ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"289"> lumiere bien supérieure à toute autre. Nous parlons de Dieu; nous nous en entretenons; nous en ecrivons; ces exercices excitent l'ame, la dirigent, la préparent à sentir la présence de Dieu; mais c'est autre chose qui la lui communique.

28. Dieu est présent à tous, quoiqu'il paroisse absent de tous. Sa présence n'est sensible qu'aux ames qui ont établi entr'elles & cet être excellent, quelqu'analogie, quelque similitude, & qui par des purifications réitérées, se sont restituées dans l'état de pureté originelle & premiere qu'elles avoient au moment de l'émanation: alors elles voyent Dieu, autant qu'il est visible par sa nature.

29. Alors les voiles qui les enveloppoient sont déchirées, les simulacres qui les obsédoient & les éloignoient de la présence divine se sont évanoüis. Il ne leur reste aucune ombre qui empêche la lumiere éternelle de les éclairer & de les remplir.

30. L'occupation la plus digne de l'homme, est donc de séparer son ame de toutes les choses sensibles, de la ramener profondément en elle - même, de l'isoler, & de la perdre dans la contemplation jusqu'à l'entier oubli d'elle - même & de tout ce qu'elle connoît. Le quiétisme est bien ancien, comme on voit.

31. Cette profonde contemplation n'est pas notre état habituel, mais c'est le seul où nous atteignions la fin de nos desirs, & ce repos délicieux où cessent toutes les dissonnances qui nous environnent, & qui nous empêchent de goûter la divine harmonie des choses intelligibles. Nous sommes alors à la source de vie, à l'essence de l'entendement, à l'origine de l'être, à la région des vérités, au centre de tout bien, à l'océan d'où les ames s'élevent sans cesse, sans que ces émanations éternelles l'épuisent, car Dieu n'est point une masse: c'est - là que l'homme est véritablement heureux; c'est - là que finissent ses passions, son ignorance, & ses inquiétudes; c'est - là qu'il vit, qu'il entend, qu'il est libre, & qu'il aime: c'est - là que nous devons hâter notre retour, foulant aux piés tous les obstacles qui nous retiennent, écartant tous ces phantômes trompeurs qui nous égarent & qui nous jouent, & bénissant le moment heuveux qui nous rejoint à notre principe, & qui rend au tout éternel son émanation.

32. Mais il faut attendre ce moment. Celui qui portant sur son corps une main violente l'accéléreroit, auroit au moins une passion; il emporteroit encore avec lui quelque vain simulacre. Le philosophe ne chassera donc point son ame; il attendra qu'elle sorte, ce qui arrivera lorsque son domicile dépérissant, l'harmonie constituée de toute éternité entre elle & lui cessera. On retrouve ici des vestiges du Leibni<-> tianisme.

33. L'ame séparée du corps reste dans ses révolutions à - travers les cieux, ce qu'elle a le plus été pendant cette vie, ou rationnelle, ou sensitive, ou végétale. La fonction qui la dominoit dans le monde corporel, la domine encore dans le monde intelligible; elle tient ses autres puissances inertes, engourdies, & captives. Le mauvais n'anéantit pas le bon, mais ils co - existent subordonnés.

34. Exerçons donc notre ame dans ce monde à s'élever aux choses intelligibles, si nous ne voulons pas qu'accompagnée dans l'autre de simulacres vitieux, elle ne soit précipitée de rechef du centre des émanations, condamnée à la vie sensible, animale, ou végétale, & assujettie aux fonctions brutales d'engendrer & de croître.

35. Celui qui aura respecté en lui la dignité de l'espece humaine, renaîtra homme: celui qui l'aura dégradée, renaîtra bête; celui qui l'aura abrutie, renaîtra plante. Le vice dominant déterminera l'espece. Le tyran planera dans les airs sous la forme de quelqu'oiseau de proie.

Principes de la Cosinologie des Eclectiques. Voici ce qu'on peut tirer de plus clair de notre très - inintelligible philosophe Plotin.

1. La matiere est la base & le suppôt des modifications diverses. Cette notion a été jusqu'à présent commune à tous les Philosophes; d'où il s'ensuit qu'il y a de la matiere dans le monde intelligible même; car il y a des idées qui sont modifiées; or tout mode suppose un sujet. D'ailleurs le monde intelligible n'étant qu'une copie du monde sensible, la matiere doit avoir sa représentation dans l'un, puisqu'elle a son existence dans l'autre; or cette représentation suppose une toile matérielle, à laquelle elle soit attachée.

2. Les corps mêmes ont dans ce monde sensible un sujet qui ne peut être corps; en effet leurs transmutations ne supposent point diminution, autrement les essences se réduiroient à rien; car il n'est pas plus difficile d'être réduit à rien qu'à moins; d'ailleurs ce qui renaît ne peut renaître de ce qui n'est plus.

