ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Le nom d'échiquier vient de ce que le premier échi<-> quier, qui fut celui de Normandie, se tenoit dans une salle dont le pavé étoit fait de pierres quarrées noires & blanches alternativement, comme les tabliers ou échiquiers qui servent à joüer aux échecs; d'autres prétendent que le nom d'échiquier, donné à ce tribunal, vient de ce qu'il y avoit sur le bureau un tapis échiqueté de noir & de blanc.

Les échiquiers ont quelque rapport avec les assises, avec cette différence néanmoins, que les jugemens des échiquiers sont en dernier ressort; ainsi ils ont plus de rapport avec les grands jours qui se tenoient par ordre du roi, & qui jugéoient aussi en dernier ressort.

Il y a plusieurs échiquiers en Normandie. Le roi de Navarre avoit le sien. Il y en a encore un en Angleterre, ainsi qu'on l'expliquera dans les subdivisions suivantes. Voyez le glossaire de Ducange, au mot scacarium, & celui de Lauriere, au mot Echiquier. (A)

Echiquier d'Alençon (Page 5:259)

Echiquier d'Alençon, étoit un échiquier particulier pour le bailliage d'Alençon, & indépendant de l'échiquier général de Normandie, qui se tenoit à Roüen. Ce tribunal fut établi lorsque le comté d'Alençon fut donné en apanage à des princes de la maison de France, ou peut - être même des le tems que les comtes d'Alençon étoient vassaux des ducs de Normandie.

Lors de l'érection de l'échiquier de Normandie en cour de parlement, laquelle fut faite en 1515, le bailliage d'Alençon n'étoit point du ressort de l'échiquier de Normandie. Charles de Valois duc d'Alençon, qui en joüissoit à titre d'apanage, y faisoit tenir son échiquie indépendant de celui de Roüen.

Ce prince étant mort en 1525 sans enfans, la duchesse sa veuve, qui étoit Marguerite soeur unique de Françeis I, demeura en possession de son échiquier jusqu'à sa mort, arrivée en 1548.

Le parlement de Roüen révendiqua alors son ancien ressort sur le bailliage d'Alençon, & députa au roi Henri II, pour demander la réunion de l'échiquier d'Alençon à celui de Roüen; mais il y eut opposition de la part du parlement de Paris à cause qu'Alençon étoit une pairie, & de la part des habitars d'Alençon, qui furent jaloux de conserver leur échiquier avec le droit de juger souverainement.

Le roi, sur le vu des titres produits par le parlement de Roüen, ordonna de faire une assemblée dans le bailliage d'Alençon, ce qui fut suivi de lettres patentes du mois de Juin ou Juillet 1550, par lesquelles toutes les causes du bailliage d'Alençon furent renvoyées au parlement de Roüen, pour y être jugées souverainement; le duché d'Alençon étoit alors retourné à la couronne, & réduit au ressort du parlement de Roüen. Les lettres y furent registrées, avec injonction aux juges du bailliago d'Alençon de faire tous les ans leur comparence en la cour, comme il se pratiquoit à l'égard des autres siéges.

Charles IX. ayant donné, en 1566, à François de France son frere, le duché d'Alençon pour son apanage, le parlement de Paris se donna des mouvemens pour se faire attribuer la connoissance des appels de ce bailliage, sur le fondement que ce duché étoit une pairie.

Le parlement de Roüen de sa part fit des remontrances au roi & une députation, pour représenter qu'Henri II, en 1550, avoit retabli ce parlement dans ses anciens droits sur le bailliage d'Alencon; & l'on tient que le roi les assûra qu'il ne changeroit point l'état des choses, & que cela fut exécuté en 1570.

Il paroît néanmoins que le duc d'Alençon ayant voulu rétablir son apanage sur le même pié qu'il étoit sous Charles dernier duc, mort en 1525, obtint du roi son frere, qu'il pourroit faire tenir un échiquier pour juger les procès en dernier ressort.

