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DROIT ou DROITS (Page 5:142)
DROIT ou DROITS, (Jurisprud.) signifie aussi
fort souvent la faculté qui appartient à quelqu'un de
faire quelque chose, ou de joüir de quelque chose
de réel ou d'incorporel: tels sont par exemple les
droits d'aînesse, d'amortissement, d'échange, de lods
& vente, & autres semblables, que l'on expliquera
chacun sous le terme qui leur est propre, comme
Droits abusifs (Page 5:142)
Droit acquis (Page 5:142)
Droit colonaire (Page 5:142)
Droit curial (Page 5:142)
Droits ecclésiastiques (Page 5:142)
Droits épiscopaux (Page 5:142)
Droit exorbitant (Page 5:142)
Droits honorifiques (Page 5:142)
Droits honorifiques (Page 5:142)
On distingue deux sortes de droits honorifiques; savoir les grands droits honorifiques, & les moindres honneurs.
Les grands droits honorifiques, appellés par les auteurs honores majores, & qui sont les seuls droits ho<-> norifiques proprement dits, sont le droit de litre ou ceinture funebre, les prieres nominales, le banc dans le choeur, l'encens, & la sépulture au choeur.
Ces sortes de droits n'appartiennent régulierement qu'à deux sortes de personnes, savoir le patron & le seigneur haut - justicier: ce dernier a droit de litre tant en - dedans qu'au - dehors de l'église; le patron n'en peut avoir qu'au - dedans. Observez encore que le haut - justicier ne peut prétendre les droits honori<-> fiques que dans les églises paroissiales, bâties dans sa haute - justice; au lieu que le patron joüit de ces mêmes droits dans toutes les églises & chapelles dont il est patron ou fondateur.
Le patron joüit de ces droits, en considération de ce qu'il a doté ou bâti l'église, ou donné le fonds pour la bâtir; le seigneur haut - justicier en joüit, en considération de ce qu'il a permis de bâtir l'église paroissiale dans son territoire, & comme ayant la puissance publique en vertu de laquelle il tient l'église sous sa protection.
En Bretagne & en Normandie, le patron a seul les droits honorifiques, à l'exclusion du haut - justicier; mais ailleurs le haut - justicier y participe aussi.
En concurrence du patron & du seigneur haut-justicier, le patron est préféré dans l'église paroissiale au haut - justicier; ainsi la litre du patron y est placée au - dessus de celle du haut - justicier: il est nommé le premier aux prieres; il doit avoir la place la plus honorable pour son banc & pour sa sépulture, & reçoit l'encens le premier à l'offrande ou à la procession qui se fait dans l'église; il passe devant le [p. 143]
Les seigneurs qui n'ont la haute - justice que par engagement, ne joüissent pas des droits honorifiques proprement dits, mais seulement des moindres honneurs & simples, à moins que le roi n'ait engagé nommément les droits honorifiques: car l'engagiste n'est regardé que comme un seigneur temporaire, qui peut être dépossédé d'un moment à l'autre par la voie du rachat.
Il ne suffit pas non plus pour joüir des droits hono<-> rifiques d'avoir une haute - justice dans la paroisse, il faut être seigneur haut - justicier du terrein sur lequel l'église est bâtie.
La femme du patron & celle du haut - justicier, participent aux droits honorifiques dont joüissent leurs maris.
Les patrons & les seigneurs hauts - justiciers joüissent encore de quelques distinctions dans les églises; comme d'y avoir les premiers & avec distinction l'eau - benite, d'aller les premiers à l'offrande recevoir le baiser de paix & le pain beni, de marcher les premiers à la procession: mais tous ces honneurs ne font pas partie des grands droits honorifiques, qui sont les seuls honneurs majeurs, droits honorifiques proprement dits; ces distinctions ne sont que de simples préséances ou préférences, que les auteurs appellent les moindres honneurs de l'église, honneurs que les patrons & les hauts - justiciers reçoivent à la vérité les premiers, mais dont ils ne joüissent pas seuls; atrendu que les personnes constituées en dignité, ou qui peuvent mériter quelque considération, telles que les seigneurs moyens & bas - justiciers, les seigneurs de fiefs, & gentilshommes, les officiers royaux, les commensaux de la maison du roi, & autres personnes qualifiées, participent aussi à ces mêmes honneurs après les patrons & les hautsjusticiers, chacun selon leur dignite ou rang, titres & possession: au lieu que les vrais droits honorifiques, tels que le droit de litre, les prieres nominales, l'encens, le droit de banc & de sépulture dans le choeur, n'appartiennent qu'au patron & au seigneur haut-justicier, & ne s'étendent à aucune autre personne, quelque qualifiée qu'elle puisse être.
