ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"230"> fluides dans les vaisseaux capillaires, &c.

Cette même cause empêche les fluides de transpirer & de s'échapper à travers les pores des vaisseaux qui les contiennent. C'est ce qu'éprouvent les voyageurs à mesure qu'ils montent des montagnes élevées: ils se sentent lâches de plus en plus à mesure qu'ils avancent vers le haut; & à la longue, il leur vient un crachement de sang ou d'autres hémorrhagies; & cela parce que l'air ne presse pas suffisamment sur les vaisseaux des poulmons. On voit la même chose arriver aux animaux enfermés sous le récipient de la machine pneumatique: à mesure qu'on en pompe l'air, ils s'enflent, vomissent, bavent, suent, lâchent leur urine & leurs autres excrémens, &c. Voyez Vuide.

2°. C'est à ces deux mêmes qualités de l'air, la pesanteur & la fluidité, qu'est dû le mêlange des corps contigus les uns aux autres, & singulierement des sluides. Ainsi plusieurs liquides, comme les huiles & les sels qui dans l'air se mêlent promptement & d'eux - mêmes, ne se mêleront point, s'ils sont dans le vuide.

3°. En conséquence de ces deux mêmes qualités, l'air détermine l'action d'un corps sur un autre. Ainsi le feu qui brûle du bois s'éteint, & la flamme se dissipe, si l'on retire l'air; parce qu'alors il n'y a plus rien qui puisse appliquer les corpuscules du feu contre ceux de la substance combustible, & empêcher la dissipation de la flamme. La même chose arrive à l'or en dissolution dans l'eau régale. Ce menstrue cesse d'agir sur le métal dès qu'on a retiré l'air; & c'est en conséquence de cette faculté déterminante de l'air, que Papin a imaginé le digestoire qui porte son nom. Voyez Digestoire.

C'est aussi pour cela que sur les sommets des plus hautes montagnes, comme sur le Pic de Ténérif, les substances qui ont le plus de saveur, comme le poivre, le gingembre, le sel, l'esprit de vin, sont presque insipides; car faute d'un agent suffisant qui applique leurs particules sur la langue & qui les fasse entrer dans ses pores, elles sont chassées & dissipées par la chaleur même de la bouche. La seule substance qui y retienne sa saveur est le vin de Canarie; ce qui vient de sa qualité onctueuse qui le fait adhérer fortement au palais, & empêche qu'il n'en puisse être écarté aisément.

Ce même principe de gravité produit aussi en partie les vents, qui ne sont autre chose qu'un air mis en mouvement par quelque altération dans son équilibre. Voyez Vent.

III. Une autre qualité de l'air d'où résultent un grand nombre de ses effets, & dont nous avons déjà parlé, est son élasticité; par laquelle il cede à l'impression des autres corps en rétrécissant son volume, & se rétablit ensuite dans la même forme & la même étendue en écartant ou affoiblissant la cause qui l'avoit resserré. Cette force élastique est une des propriétés distinctives de l'air; les deux autres propriétés dont nous avons parlé plus haut, lui étant communes avec les autres fluides.

Une infinité de preuves nous convainquent que l'air a cette faculté. Si par exemple on presse avec la main une vessie soufflée, on trouve une résistance sensible dans l'air qui y est enfermé; & si l'on cesse de la comprimer, la partie qui étoit comprimée se tend & se remplit aussitôt.

C'est de cette propriété de l'air que dépend la structure & l'usage de la Machine pneumatique. Voyez Machine pneumatique.

Chaque particule d'air fait un continuel effort pour se dilater, & ainsi lutte contre les particules voisines qui en font aussi un semblable: mais si la résistance vient à cesser ou à s'affoiblir, à l'instant la particule dégagée se raréfie prodigieusement. C'est ce qui fait que si l'on enferme sous le récipient de la Machine pneumatique de petites balles de verre minces, ou des vessies pleines d'air & bien fermées, & qu'ensuite on pompe l'air, elles y crevent par la force de l'air qu'elles contiennent. Si l'on met sous le récipient une vessie toute flasque, qui ne contienne que très - peu d'air; lorsqu'on vient à pomper l'air, elle s'y enfle & paroît toute pleine. La même chose arrivera si l'on porte une vessie flasque sur le sommet d'une haute montagne.

