ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Les priviléges que Philippe le Bel avoit accordés en 1304 à l'évêque de Mende & aux ecclésiastiques de ce diocèse, & qui furent confirmés par Charles V. au mois de Juillet 1373, contiennent entr'autres dispositions, que pendant le tems que l'évêque de Mende & les ecclésiastiques de son diocèse payeront les decimes & subventions qu'ils ont accordées au roi, ils ne payeront point les autres décimes que le pape pourra lui octroyer; ce qui fournit une nouvelle preuve que nos rois levoient des décimes & autres subventions sans le consentement du pape.

Clément VII. qui siégeoit à Avignon, accorda en 1382 des décimes à Louis duc d'Anjou, qui étoit régent du royaume à cause du bas âge du roi Charles VI. son neveu; ces décimes furent employées à la guerre que le régent entreprit pour conquérir le royaume de Naples.

Il accorda encore en 1392 à ce même duc d'Anjou, qu'il venoit de couronner roi de Naples, une autre décime sur le clergé de France; ce qui fut fait du consentement de Charles VI. L'université de Paris s'y opposa vainement; cette décime fut levée.

Le duc d'Orléans & le duc de Bourgogne, qui eurent successivement le gouvernement du royaume, tenterent en 1402 de faire une levée sur le clergé, de même que sur les autres sujets du roi; mais l'archevêque de Reims & plusieurs autres prélats s'y étant opposés, celle - ci n'eut pas lieu à l'égard du clergé.

Quelques auteurs disent que du tems de Charles VI. le clergé divisa ses revenus en trois parts, une pour l'entretien des églises & bâtimens, l'autre pour les ecclésiastiques, & la troisieme pour aider le roi dans ses guerres contre les Anglois: mais les choses changerent par rapport aux Anglois, au moyen de la treve faite avec eux en 1383; & depuis ce tems ils devinrent si puissans en France, qu'en 1421 les états du royaume accorderent à Charles VI. & à Henri V. roi d'Angleterre, qui prenoit la qualité d'héritier & de régent du royaume, attendu la maladie de Charles VI. une taille de marcs d'argent, tant sur les ecclésiastiques que sur les nobles, bourgeois, & autres personnes aisées: cette taille fut imposée par les commissaires des deux rois.

Le duc de Bethford, régent du royaume pour le roi d'Angleterre, voulut en 1428 prendre les biens donnés à l'église depuis 40 ans; mais le clergé s'y opposa si fortement, que le duc changea de dessein.

Aux états assemblés à Tours en 1468, le clergé promit à Louis XI. de le secourir de prieres & oraisons, & de son temporel pour la guerre de Bretagne, laquelle n'eut pas de suite; ce qui fait croire à quelques - uns que les offres du clergé n'eurent pas d'effet; mais ce qui peut faire penser le contraire, est que le roi accorda l'année suivante au pape une décime, comme nous l'avons dit en parlant des décimes papales. Voyez aussi plus bas Decimes papales.

On publia sous Louis XII. en 1501, une croisade contre les Tures qui faisoient la guerre aux Vénitiens, & on leva à cette occasion une décime sur le clergé de France.

Jusqu'ici les décimes n'étoient point encore ordinaires; les subventions que le clergé payoit dans les besoins extraordinaires de l'état, étoient qualifiées, tantôt de dixme ou décime, & tantôt d'aide ou subside, de dixieme, centieme, cinquantieme, taille, &c. Les assemblées du clergé, par rapport à ces contributions, étoient peu fréquentes, & n'avoient point de forme certaine ni de tems préfix; mais en 1516 les choses changerent de face; la négociation du concordat passé entre Léon X. & François I. donna lieu à une bulle du 16 mai 1516, par laquelle, sous prétexte que le Ture menaçoit la chrétienté, le pape permit au roi la levée d'une décime sur le clergé de France; le motif exprimé dans la bulle est que le roi avoit dessein de passer en Orient; mais ce motif n'étoit qu'un prétexte, François I. ne pensant guere à passer les mers. On fit à cette occasion un département ou répartition de cette décime par chaque diocçse sur tous les bénéfices; & ce département est souvent cité, ayant été suivi, du moins en partie, dans des assemblées du clergé; il y a cependant eu depuis un autre département en 1641, qui fut rectifié en 1646.

On tient communément que c'est depuis ce tems que les décimes sont devenues annuelles & ordinaires, il paroît cependant qu'elles ne l'etoient point encore en 1557, puisqu'Henri II. en créant alors des receveurs des deniers extraordinaires & casuels, leur donna pouvoir entr'autres choses de recevoir les dons gratuits & charitatifs équipollens à décimes.

Ce qui est de certain, c'est que la taxe imposée en 1516 sur tous les bénéfices fut réitérée plusieurs fois sous le titre de don gratuit & de charitatif équipollent à décime.

