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II. Cette fonction peut être lésée de trois manieres: elle peut se faire trop rarement; elle peut se faire trop fréquemment, & l'exercice peut s'en faire inutilement.
L'évacuation des excrémens est diminuée & se fait trop peu dans la constipation, c'est - à - dire lorsque le ventre est resserré: 1°. par le vice des matieres qui doivent être évacuées; si elles le sont par une autre voie, comme dans le vomissement, dans la passion iliaque; si elles sont si dures. si compactes, si épaisses qu'elles résistent à l'action propulsive des intestins, qui tend à les porter vers l'extrémité du canal; si par le défaut de la bile trop peu active ou trop peu abondante, cette action n'est pas excitée. 2°. Par le vice des organes qui concourent à exécuter la déjection, c'est - à - dire du diaphragme & des muscles abdominaux; s'ils sont enflammés, s'ils sont affectés de douleur, ou si en se contractant ils occasionnent de la douleur dans quelqu'autre partie: dans ces cas la déjection ne peut pas se faire faute du secours des puissances nécessaires à cet effet.
La déjection est au contraire augmentée, c'est - à - dire qu'elle se fait trop souvent & trop abondamment dans les cours - de - ventre, qui sont de différente espece, comme la diarrhée stercoreuse, la bilieuse, la séreuse; la dyssenterie, la lienterie, la passion coeliaque, le colera - morbus, &c. 1°. parce que les matieres fécales étant trop ténues & trop fluides, parcourent plus facilement & plus promptement le canal intestinal, & s'évacuent de même. 2°. Parce qu'ayant plus d'acrimonie qu'à l'ordinaire, elles excitent plus fortement & plus vîte la contraction musculaire qui sert à les expulser. 3°. Parce que les intestins étant enflammés, ulcérés, excoriés, ont plus de sensibilité, & sont par conséquent susceptibles d'être plus promptement & plus aisément excités à se contracter.
Enfin la déjection est dépravée lorsque les organes se mettent en jeu pour la faire, mais avec des efforts
III. La matiere des déjections la plus naturelle, selon Hippocrate, est molle, liée, assez compacte, de couleur tirant sur le roux, qui n'est pas d'une odeur bien forte, dont la quantité est proportionnée à celle des alimens, & que l'on rend à - peu - près dans des tems égaux: tout homme qui se porte bien, dit M. Haller, urine peu, sue peu, rend peu de matieres sécales, mais il transpire beaucoup. Parmi les signes généraux de santé tirés de l'exercice des fonctions, Boerhaave (instit. semeiot.) dit que le ventre doit être paresseux, & la matiere seche sans incommodité; c'est une preuve que les alimens sont bien digerés, & qu'ils ont été tellement atténués, qu'il reste peu de matiere grossiere pour former les excrémens; ce qui passe de superflu dans le sang se dissipe insensiblement. On a vû des hommes en tres - bonne sante se plaindre d'avoir le ventre resserré & sec: ils étoient fâchés de ce qui étoit un bien pour eux; car c'est un signe d'un tempérament robuste. Il y a des gens en tres - bonne santé qui ne se vuident le ventre qu'une fois par semaine; au contraire plus on est de tempérament foible, plus on rend de matiere fécale & plus on la rend liquide.
IV. Il résulte de ce qui vient d'être dit de la matiere des déjections dans l'état naturel, qu'elles doivent être réglées par rapport à la consistance, à la couleur, à l'odeur, à la quantité, & à l'ordre de l'évacuation: lors, par conséquent, qu'elles pechent par le défaut de quelqu'une de ces conditions, elles sont contre nature: plus les excrémens sont différens de ce qu'ils sont en santé, plus il y a de danger dans la maladie. Il est très - nécessaire à un medecin d'observer ces changemens, parce qu'il peut en tirer des prognostics très - essentiels pour juger de l'évenement; mais il doit avoir attention à distinguer les différences qui se présentent dans la matiere des déjections, qui peuvent être l'effet des remedes qui ont été précédemment mis en usage, & dans celle des déjections que la nature de la maladie occasionne, sans autre cause étrangere.