Le parlement de Roüen qui en fut informé, arrêta par une délibération du mois d'Août 1571, qu'il seroit fait de très - humbles remontrances au roi sur cette distraction de ressort: on ne voit point dans les registres du parlement, si ces remontrances furent faites, ni quel en fut le succès: ce qui est de certain, est que le parlement de Roüen ne rentra dans son droit de ressort sur le bailliage d'Alençon, qu'après la mort du duc, sous le regne d'Henri III. L'échiquier d'Alençon fut alors supprimé par des lettres patentes du mois de Juin 1584, qui énoncent que le duc avoit toujours joüi du droit d'échiquier pour son apanage; par ce moyen le bailliage d'Alençon revint dans son premier état, c'est - à - dire que depuis ce tems il ressortit au parlement de Roüen. Voyez le commentaire de Beraut, à la fin; le glossaire de Lauriere au mot échiquier, le recueil des arrêts de Froland, p. 76. (A)

Echiquier d'Angleterre (Page 5:259)

Echiquier d'Angleterre ou Cour de l'Echiquier, est une cour souveraine d'Angleterre, où l'on juge les causes touchant le thrésor & les revenus du roi, touchant les comptes, déboursemens, impôts, doüannes, & amendes; elle est composée de sept juges, qui sont le grand thrésorier, le chancelier ou sous - thrésorier de l'échiquier, qui a la garde du sceau de l'échiquier, le lord chef baron, les trois barons de l'échiquier, & le cursitor baron. Les deux premiers se trouvent rarement aux affaires que l'on doit juger suivant la rigueur de la loi; ils en laissent la décision aux cinq autres juges, dont le lord chef baron est le principal, il est établi par lettres patentes.

Le cursitor baron fait prêter serment aux sherifs & sous - sherifs des comtés, aux baillis, aux officiers de la doüanne, &c.

Cette cour de l'échiquier est divisée en deux cours: l'une, qu'on appelle cour de loi, où les affaires se jugent seion la rigueur de la loi; l'autre, qu'on appelle cour a équité, où il est permis aux juges de s'écarter de la rigueur de la loi pour suivre l'équité. Les évêques & les barons du royaume avoient autrefois seance à la cour de l'échiquier; présentement les deux cours de l'échiquier sont tenues par des personnes qui ne sent point pairs, & qu'on appelle pourtant barons.

Sous le chancelier, sont deux chambellans de l'é<-> chiquier, qui ont la garde des archives & papiers, ligues & traités avec les princes étrangers, des titres des monnoies, des poids & des mesures, & d'un livre fameux appellé le livre de l'échiquier ou le livre noir, composé en 1175 par Gervais de Tilbury neveu d'Henri II. roi d'Angleterre. Ce livre contient la description de la cour d'Angleterre de ce tems - là, ses officiers, leurs rangs, priviléges, gages, pouvoir & jurisdiction, les revenus de la couronne: ce livre est enfermé sous trois clés; on donne six schellings huit sous pour le voir, & quatre sous pour chaque ligne que l'on transcrit.

Outre ces deux cours de l'échiquier, il y en a encore une autre qu'on appelle le petit échiquier; celui - ci est le thrésor roval & la thrésorerie; on y reçoit & on y débourse les revenus du roi: le grand thrésorier en est le premier officier. (A)

Echiquier des Apanagers (Page 5:259)

Echiquier des Apanagers, ce sont les grands jours des princes, auxquels on avoit donné pour apanage des terres situées en Normandie. Chacun de ces échiquiers avoit son nom propre. Tels étoient les échi<-> quiers particuliers des comtés d'Evreux, d'Alençon, & de Beaumont - le - Roger. Ces échiquiers étoient indépendans du grand échiquier de Normandie.

Echiquier de l'Archevêque de Rouen (Page 5:259)

Echiquier de l'Archevêque de Rouen; les archevêques de cette ville ont prétendu avoir un échiquier particulier, & que leur jurisdiction n'étoit [p. 260] pas sujette à celle de l'échiquier général de Normandie.

