ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"291"> quelles ils ont de la ressemblance & de la sympathie par la vie qui leur a été commune. Il faut encore admettre une sorte de génies subordonnés aux dieux, & ministres de leur bienfaisance dont ils sont épris, & qu'ils imitent. Ils sont le milieu à - travers lequel les êtres célestes prennent une forme qui nous les rend visibles; le véhicule qui porte à nos oreilles les choses ineffables, & à notre entendement l'incompréhensible; la glace qui fait passer dans notre ame des images qui n'étoient point faites pour y pénétrer sans son secours.

6. Ce sont ces deux classes qui forment le lien & le commerce des dieux & des ames, qui rendent l'enchaînement des choses célestes indissoluble & continu, qui facilitent aux dieux le moyen de descendre jusqu'aux hommes, des hommes jusqu'aux derniers êtres de la nature, & à ces êtres de remonter jusqu'aux dieux.

7. L'unité, une existence plus parfaite que celle des êtres inférieurs, l'immutabilité, l'immobilité, la puissance de mouvoir sans perdre l'immobilité, la providence, sont encore des qualités communes des dieux. On peut conjecturer par la différence des extrèmes, quelle est celle des intermédiaires. Les actions des dieux sont excellentes, celles des ames sont imparfaites. Les dieux peuvent tout, également, en même tems, sans obstacle, & sans délai. Il y a des choses qui sont impossibles aux ames; il leur faut du tems pour toutes celles qu'elles peuvent; elles ne les exécutent que séparément, & avec peine. La divinité produit sans effort, & gouverne: l'ame se tourmente pour engendrer, & sert. Tout est soûmis aux dieux, jusqu'aux actions & à l'existence des ames: ils voyent les essences des choses, & le terme des mouvemens de la nature. Les ames passent d'un effet à un autre, & s'élevent par degré. La divinité est incompréhensible, incommensurable, illimitée. Les ames éprouvent toutes sortes de passions & de formes. L'intelligence qui préside à tout, la raison universelle des êtres est présente aux dieux sans nuage & sans réserve, sans raisonnement & sans induction, par un acte pur, simple, & invariable. L'ame n'en est éclairée qu'imparfaitement & par intervalle. Les dieux ont donné les lois à l'univers: les ames suivent les lois données par les dieux.

8. C'est la vie que l'ame a reçue dans le commencement, & le premier mouvement de sa volonté, qui ont déterminé l'espece d'être organique qu'elle informeroit, & la tendance qu'elle auroit à se perfectionner ou à se détériorer.

9. Les choses excellentes & universelles contiennent en elles la raison des choses moins bonnes & moins générales. Voilà le fondement des révolutions des êtres, de leurs émanations, de l'éternité de leur principe élémentaire, de leur rapport indélébile avec les choses célestes, de leur dépravation, de leur perfectibilité, & de tous les phénomenes de la nature humaine.

10. Les dieux ne sont attachés à aucune partie de l'univers: ils sont présens même aux choses de ce monde: ils contiennent tout & rien ne les contient: ils sont partout; tout en est rempli. Si la divinité s'empare de quelque substance corporelle, du ciel, de la terre, d'une ville sacrée, d'un bois, d'une statue, son empire & sa présence s'en répandent au - dehors, comme la lumiere s'échappe en tout sens du soleil. La substance en est pénétrée. Elle agit au - dedans & à l'extérieur, de près & au loin, sans affoiblissement & sans interruption. Les dieux ont ici bas différens domiciles, selon leur nature ignée, terrestre, aërienne, aquatique. Ces distinctions & celles des dons qu'on en doit attendre, sont les fondemens de la théurgie & des évocations.

12. L'ame est impassible; mais sa présence dans un corps rend passible l'être composé. Si cela est vrai de l'ame, à plus forte raison des héros, des démons, & des dieux.

11. Les démons & lès dieux ne sont pas également affectés de toutes les parties d'un sacrifice; il y a le point important, la chose énergique & secrette: ils ne sont pas non plus également sensibles à toutes sortes de sacrifices. Il faut aux uns des symboles, aux autres ou des victimes, ou des représentations, ou des hommages, ou de bonnes oeuvres.

12. Les prieres sont superflues. La bienfaisance des dieux, qui connoît nos véritables besoins, est attentive à prévenir nos demandes. Les prieres ne sont qu'un moyen de s'élever vers les dieux, & d'unir son esprit au leur. C'est ainsi que le prêtre se garantit des passions, conserve sa pureté, &c.

13. Si l'idée de la colere des dieux étoit mieux connue, on ne chercheroit point à l'appaiser par des sacrifices. La colere céleste n'est point un ressentiment de la part des dieux, dont la créature ait à craindre quelque mauvais effet; c'est une aversion de sa part pour leur bienfaisance. Les holocaustes ne sont utiles, que quand elles sont la marque de la résipiscence. C'est un pas que le coupable a fait vers les dieux dont il s'étoit éloigné: le méchant fuit les dieux, mais les dieux ne le poursuivent point; c'est lui seul qui se rend malheureux, & qui se perd par sa méchanceté.

