ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"771"> à se porter vers l'orifice du rectum ou l'anus, dont le sphincter, qui ne peut opposer que l'élasticité de ses fibres, n'offre par conséquent qu'une foible résistance; ainsi les excrémens pressés de toute part sont poussés vers cet orifice: le diaphragme & les muscles abdominaux, d'antagonistes qu'ils sont ordinairement, deviennent congeneres pour concourir aussi à l'expulsion des matieres fécales, sur - tout quand elle ne se fait qu'avec peine: l'air étant retenu dans la poitrine par l'élevation continuée des côtes, ses muscles se contractent & diminuent la capacité du bas - ventre, pressent tous les visceres; & les matieres mobiles dans la situation où elles ont été représentées, sont déterminées vers la seule partie qui est dans le relâchement; le sphincter de l'anus n'étant soûtenu que par sa contractibilité, dès qu'elle est surmontée il se dilate, les excrémens tombent hors du corps avec facilité, par leur propre poids & par la position perpendiculaire du rectum, dont la surface intérieure est unie, sans valvules. Le boyau s'évacue entierement par ce méchanisme à différentes reprises: les muscles de l'anus, qui par leur position ont aussi favorisé son ouverture, servent ensuite à le relever & à lui rendre sa précédente situation, d'où il avoit été poussé en - dehors par la pointe du cone que forme la colonne des matieres fécales ainsi moulées dans le canal intestinal; c'est là ce qui se passe dans l'état de santé. Lorsque les excrémens sont plus ou moins solides, il faut plus ou moins de forces combinées pour leur expulsion, laquelle étant entierement finie, le sphincter relevé se ferme, reste contracté comme il étoit auparavant, & sert de nouveau à soûtenir les matieres qui arrivent presque sans cesse dans le rectum, pour empêcher qu'il ne s'en fasse une évacuation continuelle.

II. Cette fonction peut être lésée de trois manieres: elle peut se faire trop rarement; elle peut se faire trop fréquemment, & l'exercice peut s'en faire inutilement.

L'évacuation des excrémens est diminuée & se fait trop peu dans la constipation, c'est - à - dire lorsque le ventre est resserré: 1°. par le vice des matieres qui doivent être évacuées; si elles le sont par une autre voie, comme dans le vomissement, dans la passion iliaque; si elles sont si dures. si compactes, si épaisses qu'elles résistent à l'action propulsive des intestins, qui tend à les porter vers l'extrémité du canal; si par le défaut de la bile trop peu active ou trop peu abondante, cette action n'est pas excitée. 2°. Par le vice des organes qui concourent à exécuter la déjection, c'est - à - dire du diaphragme & des muscles abdominaux; s'ils sont enflammés, s'ils sont affectés de douleur, ou si en se contractant ils occasionnent de la douleur dans quelqu'autre partie: dans ces cas la déjection ne peut pas se faire faute du secours des puissances nécessaires à cet effet.

La déjection est au contraire augmentée, c'est - à - dire qu'elle se fait trop souvent & trop abondamment dans les cours - de - ventre, qui sont de différente espece, comme la diarrhée stercoreuse, la bilieuse, la séreuse; la dyssenterie, la lienterie, la passion coeliaque, le colera - morbus, &c. 1°. parce que les matieres fécales étant trop ténues & trop fluides, parcourent plus facilement & plus promptement le canal intestinal, & s'évacuent de même. 2°. Parce qu'ayant plus d'acrimonie qu'à l'ordinaire, elles excitent plus fortement & plus vîte la contraction musculaire qui sert à les expulser. 3°. Parce que les intestins étant enflammés, ulcérés, excoriés, ont plus de sensibilité, & sont par conséquent susceptibles d'être plus promptement & plus aisément excités à se contracter.

Enfin la déjection est dépravée lorsque les organes se mettent en jeu pour la faire, mais avec des efforts inutiles, comme dans le tenesme, ce qui arrive 1°. parce que certaines matieres ou humeurs plus irritantes qu'elles ne sont ordinairement, sont attachées, adhérentes à l'extrémité du rectum, ce qui excite à l'exercice de la déjection; comme la mucosité intestinale trop âcre & salée; le pus qui flue d'un ulcere ou d'une fistule du boyau, les vers ascarides qui le picotent, &c. 2°. parce que le rectum farci d'hémorrhoides ou rongé par les matieres âcres que fournit le flux dyssentérique est d'un sentiment plus vif, ce qui le rend susceptible des moindres impressions, qui ne l'auroient aucunement affecté dans l'état naturel: 3°. parce que les parties qui sympathisent avec le rectum, c'est - à - dire, qui ont la même distribution de vaisseaux, de nerfs, souffrent ou sont affectés de quelqu'autre maniere, ce qui donne lieu par communication à ce que l'on fasse des efforts pour la déjection, comme dans le cas du calcul qui irrite la vessie, dans le cas du foetus qui dilate l'orifice interne de la matrice. Alors ce n'est que par sympathie que l'on se sent envie d'aller à la selle, envie sans effet: il est aisé, avec un peu d'attention, de se convaincre qu'il n'y a pas d'autre cause. Astruc, pathol.