On voit dans l'échiquier général, qui fut tenu en 1336 au nom de Jean dauphin de France, & duc de Normandie (qui fut depuis le roi Jean), que l'on fit lecture de lettres patentes que le dauphin avoit données à Pierre, archevêque de Rouen, pour la jurisdiction de Louviers.

Dix - sept ans après (en 1353) s'étant mû procès touchant la jurisdiction temporelle du palais archiépiscopal de Roüen, Jean, qui depuis trois ans avoit été sacré roi de France, accorda la jurisdiction toute entiere, & sans aucune restriction, à Pierre de la Forest, qui avoit été son chancelier: mais ce privilége ne fut alors accordé que pour lui personnellement, & pour le tems seulement qu'il tiendroit cet archevêché.

Le dauphin Charles, auquel le roi Jean son pere avoit donné en 1355 le duché de Normandie, & qui fut depuis le roi Charles V. surnommé le Sage, confirma ce privilége, & le continua tant pour l'archevêque, que pour ses successeurs, par lettres patentes données à Roüen le 5 Octobre 1359. C'est de - là que les archevêques ont encore la jurisdiction appellée les hauts jours, où l'on juge les appellations des sentences des justices de Déville, Louviers, Gaillon, Dieppe, &c. jurisdiction qui ressortit au parlement de Roüen.

Lorsque l'édit de 1499 déclara l'échiquier général de Normandie perpétuel, le cardinal d'Amboise archevêque de Roüen, remontra que ses prédécesseurs avoient toûjours prétendu qu'il leur appartenoit par chartres ou droits anciens, un échiquier particulier & cour souveraine, pour les causes qui pouvoient se mouvoir devant leurs officiers dépendans du temporel & aumône de l'archevêché, sans ressortir en aucune maniere en la cour de l'échiquier de Normandie.

Louis XII. déclara à cette occasion, qu'il ne vouloit faire aucun préjudice aux droits du cardinal & des archevêques ses successeurs, ni aux siens propres, consentant qu'ils pussent faire telle poursuite qu'ils aviseroient bon être, soit en la cour de l'échi<-> quier, ou ailleurs.

Mais il ne paroît pas que les archevêques de Roüen ayent profité de cette clause; on voit au contraire que le 2 Juillet 1515, le parlement de Roüen ordonna à ceux que l'archevêque commettroit pour tenir la jurisdiction temporelle de son archevêché, de qualifier cette jurisdiction du titre de hauts jours, & non de celui d'échiquier, comme ils avoient fait auparavant, & qu'il lui fût permis de faire expédier & juger extraordinairement par ces juges commis des hauts jours, ou par aucuns d'entre eux, les matieres provisoires: & qu'en ce cas les juges intituleroient leurs actes, les gens commis à tenir pour l'arche<-> vêque de Roüen l'extraordinaire de ses hauts jours, pour le fait & regard de ses matieres provisoires, & en atten<-> dant la tenue d'iceux. Voyez le recueil d'arrêts de M. Froland. (A)

Echiquier (Page 5:260)

Echiquier (Barons de l'), voyez ce qui en a été dit ci - dev. à l'article Echiquier d'Angleterre.

Echiquier de Beaumont - le - Roger (Page 5:260)

Echiquier de Beaumont - le - Roger, étoit un échiquier particulier qui avoit été accordé à Robert d'Artois III. du nom, prince du sang, pour les terres de Beaumont - le - Roger, & autres situées en Normandie; ce qui fut fait probablement en 1328, lorsqu'on lui donna ces terres à titre d'apanage. Cet échiquier ne devoit plus subsister depuis 1331, que les biens de ce même comte d'Artois, furent confisqués. On voit cependant qu'en 1338, il fut encore tenu, mais au nom du roi, & par les mêmes commissaires qui tinrent l'échiquier général de Normandie; dans celui de 1346, où présida Jean alors duc de Normandie, qui fut depuis le roi Jean, on fit lec<cb-> ture de lettres patentes de Philippe de Valois, qui enjoignoient à l'échiquier général de renvoyer toutes les causes du comté de Valois, Beaumont - le - Roger, Pontorson, & autres terres que possédoit en Normandie Philippe second fils du roi, aux hauts jours des mêmes terres qui se tenoient à Paris. Voyez l'hist. de la ville de Roüen, t. I. part. II. c. jv. p. 29. n. 30. (A)

Echiquier (Page 5:260)

Echiquier (chambellans de l'), voy. Echiquier d'Angleterre.

