ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"195"> sieurs auteurs. Locke propose, dans son traité de l'éducation des enfans, de les y soûmettre dès l'âge le plus tendre; cet illustre Anglois s'appuie sur l'exemple de tous les peuples du Nord, où on nous assûre que c'est une pratique absolument établie depuis long - tems. Les partisans de cet usage prétendent que non - seulement il peut procurer au corps une vigueur peu commune, mais encore qu'il met presque absolument à l'abri de tous rhûmes, fluxions, douleurs, & autres incommodités qui sont dûes dans les sujets ordinaires, à leur sensibilité au froid, & à l'humidité de l'air, auxquels on est inévitablement exposé. Ces avantages sont très - grands assûrément, & il paroît assez raisonnable de ne pas les regarder comme des promesses vaines. Nous avons déjà, ce qui est beaucoup, une forte présomption qu'au moins cette méthode est sujette à peu d'inconvéniens réels. Il est peu de personnes saines, qui ayant essuyé une longue pluie qui a percé leurs habits jusqu'au corps, ayent été réellement incommodées par cet accident. L'habitude doit rendre l'application extérieure de l'eau froide, moins dangereuse encore sans contredit. On a poussé les prétentions plus loin, en faveur de l'application dont il s'agit; on l'a érigée en remede de la foiblesse de tempérament actuelle, même chez les enfans.

Les femmes, pendant le tems des regles ou des vuidanges, ne doivent point tremper les piés ou les mains dans l'eau froide, ni s'exposer d'aucune autre façon au contact immédiat de l'eau froide. On a vû souvent ces évacuations s'arrêter par cette cause, avec tous les accidens dont ne sont que trop souvent suivies ces suppressions. Voyez Regles & Vuidanges. C'est cependant encore ici une cause de maladie, que l'habitude rend sans effet. Les femmes du peuple font leur ménage, lavent leur linge, &c. sans inconvénient, pendant leurs regles & pendant leurs vuidanges: mais leur exemple en ceci, comme sur tous les autres points de régime, ne conclut rien pour les personnes élevées délicatement, pour les corps qui ne sont pas familiarisés avec ces sortes d'épreuves.

Tout le monde sait que les personnes qui sont exposées par état à souffrir la pluie, à garder long - tems des habits mouillés sur le corps, à dormir sur la terre humide, quelquefois dans une vraie boue, ou même dans l'eau, &c. tels que les soldats, les pêcheurs de profession, les chasseurs passionnés, ceux qui travaillent sur les rivieres, &c. que ces personnes, dis - je, sont très - sujettes aux douleurs rhùmatismales, & même à certaines paralysies. Voyez Rhumatisme & Paralysie.

Les ouvriers & les manoeuvres, qui ont continuellement les jambes dans l'eau, sont particulierement sujets à une espece d'ulceres malins qui attaquent cette partie, & qui sont connus sous le nom de loups. Voyez Loups, (Chirurgie).

Eau commune (Page 5:195)

Eau commune, (Mat. med.) Ce n'est rien que les éloges qu'on a accordés à la boisson ordinaire de l'eau pure, dans l'état de santé, en comparaison de ceux qu'on lui a prodigués à titre de remede; elle a réuni les suffrages des Medecins de tous les siecles; Avicenne & ses disciples ont été les seuls qui ayent paru en redouter l'usage dans les maladies.

C'est contre cette crainte systématique, qui avoit apparemment séduit quelques esprits au commencement de ce siecle, que Hecquet s'éleva avec tant de zele & de bonne - foi. Personne n'ignore l'excès jusqu'auquel il poussa ses prétentions, plus systématiques encore, en faveur de la boisson de l'eau: la mémoire toute récente de sa méthode, & plus encore le portrait le plus ressemblant que nous a tracé l'ingénieux auteur de Gilblas, sous le nom du docteur Sangrado, rendent présente cette singuliere époque de l'histoire de la Medecine, à ceux même qui ne connoissent point les écrits aussi bisarres que fanatiques de ce medecin. Fridéric Hoffman entreprit à peu - près dans le même tems d'établir, dans une dissertation faite à dessein, que l'eau étoit la vraie medecine universelle: mais ce célebre medecin, peut - être plus blamable en cela, mais cependant moins dangereux qu'Hecquet, ne pratiqua point d'après ce dogme; il employa beaucoup de remedes, il eut même des secrets; il ne fut qu'un panégyriste rationel de sa prétendue medecine universelle. Quelques auteurs modernes, beaucoup moins connus, nous ont donné aussi des explications physiques & méchaniques des effets de l'eau. L'opinion du public, & sur - tout des incrédules en Medecine, est encore très - favorable à ce remede; & enfin quelques charlatans en ont fait en divers tems un spécifique, un arcane.

En reduisant tous ces témoignages, & les observations connues à leur juste valeur, nous ne craindrons pas d'établir.