3. La matiere premiere n'a rien de commun avec les corps, ni figure, ni qualité, ni grandeur, ni couleur; d'où il s'ensuit qu'on n'en peut donner qu'une définition négative.

4. La matiere en général n'est point une quantité; les idées de grandeur, d'unité, de pluralité, ne lui sont point applicables, parce qu'elle est indéfinie; elle n'est jamais en repos; elle produit une infinité d'especes diverses, par une fermentation intestine qui dure toujours & qui n'est jamais stérile.

5. Le lieu est postérieur d'origine à la matiere & au corps; il ne lui est donc pas essentiel: les formes ne sont donc pas des attributs nécessaires de la quantité corporelle.

6. Qu'on ne s'imagine pas sur ces principes, que la matiere est un vain nom: elle est nécessaire: les corps en sont produits. Elle devient alors le sujet de la qualité & de la grandeur, sans perdre ses titres d'invisible & d'indéfinie.

7. C'est n'avoir ni sens ni entendement, que de rapporter l'essence & la production de l'univers au hasard.

8. Le monde a toûjours été. L'idée qui en étoit le modele, ne lui est antérieure que d'une priorité d'origine & non de tems. Comme il est très - parfait, il est la démonstration la plus évidente de la necessité & de l'existence d'un monde intelligible; & ce monde intelligible n'étant qu'une idée, il est éternel, inaltérable, incorruptible, un.

9. Ce n'est point par induction, c'est par nécessité que l'univers existe. L'entendement agissoit sur la matiere, qui lui obéissoit sans effort; & toutes choses naissoient.

10. Il n'y a nul effet contradictoire dans la génération d'un être par le développement de son germe; il y a seulement une multitude de forces opposées les unes aux autres, qui réagissent & se balancent. Ainsi dans l'univers une partie est l'antagoniste d'une autre; celle - ci veut, celle - là se refuse; elles disparoissent quelquefois les unes & les autres dans ce conflict, pour renaître, s'entrechoquer, & disparoître encore; & il se forme un enchaînement éternel de générations & de destructions qu'on ne peut reprocher à la nature, parce que ce seroit une folie que d'attaquer un tout dans une de ses parties.

11. L'univers est parfait; il a tout ce qu'il peut avoir; il se suffit à lui - même: il est rempli de dieux, de démons, d'ames justes, d'hommes que la vertu rend heureux, d'animaux, & de plantes. Les ames justes répandues dans la vaste étendue des cieux, donnent le mouvement & la vie aux corps célestes.

12. L'ame universelle est immuable. L'état de tout ce qui est digne, après elle, de notre admira<pb-> [p. 290] tion & de nos hommages, est permanent. Les ames circulent dans les corps, jusqu'à ce que exaltées & portées hors de l'état de génération, elles vivent avec l'ame universelle. Les corps changent continuellement de formes, & sont alternativement ou des animaux, ou les plantes qui les nourrissent.

13. Il n'y a point de mal absolu: l'hommo injuste laisse à l'univers sa bonté; il ne l'ôte qu'à son ame, qu'il dégrade dans l'ordre des êtres. C'est la loi générale à laquelle il est impossible de se soustraire.

14. Cessons donc de nous plaindre de cet univers; tâchons d'être bons; plaignons les méchans, & laissons à la raison universelle des choses, le soin de les punir & de tirer avantage de leur malice.

15. Les hommes ont les dieux au - dessus d'eux, & les animaux au - dessous; & ils sont libres de s'élever à l'état des dieux par la vertu, ou de s'abaisser par le vice à la condition des animaux.

16. La raison universelle des choses a distribué à chacune toute la bonté qui lui convenoit. Si elle a placé des dieux au - dessus des démons, des démons au - dessus des ames, des ames au - dessus des hommes, des hommes au - dessus des animaux, ce n'est ni par choix ni par prédilection; la nature de son ouvrage l'exigeoit, ainsi que l'enchaînement & la nécessité des transmutations le démontrent.

17. Le monde renfermant tout ce qui est possible, ne pouvant ni rien perdre ni rien acquérir, il durera éternellement tel qu'il est.

18. Le ciel & tout ce qu'il contient est éternel. Les astres brillent d'un feu inépuisable, uniforme, & tranquille. Il n'y a dans la nature aucun lien aussi fort que l'ame, qui lie toutes ces choses.

19. C'est l'ame des cieux qui peuple la terre d'animaux; elle imprime au limon une ombre de vie, & le limon sent, respire, & se meut.

20. Il n'y a dans les cieux que du feu; mais ce feu contient de l'eau, de la terre, de l'air, en un mot toutes les qualités des autres élémens.

21. Comme il est de la nature de la chaleur de s'élever, la source des feux célestes ne tarira jamais. Il ne s'en peut rien dissiper sans effort, & le mouvement circulaire y ramene tout ce qui s'en dissipe.