14. Il est pieux d'attendre des dieux tout le bien qu'il leur est imposé par la nécessité de leur nature. Il est impie de croire qu'on leur fait violence. Il ne faut donc s'adresser aux dieux, que pour se rendre meilleur soi - même. Si les lustrations ont écarté de dessus nos têtes quelques calamités imminentes, c'étoit afin que nos ames n'en reçussent aucune tache.

15. Ce n'est point par des organes que les dieux nous entendent; c'est qu'ils ont en eux la raison & les effets de toutes les prieres des hommes pieux, & sur - tout de leurs ministres. Ils sont présens à ces hommes consacrés, & nous parlons immédiatement aux dieux par leur intermission.

16. Les astres que nous appellons des dieux, sont des substances très - analogues à ces êtres immatériels; mais c'est à ces êtres qu'il faut spécialement s'adresser dans les astres qu'ils informent. Ils sont tous bienfaisans; il s'en écoule sur les corps des influences indélébiles. Il n'y a pas un point de l'espace où leurs vertus ne fassent sentir leur énergie; mais leur action sur les parties de l'Univers est proportionnée à la nature de ces parties. Elle répand de la diversité; mais elle ne produit jamais aucun mal absolu.

17. Ce n'est pas que ce qui est excellent, relativement à l'harmonie universelle, ne puisse devenir nuisible à quelque partie en particulier.

18. Les dieux intelligibles qui président aux spheres célestes, sont des êtres originaires du monde intelligible; & c'est par l'attention qu'ils donnent à leurs propres idées, en se renfermant en eux - mêmes, qu'ils gouvernent les cieux.

19. Les dieux intelligibles ont été les paradigmes des dieux sensibles. Ces simulacres une fois engendrés ont conservé sans aucune altération l'empreinte des êtres divins dont ils étoient les images.

20. C'est cette ressemblance inaltérable que nous devons regarder comme la base du commerce éternel qui regne entre les dieux de ce monde & les dieux du monde supérieur. C'est par cette analogie indestructible que tout ce qui en émane revient à l'être unique dont il est l'émanation & en est réabsorbé. C'est l'identité qui lie les dieux entr'eux dans le monde intelligible & dans le monde sensible; c'est la similitude qui établit le commerce des dieux d'un monde aux dieux de l'autre. [p. 292]

21. Les démons ne sont point perceptibles soit à la vûe soit au toucher. Les dieux sont plus forts que tout obstacle matériel. Les dieux gouvernent le ciel, l'univers & toutes les puissances secretes qui y sont renfermées. Les démons n'ont l'administration que de quelques portions qui leur ont été abandonnées par les dieux. Les démons sont alliés & presque inséparables des êtres qui leur ont été concedés. Les dieux dirigent les corps, sans leur être présens. Les dieux commandent. Les démons obéissent, mais librement.

22. La génération des démons est le dernier effort de la puissance des dieux: les héros en sont émanés comme une simple conséquence de leur existence vivante; il en est de même des ames. Les démons ont la faculté génératrice; c'est à eux que le soin d'unir les ames aux corps a été remis. Les héros vivifient, inspirent, dirigent, mais n'engendrent point.

23. Il a été donné aux ames, par une grace spéciale des dieux, de pouvoir s'élever jusqu'à la sphere des anges. Alors elles ont franchi les limites qui leur étoient prescrites par leur nature. Elles la perdent; & prennent celle de la nouvelle famille dans laquelle elles ont passé.

24. Les apparitions des dieux sont analogues à leurs essences, puissances & opérations. Ils se montrent toûjours tels qu'ils sont. Ils ont leurs signes propres, leurs caracteres & leurs mouvemens distinctifs, leurs formes phantastiques particulieres; & le phantôme d'un dieu n'est point celui d'un démon, ni le phantôme d'un démon celui d'un ange, ni le phantôme d'un ange celui d'un archange, & il y a des spectres d'ames de toutes sortes de caracteres. L'aspect des dieux est consolant; celui des archanges, terrible; celui des anges, moins sévere; celui des héros, attrayant; celui des démous, épouvantable. Il y a dans ces apparitions encore une infinité d'autres variétés, relatives au rang de l'être, à son autorité, à son génie, à sa vîtesse, à sa lenteur, à sa grandeur, à son cortége, à son influence... Jamblique détaille toutes ces choses avec l'exactitude la plus minutieuse, & nos Naturalistes n'ont pas mieux vû les chenilles, les mouches, les pucerons, que notre philosophe éclectique, les dieux, les anges, les archan<-> ges, les démons, & les génies de toutes les especes qui voltigent dans le monde intelligible & dans le monde sensible. Si l'on commet quelque faute dans l'évocation théurgique, alors on a un autre spectre que celui qu'on évoquoit. Vous comptiez sur un dieu, & c'est un démon qui vous vient. Au reste, ce n'est point la connoissance des choses saintes qui sanctifie. Tout homme peut se sanctifier; mais il n'est donné d'évoquer les dieux qu'aux Théurgistes, aux hommes merveilleux qui tiennent dans leurs mains le secret des deux mondes.