1°. Que la méthode de traiter les maladies aiguës par le secours de la boisson abondante des remedes aqueux, des délayans dont l'eau fait le seul principe utile (V. Délayant), est vaine, inefficace, & souvent meurtriere; qu'elle mérite sur - tout cette derniere épithete, si on soûtient l'action de la boisson par des fréquentes saignées; que l'eau n'est jamais un remede véritablement curatif.

2°. Que la nécessité, & même l'utilité de la boisson dans le traitement des maladies aiguës, à titre de secours secondaire, disposant les organes & les humeurs à se préter plus aisément aux mouvemens de la nature, ou à l'action des remedes curatifs; que l'utilité de la boisson, dis - je, à ce titre n'est rien moins que démontrée; qu'aucune observation claire & précise ne reclame en sa faveur; & qu'on trouveroit peut - être plus aisément des faits, qui prouveroient qu'elle est nuisible dans quelques cas.

3°. Que certaines méthodes particulieres, nées hors du sein de l'art, & qui ont eu une vogue passagere dans quelques pays, telles que celle d'un ecclésiastique anglois nommé M. Hancock, & celle du P. Bernardo - Maria de Castrogianne capucin sicilien; que ces méthodes, dis - je, ne sauroient être tentées qu'avec beaucoup de circonspection, & même de méfiance, par les Medecins légitimes. Le premier des deux guérisseurs que nous venons de nommer, donnoit l'eau froide comme souverain fébrifuge; & il prétend avoir excité, dans tous les cas où il a éprouvé ce remede, des sueurs abondantes qui prévenoient les fievres qui auroient été les plus longues & les plus dangereuses, telles que la fievre maligne, &c. si on donnoit le remede à tems, c'est - à - dire dès le premier ou le second jour de la maladie, & qu'il l'enlevoit même quelquefois lorsqu'elle étoit bien établie, c'est - à - dire si elle étoit déjà à son quatrieme ou à son cinquieme jour. Le capucin a guéri toutes les maladies aiguës & chroniques, en faisant boire de l'eau à la glace, & observer une diete plus ou moins severe. M. Hancock guérissoit par les sueurs; le capucin avoit grand soin de les éviter, il ne vouloit que des évacuations par les selles. On trouvera ces deux méthodes exposées dans le recueil intitulé vertus de l'eau commune; la premiere dans une dissertation fort sage & fort ornée d'érudition médicinale; & la seconde avec tout l'appareil de témoignages qui annoncent le charlatanisme le plus décidé. Le remede anglois contre la toux, savoir quelques verres d'eau froide prise en se mettant au lit, qui est un rejetton du système du chapelain Hancock, dont quelques personnes font usage parmi nous, ne sauroit passer pour un remede éprouvé.

4°. Les vertus réelles & évidentes de l'eau se ré<pb-> [p. 196] duisent à celles - ci: l'eau chaude est réellement un sudorifique léger & innocent; les infusions théiformes, qui ne sont que de l'eau dont la dégoutante fadeur est corrigée, excitent doucement la transpiration de la peau & des poumons (voyez Sudorifique); elles sont stomachiques (voyez Stomachique). L'eau tiede fait vomir certains sujets par elle - même, & facilite l'action des vomitifs irritans dans tous les sujets (voyez Vomitif); prise en abondance elle nettoye l'estomac des restes d'une mauvaise digestion, & remédie quelquefois aux indigestions, en faisant passer dans le canal intestinal la masse d'alimens qui irritoit ou affaissoit l'estomac. L'eau froide calme, du moins pour un tems, la chaleur de l'estomac & les légeres ardeurs d'entrailles; elle appaise la soif; elle rafraîchit réellement & utilement tout le corps, en certains cas, comme dans ceux où l'on a contracté une augmentation de chaleur réelle par l'action d'une chaleur extérieure, ou par l'usage des liqueurs fermentées; elle remet très efficacement l'estomac qui a été fatigué par un excès de vin, hesternâ crapulâ. Un ou deux verres d'eau fraîche pris deux heures après le repas, préviennent les mauvais effets des digestions fougueuses chez les personnes vaporeuses de l'un & de l'autre sexe (voy. Passion hystérique & Mélancolie hypocondriaque). Des personnes qui avoient l'estomac foible & noyé de pituite ou de glaires, se sont fort bien trouvées de l'habitude qu'elles ont contractée d'avaler quelques verres d'eau fraîche le matin à jeun.

Nous n'avons parlé jusqu'à présent que des effets de l'eau prise intérieurement; ses usages extérieurs ne sont pas moins étendus, peut - être sont - ils plus réels, au moins plus efficaces. L'eau s'applique extérieurement sous la forme de bain (voyez Bain & ses diverses especes, Demi - bain, Lotion des piés pediluvium, Lotion des mains & du visage, aux articles Bain & Lotion.

L'eau froide jettée avec force sur le visage, arrête les évanoüissemens (voyez Evanouissement); elle produit quelquefois le même effet, au moins pour un tems, dans certaines hémorrhagies (voyez Hémostatique); mais plusieurs autres liqueurs froides procureroient le même soulagement. (b)

Eaux distillées (Page 5:196)

Eaux distillées, (Chimie médicinale.) Les eaux distillées dont il est ici question, sont le produit le plus mobile de la distillation des végétaux & des animaux, celui qui se sépare de ces substances exposées au degré de chaleur de l'eau bouillante, & même à un feu inférieur à ce degré.