On peut voir ce qui concerne chacun des droits
honorifiques en particulier, aux mots
Voyez aussi sur cette matiere, le tr. des droits ho<-> norifiques, par Maréchal; les observations sur le droit des patrons & des seigneurs, par M. Guyot; Loyseau, tr. des seigneuries, ch. xj. Bacquet, des dr. de justice, ch. xx. Charondas, liv. IV. rep. 99. Tournet, lettre P. arr. 5; la bibliotheq. de Jovet; Coquille, tome I. pag. 251. Leprestre, cent. 2. ch. xxxvj. Chenu, en son tr. des off. tit. 40. Basnage, sur la coût. de Norm. art. 69. & 140. le recueil d'arrêts de M. Froland, les définit. canon. & la biblioth. canon. les lois ecclésiast. d'Héricourt; les mat. bénéf. de Fuet; les mémoires du clergé, I. édit. tom. II. part. II. chap. v. le recueil de Borjon des bénéfices; les arrêtés de M. le premier président de Lamoignon, tit. des dr. honorifiq. les résolu<-> tions de plusieurs cas de consciences, & des plus impor<-> tantes questions du barreau, &c. par la Paluelle, part. II. On peut voir aussi les traités du droit de patro<-> nage, ou qui ont rapport à cette matiere, comme celui de Chassaneus, catalogus glorioe mundi; le tr. des dr. honorif. & utiles des patrons & curés primitifs, par M. Duperray; & les tr. du droit. de patronage de de Roye, & autres auteurs, & ceux de Simon & de Ferriere. (A)
Droits immobiliers (Page 5:143)
Droits incorporels (Page 5:143)
Droits litigieux (Page 5:143)
Les cessionnaires de droits litigieux sont regardés d'un oeil défavorable, parce qu'ils acquierent ordinairement à vil prix des droits embarrassés; & que pour en tirer du profit, ils vexent les débiteurs à force de poursuite. Ces sortes de cessions sont sur - tout odieuses, lorsque l'acquéreur est un officier de justice que l'on présume se prévaloir de la connoissance que sa qualiré lui donne, pour traiter plus avantageusement de tels droits, & pour mieux parvenir au recouvrement: on ne permet pas non plus qu'un étranger vienne au moyen d'une cession de droits successifs, prendre connoissance du secret des familles.
C'est sur ces différentes considérations que sont fondées les lois per diversas & ab anastasio, au code mandati; lois qui sont fameuses dans cette matiere: c'est pourquoi nous en ferons ici l'analyse.
La premiere de ces lois dit: que des plaideurs de profession prennent des cessions d'actions; que si c'étoient des droits incontestables, ceux auxquels ils appartiennent les poursuivroient eux - mêmes. L'empereur Anastase, de qui est cette loi, défend qu'à l'avenir on fasse de tels transports, & ordonne que ceux qui en auront pris, ne seront remboursés que du véritable prix qu'ils auront remboursé, quand même le transport feroit mention d'une plus grande somme.
Cette loi excepte néanmoins quatre cas différens.
1°. Elle permet à un co - héritier de céder à l'autre sa part des dettes actives de la succession.
2°. Elle permet aussi à tout créancier ou autre, qui possede la chose d'autrui, de prendre un transport de plus grands droits en payement de son dû, ou pour la sûreté de la dette.
3°. Elle autorise aussi les co - légataires & fidéicommissaires à se faire entre eux des cessions de leur part des dettes actives qui leur ont été laissées en commun.
4°. Cette loi exceptoit aussi purement & simplement, le cas de la donation d'une dette litigieuse.
