ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"201"> la pipe de tems en tems, en y en mettant de nouvelle, afin qu'elle soit toûjours froide s'il est possible: car plus l'eau - de - vie vient froide, & meilleure elle est. Il faut toûjours de nouvelle eau à toutes les chauffes.

Ce bassiot est fait avec des douves, comme sont celles des tonneaux; il est lié avec des cerceaux, comme on lie les tonneaux; il est fermé ou foncé dessus & dessous pour la conservation, & empêcher l'évaporation de l'eau - de - vie qui y entre. Ce bassiot a deux trous sur son fond d'en - haut, qui ont chacun leur bouchon mobile; l'un des trous est celui où entre la queue du petit entonnoir, & l'autre sert pour sonder & voir combien il y a d'eau - de - vie de venue. Ce bassiot est jaugé à la jauge d'usage dans le pays, afin que l'on puisse savoir précisément ce qu'il contient. On sait ce qu'il y a dedans d'eau - de - vie, quoiqu'il ne soit pas plein; on a pour cela un bâton fait exprès, sur lequel on a mesuré exactement les pots & veltes de liqueur que l'on y a mise, à mesure qu'on l'a jaugé, tellement que quand il n'y a dans le bassiot que quatre, cinq, six, sept pots plus ou moins de liqueur, en coulant le bâton dedans & l'appuyant au fond du bassiot, l'endroit où finit la hauteur de la liqueur qui est dans le bassiot, doit marquer sur le bâton le nombre des pots ou veltes qui y sont contenues, & cela par des marques graduées & numérotées, qui sont empreintes ou entaillées sur ce bâton. Ce bassiot doit être posé bien à - plomb & bien solide dans le faux bassiot. On sait que pour un pot il faut deux pintes, & que la velte contient quatre pots.

On a dit qu'au fourneau qui est sous la chaudiere, il y avoit deux ouvertures; l'une pour y faire entrer le bois, & l'autre pour laisser échapper la fumée. Ces deux ouvertures ont chacune leur fermeture de fer; celle de devant par une plaque de fer, avec une poignée, pour la placer ou l'enlevér à volonté: on appelle cette plaque, une trappe. L'ouverture de la fumée a également sa fermeture, mais elle n'est pas placée à l'orifice du trou; on sait que par ce trou, la fumée du feu monte dans la cheminée pour se répandre dans l'air; la fermeture de ce trou est placée au - dessus de la maçonnerie de la chaudiere, un peu sur le côté: ensorte que le tuyau de cette fumée, qui prend sous la chaudiere, est un peu dévoyé, pour gagner le conduit de la cheminée. Cette fermeture consiste dans une plaque de ser, longue environ d'un pié, & large de quatre pouces & demi, ce qui doit boucher le tuyau de la cheminée: ainsi ce tuyau ne doit avoir que cela de largeur, & être presque quarré; on appelle cette fermeture, une tirette, parce qu'on la tire pour l'ôter, & on la pousse pour la remettre, c'est - à - dire pour ouvrir & fermer ce trou, qui répond au - dehors au - dessus de la chaudiere par une fente, dans le mur du tuyau de la cheminée; il ne faut pas néanmoins que cette tirette bouche tout - à - fait le tuyau de la cheminée, parce que pour l'entretien du feu, il faut qu'il s'en exhale un peu de fumée, sans quoi il seroit étouffé sous le fourneau: ainsi il peut rester autour de la tirette une ligne ou deux de vuide.

Ces deux plaques de fer servent pour entretenir le feu sous le fourneau dans un degré égal de chaleur; & quand il n'y a pas assez d'air, on tire tantsoit - peu la tirette; s'il y en a trop, on la pousse tout - à - fait: de façon que le feu qui est sous la chaudiere, n'étant point animé par un air étranger, brûle également, & entretient le bouillon de la chaudiere dans une égale effervescence, ce qui fait que l'eau - de - vie vient toûjours presque également & doucement; ce qui contribue beaucoup à sa bonté.