La base de ces liqueurs est de l'eau; & même la partie qui n'est pas eau, dans celles qui sont le plus chargées de divers principes, est si peu considérable, qu'elle ne sauroit être déterminée par le poids ni par la mesure.

Les différens principes qui peuvent entrer dans la composition des eaux distillées, sont 1°. la partie aromatique des plantes & des animaux: 2°. une certaine substance qui ne peut pas être proprement appellée odeur ou parfum, puisqu'elle s'éleve des substances même que nous appellons communément inodo<-> res, mais qui se rend pourtant assez sensible à l'odorat, pour fournir des caracteres plus ou moins particuliers de la substance à laquelle elle a appartenu; cette partie aromatique & cette substance beaucoup moins sensible, sont connues parmi les Chimistes sous le nom commun d'esprit recteur, que Boerhaave a remis en usage: 3°. les alkalis volatils spontanés des végétaux: 4°. la partie vive de plusieurs plantes, qui a imposé à Boerhaave & à ses copistes pour de l'alkali volatil, telle que celle de l'ail, de l'oignon, de la capucine, de l'estragon, &c. 5°. l'acide volatil spontané que j'ai découvert dans le marum, & qu'on trouvera peut - être dans quelques autres plantes.

C'est pour l'usage médicinal que l'on prépare communément les eaux distillées, & l'on expose au feu les matieres desquelles on les retire, dans un appareil tel qu'il est impossible de pousser la distillation au - delà de la production de ces eaux, qui sont l'unique objet de cette opération. L'artiste retire de cette méthode beaucoup de commodité, puisqu'il est toûjours sûr de son opération, sans qu'il soit obligé à gouverner son feu avec une attention pénible, & qui pourroit souvent être insuffisante.

Les produits qu'un plus haut degré de feu détacheroit des sujets de l'opération dont il s'agit, mêlés, quoiqu'en petite quantité, à une eau distillée, la coloreroient, lui donneroient une odeur d'empyreume, altéreroient ses vertus médicinales, & la disposeroient à une altération plus prompte: voilà précisément les inconvéniens qu'on évite dans le procédé que nous avons annoncé & que nous allons exposer.

On exécute cette opération dans deux appareils différens; la maniere de procéder par le premier appareil consiste à placer les matieres à distiller dans une cucurbite de cuivre étamé, ou d'étain pour le mieux, à adapter cette cucurbite dans un bain - marie, à la recouvrir d'un chapiteau armé d'un réfrigérant, & à distiller par le moyen du feu appliqué au bain, jusqu'à ce que la liqueur qui passe soit trop peu chargée d'odeur ou trop peu sapide. V. les Pl. de Chim.

On peut exécuter aussi cette opération par l'application du feu nud, au moyen d'un ancien alembic appellé chapelle ou rosaire, voyez Chapelle. Boerhaave expose ses matieres au feu nud; voyez son premier procédé, el. chim. tom. II. & il est obligé de mesurer par le thermometre le degré de chaleur qu'il employe, ce qui est d'une pratique très - incommode.

Dans le second appareil on met les matieres à dissiller dans une cucurbite de cuivre étamé; on verse sur ces matieres une certaine quantité d'eau; on recouvre la cucurbite d'un chapiteau armé de son réfrigerant, & on retire par le moyen du feu appliqué immédiatement à la cucurbite, une certaine quantité de liqueur déterminée par une observation transmise d'artiste à artiste, & conservée dans les pharmacopées. Voyez les Planches de Chimie.

On traite ordinairement par le premier procedé les fleurs odorantes, telles que les roses, les oeillets, la fleur d'orange, celle de muguet, de tilleul, &c. On distille toûjours, selon le même procedé, le petit nombre de substances animales dont les eaux distil<-> lées sont en usage en Medecine; savoir, le miel, le lait, la bouse de vache, le frai de grenouilles, l'arriere - faix, le jeune bois de cerf, les limaçons, &c.

Les eaux distillées de cette premiere maniere, sont connues dans quelques livres sous le nom d'eaux es<-> sentielles.

On distille aussi au bain - marie, & sans addition, les plantes cruciferes, telles que le cochlearia & le cresson, pour faire ce qu'on appelle les esprits volatils de ces plantes. On distille ces mêmes plantes par le même procédé, mais en ajoûtant de l'esprit - de - vin pour faire leurs esprits volatils. On a coûtume d'ajoûter aussi un peu d'eau dans la distillation des fleurs d'orange au bain - marie.

On traite de la seconde maniere toutes les autres substances végétales, dont on s'est avisé de retirer des eaux distillées, plantes fraîches & seches, fleurs, calices, semences, écorces, bois, racines, &c. & même la plûpart de celles que nous venons de donner pour les sujets ordinaires de la distillation au bain - marie.

Les produits de cette derniere opération s'appellent proprement eaux distillées.

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