La loi ab anastasio qui suit immédiatement, & qui est de l'empereur Justinien; après avoir d'abord rappellé la teneur de la loi précédente, dit que les plaideurs trouvoient moyen d'éluder cette loi, en prenant une partie de la dette à titre de vente, & l'autre partie par forme de donation simulée. Justinien suppléant ce qui manquoit à la constitution d'Anastase, défend que l'on use à l'avenir de pareils détours; il permet les donations pures & simples de [p. 144]
La disposition des lois per diversas & ab anastasio, étoit autrefois suivie purement & simplement au parlement de Paris. Présentement, quand le transport n'est pas nul, on n'est pas recevable à exclure le cessionnaire, en lui remboursant seulement le véritable prix du transport. Il y a cependant plusieurs cas où l'on ne rend que le véritable prix, & d'autres même où le transport est déclaré nul. Par exemple, quand un étranger acquiert des droits successifs qui sont communs & indivis avec les autres héritiers, ceux - ci peuvent l'exclure en lui remboursant le véritable prix du transport. Il en est de même à l'égard du tuteur qui acquiert des droits contre son mineur; la novelle 72, ch. ij. prive même le tuteur de la somme au profit du mineur.
Il y a encore des personnes auxquelles il est défendu d'acquérir des droits litigieux; ce qui s'observe dans tous les parlemens.
De ce nombre sont les juges: suivant la loi 46, ff. de contrah. empt. & la loi unique C de contr. omn. judic. leur défendoit de faire aucune acquisition dans leur resfort, pendant le tems de leur commission. Cela s'observoit aussi en France, suivant l'ordonnance de S. Louis de 1254; mais depuis que les charges de judicature sont devenues perpétuelles, on permet aux juges d'acquérir dans leur ressort: ce qui reçoit néanmoins deux exceptions.
La premiere, pour les droits litigieux, dont les droits sont pendans en leur siége; que les ordonnances de 1356, de 1535, l'ordonnance d'Orléans, ar<-> ticle 54, & celle de 1629, art. 94, leur défendent d'acquérir.
L'ordonnance d'Orléans étend cette prohibition aux avocats, procureurs, & solliciteurs pour les affaires dont ils ont été chargés par les parties.
La seconde exception est pour les biens qui s'adjugent par decret; le parlement de Paris, par un réglement du 10 Juillet 1665, art. 13, a fait défenses à tous juges de son ressort de se rendre adjudicataires des biens qui se decretent dans leur siége.
Les lois per diversas & ab anastasio ne sont pas observées d'une maniere uniforme dans les autres parlemens.
Ceux de Bordeaux & de Provence jugent que la cession de droits & actions doit avoir son effet, quand la dette est claire & liquide.
Droits luctitieux (Page 5:144)
Droit mobilier (Page 5:144)
Droits, Noms, Raisons (Page 5:144)
Droit personnel (Page 5:144)
Droit réel (Page 5:144)
Droits régaliens (Page 5:144)
Droits du Roi (Page 5:144)
Droits royaux (Page 5:144)
Droits seigneuriaux (Page 5:144)
Droit d'un tiers (Page 5:144)
Droit utile (Page 5:144)
Droits du Roi (Page 5:144)
Quand nos rois n'avoient de finance que leur domaine, ils avoient un contrôleur général appellé con<-> trôleur du thrésor.
Pepin pere de Charlemagne & Louis le Débonnaire n'avoient qu'un thrésorier. Philippe Auguste commit la recette de ses finances à sept bourgeois de Paris; Philippe le Bel la confia à Enguérand de Marigny.
Charles VII. & Louis XI. n'en avoient qu'un, & il étoit suffisant aux opérations d'alors, les baillis ou prevôts levant dans les provinces les revenus du roi, qu'ils apportoient à Paris dans les trois termes de la S. Remy, la Chandeleur, & l'Ascension.
Sous François premier les finances furent autrement administrées. Il créa en 1523 les intendans des finances à la suite de la cour, & deux receveurs, l'un [p. 145]
Les différentes perceptions étant augmentées, il
seroit trop long d'en parler ici; voyez chacune à son
article, & les mots
Les contributions pour les dépenses de l'état ne peuvent être prises que sur les personnes qui le composent; la maniere qui sera la plus juste & la plus naturelle, c'est - à - dire celle qui affectera toutes sortes de biens & assujettira toutes sortes de personnes indistinctement, doit être préférée, & est sans contredit la meilleure. Ce ne sont pas seulement les facultés générales du peuple qu'on doit considérer en imposant des droits sur les sujets; il est de l'avantage de l'état & des particuliers, qu'on les leve sur le plus grand nombre d'objets divers qu'il est possible, sans gêner le commerce, que l'on doit toûjours favoriser.
Le bien commun rend la levée des droits juste, & la nécessité de l'état la rend nécessaire. De cette justice & de cette nécessité, il s'ensuit l'obligation de les acquitter.
