ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"228"> soit qu'on l'expose au plus grand froid naturel ou artificiel, soit qu'on le condense en le comprimant fortement. On n'a jamais remarqué dans aucun de ces cas qu'il se soit réduit en parties solides; cela vient de sa rareté, de sa mobilité, & de la figure de ses parties. M. Formey. V. Fluide & Son, &c.

Ceux, qui suivant le sentiment de Descartes, font consister la fluidité dans un mouvement perpétuel & intestin des parties, trouveront ce caractere dans l'air. Ainsi dans une chambre obscure où les représentations des objets extérieurs ne sont introduites que par un seul rayon, on voit les corpuscules dont l'air est rempli dans une fluctuation perpétuelle; & les meilleurs Thermometres ne sont jamais dans un parfait repos. Voyez Thermometre.

Quelques Philosophes modernes attribuent la cause de la fluidité de l'air, au feu qui y est entremêlé, sans lequel toute l'atmosphere, selon eux, se duriroit en une masse solide & impénétrable; & en effet, plus le degré de feu y est considérable, plus elle est fluide, mobile & perméable; & selon que les différentes positions du soleil augmentent ou diminuent ce degré de feu, l'air en reçoit toûjours une température proportionnée. Voyez Feu.

C'est - là, sans doute en grande partie, ce qui fait que sur les sommets des plus hautes montagnes, les sensations de l'oüie, de l'odorat, & les autres, se trouvent plus foibles. Voyez Montagne.

Comme l'air est un fluide, il presse dans toutes sortes de directions avec la même force, c'est - à - dire, en haut, en bas, latéralement, obliquement, ainsi que l'expérience le démontre dans tous les fluides. On prouve que la pression latérale de l'air est égale à la pression perpendiculaire par l'expérience suivante, qui est de M. Mariotte. On prend une bouteille haute, percée vers son milieu d'un petit trou; lorsque cette bouteille est pleine d'eau, on y plonge un tuyau de verre ouvert de chaque coté, dont l'extremité inférieure descend plus bas que le petit trou fait à la bouteille. On bouche le col de la bouteille avec de la cire ou de la poix, dont on a soin de bien envelopper le tuyau, ensorte qu'il ne puisse point du tout entrer d'air entre le tuyau & le col: lors donc que le tuyau se trouve rempli d'eau & que le trou latéral de la bouteille vient à s'ouvrir, l'eau s'écoule en partie du tuyau, mais elle s'arrête proche de l'extrémité inférieure du tuyau à la hauteur du trou, & toute la bouteille reste pleine. Or si la pression perpendiculaire de l'air l'emportoit sur la pression latérale, toute l'eau devroit être poussée hors du tuyau, & ne manqueroit pas de s'écouler; c'est pourtant ce qui n'arrive pas, parce que l'air presse latéralement avec tant de force contre le trou, que l'eau ne se peut échapper de la bouteille. Mussch. ess. de Phys.

II. La pesanteur ou la gravité. Cette propriété de l'air est peut - être une suite de ce qu'il est une substance corporelle; la pefanteur étant ou une propriété essentielle de la matiere, ou du moins une propriété qui se rencontre dans tous les corps. Voyez Attraction, Pesanteur, Gravité

Nous avons une infinité de preuves de cette propriété par les expériences. La pesanteur de l'air paroit d'abord en ce qu'il n'abandonne point le centre de la terre. Si on pompe l'air d'un verre, & qu'on ouvre ensuite ce verre en - haut, l'air se précipitera sur le champ dans le verre par l'ouverture, & le remplira. Toutes les expériences de la machine pneumatique prouvent cette qualité de l'air. Voyez Pneumatique. Qu'on applique la main sur l'orifice d'un vaisseau vuide d'air, on sent bien - tôt le poids de l'atmosphere qui la comprime. Des vaisseaux de verre dont on a pompé l'air, sont aisément brisés par la pesanteur de l'air qui les compri<cb-> me en dehors. Si l'on joint bien exactement deux moitiés d'une sphere creuse, & qu'on en pompe l'air, elles seront pressées l'une contre l'autre par le poids de l'air voisin, avec une force égalé à celle d'un poids de cent livres.

