RECHERCHE | Accueil | Mises en garde | Documentation | ATILF | ARTFL | Courriel |
"965">
Dans les dictionnaires de langues mortes, il faut
marquer avec soin les auteurs qui ont employé chaque
mot; c'est ce qu'on exécute pour l'ordinaire avec
beaucoup de négligence, & c'est pourtant ce qui peut
être le plus utile pour écrire dans une langue morte
(lorsqu'on y est obligé) avec autant de pureté qu'on
peut écrire dans une telle langue. D'ailleursil ne faut
pas croire qu'un mot latin ou grec, pour avoit été employé
par un bon auteur, soit toûjours dans le cas
de pouvoir l'être. Térence, qui passe pour un auteur
de la bonne latinité, ayant écrit des comédies,
a dû, ou du moins a pû souvent employer des mots
qui n'étoient d'usage que dans la conversation, &
qu'on ne devroit pas employer dans le discours
oratoire; c'est ce à quoi un auteur de dictionnaire
doit faire observer, d'autant que plusieurs de nos humanistes
modernes sont quelquefois tombés en faute
sur cet article. Voyez
Dans ce même dictionnaire il sera bon de marquer par des exemples choisis les différens emplois d'un mot; il sera bon d'y faire sentir même les synonymes autant qu'il est possible dans un dictionnaire de langue morte: par exemple, la différence de vereor & de metuo, si bien marquée au commencement de l'oraison de Cicéron pour Quintius; celle d'oegritudo, meror, arumna, luctus, lamentatio, détaillée au quatrieme livre des Tusculanes, & tant d'autres qui doivent rendre les écrivains latins modernes fort suspects, & leurs admirateurs fort circonspects.
Dans un dictionnaire latin on pourra joindre au mot de la langue les étymologies tirées du grec. On pourra placer les longues & les breves sur les mots; cette précaution, il est vrai, ne remédiera pas à la maniere ridicule dont nous prononçons un très - grand nombre de mots latins en faisant long ce qui est bref, & bref ce qui est long; mais elle empêchera du moins que la prononciation ne devienne encore plus vitieuse. Enfin, il seroit peut - être à - propos dans les dictionnaires latins & grecs de disposer les mots par racines, suivies de tous leurs dérivés, & d'y joindre un vocabulaire par ordre alphabétique qui indiqueroit la place de chaque mot, comme on a fait dans le dictionnaire grec de Scapula, & dans quelques autres. Un lecteur doüé d'une mémoire heureuse pourroit apprendre de suite ces racines, & par ce moyen avanceroit beaucoup & en peu de tems dans la connoissance de la langue; car avec un peu d'usage & de syntaxe, il reconnoîtroit bien - tôt aisément les dérivés.
Il ne faut pas croire cependant qu'avec un dictionnaire rel que je viens de le tracer, on eût une connoissance
bien entiere d'aucune langue morte. On
ne la saura jamais que très - imparfaitement. Il est
premierement une infinité de termes d'art & de conversation
qui sont nécessairement perdus, & que par
conséquent on ne saura jamais: il est de plus une infinité
de finesses, de fautes, & de négliger ces qui
nous échapperont toûjours. Voyez
Quand j'ai parlé plus haut des synonymes dans les
langues mortes, je n'ai point voulu parler de ceux
qu'on entasse sans vérité, sans choix, & sans goût
dans les dictionnaires latins, qu'on appelle ordinairement
dans les colléges du nom de synonymes, & qui
ne servent qu'à faire produire aux enfans de très mauvaise
poésie latine. Ces dictionnaires, J'ose le
dire, me paroissent fort inutiles, à moins qu'ils ne
se bornent à marquer la quantité & à recueillir sous
chaque mot les meilleurs passages des excellens poëtes.