La fraude aux contributions étoit appellée un cri<-> me dans le droit romain; & c'est d'autant plus un mal, qu'indépendamment du tort qu'en souffrent le public ou ceux qui en ont traité, on est obligé pour la prévenir à faire plus de frais, ce qui occasionne des dépenses qui seroient beaucoup moindres si chacun étoit fidele au devoir de payer le tribut.
Il seroit impossible de rapporter tous les cas où il est dû des droits; parce que chaque action de la vie civile opérant un ou plusieurs droits, & toutes les esueces de denrées y étant sujettes, il seroit immense d'entrer dans un trop grand détail.
Les droits du Roi, suivant l'éxtension que nous leur donnons, sont ceux qui se levent sur les choses mobiliaires, dont la perception se fait sans rapport aux personnes à qui elles peuvent appartenir, sauf quelques priviléges qui dépendent des réglemens qui y ont pourvû.
Ces droits sont de différentes natures; il y en a de purs & de simples, dont le motif a été de fournir de l'argent au roi, comme les aides, les entrées, &c.
D'autres ont eu pour motif un certain avantage pour le public, mais dont le but étoit cependant d'augmenter les finances, comme les revenus imposés sur différentes denrées attribués à divers officiers, à qui on les aliénoit à charge de rachat; ces officiers furent supprimés par diverses opérations de finances, mais les droits établis pour payer leurs gages le furent rarement.
Il ne peut être imposé aucun droit, de quelqu'espece qu'il soit, que par la volonté du Roi, qui doit être enregistrée en cour souveraine. C'est un cahos impénétrable que de rechercher l'origine des différens droits qui ont été établis, & les changemens qu'ils ont éprouvés. Le laps de tems & les différentes circonstances qui s'étoient succédés rapidement, avoient mis une telle confusion, que Louis XIV. jugea à - propos de rétablir le bon ordre; ce fut sous le ministere de M. Colbert, & le succès rendit à jamais cette époque mémorable pour la gloire du ministre.
Les différentes ordonnances ausquelles cette réforme donna lieu, ont fait comme différentes classes des droits qui ont cours dans le royaume, nous nous y conformons.
En 1664 parut le fameux tarif pour les droits d'entrées & de sorties sur toutes sortes de marchandises; ce tarif réunit une vingtaine d'impositions différentes, créées successivement depuis plus de quatre siecles, réduit même plusieurs articles à des prix médiocres pour favoriser différentes branches du com<cb->
En différens tems ce tarif fut rectifié sur les mêmes
principes avec quelques augmentations, cependant
en 1687, il fut rendu l'ordonnance sur le
fait des cinq grosses fermes, ensorte que cette partie
étoit dans le meilleur ordre; le grand nombre d'arrêts,
de décisions, & réglemens qui sont intervenus
depuis, ont changé les premieres dispositions en
ajoûtant de nouveaux droits, en supprimant quelques - uns des anciens, en ajoûtant ou diminuant aux
fixations: il seroit à desirer qu'une nouvelle ordonnance
fit cesser les difficultés, qui ne sont pas moins
préjudiciables au commerce qu'aux intérêts du Roi.
Voyez
Au mois de Mai 1680, le meilleur ordre fut établi
sur ce qui concernoit les gabelles; par l'ordonnance
qui parut à cette fin elle a pourvû à tout, & elle
s'observe encore presqu'en entier, y ayant eu peu
de changement depuis qu'elle a été rendue. Voyez
Dans la même année, au mois de Juin, parut la
nouvelle ordonnance des aides, qui étoit aussi nécessaire
pour rétablir le bon ordre que celle de 1687
le fut pour les traites; si elle ne procure pas un aussi
grand avantage au commerce, ne portant que sur
des droits qui touchent plus à la vie privée & à l'intérieur
du royaume, elle n'est pas moins utile au public,
en lui procurant la tranquillité à laquelle s'opposoit
une infinité de réglemens dispersés, la plûpart
contraires les uns aux autres, & presque toûjours à
charge au public t cette ordonnance fixe la quotité
& l'ordre qui sera observé dans la levée de ces droits
connus sous le nom d'aides, à laquelle furent joints
plusieurs autres droits. Voyez
Ceux de marque sur le fer, acier, mines de fer,
qui sont une ferme à part. Voyez
Ceux sur le papier & parchemin timbré. Voyez
L'année suivante parut une nouvelle ordonnance,
qui devoit servir comme pour mettre la derniere
main à la réforme, à laquelle on avoit travaillé avec
tant de soin: il fut statué dans cette ordonnance sur
différens droits particuliers: on regla le commerce
du tabac (voy.