III. La matiere des déjections la plus naturelle, selon Hippocrate, est molle, liée, assez compacte, de couleur tirant sur le roux, qui n'est pas d'une odeur bien forte, dont la quantité est proportionnée à celle des alimens, & que l'on rend à - peu - près dans des tems égaux: tout homme qui se porte bien, dit M. Haller, urine peu, sue peu, rend peu de matieres sécales, mais il transpire beaucoup. Parmi les signes généraux de santé tirés de l'exercice des fonctions, Boerhaave (instit. semeiot.) dit que le ventre doit être paresseux, & la matiere seche sans incommodité; c'est une preuve que les alimens sont bien digerés, & qu'ils ont été tellement atténués, qu'il reste peu de matiere grossiere pour former les excrémens; ce qui passe de superflu dans le sang se dissipe insensiblement. On a vû des hommes en tres - bonne sante se plaindre d'avoir le ventre resserré & sec: ils étoient fâchés de ce qui étoit un bien pour eux; car c'est un signe d'un tempérament robuste. Il y a des gens en tres - bonne santé qui ne se vuident le ventre qu'une fois par semaine; au contraire plus on est de tempérament foible, plus on rend de matiere fécale & plus on la rend liquide.

IV. Il résulte de ce qui vient d'être dit de la matiere des déjections dans l'état naturel, qu'elles doivent être réglées par rapport à la consistance, à la couleur, à l'odeur, à la quantité, & à l'ordre de l'évacuation: lors, par conséquent, qu'elles pechent par le défaut de quelqu'une de ces conditions, elles sont contre nature: plus les excrémens sont différens de ce qu'ils sont en santé, plus il y a de danger dans la maladie. Il est très - nécessaire à un medecin d'observer ces changemens, parce qu'il peut en tirer des prognostics très - essentiels pour juger de l'évenement; mais il doit avoir attention à distinguer les différences qui se présentent dans la matiere des déjections, qui peuvent être l'effet des remedes qui ont été précédemment mis en usage, & dans celle des déjections que la nature de la maladie occasionne, sans autre cause étrangere.

Toutes les observations d'Hippocrate, qui ont fourni la matiere de son admirable livre des Prénotions de Cos, ne sont fondées que sur les opérations de la nature dans les maladies. Les évacuations qui se font par la voie des intestins, sont de très - grande conséquence; aussi ont - elles fixé particulierement l'attention de ce prince des medecins. Il a décrit avec tant d'exactitude les symptomes qui accompagnent & qui suivent les différentes excrétions faites par la voie des selles, qu'il a mis les medecins qui sont venus après lui, en état de prédire, à la [p. 772] faveur des connoissances qu'il leur a transmises, les diverses manieres dont les maladies doivent se terminer, lorsque les mêmes cas qu'il a observés se présentent dans la pratique.

Il se dépose naturellement dans les intestins une grande quantité d'humeurs différentes, qui par conséquent peut - être aussi évacuée par cette voie; savoir la salive, la mucosité de la bouche, du gosier, des narines, de l'oesophage, du ventricule; le suc gastrique, intestinal; la lymphe pancréatique, les deux biles, & la mucosité de tous les boyaux: outre la matiere séreuse, atrabilaire du sang, & des visceres des hypocondres; comme aussi toute matiere purulente des abcès, qui se forme dans les premieres voies, ou qui y est portée d'ailleurs, soit critique, soit symptomatique: il ne peut rien être mêlé dans la masse des humeurs, qui soit contre nature, sans causer du trouble dans l'oeconomie animale; le chyle même, sans être vicié, dès qu'il est seulement trop abondant, y cause des dérangemens indiqués par l'inquiétude, l'agitation, la chaleur, &c. qui succedent: à plus forte raison survient - il du desordre lorsqu'il a quelque vice essentiel, ou qu'il entre dans le sang toute autre matiere nuisible. La nature ou le méchanisme du corps humain est disposé de maniere qu'il ne peut souffrir rien d'étranger, ou qui acquiert des qualités étrangeres, sans qu'il s'y fasse des mouvemens extraordinaires qui tendent à le chasser dehors. Si c'est un humeur morbifique, elle est poussée par l'action des vaisseaux, selon la différence de sa consistence & de sa mobilité, vers quelqu'un des émonctoires généraux; ou bien elle est déposée en quelqu'endroit particulier où elle ne puisse plus léser les fonctions principales. Voy. Coction, Crise. Dans le premier cas, elle peut acquérir un degré de densité & de ténacité, tel qu'avec un degré de mouvement proportionné à la résistance des couloirs des intestins, elle les pénetre, & se porte, en parcourant les conduits secrétoires & excrétoires, jusque dans la cavité des boyaux: elle peut être également adaptée aux couloirs du foie, & se jetter dans la même cavité par les conduits qui portent la bile dans le canal intestinal; ainsi des autres voies, par lesquelles il peut se faire qu'elle y soit portée par la suite d'une opération assez semblable à celle des secrétions dans l'état naturel. Voy. Secretion. Cette matiere viciée ne peut pas être laissée dans les boyaux, elle y est aussi étrangere que dans le reste du corps; elle excite par conséquent la contraction des fibres musculaires des boyaux, qui la porte hors du corps par le même méchanisme que les excrémens ordinaires, à proportion de sa consistance. Elle sort avec différentes qualités, selon sa différente nature: de - là les différens prognostics qu'elle fournit. Il n'en sera présenté ici que quelques - uns pour exemple; c'est Hippocrate qui les fournira, ils ne pourroient pas venir de meilleure main.

