ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"21"> ne casuel & nouveau, lequel par succession de tems devient ancien. (A)

Domaine casuel (Page 5:21)

Domaine casuel, est tout ce qui appartient au Roi par droit de conquête, ou par acquisition; comme par succession, aubaine, confiscation, bâtardise, & deshérence.

Le domaine casuel est opposé au domaine fixe, qui est l'ancien domaine, lequel de sa nature est inaliénable & imprescriptible; au lieu que le domaine ca<-> suel peut être aliéné par le roi, & par une suite de ce principe il peut être prescrit. La raison est que le domaine casuel, tant qu'il conserve cette qualité, n'est pas considéré comme étant véritablement annexé à la couronne: c'est pourquoi nos rois en peuvent disposer par donation, vente, ou autrement.

Mais le domaine casuel devient fixe après dix années de joüissance, ou bien quand il a été joint au domaine ancien ou fixe par quelque édit, déclaration, ou lettres patentes. (A)

Domaine congéable (Page 5:21)

Domaine congéable: on appelle ainsi en Bretagne un héritage dont le possesseur est obligé de se dessaisir à la volonté du seigneur, comme si on disoit que le seigneur en peut donner congé au possesseur.

Ces sortes de domaines sont sur - tout communs dans la basse Bretagne. Leur origine vient de ce que dans cette province il y avoit beaucoup de landes ou terres en friche & en bois, sans aucuns habitans, que les seigneurs concéderent à divers particuliers pour les défricher, à la charge d'une redevance annuelle, & à condition que le seigneur pourroit les congédier, c'est - à - dire reprendre ces héritages, en leur remboursant la valeur des impenses utiles qu'ils y auroient faites.

Ces concessions de domaines congéables ne sont pas translatives de propriété, comme les inféodations & baux à cens, attendu la faculté que le seigneur s'y reserve de déposséder le tenancier à sa volonté; il ne le pêut faire néanmoins qu'en lui remboursant la valeur des bâtimens, fossés, arbres fruitiers, & autres impenses utiles & nécessaires.

On doutoit autrefois si ces sortes de domaines, ou les rentes qui en tiennent lieu, étoient réputés nobles à cause que ces concessions sont d'une nature singuliere, qui ne ressemble point aux fiefs; cependant l'article 541 de la coûtume de Bretagne, décide que ces biens se partagent noblement. Voyez Perchambaut sur cet article, & Belordeau, lett. D. art. 29. (A)

Domaine de la Couronne (Page 5:21)

Domaine de la Couronne. Le domaine de la couronne, qu'on appelle aussi domaine du roi, ou par excellence simplement le domaine, est le patrimoine attaché à la couronne, & comprend toutes les parties dont il est composé.

Origine du domaine. Le domaine de la couronne a commencé à se former aussi anciennement que la monarchie, dès le moment de l'entrée des Francs dans les Gaules. Ces peuples qui habitoient au - delà du Rhin dans l'ancienne France, se rendirent d'abord les maîtres de quelques contrées en - deçà de ce fleuve qui les séparoit de ce qu'ils possédoient au - delà: les villes de Cambrai & de Tournai se soûmirent à eux, & cette derniere ville fut quelque tems la capitale de leur empire.

Le roi Clovis monté sur le throne, jetta des fondemens plus solides de la grandeur de cette couronne: à l'aide des troubles de l'empire, secondé de son courage & de la valeur de sa nation, & plus encore à la faveur du Christianisme qu'il embrassa, il devint maître d'abord des provinces qui étoient demeurées sous l'obéissance des Romains, ensuite des provinces confédérées qui s'en étoient soustraites, & chassa les Ostrogots. Clovis devenu ainsi le souverain des Gaules, entra aussi - tôt en possession des droits de ceux qui en étoient les maîtres avant lui, & de tout ce dont y joüissoient les Romains, qui consistoit en quatre sortes de revenus.

La premiere espece se tiroit des fonds de terre, dont la propriété appartenoit à l'état.

La seconde étoit l'imposition annuelle que chaque citoyen payoit à raison des terres qu'il possédoit, ou de ses autres facultés.

La troisieme, le produit des péages & des traites ou doüanes.

La quatrieme, les confiscations & les amendes.

Ces mêmes revenus qui ne furent point détachés de la souveraineté, formerent la dot de la couronne naissante de nos rois, comme ils avoient formé le patrimoine de la couronne impériale; & telle fut l'origine de ce que nous appellons domaine de la cou<-> ronne.

Ce domaine s'est augmenté dans la suite; & les lois qui lui sont propres, se sont établies peu - à - peu.

Les objets les plus importans à considérer par rapport au domaine, sont la nature & les différentes especes de parties qui le composent, ses priviléges, la maniere dont il peut être conservé, augmenté ou diminué, les formes successives de son administration, & la jurisdiction.

