ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"817"> c'est de - là qu'a toûjours dépendu la duée de la démocratie, & sa prospérité. Solon partagea le peuple d'Athenes en quatre classes. Conduit par l'esprit de démocratie, il ne fit pas ces quatre classes pour fixer ceux qui devoient élire, mais ceux qui pouvoient être élûs; & laissant à chaque citoyen le droit de suffrage, il voulut que dans chacune de ces quatre classes on pût élire des juges, mais seulement des magistrats dans les trois premieres, composées des citoyens aisés.

Les lois qui établissent le droit du suffrage, sont donc fonda mentales dans ce gouvernement. En effet, il est aussi important d'y regler comment, par qui, à qui, sur quoi les suffrages doivent être donnés, qu'il l'est dans une monarchie de savoir quel est le monarque, & de quelle maniere il doit gouverner. Il est en même tems essentiel de fixer l'âge, la qualité, & le nombre de citoyens qui ont droit de suffrage; sans cela on pourroit ignorer si le peuple a parlé, ou seulement une partie du peuple.

La maniere de donner son suffrage, est une autre loi fondamentale de la démocratie. On peut donner son suffrage par le sort ou par le choix, & méme par l'un & par l'autre. Le sort laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie; mais comme il est défectueux par lui - même, les grands législateurs se sont toûjours attachés à le corriger. Dans cette vûe, Solon régla qu'on ne pourroit élire que dans le nombre de ceux qui se presenteroient; que celui qui auroit été élû, seroit examiné par des juges, & que chacun pourroit l'accuser sans être indigne. Cela tenoit en même tems du sort & du choix. Quand on avoit fini le tems de sa magistrature, il falloit essuyer un autre jugement sur la maniere dont on s'étoit comporté. Les gens sans capacité, observe ici M. de Montesquieu, devoient avoir bien de la répugnance à donner leur nom pour être tirés au sort.

La loi qui fixe la maniere de donner son suffrage, est une troisieme loi fondamentale dans la démocratie. On agite à ce sujet une grande question, je veux dire si les suffrages doivent être publics ou secrets; car l'une & l'autre méthode se pratique diversement dans différentes démocraties. Il paroit qu'ils ne sauroient être trop secrets pour en maintenir la libetté, ni trop publics pour les rendre authentiques, pour que le petit peuple soit éclairé par les principaux, & contenu par la gravité de certains personnages. A Genêve, dans l'élection des premiers magistrats, les citoyens donnent leurs suffrages en public, & les écrivent en secret; ensorte qu'alors l'ordre est maintenu avec la liberté.

Le peuple qui a la souveraine puissance, doit faire par lui même tout ce qu'il peut bien faire; & ce qu'il ne peut pas bien faire, il faut qu'il le fasse par ses ministres: or les ministres ne son point à lui, s'il ne les nomme. C'est done une quatrieme loi fondamentale de ce gouvernement, que le peuple nomme ses ministres, c'est - à - dire ses magistrats. Il a besoin comme les monarques, & même plus qu'eux, d'être conduit par un conseil ou sénat: mais pour qu'il y ait confiance, il faut qu'il en élise les membres, soit qu'il les choisisse lui - même, comme à Athenes, ou par quelque magistrat qu'il a établi pour les élire, ainsi que cela se pratiquoit à Rome dans quelques occasions. Le peuple est très - propre à choisir ceux à qui il doit confier quelque partie de son autorité. Si l'on pouvoit douter de la capacité qu'il a pour discerner le mérite, il n'y auroit qu'à se rappeller cette suite continuelle de choix excellens que firent les Grecs & les Romains: ce qu'on n'attribuera pas sans doute au hasard. Cependant comme la plûpart des citoyens qui ont assez de capacité pour élire, n'en ont pas assez pour être élûs; de même le peuple, qui a assez de capacité pour se faire rendre compte de la gestion des autres, n'est pas propre à gérer par lui - même, ni à conduire les affaires, qui aillent avec un certain mouvement qui ne soit ni trop lent ni trop vîte. Quelquefois avec cent mille bras il renverse tout; quelquefois avec cent mille piés, il ne va que comme les insectes.