Toutes les observations d'Hippocrate, qui ont fourni la matiere de son admirable livre des Prénotions de Cos, ne sont fondées que sur les opérations de la nature dans les maladies. Les évacuations qui se font par la voie des intestins, sont de très - grande conséquence; aussi ont - elles fixé particulierement l'attention de ce prince des medecins. Il a décrit avec tant d'exactitude les symptomes qui accompagnent & qui suivent les différentes excrétions faites par la voie des selles, qu'il a mis les medecins qui sont venus après lui, en état de prédire, à la [p. 772]
Il se dépose naturellement dans les intestins une
grande quantité d'humeurs différentes, qui par conséquent
peut - être aussi évacuée par cette voie; savoir
la salive, la mucosité de la bouche, du gosier, des
narines, de l'oesophage, du ventricule; le suc gastrique,
intestinal; la lymphe pancréatique, les deux
biles, & la mucosité de tous les boyaux: outre la
matiere séreuse, atrabilaire du sang, & des visceres
des hypocondres; comme aussi toute matiere purulente
des abcès, qui se forme dans les premieres
voies, ou qui y est portée d'ailleurs, soit critique,
soit symptomatique: il ne peut rien être mêlé dans
la masse des humeurs, qui soit contre nature, sans
causer du trouble dans l'oeconomie animale; le chyle
même, sans être vicié, dès qu'il est seulement
trop abondant, y cause des dérangemens indiqués
par l'inquiétude, l'agitation, la chaleur, &c. qui
succedent: à plus forte raison survient - il du desordre
lorsqu'il a quelque vice essentiel, ou qu'il entre
dans le sang toute autre matiere nuisible. La nature
ou le méchanisme du corps humain est disposé de
maniere qu'il ne peut souffrir rien d'étranger, ou
qui acquiert des qualités étrangeres, sans qu'il s'y
fasse des mouvemens extraordinaires qui tendent à
le chasser dehors. Si c'est un humeur morbifique,
elle est poussée par l'action des vaisseaux, selon la
différence de sa consistence & de sa mobilité, vers
quelqu'un des émonctoires généraux; ou bien elle est
déposée en quelqu'endroit particulier où elle ne puisse
plus léser les fonctions principales. Voy.
Cet axiome est d'un grand usage dans la pratique, il apprend comment on peut connoître que le corps humain s'évacue avec avantage des mauvaises humeurs qui y étoient ramassées, & meme de la trop grande abondance des bonnes: mais quand il est purgé de ces matieres nuisibles ou superflues, si l'évacuation continue, elle cesse d'être utile, elle
Il y a lieu d'espérer que les déjections sont salutaitaires, lorsqu'elles surviennent après la coction de la matiere morbifique, lorsque la nature a commencé à se rendre supérieure à la cause de la maladie: celles au contraire qui se font pendant l'augment, sont plûtôt symptomatiques que critiques, & nuisent aussi plus qu'elles ne sont utiles.
Si la maladie tourne à bien, les déjections prennent
aussi de meilleures qualités en général. C'est à ce
propos qu'Hippocrate a dit:
Voilà pour les évacuations du ventre en général. Pour ce qui regarde les différentes qualités des déjections, qui sont toutes mauvaises, par des raisons qu'il seroit trop long de détailler ici, on se bornera à en exposer quelques - unes de chaque espece de déjection viciée.
Prosper Alpin, lib. VII. cap. xj. de proesag. vitâ
& morte, les décrit ainsi:
Selon Galien, cela arrive parce qu'ils ont été trop retenus, & à cause de la chaleur brûlante des entrailles. S'il se joint à cela de violens symptomes, & qu'il y ait quelqu'autre mauvais signe, l'excrétion de ces matieres fécales en devient un mortel.
Entre les excrémens liquides, Hippocrate regarde comme mauvais ceux qui sont d'une consistance aqueuse. Dans les prognostics, suivant ce que dit Galien, c'est un signe de crudité: ils sont mortels dans les maladies bilieuses, & dans celles qui sont accompagnées de violens symptomes.
Une telle matiere ne peut qu'être toûjours de
très - mauvais signe, parce qu'il est toûjours très nuisible
que la substance du corps se consume & que
la graisse se dissipe; ce qui est une preuve d'une
grande chaleur dans les maladies aigues, & d'une
fin prochaine, s'il se joint à cela quelqu'autre mauvais
signe. Dans une maladie plus bénigne, c'est un
signe que la maladie sera de durée.
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