Nature du domaine, & ses différentes especes. Pour bien connoître la nature du domaine, il faut d'abord distinguer tous les revenus du Roi en deux especes.

La premiere aussi ancienne que la monarchie, & connue sous le nom de finance ordinaire, comprend les revenus dépendans du droit de souveraineté, la seigneurie, & autres héritages dont la propriété appartient à la couronne, & les droits qui y sont attachés de toute ancienneté, tels que les confiscations, amendes, péages, & autres.

La seconde espece plus récente comprend sous le nom de finances extraordinaires, les aides, tailles, gabelles, décimes, & autres subsides, qui dans leur origine ne se levoient point ordinairement, mais seulement dans certaines occasions, & pour les besoins extraordinaires de l'état.

Les Romains avoient deux natures de fisc, alia reipublicoe, alia principis, le public & le privé. Ce dernier qui appartenoit personnellement à l'empereur, étoit tellement séparé de l'autre, qu'il y avoit deux procureurs différens chargés d'en prendre le soin.

On faisoit en France la même distinction sous les deux premieres races de nos rois. Le domaine public étoit composé de possessions attachées à leur couronne, des tributs ou impositions réelles qui se payoient alors en deniers, ou en fruits & denrées en nature, des péages sur les marchandises, des amendes dûes, soit par ceux qui n'alloient point à la guerre, ou par composition pour les crimes dont les accusés avoient alors la faculté de se racheter par argent. Le domaine privé étoit le patrimoine personnel du roi qui lui appartenoit lors de son avenement à la couronne, ou qui lui étoit échû depuis par succession, acquisition, ou autrement,

Cette distinction du domaine public & privé est aujourd'hui inconnue, comme l'observe Lebret en son traité de la souveraineté, liv. III. chap. j. mais on fait plusieurs divisions du domaine pour distinguer les différens objets dont il est composé, & leur nature.

Entre les différentes sortes de biens qui composent le domaine, les uns sont domaniaux par leur nature, tels que la mer, les fleuves, & rivieres navigables, les grands chemins, les murs, remparts, fossés, & contrescarpes de villes; les autres ne sont domaniaux, que parce qu'ils ont fait partie du domaine dès le commencement de la monarchie, ou qu'ils y ont été unis dans la suite.

De cette premiere division du domaine, il en naît [p. 22] une seconde bien naturelle: on distingue le domaine ancien & le domaine nouveau.

Le domaine ancien est celui qui se forma dès le commencement de la monarchie, par le partage que nos rois firent des terres nouvellement conquises entr'eux, & les principaux capitaines qui les avoient accompagnés dans leurs expéditions. Dans cette classe sont les villes & les provinces dont nos rois ont joüi dès l'établissement de la monarchie, les mouvances qui y sont attachées, & en général tout ce qu'ils possedent, sans qu'on voye le commencement de cette possession. Or comme toute réunion suppose une union précédente, il faut y ajoûter tout ce qui a été réuni à la couronne, sans qu'on voye l'origine de l'acquisition de nos rois, parce que cette ignorance du principe de leur possession fait supposer qu'elle a commencé au moment de leur conquête des Gaules.

Le domaine nouveau est composé des terres & biens qui ont été unis dans la suite au domaine ancien, soit par l'avenement du roi à la couronne, soit par les successions qui peuvent lui écheoir, soit par les acquisitions qu'il peut faire à titre onéreux ou lucratif.

Les biens qui composent le domaine, soit ancien ou nouveau, consistent ou en immeubles réels, comme les villes, duchés, comtés, marquisats, fiefs, justices, maisons, ou endroits incorporels, comme le droit d'amortissement, ou autres semblables.

Les immeubles réels qui composent le domaine, donnent lieu à cette subdivision en grand & petit do<-> maine.

Le grand domaine consiste en seigneuries ayant justice haute, moyenne & basse, telles que les duchés, principautés, marquisats, comtés, vicomtés, baronies, châtellenies, prevôtés, vigueries, & autres, avec leurs mouvances, circonstances, & dépendances. Le petit domaine consiste en divers objets détachés, & qui ne font partie d'aucun corps de seigneuries. L'édit du mois d'Août 1708, met dans cette classe les moulins, fours, pressoirs, halles, maisons, boutiques, échopes, places à étaler, terres vaines & vagues, communes, landes, bruieres, patis, paluds, marais, étangs, boqueteaux séparés des forêts, bacqs, péages, travers, parages, ponts, droits de minage, mesurage, aunage, poids, les greffes, tabellionage, prés, îles, ilots, cremens, atterrissemens, accroissemens; droits sur les rivieres navigables, leur fond, lit, bords, quais, & marche - piés, dans l'étendue de vingt - quatre piés d'icelles, les bras, courans, eaux mortes, & canaux, soit que lesdits bras & canaux soient navigables, ou non, les places qui ont servi aux fossés, remparts & fortifications, tant anciennes que nouvelles de toutes les villes du royaume, & espace étant au - dedans desdites villes, près les murs d'icelles, jusqu'à concurrence de neuf piés, soit que les villes appartiennent au roi ou à des seigneurs particuliers.