Cette même expérience fait voir d'une maniere évidente, que l'élasticité des corps solides est fort différente de la vertu élastique de l'air, & que les corps solides & élastiques se dilatent tout autrement que l'air. En effet, lorsque l'air cesse d'être comprimé, non - seulement il se dilate, mais il occupe alors un plus grand espace, & reparoît sous un plus grand volume qu'auparavant; ce qu'on ne remarque pas dans les corps solides & élastiques, qui reprennent seulement la figure qu'ils avoient avant que d'être comprimés.

L'air tel qu'il est tout proche de notre globe se raréfie de telle maniere que son volume est toûjours en raison inverse des poids qui le compriment, c'est - à - dire, que si l'air pressé par un certain poids, occupe un certain espace, ce même air pressé par un poids qui ne soit que la moitié du précédent, occupera un espace double de celui qu'il occupoit dans le premier cas. M. Boyle & M. Mariotte ont établi cette regle par des expériences. La même regle a lieu lorsqu'on comprime l'air, comme M. Mariotte l'a fait voir aussi. Cependant il ne faut pas regarder cette regle comme parfaitement exacte; car en comprimant l'air bien fortement, & le réduisant à un volume quatre fois plus petit, l'effet ne répond plus à la regle donnée par M. Mariotte; cet air commence alors à faire plus de résistance, & a besoin pour être comprimé davantage; d'un poids plus grand que la regle ne l'exige. En effet pour peu qu'on y fasse attention, on verra qu'il est impossible que la regle soit exactement vraie: car lorsque l'air sera si fort comprimé que toutes ses parties se toucheront & ne formeront qu'une seule masse solide, il n'y aura plus moyen de comprimer davantage cette masse, puisque les corps sont impénétrables. Il n'est pas moins évident que l'air ne sauroit se raréfier à l'infini, & que sa raréfaction a des bornes; d'où il s'ensuit que la regle des raréfactions en raison inverse des poids comprimans, n'est pas non plus entierement exacte: car il faudroit suivant cette regle, qu'à un degré quelconque de raréfaction de l'air, on trouvât un poids correspondant qui empêcheroit cette raréfaction d'être plus grande. Or lorsque l'air est raréfié le plus qu'il est possible, il n'est alors chargé d'aucun poids, & il occupe cependant un certain espace.

On ne sauroit assigner de bornes précises à l'élasticité de l'air, ni la détruire ou altérer aucunement. M. Boyle a fait plusieurs expériences pour voir s'il pourroit affoiblir le ressort d'un air extrèmement raréfié dans la Machine pneumatique, en le tenant long - tems comprimé par un poids dont il est étonnant qu'il soûtînt la force pendant un seul instant: & après tout ce tems il n'a point vû de diminution sensible dans son élasticité. M. de Roberval ayant laissé un fusil à vent chargé pendant 16 ans d'air condensé, cet air mis enfin en liberté, poussa une balle avec autant de force, qu'auroit pû faire un air tout récemment condensé.