Lorsqu'on pose sur un récipient de Machine pneumatique un disque mince & plat de plomb ou de verre, & qu'on pompe ensuite l'air du récipient, l'air extérieur presse alors par fa pesanteur le disque de plomb dans le récipient, ou il brise en pieces avec beaucoup de violence le verre en le poussant en dedans. Si on enveloppe un cylindre ouvert par en haut, d'une vessie de cochon bien mince, dès qu'on aura pompé l'air de ce cylindre, la vessie sera déchirée avec beaucoup de violence. Lorsqu'on pose sur la plaque de la Machine pneumatique des verres ou vases sphériques dont on pompe l'air, ils se trouvent d'abord pressés avec beaucoup de force contre cette plaque, par la pesanteur de l'air extérieur qui les comprime; de sorte qu'on ne peut les en retirer ensuite qu'avec beaucoup de force.

Autre expérience: Prenez un tuyau fermé par un bout, emplissez - le de mercure, plongez - le par le bout ouvert dans un bassin plein du même fluide, & le tenez droit; le mercure sera suspendu dans le tuyau à la hauteur d'environ 27 à 28 pouces, au - dessus de la surface du mercure qui est dans le bassin. La raison de cette suspension est, que le mercure du tuyau ne sauroit descendre plus bas sans faire monter celui qui est dans le bassin, lequel étant pressé par le poids de l'atmosphere qu'il supporte, ne permet pas à celui du tuyau de descendre, à moins que le poids de ce dernier n'excede celui de l'air qui presse sur bassin. Ce qui prouve que c'est - là la cause de cette suspension, c'est que si l'on met le bassin & le tuyau sous le récipient de la Machine pneumatique, à mesure que l'on pompera l'air, le mercure du tuyau baissera; & réciproquement à mesure que l'on laissera rentrer l'air, le mercure remontera à sa premicre hauteur. C'est - là ce qu'on appelle l'expérience de Torricelli.

C'est aussi à la pesanteur de l'air qu'on doit attribuer l'effet des pompes. Car supposons un tuyau de verre ouvert de chaque côté, & qu'on pousse dedans jusqu'en bas un piston attaché à un manche, qu'on mette ce tuyau dans un petit bassin de mercure, & qu'on tire le piston en haut, qu'en arrivera - t - il? Comme il n'y a pas d'air & par conséquent point de résistance ni aucune cause qui agisse par la pression, entre le piston & le mercure qui est dans le petit bassin, placé à l'ouverture du tuyau, il faut que le mercure du bassin étant pressé par l'air supérieur & extérieur, monte dans le tuyau & suive le piston; & lorsque le piston est arrivé à la hauteur de 28 pouces environ, & qu'on continue de le tirer, il faut que le mercure abandonne le piston, & qu'il reste suspendu dans le tuyau à la hauteur de 28 pouces. Car le poids de l'air extérieur n'a pas la force de l'élever d'avantage. Si on prend de l'cau au lieu du mercure, comme elle est environ 14 fois plus légere, l'air la fera aussi monter plus haut, c'est - à - dire, jusqu'à environ 32 pieds.

L'action des enfans qui tetent ne differe pas beaucoup de celle d'une pompe; car un enfant qui tete, avale l'air qui est dans sa bouche; il bouche les narines par derriere dans le gosier, & prend le mammelon qu'il serre tout autour avec ses levres. Il gonfle ensuite ses joues & produit de cette maniere un vuide dans sa bouche. L'air presse par sa pesanteur sur les mammelles, & pousse le lait vers le mammelon, & de - là dans la bouche.