22. Les astres changent dans leurs aspects & dans leurs mouvemens; mais leur nature ne change point.

23. C'est parce que les astres annoncent l'avenir, que leur marche est reglée, & qu'ils portent les empreintes des choses. L'univers est plein de signes; le sage les connoît & en tire des inductions: c'est une suite nécessaire de l'harmonie universelle.

24. L'ame du monde est le principe des choses naturelles, & elle a parsemé l'étendue des cieux de corps lumineux qui l'embellissent & qui annoncent les destinées.

25. L'ame qui s'éloigne du premier principe, est soûmise à la loi des cieux dans ses différens changemens de domicile; il n'en est pas ainsi de l'ame qui s'en rapproche; elle fait elle - même sa destinée.

26. L'univers est un être vivant qui a son corps & son ame; & l'ame de l'univers, qui n'est attachée à aucun corps particulier, exerce une influence générale sur les ames attachées à des corps.

27. L'influence céleste n'engendre point les choses; elle dispose seulement la matiere aux phénomenes, & la raison universelle les fait éclore.

28. La raison universelle des êtres n'est point une intelligence, mais une force intestine & agitatrice qui opere sans dessein, & qui exerçant son énergie de quelque point central met tout en mouvement, comme on voit des ondulations naître dans un fluide les unes des autres, & s'étendre à l'infini.

29. Il faut distinguer dans le monde les dieux des démons. Les dieux sont sans passions, les démons ont des passions: ils sont éternels comme les dieux, mais inférieurs d'un degré; dans l'échelle universelle des êtres, ils tiennent le milieu entre nous & les dieux.

30. Il n'y a point de démon dans le monde intelligible: ce qu'on y appelle des démons sont des dieux.

31. Ceux qui habitent la région du monde sensible, qui s'étend jusqu'à la Lune, sont des dieux visibles, des dieux du second ordre: ils sont aux dieux intelligibles, ce que la splendeur est aux étoiles.

32. Ces démons sont des sympathies émanées de l'ame qui fait le bien de l'univers; elle les a engendrées, afin que chaque partie eût dans le tout la perfection & l'énergie qui lui conviennent.

32. Les démons ne sont point des êtres corporels, mais ils mettent en action l'air, le feu, & les élémens: s'ils étoient corporels, ce seroient des animaux sensibles.

33. Il faut supposer une matiere générale intelligible, qui soit un véhicule, un intermede entre la matiere sensible & les êtres auxquels elle est subordonnée.

34. Il n'y a point d'élémens que la terre ne contienne. La génération des animaux & la végétation des plantes démontrent que c'est un animal; & comme la portion d'esprit qu'elle renferme est grande, on est bien fondé à la prendre pour une divinité; elle ne se meut point d'un mouvement de translation, mais elle n'est pas incapable de se mouvoir. Elle peut sentir, parce qu'elle a une ame, comme les astres en ont une, comme l'homme a la sienne.

Principes de la Théologie éclectique, tels qu'ils sont répandus dans les ouvrages de Jamblique, le théologien par excellence de la secte.

1. Il y a des dieux: nous portons en nous - mêmes la démonstration de cette vérité. La connoissance nous en est innée: elle existe dans notre entendement, antérieure à toute induction, à tout préjugé, à tout jugement. C'est une conscience simultanée de l'union nécessaire de notre nature avec sa cause génératrice; c'est une conséquence immédiate de la coexistence de cette cause avec notre amour pour le bon, le vrai, & le beau.

2. Cette espece de contact intime de l'ame & de la divinité ne nous est pas subordonné; notre volonté ne peut ni l'altérer, ni l'éviter, ni le nier ni le prouver. Il est nécessairement en nous; nous le sentons, & il nous convainc de l'existence des dieux par ce que nous sommes, quelque chose que nous soyons.

3. Mais l'idée des compagnons immortels des dieux ne nous est ni moins intime, ni moins innée, ni moins perceptible que celle des dieux. La connoissance naturelle que nous avons de leur existence est immuable, parce que leur essence ne change point. Ce n'est point non plus une vérité de consequence & d'induction: c'est une notion simple, pure, & premiere, puisée de toute éternité dans le sein de la divinité, à laquelle nous sommes restés unis dans le tems par ce lien indifsoluble.

4. Il y a des dieux, des démons, & des héros, & ces êtres célestes sont distribués en différentes classes. Les ressemblances & les différences qui les distinguent & qui les tapprochent, ne nous sont connues que par analogie. Il faut, par exemple, que la bonté leur soit une qualité commune, parce qu'elle est essentielle à leur nature. Il en est autrement des ames, qui participent seulement à cet attribut par communication.

5. Les dieux & les ames sont les deux extrèmes des choses célestes. Les héros constituent l'ordre intermédiaire. Ils sont supérieurs en excellence, en nature, en puissance, en vertu, en beauté, en grandeur, & généralement en toute bonne qualité, aux ames qu'ils touchent immédiatement, & avec les<pb->

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