumer du feu pour préparer le repas de leur pere, leur dise: « Savez - vous, mes enfans, que dans ce moment même votre pere, courbé sous le poids du jour, force une terre ingrate à produire de quoi vous nourrir? Vous le verrez revenir ce soir accablé de fatigue & degouttant de sueur, &c. cette églogue sera aussi touchante que naturelle.»

L'églogue est un récit, ou un entretien, ou un mêlange de l'un & de l'autre: dans tous les - cas elle doit être absolue dans son plan, c'est - à - dire, ne laisser rien à desirer dans son commencement, dans son milieu ni dans sa fin: regle contre laquelle peche toute églogue, dont les personnages ne savent à quel propos ils commencent, continuent, ou finissent de parler. Voyez Dialogue.

Dans l'églogue en récit, ou c'est le poëte, ou c'est l'un de ses bergers qui raconte. Si c'est le poëte, il lui est permis de donner à son style un peu plus d'élégance & d'éclat: mais il n'en doit prendre les ornemens que dans les moeurs & les objets champêtres; il ne doit être lui - même que le mieux instruit, & le plus ingénieux des bergers. Si c'est un berger quiraconte, le style & le ton de l'églogue en récit ne differe en rien du style & du ton de l'églogue dialoguée. Dans l'un & l'autre il doit être un tissu d'images familieres, mais choisies; c'est - à - dire, ou gracieuses ou touchantes: c'est - là ce qui met les pastorales anciennes si fort au - dessus des modernes. Il n'est point de galerie si vaste, qu'un peintre habile ne pût orner avec une seule des églogues de Virgile.

C'est une erreur assez généralement répandue, que le style figuré n'est point naturel: en attendant que nous essayons de la détruire, relativement à la Poésie en général (Voyez Image), nous allons la combattre en peu de mots à l'égard de la poésie champêtre. Non - seulement il est dans la nature que le style des bergers soit figuré, mais il est contretoute vraissemblance qu'il ne le soit pas. Employer le style figuré, c'est à - peu - près, comme Lucain l'a dit de l'écriture,

Donner de l'ame aux corps, & du corps aux pensées; & c'est ce que fait naturellement un berger. Un ruisseau serpente dans la prairie; le berger ne pénetre point la cause physique de ses détours: mais attribuant au ruisseau un penchant analogue au sien, il se persuade que c'est pour caresser les fleurs & couler plus long - tems au - tour d'elles, que le ruisseau s'égare & prolonge son cours. Un berger sent épanoüir son ame au retour de sa bergere; les termes abstraits lui manquent pour exprimer ce sentiment. Il a recours aux images sensibles: l'herbe que ranime la rosée, la nature renaissante au lever du soleil, les fleurs écloses au premier souffle du zéphir, lui prêtent les couleurs les plus vives pour exprimer ce qu'un métaphysicien auroit bien de la peine à rendre. Telle est l'origine du langage figuré, le seul qui convienne à la pastorale, par la raison qu'il est le seul que la nature ait enseigné.

Cependant autant que des images détachées sont naturelles dans le style, autant une allégorie continue y paroîtroit artificielle. La comparaison même ne convient à l'églogue, que lorsqu'elle semble se présenter sans qu'on la cherche, & dans des momens de repos. De - là vient que celle - ci manque de naturel, employée comme elle est dans une situation qui ne permet pas de parcourir tous ces rapports. [p. 431]

Nec lacrymis crudelis amor, nec gramine rivi, Nec cytiso saturantur apes, nec fronde capelloe.

Le dialogue est une partie essentielle de l'églogue: mais comme il a les mêmes regles dans tous les genres de poésie, voyez Dialogue. Article de M. Marmontel.

EGOBOLE (Page 5:431)

* EGOBOLE, s. m. (Mythol.) sacrifice de la chevre à la grand'mere Cybele. Voyez Cybele.

EGOGER (Page 5:431)

EGOGER, v. act. (Tannerie.) c'est séparer avec le couteau tranchant d'une peau de veau les oreilles, le bout des piés, de la queue, en un mot toutes les extrémités superflues.

EGOISME (Page 5:431)

EGOISME, s. m. (Morale.) défaut de ces personnes qui, pleines de leur mérite, & croyant joüer un rôle dans la société, se citent perpétuellement, parlent d'elles avec complaisance, & rapportent tout, grossierement ou finement, à leur individu.

Ce défaut tire son origine d'un amour propre desordonné, de la vanité, de la suffisance, de la petitesse d'esprit, & quelquefois d'une mauvaise éducation. Il suffit d'en indiquer les sources, pour juger de son ridicule, & du mépris qu'il mérite.

On y tombe de deux manieres, par ses discours & par ses écrits; mais ce défaut est inexcusable dans des ouvrages, quand il vient de laprésomption & d'une pure vanité d'auteur, qui ne doit parler de lui, qu'autant que l'exige la matiere qu'il traite, ou la défense de ses senumens, de ses biens, de sa conduite.

MM. de Port - royal ont généralement banni de leurs écrits l'usage de parler d'eux - mêmes à la premiere personne, dans l'idée que cet usage, pour peu qu'il fût fréquent, ne procédoit que d'un principe de vaine gloire & de trop bonne opinion de soi - même. Pour en marquer leur éloignement, ils l'ont tourné en ridicule sous le nom d'égoisme, adopté depuis dans notre langue, & qui est une espece de figure inconnue à tous les anciens rhéteurs.

Pascal portoit cette regle générale de MM. de Port - royal, jusqu'à prétendre qu'un chrétien devoit éviter de se servir du mot je; & il disoit sur ce sujet que l'humilité chrétienne anéantit le moi hamain, & que la civilité humaine le cache & le supprime.