On peut aussi expliquer l'action des ventouses par le même principe. Car la partie de la peau qui est enfermée sous la ventouse, se trouve sous un [p. 229] vase dont on a pompé l'air; de sorté que les humeurs du corps sont poussées vers cette partie par l'action de l'air extérieur: ce qui fait que la peau & ses vaisseaux se gonflent & se levent sous la ventouse. Mussch.

Enfin on peut peser l'air: car si l'on met un vaisseau plein d'air commun dans une balance bien juste, on le trouvera plus pesant que si l'air en avoit été retiré; & le poids sera encore bien plus sensible, si l'on pese ce même vaisseau rempli d'air condensé sous un récipient d'où on aura pompé l'air. Voyez Balance hydrostatique.

Quelques personnes douteront peut - être que l'air soit pesant de lui - même, & croiront que sa pesanteur peut venir des vapeurs & des exhalaisons dont il est rempli. Il n'y a aucun lieu de douter que la pesanteur de l'air ne dépende effectivement en partie des vapeurs, comme on peut l'expérimenter, en prenant une boule de verre pleine d'air, qu'on pompera ensuite fort exactement. Pour cet effet on mettra en haut sur l'ouverture par laquelle l'air devra rentrer dans la boule, un entonnoir fait exprès, qui aura une cloison percée de petits trous; on mettra ensuite dessus de la potasse fort seche ou du sel de tartre, & on laissera entrer l'air lentement à travers ces sels dans la boule. On attendra assez long - tems afin que la boule se remplisse d'air, & qu'elle ne se trouve pas plus chaude que l'air extérieur, en cas qu'il puisse s'échauffer par quelque fermentation en passant à travers les sels. Si l'air de l'atmosphere est sec, on trouve que l'air qui avoit auparavant rempli la boule, étoit de même pesanteur que celui qui y est entré en traversant les sels; & s'il fait un tems humide, on trouvera que l'air qui a passé à travers les sels, est plus léger que celui qui auparavant avoit rempli la boule. Mais quoique cette expérience prouve que la pesanteur de l'air dépende en partie des vapeurs qui y nagent, on ne peut s'empêcher de reconnoître que l'air est pesant de lui - même; car autrement il ne seroit pas possible de concevoir comment les nuées qui pesent beaucoup pourroient y rester suspendues, ne faisant le plus souvent que flotter dans l'air avec lequel elles sont en équilibre. Otez cet équilibre, & vous les verrez bien - tôt se précipiter en bas. Mussch.

Le poids de l'air varie perpétuellement selon les différens degrés de chaleur & de froid. Riccioli estime que sa pesanteur est à celle de l'eau, comme 1 est à 1000. Mersene, comme 1 est à 1300, ou à 1356. Galilée, comme 1 est à 400. M. Boyle, par une expérience plus exacte, trouve ce rapport aux environs de Londres, comme 1 est à 938; & pense que tout bien considéré, la proportion de 1 à 1000 doit être regardée comme sa pesanteur respective moyenne; car on n'en sauroit fixer une précise, attendu que le poids de l'air, aussi bien que celui de l'eau même, varie à chaque instant. Ajoûtez que les mêmes expériences varient en différens pays, selon la différente hauteur des lieux, & le plus ou le moins de densité de l'air, qui résulte de cette différente hauteur. Boyle, Phys. méchan. exper.