Quand la chaudiere est coiffée, on continue à mettre du menu bois sous le fourneau, jusqu'à ce que la vapeur qui sort du vin, & qui monte au fond du chapeau, soit entrée dans la serpentine, & soit sur le point de gagner les tours de la serpentine; ce que l'on connoît en mettant la main sur le bout de la queue du chapeau, du côté de la serpentine: s'il est bien chaud, c'est une preuve qu'il y a passé de la vapeur assez considérablement pour l'échauffer: alors on met du gros bois sous le fourneau; ce sont des bûches coupées de longueur, pour ne pas excéder celle du fourneau, & ne pas empêcher que l'on n'en ferme bien l'ouverture avec la trape; on y met de ce gros bois autant qu'il en faut pour remplir le fourneau presqu'en entier, & assez suffisamment pour faire venir toute la bonne eau - de - vie; car le fourneau une fois fermé, on ne doit plus l'ouvrir: on laisse cependant parmi ces bûches assez de vuide pour l'agitation de l'air. On appelle cela, garnir la chaudiere. Lorsque le fourneau est rempli, on met la trape pour en boucher l'ouverture d'entrée, & on pousse la tirette pour en fermer l'ouverture de la cheminée: ce que l'on n'avoit pas fait, lorsque l'on mettoit la chaudiere en train; l'eau - de - vie alors vient tranquillement, & le courant ne doit avoir qu'une demi - ligne ou environ de diametre; plus le courant est fin, & plus l'eau - de - vie est bonne. C'est au brûleur, comme conducteur de la chaudiere, à voir comment ce courant vient: car quelquefois, surtout dans le commencement, il est trouble & gros, parce que l'on n'a pas garni & fermé les ouvertures assez tôt; & le feu alors ayant trop d'activité, fait monter le vin de la chaudiere par son bouillon, par l'ouverture du chapeau, qui passe ainsi dans la serpentine, & en sort de même: quand on a un ouvrier entendu & soigreux, cela n'arrive point; mais si cela arrivoit, il faudroit sur le champ jetter un peu d'eau froide sur le chapeau & sur la serpentine, pour arrêter & réprimer cette vivacité du feu: cela ordinairement ne dure qu'un bouillon, parce que le gros bois qu'on a mis dans le fourneau sous la chaudiere, & la suppression de l'air par les sermetures des trous, amortit cette vivacité. S'il étoit entré de cette liqueur trouble dans le bassiot, il faudroit l'ôter en la vuidant, pour ne pas la laisser mêlée avec la bonne eau<-> de - vie, car cela la rendroit trouble & défectueuse. Lorsque c'est une premiere chauffe que l'on repasse une seconde fois dans la chaudiere, cette liqueur trouble mêlée avec l'autre, n'y fait rien: car on remettra le tout dans la chaudiere pour une seconde chauffe. L'on doit savoir que le grand nombre des brûleurs & de ceux qui font convertir leurs vins en eaux - de - vie, font deux chauffes pour une, la simple & la double; la simple, c'est la premiere fois; la double, c'est la seconde fois, dans laquelle on repasse tout ce qui est venu dans la premiere avec de nouveau vin, autant qu'il en faut pour achever de remplir la chaudiere jusqu'au point où elle doit l'être. Supposé que l'on s'apperçoive que le bois ne brûle point sous la chaudiere par le défaut de sa qualité, & qu'il n'a pas assez d'air, il faut lui en donner en tirant un peu la tirette: cela le ranimera; mais d'abord que l'on s'apperçoit que l'eau - de - vie vient mieux, & par conséquent que le bois brûle mieux, il faut repousser cette tirette & fermer. Il ne faut presque jamais ôter la trape pendant que l'eau - de - vie vient, on courroit des risques de faire venir trouble: car le feu étant animé par l'air qui entre sous le fourneau, peut tellement donner de l'activité au feu, que le bouillon du vin en devienne trop élevé, & qu'il ne surmonte jusqu'au trou du chapeau, & de - là ne coule dans la serpentine. Il peut même arriver encore d'autres accidens plus funestes: car le bouillon du vin étant très - violent, peut faire sauter le chapeau de la chaudiere, & répandre le vin qui prend feu alors comme la poudre, ou comme l'eau - de - vie [p. 202] même, ce qui peut mettre le feu dans la maison, brûler les personnes, & causer un incendie des plus fâcheux; car le feu prenant dans la chaudiere, il s'en éleve une flamme que l'on ne peut éteindre qu'avec de très - grandes peines & beaucoup de danger, & tout ce qui se rencontre de combustible est incendié. Ce sont des malheurs qui arrivent quelquefois par l'ignorance, l'imprudence, ou la négligence de l'ouvrier brûleur; c'est à quoi il faut bien prendre garde, & on y veille dès qu'on coiffe la chaudiere, en assujettissant bien le chapeau, le calfeutrant bien avec de la cendre, & prenant dans la suite garde à ménager bien son feu: c'est pourquoi il faut bien visiter la serpentine & le chapeau, pour voir s'il n'y a point de trou; car s'il y en avoit un, quelque petit qu'il pût être, cela causeroit de la perte par l'écoulement de l'eau - de - vie, & exposeroit aux accidens du feu, qu'il faut éviter.