C'est enfin une loi fondamentale de la démocratie, que le peuple soit législateur. Il y a pourtant mille occasions où il est nécessaire que le sénat puisse statuer; il est même souvent à - propos d'essayer une loi avant que de l'etablir. La constitution de Rome & celle d'Athenes étoient très - sages: les arrêts du sénat avoient force de loi pendant un an; ils ne devenoient perpétuels que par la volonté du peuple: mais quoique toute démocratie doive nécessairement avoir des lois écrites, des ordonnances, & des réglemens scables, cependant rien n'empêche que le peuple qui les a donnés, ne les révoque, ou ne les change toutes les fois qu'il le croira nécessaire, à moins qu'il n'ait juré de les observer perpétuellement; & même en ce cas - là, le serment n'oblige que ceux des citoyens qui l'ont eux - mêmes prété.

Telles sont les principales lois fondamentales de la démocratie. Parlons à présent du ressort, du principe propre à la conservation de ce genre de gouvernement. Ce principe ne peut être que la vertu, & ce n'est que par elle que les démocraties se maintiennent. La vertu dans la démocratie est l'amour des lois & de la patrie: cet amour demandant un renoncement à soi - même. une préférence continuelle de l'intérêt public au sien propre, donne toutes les vertus particulieres; elles ne sont que cette préférence. Cet amour conduit à la bonté des moeurs, & la bonté des moeurs mene à l'amour de la patrie; moins nous pouvons satisfaire nos passions particulieres, plus nous nous livrons aux generales.

La vertu dans une démocratie, renferme encore l'amour de l'égalité & de la frugalité; chacun a yant dans ce gouvernement le même bonheur & les mêmes avantages, y doit gouter les mêmes plaisirs, & former les mêmes espérances: choses qu'on ne peut attendre que de la frugalité générale. L'amour de l'égalité borne l'ambition au bonheur de rendre de plus grands services à sa patrie, que les autres citoyens. Ils ne peuvent pas lui rendre tous des services égaux, mais ils doivent également lui en rendre. Ainsi les distinctions y naissent du principe de l'égalité, lors même qu'elle paroît ôtée par des services heureux, & par des talens supérieurs. L'amour de la frugalité borne le desir d'avoir à l'attention que demande le nécessaire pour sa famille, & même le superflu pour sa patrie.

L'amour de l'egalité & celui de la frugalité sont extrèmement excités par l'égalité & la frugalité même, quand on vit dans un état où les lois etablissent l'un & l'autre. Il y a cependant des cas ou l'égalité entre les citoyens peut être ôtée dans la démocratie, pour l'utilité de la démocratie.

Les anciens Grecs pénétrés de la nécessité que les peuples qui vivoient sous un gouvernement populaire, fussent élevés dans la pratique des vertus nécessaires au maintien des démocraties, firent pour inspirer ces vertus, des institutions singulieres. Quand vous lisez dans la vie de Ly curgue les lois qu'il donna aux Lacédémoniens, vous croyez lire l'histoire des Sévarambes. Les lois de Crete étoient l'original de celles de Lacédémone, & celles de Platon en étoient la correction.

L'éducation particuliere doit encore être extrè. mement attentive à inspirer les vertus dont nous avons parlé; mais pour que les enfans les puissent avoir, il y a un moyen sûr, c'est que les peres les ayent eux - mêmes. On est ordinairement le maître [p. 818] de donner à ses enfans ses connoissances; on l'est encore plus de leur donner ses passions: si cela n'arrive pas, c'est que ce qui a été fait dans la maison paternelle est détruit par les impressions du dehors. Ce n'est point le peuple naissant qui dégénere; il ne se perd que lorsque les hommes faits sont déjà corrompus.