Il faut ajoûter cependant que par des expériences faites depuis en présence de la Société Royale de Londres, la proportion du poids de l'air à celui de l'eau s'est trouvée être de 1 à 840; dans une expérience postérieure, comme 1 est à 852; & dans une troisieme, comme 1 est à 860. Philos. transact. n°. 181; & enfin en dernier lieu, par une expérience fort simple & fort exacte faite par M. Hawksbée, comme 1 est à 885. Physiq. méchan. exper. Mais toutes ces expériences ayant été faites en été, le Docteur Jurin est d'avis qu'il faut choisir un tems entre le froid & le chaud, & qu'alors la proportion de la pesanteur de l'air à celle de l'eau sera de 1 à 800. M. Musschenbroek dit avoir quelquefois trouvé que la pesanteur de l'air étoit à celle de l'eau comme 1 à 606, lorsque l'air étoit fort pesant. Il ajoûte qu'en faisant cette expérience en différentes années & dans des saisons différentes, il a observé une différence continuelle dans cette proportion de pesanteur; de sorte que suivant les expériences faites en divers endroits de l'Europe il croit que le rapport de la pesanteur de l'air à celle de l'eau doit être réduit à certaines bornes, qui sont comme 1 à 606, & de - là jusqu'à 1000.

L'air une fois reconnu pesant & fluide, les lois de sa gravitation & de sa pression doivent etre les mêmes que celles des autres fluides; & conséquemment sa pression doit être proportionnelle à sa hauteur perpendiculaire. Voyez Fluide.

D'ailleurs cette conséquence est confirmée par les expériences. Car si l'on porte le tube de Torricelli en un lieu plus élevé, où par conséquent la colonne d'air sera plus courte, la colonne de mercure soûtenue sera moins haute, & baissera d'un quart de pouce lorsqu'on aura porté le tube à cent piés plus haut, & ainsi de cent piés en cent piés à mesure qu'on montera.

De ce principe dépend la structure & l'usage du Barometre. Voyez Barometre.

De ce même principe il s'ensuit aussi que l'air comme tous les autres fluides presse également de toutes parts. C'est ce que nous avons déjà démontré ci - dessus; & dont on voit encore la preuve, si l'on fait attention que les substances molles en soûtiennent la pression sans que leur forme en soit changée, & les corps fragiles sans en être brisés, quoique la pression de la colonne d'air sur ces corps soit égale à celle d'une colonne de mercure de 30 pouces, ou d'une colonne d'eau de 32 piés. Ce qui fait que la figure de ces corps n'est point altérée, c'est la pression égale de l'air qui fait qu'autant il presse d'un côté, autant il résiste du côté opposé. C'est pourquoi si l'on ôte ou si l'on diminue la pression seulement d'un côté, l'effet de la pression sur le côté opposé se sentira bien - tôt.

De la gravité & la fluidité considérées conjointement s'ensuivent plusieurs usages & plusieurs effets de l'air. 1°. Au moyen de ces deux qualités conjointes, il enveloppe la terre avec les corps qui sont dessus, les presse, & les unit avec une force considérable. Pour le prouver, nous observerons que dès qu'on connoît la pesanteur spécifique de l'air, on peut savoir d'abord combien pese un pié cube d'air; car si un pié cube d'eau pese 64 livres, un pié cube d'air pesera environ la 800e partie de 64 livres; delà on pourra conclurre quel est le poids d'une certaine quantité d'air. On peut aussi déterminer quelle est la force avec laquelle l'air comprime tous les corps terrestres. Car il est évident que cette pression est la même que si tout notre globe étoit couvert d'eau à la hauteur de 32 piés environ. Or un pié cube d'eau pesant 64 livres, 32 piés peseront 32 fois 64 livres, ou environ 2048 livres; & comme la surface de la terre contient à peu près 5547800000000000 piés quarrés, il faudra prendre 2048 fois ce grand nombre, pour avoir à peu près le poids réduit en livres avec lequel i'air comprime notre globe. Or on voit aisément que l'effet d'une telle pression doit être fort considerable. Par exemple, elle empêche les vaisseaux artériels des plantes & des animaux d'être excessivement distendus par l'impétuosite des sues qui y circulent, ou par la force élastique de l'air dont il y a une quantité considérable dans le sang. Ainsi nous ne devons plus être surpris que par l'application des ventouses, la pression de l'air étant diminuée sur une partie du corps, cette partie s'enfle; ce qui cause nécessairement un changement à la circulation des

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