Quand la chaudiere est en bon train, que le bassiot pour la réception de l'eau - de - vie est bien posé, on laisse venir l'eau - de - vie tout doucement, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'esprit supérieur dans le vin; car il faut savoir que dans le vin il y a trois sortes de choses, un esprit fort & supérieur, un esprit foible ou infirme, & une partie épaisse, compacte & flegmatique. L'esprit fort & supérieur, est celui qui forme l'eau - de - vie, qui est inflammable, évaporable, fort, brûlant, savoureux, brillant comme du crystal, qui avec sa force a de la douceur qui est agréable à l'odorat & au goût, quoique violent: cet esprit, quand le feu le détache par son activité des parties grossieres qui l'enveloppent, forme une liqueur extrèmement claire, brillante, vive, & blanche; ce que nous appellons eau - de - vie, la bonne & forte eau - de - vie. L'esprit foible & infirme, est celui qui s'exhale des parties épaisses, après que l'esprit fort comme plus subtil est sorti: cet esprit foible est assez clair, blanc, transparent; mais il n'a pas, comme l'esprit fort, cette vivacité, cette inflammabilité, cette saveur, ce bon goût & cette bonne odeur qu'a l'esprit fort: cet esprit n'est dit foible & infirme, que parce qu'il est composé de quelques parties d'esprit fort, & de parties aqueuses & flegmatiques, lesquelles étant supérieures de beaucoup à celles de l'esprit fort, l'absorbent & le rendent tel qu'on vient de le dire; & comme il y a encore dans ce mêlange des particules de l'esprit fort que l'on veut avoir, & qui feront, comme le pur esprit fort, de bonne eau - de<-> vie, c'est ce qui fait qu'après la bonne eau - de - vie tirée, on laisse venir jusqu'à la fin cet esprit foible, pour le repasser dans une seconde chauffe. On appelle cet esprit foible, en terme de fabrication d'eau<-> de - vie, la seconde, c'est - à - dire la seconde eau - de - vie. La troisieme partie du vin, qui est le reste du dedans de la chaudiere, après que ces deux esprits en sont sortis, est - une matiere liquide, trouble & brune, qui n'a aucune propriété pour tout ce qui regarde l'eau<-> de - vie: aussi la laisse - t - on couler dehors par des canaux faits exprès, où elle se vuide par un tuyau de cuivre long d'un pié & de deux pouces de diametre, qui est joint & soudé à la chaudiere sur le côté près le fond, afin que tout puisse se bien vuider; lequel tuyau est bien & solidement bouché pendant toute la chauffe. On appelle cette derniere partie du vin, la décharge, c'est - à - dire cette partie grossiere qui chargeoit les esprits du vin, & que le feu a séparée & divisée.

