ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"671"> res & extraordinaires qui se font sut le clergé, quoiqu'elles soient communément beaucoup au - dessous du dixieme de leur revenu.

Les croisades pour lesquelles on faisoit ces levées sur le clergé, n'avoient lieu d'abord que contre les infideles. On en fit ensuite contre les hérétiques & contre les excommuniés; & ce fut autant d'occasions pour lever des décimes.

Les papes en levoient aussi pour les guerres qu'ils avoient personnellement contre quelques princes chrétiens, qu'ils faisoient passer pour ennemis de l'Eglise. Les Souverains qui partageoient ordinairement le profit de ces impositions, consentoient qu'elles fussent levées dans leurs états par les officiers du pape. On voit par une lettre de Philippe - Auguste aux églises de Sens datée de l'an 1210 au mois de Mars, qu'il accorda une aide sur le clergé de France à Innocent III. pour la guerre que celui - ci avoit contre l'empereur Othon IV. On ne peut pas dire à quoi montoit cette aide; car le pape & roi s'en remettoient à la discrétion du clergé.

Boniface VIII. imposa en 1295 sur les églises de France une décime - centieme, & voulut s'approprier certains legs; il avoit même déjà commis deux personnes pour en faire la perception, mais Philippele - Bel ne le voulut pas souffrir; & le pape ayant consenti que cet argent demeurât en sequestre, le roi défendit à ceux qui en étoient dépositaires d'en rien donner que par ses ordres. On verra dans un moment la suite qu'eut cette affaire, en parlant des décimes levées par Philippe - le - Bel.

Pendant que le saint - siége fut à Avignon, les papes traitant de guerres saintes celles qu'ils avoient contre leurs compétiteurs, tenterent plusieurs fois de lever des décimes en France, mais ce fut le plus souvent sans succès; ou s'ils en obtinrent quelqu'une, ce sut par la permission du roi.

Ce fut dans cette circonstance que Jean XXII. sollicita long - tems Charles IV. dit le Bel, pour obtenir de lui la permission de lever des décimes en France. Charles - le - Bel après l'avoir plusiears fois refusée, la lui accorda enfin en 1326; mais à condition de partager par moitié le produit de ces decimes.

L'anti - pape, Pierre de Lune, qui prit le nom de Benoît XIII. accorda en 1399, du consentement du roi Charles VI. une décime fort lourde au patriarche d'Alexandrie, pour le rembourser des dépenses qu'il disoit avoir fait pour l'Eglise. Les ecclésiastiques s'y opposerent; mais les grands du royaume, qui pendant la maladie de Charles VI. avoient tout pouvoir, tinrent la main à cette levée, dont on prétend qu'ils eurent la meilleure part.

Ce même Benoît XIII. imposa en 1405 sur le clergé de France, une décime pour l'union de l'Eglise qui étoit alors agitee par un schisme qui dura prés de 50 ans; mais le parlement de Paris par un arrêt de 1406, défendit à tous les ecclésiastiques & autres de payer aucune subvention au pape, au moyen dequoi cette décime ne fut point levée.

Alexandre V. fit aussi demander au roi par son légat, en 1409, deux décimes sur le clergé pour les nécessités du saint - siége; à quoi l'université s'opposa au nom de toutes les églises du royaume, & la demande du légat fut rejettée.

La même chose fut encore tentée par Jean XXIII. en 1410, & ce fut pour cette fois sans succès: mais en 1411 il obtint du consentement du roi, des princes, des prélats, & de l'université, un demi - dixieme payable moitié à la Madeleine, moitié à la Pentecôte suivante.

Le concile de Bâle ordonna en 1433 la levée d'un demi - dixieme sur le clergé; & il y a lieu de croire que cette levée se sit dans toute la chrétienté, vû que le concile travailloit pour toute l'Eglise.

Calixte III. obtint aussi en 1456 de Charles VII. la permission de lever une décime sur le clergé de France pour la guerre contre les Turcs; il écrivit au roi le premier Mai de la même année, pour le remercier d'avoir permis cette levée. M. Patru, en son mémoire sur les décimes, croit pourtant que celle - ci n'eut pas lieu.

Mais on trouve une preuve du contraire dans ce qui se passa par rapport à Pie II. car ce pape ayant demandé en 1459 aux ambassadeurs de Charles VII. qu'on lui accordât une nouvelle taxe sur le clergé de France; les ambassadeurs lui répondirent qu'ils n'avoient point de pouvoir, & que son prédécesseur ayant obtenu depuis peu une pareille levée, on ne lui en accorderoit pas une nouvelle; & en effet, celle qu'il proposoit n'eut pas lieu.

On trouve encore qu'en 1469, Louis XI. à la recommandation du cardinal Ballüe, permit au pape de lever en France une décime qui montoit à 127 mille livres; & depuis ce tems, les décimes papales n'ont plus eu lieu en France.

Pour revenir aux décimes royales, on a déja vû que les premieres levées auxquelles on donna le nom de décime, surent faites sur tous les sujets du roi indistinctement.