Echiquier (Page 5:260)

Echiquier (cour de l'), voyez Echiquier d'Angleterre & Echiquier de Rouen.

Echiquier du comté d'Evreux (Page 5:260)

Echiquier du comté d'Evreux, voyez ci - devant Echiquier des Apanagers, & ci - apr. Echiquier du Roi de Navarre.

Echiquier (Page 5:260)

Echiquier (maitres de l'), étoient les juges commis pour tenir la jurisdiction de l'échiquier. Il en est parlé dans une ordonnance du roi Jean du 5 Avril 1350, article 12, qui défend aux maîtres du parlement, de ses échiquiers, requêtes de son hôtel, de faire aucune prise pour eux dans tout le duché de Normandie. Voyez Echiquier & Prise. (A)

Echiquier du Roi de Navarre (Page 5:260)

Echiquier du Roi de Navarre, étoit un échi<-> quier particulier, que Charles I. comte d'Evreux, roi de Navarre, dit le mauvais, força le roi de lui donner, pour les grands domaines qu'il possédoit en la province de Normandie. (A)

Echiquier de Normandie (Page 5:260)

Echiquier de Normandie, voyez ci - après Echiquier de Rouen.

Echiquier (Page 5:260)

Echiquier (petie), voyez ci - devant Echiquier d'Angleterre.

Echiquier de Rouen (Page 5:260)

Echiquier de Rouen, étoit la cour souveraine de Normandie, instituée par Rollo ou Raoul, premier duc de cette province, au commencement du dixieme siecle.

L'appel des premiers juges étoit porté à l'échiquier, qui décidoit en dernier ressort, tant au civil qu'au criminel; mais comme cet échiquier ne se tenoit qu'en certains tems de l'année, quand il y avoit des matieres provisoires, c'étoit au grand sénéchal de la province à les décider; en attendant la tenue de l'échi<-> quier.

Pendant plusieurs siecles, cet échiquier fut ambulatoire à la suite du prince, comme le parlement de Paris.

M. Froland en son recueil d'arrêts, part. I. ch. ij. pag. 48, dit avoir lû un abregé historique manuscrit du parlement de Roüen, ouvrage d'un procureur général de ce parlement, où il est dit que cet échiquier ambulatoire s'assembloit deux fois l'année, savoir à Pâques & à la Saint - Michel; qu'il tenoit ses séances pendant six semaines; que le grand - sénéchal de la province y présidoit; qu'on y appelloit les principaux du clergé & de la noblesse des sept bailliages, lesquels y avoient voix délibérative; que les baillifs & les officiers de ces mêmes siéges, ainsi que les avocats, étoient obligés d'y assister, afin de recorder l'usance & style de la coûtume de Normandie, qui n'étoit point encore rédigée par écrit, ou du moins de l'autorité du prince, & que les jugemens de ce tribunal étoient sans appel & en dernier ressort.

Mais M. Froland craint que l'on n'ait confondu la forme de ces premiers échiquiers avec celle des échi<-> quiers, qui ont été tenus depuis la réunion de la Normandie à la couronne; & en effet il n'y a guere d'apparence que la forme fût d'abord la même qu'elle a été long - tems après, soit pour la qualité des personnes, soit pour l'ordre de la séance, la dignité des terres, & la nature des affaires: d'autant que Rollo qui ne fut baptisé qu'en 912, & mourut en 917, n'eut pas le tems de donner à ce nouvel établissement toute la perfection dont il étoit susceptible.

Il ne nous reste rien des registres ou actes des anciens échiquiers, tenus sous le ducs de Normandie;

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