On laisse venir cette eau - de - vie dans le bassiot jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'esprit fort; & pour le connoître, on a une petite bouteille de crystal bien transparente, longue de quatre à cinq pouces, d'un pouce de diametre dans son milieu, & d'un peu moins dans ses extrémités: on l'appelle une preuve, parce qu'elle sert à éprouver; avec laquelle bouteille on reçoit du tuyau même de la serpentine, cette eau - de<-> vie qui en vient; on emplit cette bouteille jusqu'aux deux tiers; & en mettant le pouce fur l'embouchure & frappant d'un coup ou deux ferme dans la paume de l'autre main, ou sur son genou, & non sur une matiere dure, parce qu'on casseroit la bouteille, on excite cette liqueur, qui devient bouillonnante, & qui forme une quantité de globules d'air dans le haut de cette liqueur: c'est par ce moyen & la disposition, grosseur, & stabilité de ces globules, que les connoisseurs savent qu'il y a encore, ou qu'il n'y a plus de cet esprit fort à venir; & même avant qu'il soit tout venu, c'est - à - dire quand il est proche de sa fin, ces globules de la preuve commencent à n'avoir plus le même oeil vif, la même grosseur, la même disposition, & la même stabilité; & quand tout cet esprit fort est venu, il ne se forme plus ou presque plus de globules dans la preuve; & quoique l'on frappe comme ci - devant, elle ne forme plus qu'une petite écume, qui est presqu'aussi - tôt passée qu'apperçûe. Les ouvriers d'eau - de - vie appellent cela, la perte; ainsi on dit, la chaudiere commence à perdre, ou est perdue, c'est - à - dire qu'il n'y a plus d'esprit fort & de preuve à venir: & ce qui vient ensuite est la seconde.

Quand on veut avoir de l'eau - de - vie très - forte, on leve le bassiot dès qu'elle perd; on n'y laisse entrer aucune partie de seconde: on appelle cela, couper à la serpentine, ou de l'eau - de - vie coupée à la serpentine. Et pour recevoir ensuite la seconde, on place un autre bassiot où étoit le premier, qui reçoit cette seconde, comme le premier avoit reçu la bonne eau - de<-> vie.

Mais comme cette eau - de - vie coupée à la serpentine n'est pas une eau - de - vie de commerce, où on ne la demande pas si forte, quoiqu'on l'y reçoive bien; quand on la vend telle, les brûleurs - marchands - vendeurs y laissent venir une partie de la seconde, qui tempere le feu & la vivacité de cette premiere eau<-> de - vie.

Il y a eu dans une province du royaume (l'Aunis) où l'on fabrique beaucoup d'eau - de - vie, des contestations au sujet de ce mêlange de la seconde avec la bonne eau - de - vie, ou de l'eau - de - vie sorte; les acheteurs disoient qu'il y avoit trop de seconde, & que cela rendoit l'eau - de - vie extrèmement foible au bout de quelques jours, sur - tout après quelque transport & trajet sur mer; les vendeurs de leur côté disoient que non, & qu'ils fabriquoient l'eau - de - vie comme ils avoient toûjours fait, & que s'il y avoit de la fraude, elle ne venoit pas de leur part: ensorte que cela mettoit dans ce commerce d'eau - de - vie des contestations qui le ruinoient; chacun crioit à la mauvaise foi, chacun se plaignoit, & peut - être les deux parties avoient raison de se plaindre l'une de l'autre. Sur ces contestations, & pour rétablir & faire refleurir cette branche du commerce, le Roi, par les soins & attentions de M. de Boismont, intendant de la province, a interposé son autorité; & par son arrêt du conseil du 10 Avril 1753, sa Majesté a ordonné, art. 1. que les eaux - de - vie seront tirées au quart, garniture comprise, c'est - à - dire que sur seize pots d'eau - de - vie forte il n'y aura que quatre pots de seconde. Pour entendre ceci, il faut se rappeller ce que l'on a ci - devant dit; que la forte eau - de - vie venoit dans le bassiot; qu'elle étoit forte jusqu'à ce qu'elle eût perdu; que pour savoir ce qui en étoit venu, & combien il y en avoit dans le bassiot, on avoit un bâton fait exprès, sur lequel il y avoit des marques numérotées qui indiquoient la quantité de liqueur qu'il y avoit dans le bassiot: ainsi supposant qu'en sondant avec le bâton, il marque qu'il y a de la liqueur jusqu'au n°. 20, cela veut dire qu'il y a vingt pots d'eau - de - vie dans le bassiot; ainsi y ayant vingt pots d'eau - de - vie forte, on peut la rendre & la

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