Pour ce qui est des subventions fournies par le clergé en particulier, quelques - unes furent appellées aides, & non pas décimes, soit parce qu'elles n'étoient pas du dixieme, ou plûtôt parce qu'on ne dónnoit alors le nom de décimes qu'aux levées qui se faisoient pour les guerres saintes.

Toutes les décimes & autres subventions payées par les esclésiastiques, soit pour les guerres saintes, soit pour les autres besoins de l'état, ont toûjours été levées de l'autorité de nos rois, & jusqu'au regne de Charles IX. elles se faisoïent sans attendre le consentement du clergé. Il n'y avoit même point encore d'assemblées particulieres du clergé, telles que celles qui se font aujoud'hui pour traiter de ses contributions; car les conciles & les synodes ayant pour objet les matieres de foi & de diseipline ecclésiastique; si l'on y traitoit quelquefois du temporel de l'église, ce n'étoit que par occasion; ou si le clergé s'assembloit quelquefois pour délibérer sur les subventions qui lui etoient demandées, une ou deux assemblées consommoient l'assaire; & ces assemblées n'avoient rien de fixe, ni pour le tems de leur séance, ni pour la forme.

Les premieres décimes ayant été levées pour des croisades ou guerres saintes, les papes, pour étendre leur pouvoir, prirent de - là occasion de donner des bulles pour approuver ces sortes de levées, comme si leur permission ou consentement eût eté nécessaire; ils avoient aussi quelquefois pour but d'obtenir une partie de ces décimes, ou la permission d'en lever quelque autre pour eux.

Nos rois permettoient la publication de ces bulles, tant par respect & par déférence pour le saint siége, que pour engager plus facilement les ecclésiastiques à leur fournir les subventions dont ils avoient besoin; mais elies étoient toûjours toutes levées de l'autorité du roi & par ses officiers; il y eut même dès - lors plusieurs occasions où on en leva de la seule autorité du roi sans l'intervention d'aucune bulle des papes, & ceux - ci ont eux - mêmes reconnu solemnellement que nos rois sont en droit de faire de telles levées sur le clergé pour les besoins de l'état, sans la permission du saint siége; & depuis plus de deux siecles il n'a paru en France aucune bulle des papes pour autoriser les décimes & autres subventions, soit ordinaires ou extraordinaires qui se levent sur le clergé. [p. 672]

Quelques exemples de ce qui s'est passé à ce sujet sous chaque regne justifieront ce que l'on vient d'avancer.

Nous reprendrons la suite des faits à Philippe Auguste, sous lequel il y eut quatre décimes levées en France.

La premiere fut la dixme saladine en 1188, qui se leva, comme on l'a vû ci - devant, sur toutes sortes de personnes.

La seconde fut l'aide qu'il accorda en 1210 à Innocent III. pour la guerre que ce pape avoit contre Othon IV.

Il y en eut une troisieme à l'occasion d'un second voyage d'outremer, pour lequel le pape & le roi permirent de lever sur toutes sortes de personnes le vingtieme de leurs biens. Baudouin, comte Flandres, s'étant croisé avec plusieurs princes & seigneurs de tous les états chrétiens, au lieu d'aller à la terre sainte, s'étant par occasion arrêté à Constantinople, prit cette ville, & se rendit maître de l'empire d'Orient: Innocent III. pour faciliter cette expédition, se taxa lui - même aussi - bien que les cardinaux, & ordonna que tous les ecclésiastiques payeroient pendant trois ans le vingtieme de tous leurs revenus; il modéra depuis cette taxe au quarantieme, du moins pour les églises de France. Honorius III. son successeur, dans une lettre par lui écrite aux archevêques du royaume en 1217 ou 1218, dit que pour la guerre d'outremer, il avoit, dès son avénement au pontificat, ordonné la levée d'un vingtieme sur tous les biens du clergé de France & de tous les autres états de la chrétienté; que le roi qui s'étoit croisé pour la guerre des Albigcois lui demandoit le vingtieme qui devoit se prendre sur les ecclésiastiques de son royaume; & après avoir exprimé son embarras, ne voulant ni éconduire le roi, ni détourner les deniers de leur destination, il applique la moitié de ce vingtieme pour la guerre d'outremer, & l'autre pour la guerre des Albigeois.

Enfin, il paroît par des lettres de Philippe Auguste, de l'an 1214, qu'en faveur de la croisade entreprise par Jean, roi d'Angleterre, il y eut sous ce regne une quatrieme décime; que le roi avoit promis d'employer la quarantieme partie de ses revenus d'une année; que cela se fit à la priere des croisés & de tout le clergé; que personne ne devoit être exempt de cette contribution, mais que le roi en s'engageant d'envoyer ce secours marqua que c'étoit absque consuetudine, c'est - à - dire sans tirer à conséquence pour l'avenir.

Le regne de Louis VIII. qui ne fut pas de longue durée, ne nous offre qu'un seul exemple de levée faite sur le clergé en 1226, & qui fut probablement employée à la guerre des Albigeois.