Cependant cette sévérité poussée jusqu'au scrupule, seroit extrème, & quelquefois ridicule; car il y a plusieurs rencontres où la gêne de vouloir éviter ces mots je ou moi, seroit mal placée ou impossible.

On est fâché de trouver perpétuellement l'égoïsme dans Montagne; il eût sans doute mieux fait de puiser ses exemples dans l'histoire, que d'entretenir ses lecteurs de ses inclinations, de ses fantaisies, de ses maladies, de ses vertus, & de ses vices.

Il est vrai qu'il tâche, autant qu'il peut, d'éloigner de lui le soupçon d'une vanité basse & populaire, en parlant librement de ses défauts aussi - bien que de ses bonnes qualités; mais, on l'a dit avant moi, en découvrant ses défauts ou ses vices, il semble n'agir ainsi, que parce qu'il les regardoit comme des choses à - peu - pres indifférentes.

Si l'égoisme est excusable, soit en conversation, par lettres, ou par écrit, c'est seulement quand il s'agit d'un très - grand objet qui a roulé sur nous, & qui intéressoit le salut de la patrie. Cependant quelques contemporains de Cicéron étoient mêmes blessés (quoique peut - être à tort) de l'entendre répéter d'avoir sauvé la république; & ils remarquoient que Brutus n'auroit pas eu moins de droit de parler des ides de Mars, sur lesquelles il gardoit le silence, que le consul de Rome pouvoit en avoir de rappeller l'époque des nones de Décembre. Le lecteur sait bien qu'il s'agit ici des deux grandes époques de la conjuration de Catilina & de la mort de César. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

EGOISTES (Page 5:431)

EGOISTES, adj. pl. pris subst. (Philosophie.) On appelle ainsi cette classe de philosophes qui ne reconnoissent d'autre vérité que celle de leur propre existence; qui croyent qu'il n'y a hors de nous rien de réel, ni de semblable à nos sensations; que les corps n'existent point, &c. L'Égoïsme est le Pyrrhonisme poussé aussi loin qu'il peut aller. Berkley, parmi les modernes, a fait tous ses efforts pour l'établir. Voyez Corps. Les égoïstes sont en même tems les plus extravagans des Philosophes, & les plus difficiles à convaincre; car comment prouver l'existence des objets, si ce n'est par nos sensations? & comment employer cette preuve contre ceux qui croyent que nos sensations ne supposent point nécessairement qu'il y ait quelque chose hors de nous? Par quel moyen les fera - t - on passer de l'existence de la sensation à celle de l'objet? Voyez Evidence, §. 15, 16, 17, 18, 42, 43 - 51. (O)

EGOPHORE (Page 5:431)

* EGOPHORE, adj. (Mythologie.) surnom de Junon; elle fut ainsi appellée de la chevre que lui sacrifia Hercule dans le temple qu'il lui éleva à Lacédémone, en reconnoissance de ce qu'elle ne s'étoit point opposée à la vengeance qu'il avoit tirée de ses ennemis. Egophore signifie porte - chevre.

EGOUGEOIR (Page 5:431)

* EGOUGEOIR, s. m. (Métallurgie.) c'est ainsi qu'on appelle dans l'exploitation de la calamine les endroits des galeries, par lesquels les eaux se perdent.

EGOUT (Page 5:431)

EGOUT, s. m. (Hydrauliq.) canal destiné à recevoir & à emporter les eaux sales & les ordures. Voy. Cloaque.

Quelque piece d'eau que l'on ait, soit canal, soit bassin, il faut toûjours un écoulement, tant pour la conservation de la piece que pour la nettoyer & laisser un passage à l'eau superflue. Si c'est un étang, un vivier, la bonde se leve, & on vuide l'eau pour avoir le poisson, & rétablir la chaussée. (K)

Dans l'usage ordinaire égout est distingué de cloaque, en ce que dans un égout les eaux & immondices s'écoulent, & qu'elles croupissent dans un cloaque. Ainsi le canal d'un égout doit avoir une pente suffisante, pour que les immondices soient facilement emportées par les eaux. On prétend que l'égout de la ville de Paris, construit il y a quelques années sous la prevôté de M. Turgot, ouvrage très estimable d'ailleurs & très - utile, n'a pas tout - à - fait assez de pente.

Egout simple (Page 5:431)

Egout simple; il se dit dans la couverture d'une maison de ce qui se met sur les entablemens: il est de trois tuiles.

Egout double (Page 5:431)

Egout double, est celui qui est de cinq tuiles.

Egout (Page 5:431)

Egout, terme de Fonderie, sont des tuyaux de cire qu'on attache à la figure, & qui étant renfermés dans le moule de potée, & fondus ainsi que les cires de la figure, laissent par cette cuisson dans le moule de potée des canaux qui servent à faire couler toutes les cires. V. les fonderies des fig. équestres.

Egout (Page 5:431)

Egout, terme de Miroitier. Les ouvriers qui mettent les glaces au teint, appellent de la sorte une grande table de bois sans chassis, sur laquelle ils mettent la glace vingt - quatre heures après qu'elle a été étamée, pour en faire égoutter le vif - argent.

Cette table proportionnée aux glaces du plus grand volume, a des crochets de fer à chaque encognure, qui servent à l'élever & à la tenir suspendue diagonalement, c'est - à - dire en panchant autant & si peu qu'il est nécessaire pour l'écoulement de ce minéral.

Pour que cet écoulement se fasse, sans que le teint encore frais, & comme liquide, ne puisse se rider ni s'écailler, on éleve tous les jours l'un des bouts de la table d'un demi - pié, ou environ, en l'attachant par le moyen de ses crochets aux noeuds des cordes qui sont pendues au plancher, directement au - des<pb->

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