Cependant M. Hawksbée a prétendu prouver par une expérience qu'il a faite depuis, que le ressort de l'air peut être tellement dérangé par une violente pression, qu'il ne puisse plus se rétablir qu'au bout de quelque tems. Il prit pour cet effet un vaisseau de cuivre bien fort, dans lequel il versa d'abord une [p. 231] demi - pinte d'eau; il y comprima ensuite trois ou quatre fois plus d'air qu'il n'y en avoit eu auparavant: une heure après il ouvrit le vase & en laissa sortir l'air en y serrant avec une vis un tuyau ouvert, dont l'un des bouts étoit plongé dans l'eau: il trouva peu de tems apres que l'eau s'étoit élevée d'un pié dans le tuyau, & qu'elle venoit jusqu'à la hauteur de 16 pouces. Il conclut de là, que la force élastique de l'air avoit été affoiblie pendant quelque tems; car si elle fût restée la même qu'elle étoit auparavant, tout l'air n'eût pas manqué de s'échapper du vase après qu'il eut été ouvert: d'ou il s'ensuit, selon M. Hawksbée, que cet air étant resté dans le vase, il s'y étoit ensuite raréfié, & avoit fait monter l'eau dans le tuyau. Cependant on pourroit soupçonner qu'il seroit peut - être entré une plus grande quantité d'air dans l'eau, parce que l'air qui reposoit dessus, se trouvoit trois ou quatre fois plus comprimé, & que l'air n'auroit été en état de se dégager de l'eau qu'après un certain tems; ensorte que celui qui avoit pû s'échapper librement, seroit en esset sorti du vase, tandis que celui qui a voit pénétré l'eau en trop grande quantité, auroit eu besoin de tems pour en sortir. M. Musschenbroek ayant versé du mereure dans un tuyau de 8 piés de long, dont un des bouts étoit recourbé, & ayant de cette maniere comprimé l'air dans le bout recourbé, scella ensuite l'autre bout hermétiquement, & marqua le degré de chaleur que l'air avoit alors. Depuis ce tems il dit avoir toûjours observé que le mercure se tenoit à la même hauteur dans le tuyau, lorsque l'air avoit le même degré de chaleur qu'au commencement de l'expérience. Au contraire lorsque l'air devenoit plus chaud, le mercure montoit dans le tuyau; d'où il paroîtroit s'ensuivre que la compression de l'air ne lui fait point perdre son élasticité. On ne sauroit cependant nier que l'air ne puisse perdre de sa force élastique, puisque M. Hales a prouvé que la chose étoit possible, en mettant le feu à du soufre dans un verre plein d'air: & peut - être y a - t il un plus grand nombre d'exhalaisons qui produisent le même effet. Mussch.

Il est vifible que le poids ou la pression de l'air ne dépend pas de son élasticité, & qu'il ne seroit ni plus ni moins pesant, quand il ne seroit pas élastique. Mais de ce qu'il est élastique, il s'ensuit qu'il doit être susceptible d'une pression qui le réduise à un tel espace que son élasticité qui réagit contre le poids qui le comprime, soit égale à ce poids.

En effet, la loi de l'élasticité est qu'elle augmente à proportion de la densité de l'air, & que sa densité augmente à proportion des forces qui le compriment. Or il faut qu'il y ait une égalité entre l'action & la réaction; c'est - à - dire, que la gravité de l'air qui opere sa compression, & l'élasticité de l'air qui le fait tendre à sa dilatation, soient égales. Voyez Densité, Réaction, &c.

Ainsi l'élasticité augmentant ou diminuant généralement à proportion que la densité de l'air augmente ou diminue, c'est - à - dire, à proportion que l'espace entre ses particules diminue ou augmente, il n'importe que l'air soit comprimé & retenu dans un certain espace par le poids de l'atmosphere, ou par quelque autre cause; il suffit qu'il tende à se dilater avec une action égale à celle de la cause qui le comprime. C'est pourquoi si l'air voisin de la terre est enfermé dans un vaisseau, de maniere qu'il n'ait plus du tout de communication avec l'air extérieur, la pression de cet air enfermé ne laissera pas d'être égale au poids de l'atmosphere. Aussi voyons nous que l'air d'une chambre bien fermée soûtient le mercure dans le Barometre par sa force élastique à la même hauteur que feroit le poids de toute l'atmosphere. Voyez l'art. Elasticité.

Suivant ce principe, on peut par de certaines mé<cb-> thodes condenser l'air. Voyez Condénsation.