Les immeubles réels peuvent être en la main du roi, ou hors sa main, ce qui forme une seconde subdivision de domaine engagé ou non engagé: le do<-> maine engagé est celui que le roi a engagé à titre d'en<-> gagement, soit par concession en apanage sous condition de reversion à la couronne, soit par vente sous faculté de rachat perpétuel expresse ou tacite.

Les droits incorporels faisant partie du domaine, se subdivisent également suivant leur nature: les uns dépendent de la souveraineté, & sont domaniaux par leur essence, comme le droit de directe universelle, le droit d'amortissement, francs fiefs & nouveaux acquêts, d'aubaine, le droit de légitimer les bâtards par lettres patentes, & de leur succéder exclusivement hors les cas où les hauts justiciers y sont fondés; les droits d'annoblissement, de grande voierie, de varech, sur certains effets, de joyeux avenement, de régale, de marc d'or, le droit appellé domaine, & barrage; droits sur les mines, droits des postes & messageries, le droit de créer des offices, d'établir les foires & marchés, d'imposer & concéder les octrois de ville, d'accorder des lettres de regrat; droits de contrôle des exploits & des actes des notaires, & sous signature privée, d'insinuation, de centieme denier & de petit scel.

Les autres droits incorporels ne sont point domaniaux par leur nature, & dépendent du droit de justice, comme les droits de deshérence, de confiscation, de gruerie, de grairie, de fisc & danger; les offices dépendans des terres domaniales, & pour cet effet appellés domaniaux ou patrimoniaux; les amendes, les droits de bannalité, de tabellionage, de poids - le - roi, de minage, le droit d'épave.

D'autres droits incorporels & domaniaux ne sont attachés, ni à la souveraineté, ni à la justice, tels que les redevances en argent ou en grain, ou autre espece de prestation; les rentes foncieres sur des maisons situées dans des villes ou sur des héritages de la campagne, les droits d'échange dans les terres des seigneurs particuliers.

On divise encore le domaine en domaine muable, dont le produit peut augmenter suivant les circonstances, qui s'afferme comme greffe, sceaux, tabellionage: domaine immuable, dont le produit n'augmente ni ne diminue, comme les cens & rentes: do<-> maine fixe, dont l'existence est certaine & connue, & ne dépend d'aucun évenement: domaine casuel, qui est attaché à des évenemens incertains, comme les droits de quint & requint, reliefs, rachats, lods & ventes, les successions des aubains & des bâtards, les amendes. Enfin on trouve dans les auteurs plusieurs autres especes de domaine, telles que le domaine forain consistant en certains droits domaniaux qui se levent sur des marchandises lors de leur entree ou sortie du royaume; le domaine en pariage, c'est - à - dire les seigneuries, & autres biens que le Roi possede en commun avec des seigneurs particuliers.

Priviléges du domaine. Les priviléges du fisc chez les Romains sont peu connus; le titre du code de privilegio fisci, n'a rapport qu'à un seul, qui est celui de la préférence qu'il peut avoir sur les biens d'un débiteur qui lui est commun avec d'autres créanciers; & on n'y explique même pas dans toute son étendue en quoi consiste cette préférence. Chopin, dans le titre xxjx. du III. liv. du domaine, pour suppléer au silence que ce titre du code garde sur les autres priviléges du fisc, a rassemblé ce qui se trouve sur ce sujet dispersé dans les autres titres du droit civil, & en a fait une longue énumération; mais la plûpart des priviléges dont il fait mention, fondés sur les dispositions des lois romaines, sont inconnus parmi nous.

Dans notre droit on peut distinguer deux sortes de priviléges du domaine.

Les uns sont inhérens à sa nature, tel est celui de l'inaliénabilité, suite nécessaire de sa destination à l'usage du prince pour le bien public. Casa, Ragueau, & autres auteurs, ont observé que l'inaliénabilité du domaine est comme du droit des gens; que la prohibition d'aliéner le domaine n'a été établie par aucune loi spéciale, mais qu'elle est née, pour ainsi dire, avec la monarchie, & que chaque roi avoit coûtume à son avenement de faire serment de l'observer. Ces principes ont été constans & consacrés irrévocablement dans l'ordonnance générale du domaine du mois de Février 1566.

Les autres priviléges du domaine sont établis sur les dispositions des ordonnances.

Ces priviléges peuvent avoir rapport, soit à la conservation du domaine, soit aux tribunaux où les causes qui les concernent doivent être traitées, soit

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