« Dans tous les mouvemens extraordinaires du ventre, qui s'excitent d'eux - mêmes, si la matiere qui est évacuée est telle qu'elle doit être pour le bien des malades, ils en sont soulagés, & soùtiennent sans peine l'évacuation: c'est le contraire, si l'évacuation n'est pas salutaire. Il faut avoir égard au climat, à la saison, à l'âge & à l'espece de maladie, pour juger si l'évacuation convient ou non ». Aphor. ij. sect. 1.

Cet axiome est d'un grand usage dans la pratique, il apprend comment on peut connoître que le corps humain s'évacue avec avantage des mauvaises humeurs qui y étoient ramassées, & meme de la trop grande abondance des bonnes: mais quand il est purgé de ces matieres nuisibles ou superflues, si l'évacuation continue, elle cesse d'être utile, elle nuit; c'est ce que déclare Hippocrate dans ses Prorrhetiques, liv. II. chap. jv. Il regarde comme très pernicieux les longs cours de ventre, soit bilieux, soit pituiteux ou indigestes: il recommande de ne pas le laisser durer plus de sept jours sans y apporter remede.

Il y a lieu d'espérer que les déjections sont salutaitaires, lorsqu'elles surviennent après la coction de la matiere morbifique, lorsque la nature a commencé à se rendre supérieure à la cause de la maladie: celles au contraire qui se font pendant l'augment, sont plûtôt symptomatiques que critiques, & nuisent aussi plus qu'elles ne sont utiles.

Si la maladie tourne à bien, les déjections prennent aussi de meilleures qualités en général. C'est à ce propos qu'Hippocrate a dit: « Les déjections sont moins fluides, prennent de la consistance, quand la maladie tend à une terminaison salutaire ».

Voilà pour les évacuations du ventre en général. Pour ce qui regarde les différentes qualités des déjections, qui sont toutes mauvaises, par des raisons qu'il seroit trop long de détailler ici, on se bornera à en exposer quelques - unes de chaque espece de déjection viciée.

Prosper Alpin, lib. VII. cap. xj. de proesag. vitâ & morte, les décrit ainsi: « Par rapport à leur substance, elles peuvent être très - différentes; il y en a dont la matiere est trop dure, rude, liquide, visqueuse, aqueuse, grasse, écumeuse, inégale, mêlangée, pure & colliquative. Par rapport à leurs couleurs, il y en a dont la matiere est blanche, bilieuse, jaune, safranée, rousse, verte, poracée, livide, sanglante, noire, & de différente couleur. Par rapport à l'odeur, il y en a de très - puantes, d'autres qui le sont peu, d'autres qui ne le sont point du tout. Par rapport à la quantité, il y a des déjections très - abondantes, très - fréquentes; d'autres peu copieuses, & qui ne se répetent pas souvent; d'autres qui sont supprimées. Par rapport au tems de l'excrétion, les unes ont lieu au commencement de la maladie, d'autres dans l'augment. Ces dernieres sont le plus souvent mauvaises, parce qu'elles précedent la coction; elles indiquent l'abondance des crudités ». L'auteur des prorrhétiques, lib. I. parle ainsi des déjections de matiere dure:

« Si le ventre étant resserré, rend par nécessité des excrémens en petite quantité, qui soient durs, noirs & tortillés, & qu'il survienne en même tems un flux de sang par les narines, c'est mauvais signe ».

Selon Galien, cela arrive parce qu'ils ont été trop retenus, & à cause de la chaleur brûlante des entrailles. S'il se joint à cela de violens symptomes, & qu'il y ait quelqu'autre mauvais signe, l'excrétion de ces matieres fécales en devient un mortel.

Entre les excrémens liquides, Hippocrate regarde comme mauvais ceux qui sont d'une consistance aqueuse. Dans les prognostics, suivant ce que dit Galien, c'est un signe de crudité: ils sont mortels dans les maladies bilieuses, & dans celles qui sont accompagnées de violens symptomes.

« Si la matiere des excrémens est gluante, blanche, un peu safranée, en petite quantité, & légere, elle est mauvaise,» dit Hippocrate dans son liv. II. des Prognostics.

Une telle matiere ne peut qu'être toûjours de très - mauvais signe, parce qu'il est toûjours très nuisible que la substance du corps se consume & que la graisse se dissipe; ce qui est une preuve d'une grande chaleur dans les maladies aigues, & d'une fin prochaine, s'il se joint à cela quelqu'autre mauvais signe. Dans une maladie plus bénigne, c'est un signe que la maladie sera de durée.

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