Tout le reste n'est bon qu'à gâter le goût. Un
enfant né avec du talent ne doit point s'aider de pareils
ouvrages pour faire des vers latins, supposé
même qu'il soit bon qu'il en fasse; & il est absurde
d'en faire faire aux autres. Voyez
Dans les dictionnaires de langue vivante étrangere, on observera, pour ce qui regarde la syntaxe & l'emploi des mots, ce qui a été prescrit plus haut sur cet article pour les dictionnaires de langue vivante maternelle; il sera bon de joindre à la signification françoise des mots leur signification latine, pour graver par plus de moyens cette signification dans la mémoire. On pourroit même croire qu'il seroit à propos de s'en tenir à cette signification, parce que le latin étant une langue que l'on apprend ordinairement dès l'enfance, on y est pour l'ordinaire plus versé que dans une langue étrangere vivante que l'on apprend plus tard & plus imparfaitement, & qu'ainsi un auteur de dictionnaire traduira mieux d'anglois en latin que d'anglois en françois; par ce [p. 966]
La disposition des mots par racines, est plus difficile & moins nécessaire dans un dictionnaire de langue vivante, que dans un dictionnaire de langue morte; cependant comme il n'y a point de langue qui n'ait des mots primitifs & des mots dérivés, je crois que cette disposition, à tout prendre, pourroit être utile, & abregeroit beaucoup l'étude de la langue, par exemple celle de la langue angloise, qui a tant de mots composés, & celle de l'italienne, qui a tant de diminutifs, & d'analogie avec le latin. A l'égard de la prononciation de chaque mot, il faut aussi la marquer exactement, conformément à l'orthographe de la langue dans laquelle on traduit; & non de la langue étrangere. Par exemple, on sait que l'e en anglois se prononce souvent comme notre i; ainsi au mot sphere on dira que ce mot se prononce sphire. Cette derniere orthographe est relative à la prononciation françoise, & non à l'angloise; car l'i en anglois se prononce quelquefois comme aï: ainsi sphire, si on le prononçoit à l'angloise, pourroit faire sphaïre.
Voilà tout ce que nous avions à dire sur les dictionnaires de langue. Nous n'avons qu'un mot à ajoûter
sur les dictionnaires de la langue françoise traduits
en langue étrangere, soit morte, soit vivante.
Nous parlerons de l'usage des premiers à l'article
Mais en général le meilleur moyen d'apprendre promptement une langue quelconque, c'est de se mettre d'abord dans la mémoire le plus de mots qu'il est possible: avec cette provision & beaucoup de lecture, on apprendra la syntaxe par le seul usage, sur - tout celle de plusieurs langues modernes, qui est fort courte; & on n'aura guere besoin de lire des livres de Grammaire, sur - tout si on ne veut pas
Dictionnaires historiques (Page 4:966)
Ces dictionnaires renferment en général trois grands objets; l'Histoire proprement dite, c'est - à - dire le récit des évenemens; la Chronologie, qui marque le tems où ils sont arrivés; & la Géographie, qui en indique le lieu. Commençons par l'Histoire proprement dite.
L'histoire est ou des peuples en général, ou des hommes. L'histoire des peuples renferme celle de leur premiere origine, des pays qu'ils ont habités avant celui qu'ils possedent actuellement, de leur gouvernement passé & présent, de leurs moeurs, de leurs progrès dans les Sciences & dans les Arts, de leur commerce, de leur industrie, de leurs guerres: tout cela doit être exposé succintement dans un dictionnaire, mais pourtant d'une maniere suffisante, sans s'appesantir sur les détails, & sans négliger ou passer trop rapidement les circonstances essentielles: le tout doit être entremêlé des réflexions philosophiques que le sujet fournit, car la Philosophie est l'ame de l'Histoire. On ne doit pas oublier d'indiquer les auteurs qui ont le mieux écrit du peuple dont on parle, le degré de foi qu'ils méritent, & l'ordre dans lequel l'on doit les lire pour s'instruire plus à fond.
L'histoire des hommes comprend les princes, les grands, les hommes célebres par leurs talens & par leurs actions. L'histoire des princes doit être plus ou moins détaillée, à proportion de ce qu'ils ont fait de mémorable; il en est plusieurs dont il faut se contenter de marquer la naissance & la mort, & renvoyer pour ce qui s'est fait sous leur regne, aux articles de leurs généraux & de leurs ministres. C'est sur - tout dans un tel ouvrage qu'il faut préparer les princes vivans à ce qu'on dira d'eux, par la maniere dont on parle des morts. Car comme un dictionnaire historique est un livre que presque tout le monde se procure pour sa commodité, & qu'on consulte à chaque instant, il peut être pour les princes une le çon forcée, & par conséquent plus sûre que l'histoire. La vérité, si on peut parler ainsi, peut entrer dans ce livre par toutes les portes; & elle le doit, puisqu'elle le peut.
On en usera encore plus librement pour les grands.
On sera sur - tout très - attentif sur la vérité des généalogies: rien sans doute n'est plus indifférent en
soi - même; mais dans l'etat où sont aujourd'hui les
choses, rien n'est quelquefois plus nécessaire. On
aura donc soin de la donner exacte, & sur - tout de
ne la pas faire remonter au - delà de ce que prouvent
les titres certains. On accuse Morery de n'avoir pas
été assez scrupuleux sur cet article. La connoissance
des généalogies emporte celle du blason, dont nos
ayeux ignorans ont jugé à - propos de faire une scien<pb->
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic Text Services (ETS) of the University of Chicago.