Les octrois furent le sujet d'un des titres de cette
ordonnance. Voyez
On fit quelques changemens ou augmentations par cette même ordonnance sur des droits sur lesquels on avoit déjà statué.
Il fut reglé la maniere dont on feroit l'adjudication & les encheres pour parvenir à faire le bail des fermes; & le dernier titre fut destiné pour décider sur les points qui sont communs à toutes les fermes. [p. 146]
Une autre classe des droits du Roi, fort considérable
pour le revenu, & qui fait une des principales
parties des fermes du Roi, sont les domaines & droits
y joints. Voyez
Nous nous sommes bornés à donner un précis des droits du Roi, pris dans le sens le plus littéral: en observant cette distinction qui dans le fait est assez juste, les droits sont les revenus du Roi qui sont affermés.
Les impositions sont certaines & déterminées, &
régies par des officiers en charge ou par commission.
Voyez
Le clergé & les pays d'états étant sujets à peu ou
point de droits, payent en équivalent des dons gratuits,
des décimes, &c. dont ce n'est pas le cas de
parler ici. Voyez
Droit de Copie (Page 5:146)
Le droit de propriété du libraire sur un ouvrage littéraire
qu'il tient de l'auteur, est le droit même de
l'auteur sur son propre ouvrage, qui ne paroît pas
pouvoir être contesté. Si en effet il y a sur la terre
un état libre, c'est assûrément celui des gens de lettres: s'il y a dans la nature un effet dont la propriété
ne puisse pas être disputée à celui qui le possede,
ce doivent être les productions de l'esprit. Pendant
environ cent ans après l'invention de l'Imprimerie,
tous les auteurs ou leurs cessionnaires ont eu en
France la liberté d'imprimer, sans être assujettis à
en obtenir aucune permission: il en a résulté des
abus; & nos rois, pour y remédier, ont sagement
établi des lois sur le fait de l'Imprimerie, dont l'objet
a été de conserver dans le royaume la pureté de la
religion, les moeurs & la tranquillité publique. Elles
exigent que tout ouvrage que l'on veut faire imprimer,
soit revêtu d'une approbation, & d'une permission
ou privilége du roi, voyez
Les souverains, avant l'origine des priviléges, ne prétendoient point avoir de droits sur les ouvrages littéraires encore dans le silence du cabinet; ils n'ont rien dit depuis qui tendît à dépouiller les Auteurs de leur droit de propriété & de paternité, soit que leurs ouvrages fussent encore manuscrits & entre leurs mains, soit qu'ils fussent rendus publics par la voie de l'impression: les gens de lettres sont donc restés, comme ils l'étoient avant l'origine des priviléges, incontestablement propriétaires de leurs productions manuscrites ou imprimées, tant qu'ils ne les ont ni cedées ni vendues: l'auteur a donc dans cet état le droit d'en disposer comme d'un effet qui lui est propre, & il en use en le transportant à un libraire, ou par une cession gratuite, ou par une vente. Soit qu'il le donne gratuitement ou qu'il le vende, s'il transmet pour toûjours ses droits de propriété, s'il s'en dépouille à perpétuité en faveur du libraire, celui - ci devient aussi incontestablement propriétaire & avec la même étendue, que l'étoit l'auteur lui - même. La propriété de l'ouvrage littéraire, c'est - à - dire le droit de le réimprimer quand il manque, est alors un effet commerçable, comme une terre, une rente & une maison; elle passe des peres aux enfans, & de Libraires à Libraires, par héritage, vente, cession ou échange; & les droits du dernier propriétaire sont aussi incontestables que ceux du premier. Il y a cependant eu des gens de lettres qui les ont contestés, & qui ont prétendu rentrer dans la propriété de leurs ouvrages après les avoir vendus pour toûjours, mais ç'a été jusqu'à présent sans succès: ils se fondoient singulierement sur ce que les souverains mettent un terme à la durée des priviléges qu'ils accordent, & disoient que c'est pour se réserver le droit, après que ces priviléges sont expirés, d'en gratifier qui bon leur semble; mais ils se trompoient, les souverains ne peuvent gratifier personne d'une propriété qu'ils n'ont pas, & le terme fixé à la durée des priviléges, a d'autres motifs: les princes, en la fixant, veulent se réserver le droit de ne pas renouveller la permission d'imprimer un ouvrage, si par des raisons d'état il leur convient de ne pas autoriser dans un tems des principes ou des propositions qu'ils avoient bien voulu autoriser dans un autre. La permission ou le refus de laisser imprimer ou réimprimer un livre, est une affaire de pure police dans l'état, & il est infiniment sage qu'elle dépende de la seule volonté du prince: mais sa justice ne lui permettroit pas à l'expiration d'un privilége qui seroit susceptible de renouvellement, de le refuser au propriétaire pour l'accorder à un autre. Les princes veulent encore, en fixant un terme à la durée de l'exclusion, qui fait partie du privilége & qui est une grace, forcer le propriétaire à remplir les conditions auxquelles elle est accordée; & ces conditions sont la correction de l'impression, & les autres perfections convenables de l'art. Il s'ensuit de - là que ce n'est pas le privilége qui fait le droit du Libraire, comme quelques personnes ont paru le croire, mais que c'est le transport des droits de l'auteur.