Les lettres patentes de François I. du 24 Septembre 1523, sont mention que le roi avoit demandé depuis peu un subside de 1200 mille livres tournois à tous archevêques, évêques, prélats, & autres gens ecclésiastiques, pour la solde des troupes levées pour la défense du royaume: on trouve même dans ces lettres qu'il y avoit eu une imposition dès 1518, & il ne paroît point qu'il y eût aucun consentement du pape.

En 1527, lorsqu'il fut question des affaires d'Espagne pour le traité de Madrid, en l'assemblée du parlement où étoient le chancelier & les députés de six parlemens; la cour, du consentement, vouloir & opinion des presidens & conseillers des autres parlemens, & d'un commun accord, ordonna que la réponse seroit faite au roi, qu'il pouvoit saintement & justement lever sur ses sujets, savoir l'église, la noblesse, peuple, exempts & non exempts, deux millions d'or pour la délivrance de ses enfans (qui étoient restés prisonniers), & pour le fait de la guerre contre l'empire.

Au lit de justice tenu le 20 Décembre de la même année, où étoient plusieurs évêques, le cardinal de Bourbon dit que l'Eglise pourroit donner & faire présent au roi de 130000 livres.

Le premier président répliqua qu'il n'étoit homme qui n'eût dit que leroi devoit lever les deux millions d'or sur l'Eglise, la noblesse, &c. Il voulut traiter si les gens d'église pouvoient être contraints de contribuer; mais le cardinal de Bourbon craignit l'examen d'une prétention que le clergé avoit toujours cherché à éviter par des offres: le cardinal, dit le registre, lui a clos la bouche, vû l'offre qu'il a fait, & de traiter & entretenir l'église en sa liberté, & ses prérogatives, prééminences & franchises, disant que le roi le devoit faire, mais qu'ils peuvent & doivent raisonnablement contribuer pour le cas qui s'ossie, sans se conseiller ni attendre le consentement du pape.

Il y eut là - dessus deux avis: l'un de demander en particulier aux évéques & prélats ce qu'ils voudroient donner de leur chef, & de les exhorter d'assembler ensuite leur clergé pour imposer sur eux ce qu'ils pouvoient raisonnablement porter; l'avis le plus nombreux fut que l'église & la noblesse devoient contribuer, & n'en devoient point être exempts; combien, est - il dit, qu'ils soient francs, que la portion du clergé devoit se lever par décimes pour accélérer; qu'il convenoit que le roi choisît cinq ou six archevêques & évêques, autant de princes & nobles, & autant des cours souveraines, pour faire la distribution, assiete & départ de l'imposition, & ensuite dépêcher des mandemens aux archevêques, évêques, & autres prélats, pour faire lever sur eux & sur leur [p. 676] clergé les sommes qui leur seroient imposées, pourquoi le roi leur donnera main - forte.

La guerre qui se préparoit contre la France en 1534, obligea encore François I. de s'aider du revenu temporel de l'église: il témoigne à la vérité par ses lettres patentes du 12 Février, que c'est à son très - grand regret; mais il marque en même tems le danger qui menaçoit le royaume, & le service auquel seroient tenus les propriétaires des fiefs s'ils etoient hors les mains des ecclésiastiques; & par ce motif il enjoint à tous officiers royaux de faire saisir pour cette fois seulement, & sans tirer à conséquence, le tiers du temporel des chapitres, colléges & communautés, & la moitié de celui des archevêques, évêques, abbés, prieurs, & de leurs couvens.

Les ecclésiastiques n'eurent main - levée de cette saisie qu'en offrant, suivant leur usage, trois décimes, payables moitié à la Toussaints, & moitié à Noël; & le roi par une déclaration du 28 Juillet 1535 en exempta les conseillers - clercs du parlement.

Il est vrai que cette déclaration, & une autre du 19 Août suivant, en faveur du commis au greffe civil du parlement, qualifient ces trois décimes de don gratuit & charitatif équipollent à trois décimes accordées par le clergé: mais François I. se mettoit peu en peine de ces qualifications, pourvû qu'il eût ce qu'il demandoit; & l'adresse de ces deux déclarations qui est faite à la chambre des comptes ou autres commissaires commis & députés par le roi pour oüir les comptes du don gratuit, fait assez sentir que l'imposition se levoit par autorité du roi.

On continua de lever des décimes jusqu'au decès de François I. comme il paroît par trois déclarations des 7 Décembre 1542, Février 1543, & 19 Mai 1547, dont la premiere ordonne que les décimes des gens d'église & autres deniers extraordinaires seront portés ou envoyés aux recettes générales des finances par les receveurs de ces deniers, aux dépens des gens d'église; la seconde attribue la connoissance des comptes des décimes à la chambre des comptes, ce qui prouve de plus en plus que ces impositions étoient faites de l'autorité du roi; & la troisieme donnée par Henri II. fait mention des décimes levées en l'année précédente qui étoit 1546.

Les décimes subsisterent pareillement sous Henri II. puisque par la déclaration dont on vient de parler du 19 Mai 1547, il en exempte les conseillers - clercs du parlement de Paris, & que par une déclaration du 15 Février de la même année, il en exempte de même les conseillers - clercs du parlement de Roüen.