C'est sur ce même principe qu'est fondée la structure de l'arquebuse - à - vent. Voyez Arquebuse - à - vent.

L'air peut donc être condensé: mais jusqu'à quel point le peut - il être, ou à quel volume est - il possible de le réduire en le comprimant? Nous n'en conconnoissons point encore les bornes. M. Boyle a trouvé le moyen de rendre l'air treize fois plus dense en le comprimant: d'autres prétendent l'avoir vû réduit à un volume 60 fois plus petit. M. Hales l'a rendu 38 fois plus dense à l'aide d'une presse: mais en faisant geler de l'eau dans une grenade ou boulet de fer, il a réduit l'air en un volume 1838 fois plus petit, de sorte qu'il doit avoir été plus de deux fois plus pesant que l'eau; ainsi comme l'eau ne peut être comprimée, il s'ensuit de là que les parties aëriennes doivent être d'une nature bien différente de celles de l'eau: car autrement on n'auroit pû réduire l'air qu'à un volume 800 fois plus petit; il auroit alors été précisément aussi dense que l'eau, & il auroit résisté à toutes sortes de pressions avec une force égale à celle que l'on remarque dans l'eau. Mussch.

M. Halley assûre dans les Transactions philosophiques, en conséquence d'expériences faites à Londres, & d'autres faites à Florence dans l'Académie del Cimento, qu'on peut en toute sûreté décider qu'il n'y a pas de force capable de réduire l'air à un espace 800 fois plus petit que celui qu'il occupe naturellement sur la surface de notre terre. Et M. Amontons combattant le sentiment de M. Halley, soûtient dans les Mémoires de l'Académie Royale des Sciences, qu'on ne peut point assigner de bornes précises à la condensation de l'air; que plus on le chargera, plus on le condensera; qu'il n'est élastique qu'en vertu du feu qu'il contient; & que comme il est impossible d'en tirer tout le feu qui y est, il est également impossible de le condenser à un point au - delà duquel on ne puisse plus aller.

L'expérience que nous venons de rapporter de M. Hales, prouve du moins que l'air peut être plus condensé que ne l'a prétendu M. Halley. C'est à l'élasticité de l'air qu'on doit attribuer les effers de la fontaine de Héron, & de ces petits plongeons de verre, qui étant enfermés dans un vase plein d'eau, descendent au fond, remontent ensuite, & se tiennent suspendus au milieu de l'eau, se tournent & se meuvent cómme on le veut. C'est encore à cette élasticité que l'on doit l'action des pompes à feu. Voyez Fontaine & Pompe.

L'air, en vertu de sa force élastique, se dilate à un point qui est surprenant; le feu a la propriété de le raréfier considérablement. L'air produit par cette dilatation le même effet que si sa force élastique augmentoit, d'où il arrive qu'il fait effort pour s'étendre de tous côtés. Il se condense au contraire par le froid, de sorte qu'on diroit alors qu'il a perdu une partie de sa force élastique. On éprouve la force de l'air échauffé, lorsqu'on l'enferme dans une phiole mince, scellée hermétiquement, & qu'on met ensuite sur le feu; l'air se raréfie avec tant de force, qu'il met la phiole en pieces avec un bruit considérable. Si on tient sur le feu une vessie à demi soufflée, bien liée & bien fermée, non - seulement elle se gonflera par la raréfaction de l'air intérieur, mais même elle crevera. M. Amontons a trouvé que l'air rendu aussi chaud que l'eau bouillante, acquéroit une force qui est au poids de l'atmosphere, comme 10 à 33, ou même comme 10 à 35; & que la chose réussissoit également, soit qu'on employât pour cette expérience une plus grande ou une plus petite quantité d'air. M. Hawksbée a observé en Angleterre, qu'une portion d'air enfermée dans un tuyau de verre, lorsqu'il commençoit à geler, formoit un volume qui étoit à

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