25. La prescience nous vient d'en - haut; elle n'a rien en soi ni d'humain ni de physique. Il n'en est pas ainsi de la révélation. C'est une voix foible qui se fait entendre à nous, sur le passage de la veille au sommeil. Cela prouve que l'ame a deux vies; l'une unie avec le corps, l'autre séparée. D'ailleurs, comme sa fonction est de contempler, & qu'elle contient en elle la raison de tous les possibles, il n'est pas surprenant que l'avenir lui soit connu. Elle voit les choses futures dans leurs raisons préexistantes. Si elle a reçû des Dieux une pénétration sublime, un pressentiment exquis, une longue expérience, la facilité d'observer, le discernement, le génie, rien de ce qui a été, de ce qui est, & de ce qui sera n'échappera à sa connoissance.

26. Voici les vrais caracteres de l'enthousiasme divin. Celui qui l'éprouve est privé de l'usage commun de ses sens; sa veille ne ressemble point à celle des autres hommes; son action est extraordinaire; il ne se possede plus; il ne pense plus & ne parle plus par lui - même; la vie qui l'environne est absente pour lui; il ne sent point l'action du feu, ou il n'en est point offensé; il ne voit ni ne redoute la hache levée sur sa tête; il est transporté dans des lieux inaccessibles, il marche à - travers la flamme; il se promene sur les eaux &c.... Cet état est l'effet de la divinité qui exerce tout son empire sur l'ame de l'enthousiaste, par l'entremise des organes du corps; il est alors le ministre d'un dieu qui l'obsede, qui l'agite, qui le poursuit, qui le tourmente, qui en arrache des voix, qui vit en lui, qui s'est emparé de ses mains, de ses yeux, de sa bouche, & qui le tient élevé au - dessus de la nature commune.

27. On a consacré la Poésie & la Musique aux dieux. En effet, il y a dans les chants & dans la versification, toute la variété qu'il convient d'introduire dans les hymnes qu'on destine à l'évocation des dieux. Chaque dieu a son caractere. Chaque évocation a sa forme & exige sa mélodie. L'ame avoit entendu l'harmonie des cieux, avant que d'être exilée dans un corps. Si quelques accens analogues à ces accens divins, dont elle ne perd jamais entierement la mémoire, viennent à la frapper, elle tressaillit, elle s'y livre, elle en est transportée. Jamblique se précipite ici dans toutes les especes de divinations, sotises magnifiques à - travers lesquelles nous n'avons pas le courage de le suivre. On peut voir dans cet auteur ou dans l'histoire critique de la philosophie de M. Brucker, toutes les rêveries de l'E<-> clectisme théologique, sur la puissance des dieux, sur l'Illumination, sur les invocations, la magie, les prêtres, & la nécessité de l'action de la fumée des victimes sur les dieux, &c.

28. La justice des dieux n'est point la justice des hommes. L'homme définit la justice sur des rapports tirés de sa vie actuelle & de son état présent. Les dieux la définissent relativement à ses existences successives & à l'universalité de nos vies.

29. La plûpart des hommes n'ont point de liberte, & sont enchaînés par le destin, &c.

Principes de la Théogonie éclectique. 1. Il est un Dieu de toute la nature, le principe de toute génération, la cause des puissances élémentaires, supérieur à tous les dieux, en qui tout existe, immateriel, incorporel, maître de la nature, subsistant de toute éternité par lui - même, premier, indivisible & indivisé, tout par lui - même, tout en lui - même, antérieur à toutes choses, même aux principes universaux & aux causes générales des êtres, immobile, renfermé dans la solitude de son. unité, la source des idées, des intelligibles, des possibilités, se suffisant, pere des essences & de l'entité, anterieur au principe intelligible. Son nom est Noetarque.

2. Emeth est après Noetarque; c'est l'intelligence divine qui se connoît elle - même, d'où toutes les intelligences sont émanées, qui les ramene toutes dans son sein, comme dans un abysme; les Egyptiens plaçoient Eicton avant Emeth; c'étoit la premiere idée exemplaire; on adoroit Eicton par le silence.

3. Après ces dieux, viennent Amem, Ptha & Ofiris, qui président à la génération des êtres apparens, dieux conservateurs de la sagesse, & ses ministres dans les tems où elle engendroit les êtres & produisoit la force secrete des causes.

4. Il y a quatre puissances mâles & quatre puissances femelles au - dessus des élémens & de leurs vertus. Elles résident dans le soleil. Celle qui dirige la nature dans ses fonctions génératrices a son domicile dans la lune.

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