La déclaration du 19 Septembre 1547, contient un réglement pour les décimes du diocèse de Bourges; & celle du 21 Avril 1550, contient un semblable réglement pour le diocèse de S. Brieux.

Lors du lit de justice tenu par Henri II. le 22 Février 1551, ce prince ayant exposé la nouvelle guerre qu'il étoit prêt d'avoir, le cardinal de Bourbon dit en s'adressant au roi, qu'oyant les grandes offres que lui faisoit la noblesse de sa vie & de ses biens ....... que le clergé avoit deux choses, l'une l'oraison & priere, que la seconde étoient les biens temporels dont le roi & ses prédécesseurs les avoient si libéralement départis; que la veille ils s'étoient assemblés jusqu'à six cardinaux & environ trente archevêques & évêques, qui tout d'un commun accord avoient arrêté de donner au roi si grande part en leurs biens, qu'il auroit matiere de contentement, assûrant S. M. que si les corps n'étoient voüés à Dieu & à la religion, ils ne lui en feroient moindres offres que la noblesse.

Les déclarations des 6 & 20 Janvier 1552, contiennent des réglemens pour la perception des décimes dans les diocèses de Chartres & d'Evreux, ce qui suppose que dans le même tems on en levoit aussi dans les autres diocèses.

Le clergé accorda encore à Henri II. en 1557 six cents mille écus; le roi de son côté, par un édit du mois de Juin, créa un office de receveur pour le roi de toutes les impositions extraordinaires, y compris les dons gratuits des ecclésiastiques; & par ses déclarations des 8 Décembre, 3 & 4 Janvier 1558, il exempta les conseillers au parlement, & quelques autres personnes, des décimes, dons, octroys charitatifs équipollens à icelles à lui accordés, & qui l'avoit ordonné être levés sur le clergé de son royaume pour cette année (1558.)

C'est ainsi que les décimes furent levées jusqu'en 1561, sans qu'il y eût aucune assemblée fixe du clergé, ni aucun contrat passé à ce sujet avec le roi; & l'on voit par l'analyse qui a été faite des différens réglemens intervenus sur cette matiere, que l'on confondoit alors avec les décimes, les dons gratuits ou dons charitatifs que l'on qualifioit d'équipollens à décimes.

Ce ne fut que depuis le contrat de Poissy en 1561, que ces deux objets commencerent à être distingués.

Les prélats qui étoient alors assemblés à Poissy pour le fameux colloque qui se tint avec les ministres de la religion prétendue réformée, firent au nom de tout le clergé de France un contrat avec le roi, qu'on a appellé le contrat de Poissy, par lequel ils s'engagerent à payer au roi 1600000 livres par an pendant six années, & de racheter dans dix ans 630 mille livres de rente au principal de sept millions cinq cent soixante mille livres, dont l'hôtel - de - ville de Paris étoit chargé envers divers particuliers qui avoient prêté de l'argent au roi: c'est - là l'origine des rentes sur le clergé, qui ont depuis été augmentées au moyen des divers contrats passés entre le roi & le clergé. Nous n'entrerons point ici dans le détail de ces rentes, qui sera mieux placé au mot Rentes.

Le clergé ayant été obligé de s'assembler plusieurs fois, tant pour l'exécution du contrat de Poissy, que par rapport aux nouvelles subventions qui furent demandées au clergé dans l'intervalle de l'exécution du contrat de Poissy; les assemblées du clergé devinrent depuis ce tems plus fréquentes, sans néanmoins qu'il y eût encore rien de fixé pour le tems de leur tenue.

Ce ne fut qu'au commencement du siecle dernier qu'il fut reglé que les assemblées générales qui se tiennent pour renouveller le contrat de Poissy, se feroient tous les dix ans, d'où on les appelle décennales: les assemblées qui se font pour régler les comptes se tenoient d'abord tous les deux ans, ensuite on les a fixé de cinq ans en cinq ans.

Dans l'assemblée du clergé tenue à Melun en 1579, où fut établie la forme d'administration qui subsiste encore présentement; le clerge prétendit avoir rempli tous les engagemens qu'il avoit pris par le contrat de Poissy, & que ses députés n'avoient pû l'engager au - delà par des actes postérieurs.

Cependant au mois de Février 1680, il fut passé un nouveau contrat avec le roi, par lequel le clergé s'obligea de payer pendant six ans 1300000 livres pour satisfaire au payement de 1206322 livres de rentes dûes sur les hôtels - de - villes de Paris & de Toulouse, & le surplus être employé au rachat de partie de ces rentes.

Le terme pris par le contrat de Poissy & par celui de 1580, qui étoit en tout de seize années, étant expiré, il fut renouvellé à Paris par le clergé le 3 Juin 1586 pour dix années, & depuis ce tems il a toûjours été renouvellé de dix ans en dix ans.

Ces contrats ne different les uns des autres, qu'en ce que les rentes dont le clergé est chargé ont au<pb->

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