Le principe de la démocratie se corrompt, lorsque l'amour des lois & de la patrie commence à dégénérer, lorsque l'éducation générale & particuliere sont négligées, lorsque les desirs honnêtes changent d'objets, lorsque le travail & les devoirs sont appellés des gênes; dès - lors l'ambition entre dans les coeurs qui peuvent la recevoir, & l'avarice entre dans tous. Ces vérités sont confirmées par l'histoire. Athenes eut dans son sein les mêmes forces pendant qu'elle domina avec tant de gloire, & qu'elle servit avec tant de honte; elle avoit vingt mille citoyens lorsqu'elle défendit les Grees contre les Perses, qu'elle disputa l'empire à Lacédémone, & qu'elle attaqua la Sicile; elle en avoit vingt mille, lorsque Démétrius de Phalere les dénombra, comme dans un marché l'on compte les esclaves. Quand Philippe osa dominer dans la Grece, les Atheniens le craignirent non pas comme l'ennemi de la liberté, mais des plaisirs. Ils avoient fait une loi pour punir de mort celui qui proposeroit de convertir aux usages de la guerre, l'argent destiné pour les théatres.

Enfin le principe de la démocratie se corrompt, non - seulement lorsqu'on perd l'esprit d'égalité, mais encore lorsqu'on prend l'esprit d'égalité extrème, & que chacun veut être égal à celui qu'il choisit pour lui commander: pour lors, le peuple ne pouvant souffrir le pouvoir qu'il confie, veut tout faire par lui - même, délibérer pour le sénat, exécuter pour les magistrats, & dépouiller tous les juges. Cet abus de la démocratie se nomme avec raison une véritable ochlocratie. Voyez ce mot. Dans cet abus, il n'y a plus d'amour de l'ordre, plus de moeurs, en un mot plus de vertu: alors il se forme des corrupteurs, de petits tyrans qui ont tous les vices d'un seul; bien - tôt un seul tyran s'éleve sur les autres, & le peuple perd tout jusqu'aux avantages qu'il a cru tirer de sa corruption.

Ce seroit une chose bienheureuse si le gouvernement populaire pouvoit conserver l'amour de la vertu, l'exécution des lois, les moeurs, & la frugalité; s'il pouvoit éviter les deux excès, j'entens l'esprit d'inégalité qui mene à l'aristocratie, & l'esprit d'égalité extrème qui conduit au despotisme d'un seul: mais il est bien rare que la démocratie puisse longtems se préserver de ces deux écueils. C'est le sort de ce gouvernement admirable dans son principe, de devenir presque infailliblement la proie de l'ambition de quelques citoyens, ou de celle des étrangers, & de passer ainsi d'une précieuse liberté dans la plus grande servitude.

Voilà presque un extrait du livre de l'esprit des lois sur cette matiere; & dans tout autre ouvrage que celui - ci, il auroit suffi d'y renvoyer. Je laisse aux lecteurs qui voudront encore porter leurs vûes plus loin, à consulter le chevalier Temple, dans ses aeuvres posthumes; le traité du gouvernement civil de Locke, & le discours sur le gouvernement par Sidney. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DEMOGORGON (Page 4:818)

* DEMOGORGON, s. m. (Myth.) vieillard qui habitoit dans les entrailles de la terre, au milieu du chaos & de l'éternité. Sa solitude l'ennuya, & il fit un petit globe sur lequel il s'assit & s'éleva dans l'espace. Il forma le ciel dans un autre moment d'ennui. Il tira de la terre une petite portion de limon enflammé qu'il plaça dans l'espace, & les ténebres disparurent. La nuit, le jour, & le tartare, naqui<cb-> rent des regards du Soleil sur la terre. Demogorgon engendra de lui - même Pan, les trois parques, la Discorde, & l'Erebe. Toute cette cosmogonie n'est qu'un embleme de la création, sous des images. très générales & très - grandes.