Depuis ce tems les besoins de l'état se multipliant, les levées sur le clergé devinrent aussi plus fréquentes.

Les mémoriaux de la chambre des comptes font mention que S. Louis s'étant croisé en 1245, le pape lui accorda en cette considération premierement les décimes de six années, & ensuite de trois autres années.

Innocent IV. dans une bulle de l'an 1252, dit qu'il avoit ci - devant accordé à ce prince pour sa délivrance deux décimes entieres, c'est - à - dire qui étoient réellement du dixieme du revenu du clergé, au lieu que la plûpart des décimes étoient beaucoup moindres; le pape ajoûte que ces deux décimes n'étoient pas encore tout - à - fait payées, & il permet d'achever de les lever en la maniere que le royaume avisera, à condition que ceux qui avoient payé les deux décimes ne payeroient rien sur ce nouvel ordre de levée, & que ceux qui payeroient sur ce nouvel ordre ne payeroient rien des deux décimes.

Urbain IV. accorda, du consentement de S. Louis, à Charles d'Anjou son frere, comte de Provence, & depuis roi de Naples, une autre décime pour la guerre contre Mainfroy qui avoit usurpé le royaume de Naples; c'est ce que l'on voit dans deux lettres écrites par Urbain IV. à S. Louis, vers l'an 1263 ou 1264, dans lesquelles le pape prie le roi d'avancer à son frere l'argent qui devoit revenir de cette décime qui ne pourroit être levée qu'avec beaucoup de tems, ce que l'état des affaires ne permettoit pas d'attendre.

Dans une autre lettre que ce même pape écrivit éncore à S. Louis à - peu - près vers le même tems, on voit qu'Alexandre IV. son prédécesseur, avoit du consentement du roi, imposé un centieme sur le clergé pour la terre - sainte; en effet le pape prie S. Louis d'aider au plûtôt d'une partie de ce centieme Godefroy de Sarcenes qui soutenoit alors presque seul les affaires d'outremer.

Ainsi en moins de 20 ans, S. Louis tira du clergé treize décimes ou subventions.

Sous Philippe III. dit le Hardi, son fils & son successeur, il y en eut deux différentes.

L'une fut celle qu'il obtint de Grégoire X. au concile de Lyon en 1274: elle étoit destinée pour la terre - sainte, & fut accordée pour six années: l'exécution en fut donnée au cardinal Simon, alors légat en France, qui fut depuis le pape Martin IV.

L'autre lui fut accordée en 1283 dans une célebre assemblée d'états tenus à Paris, où le roi accepta pour son fils le royaume d'Arragon, & prit la croix des mains du cardinal Cholet légat du pape.

Les longues guerres que Philippe - le - Bel eut à soûtenir tant contre Pierre d'Arragon que contre les Flamands, l'Angleterre, & l'Empire, l'obligerent de lever plusieurs décimes, tant sur le clergé que sur ses autres sujets. On en compte au moins 21 dans le cours de son regne, qui fut d'environ 28 années.

On voit dans l'histoire de Verdun que Martin IV. accorda à ce prince une décime sur toutes les églises du diocèse de Verdun, & de plusieurs autres de l'Allemagne; & qu'Honorius IV. en accorda la quatrieme partie à l'empereur Rodolphe.

Nicolas IV. en accorda une autre à Philippe - le - Bel en 1289 pour la guerre d'Arragon, & suivant le mémorial crux, le roi prêta au pape le quart des deniers de cette décime qui n'avoit été accordée qu'à condition que le pape en auroit 200000 liv.

Le même mémorial fait mention d'une autre décime de quatre ans qui fut accordée au roi pour les affaires d'Arragon & de Valence.

Ce même prince, pour subvenir, tant aux frais de la guerre contre les Anglois, qu'aux autres nécessités de l'état, fit en 1295 une imposition d'abord du centieme, & ensuite du cinquantieme sur tous les biens du royaume, tant du clergé du royaume que sur ses autres sujets: ces impositions ne se percevoient pas seulement à proportion du revenu, mais du fond des biens - meubles & immeubles, de sorte que le centieme du fond revenoit à - peu - près à la décime ou dixieme du revenu, & le cinquantieme à une double décime.

Boniface VIII. voulut de sa part lever aussi pour lui une décime, mais Philippe - le - Bel s'y opposa, comme on l'a déjà observé en parlant des décimes papales: le ressentiment que le pape en concut contre Philippe - le - Bel, fit qu'il chercha à le traverser dans la levée du centieme & du cinquantieme, du moins par rapport au clergé; ce fut dans cette vûe qu'il donna en 1296 la fameuse bulle clericis laicos, par laquelle il défendoit aux ecclesiastiques de payer aucun subside aux princes sans l'autorité du saint siége, à peine d'excommunication dont l'absolution seroit réservée au pape seul. Cette bulle fit agiter pour la premiere fois si les biens de l'église éto ent

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