Au reste, quelque solidement que soit établi par ces principes le droit du libraire sur un ouvrage littéraire qu'il tient de l'auteur, il est cependant vrai [p. 147]
Il y auroit peut - être un moyen de prévenir les contestations qui pourroient s'élever encore dans la suite, entre les auteurs & les libraires pour raison des ouvrages littéraires que les uns vendent & que les autres achetent: ce seroit que l'auteur, quand c'est son intention, mît dans l'acte de cession qu'il fait au libraire, qu'il vend & cede pour toûjours son ou<-> vrage & son droit de propriété, auquel il renonce sans au<-> cune restriction; si au contraire son intention est de ne vendre ou ceder que pour un tems, il faudroit spécifier le tems, comme la durée d'un privilége ou le cours d'une ou de plusieurs éditions, &c. Il conviendroit aussi de statuer sur le cas où l'auteur pourroit donner par la suite des augmentations, & alors il ne resteroit point d'obscurité qui pût donner lieu à des contestations; car on ne présume pas que celles qui se sont quelquefois élévées, ayent jamais eu d'autre cause.
Les Libraires acquierent encore ce droit de pro<-> priété sur un ouvrage, lorsqu'ils en ont proposé l'exécution à un ou plusieurs hommes de lettres, qui se sont chargés gratuitement ou sous des conditions convenues, de le composer. Le libraire ne tient alors ce droit que de lui - même & de ses avances. On n'a pas connoissance que la propriété du libraire ait jamais été contestée dans ce cas - là; mais s'il arrivoit un jour que des gens de lettres qui auroient contribué à un pareil ouvrage, prétendissent après l'entiere exécution avoir quelque droit à la propriété, leurs prétentions seroient aussi peu justcs & aussi peu légitimes, que le seroient celles d'un architecte sur un bâtiment qu'il a construit. Il y a plusieurs ouvrages littéraires dans ce cas. Le plus considérable en ce genre est celui - ci. Par les soins qu'on a pris & les dépenses qu'on a faites, afin que cette Encyclopédie devînt un ouvrage nouveau, sinon pour le plan, du moins pour l'exécution; il est certain qu'elle appartient à la France à plus juste titre que le Chambers n'appartient à l'Angleterre, puisque celui - ci n'est que que la compilation de tous nos dictionnaires.
Il y a enfin une troisieme maniere dont un libraire peut acquérir ce droit de propriété sur un ouvrage littéraire, c'est en pensant le premier à l'imprimer dans son pays, quand il a pris naissance dans le pays étranger, & qu'il y a déjà été imprimé; le libraire tient, comme dans le cas précédent, ce droit de son intelligence & de son industrie. En se procurant les avantages d'une entreprise utile, s'il réussit dans son choix, il sert l'état & ses compatriotes, en ce que d'une part il contribue à faire valoir les fabriques de son pays, & à empêcher l'argent que l'on mettroit à ce livre de passer chez l'étranger; d'autre part en ce qu'il procure aux gens de lettres de sa nation, avec facilité & moins de frais, un ouvrage souvent utile & quelquefois nécessaire. Au reste, quoique ce droit soit légitime à certains égards, parce que les Libraires des différentes nations sont dans l'usage de se faire respectivement cette espece de tort, on doit cependant convenir qu'il est contre le droit des gens, puisqu'il nuit
Droit (Page 5:147)
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