DEMOISELLE DE NUMIDIE (Page 4:818)

DEMOISELLE DE NUMIDIE, s. f. (Hist. nat. Ornit.) oiseau très - différent du coq d'Inde, que l'on appelle aussi avis Numidica, car ils sont tous les deux originaires d'Afrique. On a donné à celui dont il s'agit ici, les noms de demoiselle, bateleur, danseur, bousson, parasite, baladin, & comédien, à cause des attitudes singulieres & pour ainsi dire affectées, que prend la demoiselle de Numidie. On prétend qu'elle imite autant qu'elle le peut les gestes qu'elle voit faire aux hommes; & on a rapporté que les chasseurs qui veulent prendre ces oiseaux, se frottent les yeux en leur présence avec de l'eau qu'ils tirent d'un vase, & qu'ensuite ils s'éloignent en emportant ce vase, auquel ils en substituent un autre pareil qui est plein de glu. Les demoiselles de Numidie viennent auprès du nouveau vase, & se collent les piés & les yeux avec la glu, en imitant les gestes qu'elles ont vû faire aux hommes. Cet oiseau ressemble beaucoup à celui que les anciens ont décrit sous les noms de Scops, d'Olus, & d'Asio.

M. Perrault a donné la description de six demoiselles de Numidie. Elles furent disséquées apres être mortes dans la ménagerie de Versailles; tous ceux qui les y avoient vûes vivantes, disoient que leurs gestes & leurs sauts avoient quelque rapport à la danse des Bohémiennes, & que ces oiseaux sautoient en suivant les gens qu'ils rencontroient, de façon qu'ils sembloient vouloir plûtôt se faire regarder, que se faire donner à manger.

Ces demoiselles de Numidie avoient aux côtés des oreilles des appendices de plumes blanches de trois pouces & demi de longueur, & composées de fibres longues & déliées: tout le reste du plumage étoit de couleur grise & cendrée, excepté quelques plumes de la tête & du cou, & les grandes plumes des ailes qui étoient d'un gris fort brun à l'endroit où la plume est découverte. L'un de ces oiseaux avoit sur la tête une huppe de plumes longues d'un pouce & demi; dans les autres, les côtés de la tête étoient garnis de plumes noires & courtes. On voyoit un filet de plumes blanches, qui commençoit à l'angle extérieur de l'oeil, & qui s'etendoit au - dessous des appendices de plumes qui étoient aux côtés des oreilles. Il y avoit au - devant du cou un bouquet de plumes noires qui pendoit sur l'estomac, de la longueur de neuf pouces. Ces oiseaux avoient trois pies & demi de longueur, depuis le bout du bec jusqu'à l'extrémité des piés; le bec étoit droit & pointu; il avoit deux pouces de long, & le cou quatorze pouces. La longueur de la patte avoit vingt pouces depuis l'extrémité de l'os de la cuisse jusqu au bout du plus grand doigt. Les yeux étoient grands, & les paupieres garnies de petites plumes noires. Il y avoit sur le devant des jambes de grandes écailles formées en tables, dont la longueur étoit de cinq lignes, & la largeur de quatre, & des écailles plus petites & de figure hexagone, derriere les jambes. La plante du pié étoit grenée comme du chagrin; le doigt du milieu qui étoit le plus grand avoit quatre phalanges. Le plus petit qui étoit en - dehors en avoit cinq. Le moyen en avoit trois, & étoit en - dedans; celui de derriere en avoit deux. Les ongles étoient noirs & un peu crochus. Mém. pour servir à l'hist. nat. des animaux, II. partie. Voyez Oiseau. (I)

Demoiselle (Page 4:818)

Demoiselle, julis Rond. Italis donzellina & zigurella, (Hist. nat. Ichthyol.) petit poision de mer. Toute la face supérieure du corps est poire depuis le bec jusqu'à la queue; une bande bieue s'étend sur le milieu des côtes du corps, depuis la tête jusqu'à

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