ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"639"> certains cas à certaines prépositions. Il falloit nécessairement qu'après la préposition le nom parût pour la déterminer: or le nom nè pouvoit être énoncé qu'avec quelque - une de ses termiaisons. La distribution de ces terminaisons entre les prépositions, a été faite en chaque langue au gré de l'usage.

Or il est arrivé en latin seulement, que l'usage a affecté aux prépositions à, de, ex, pro, &c. une terminaison particuliere du nom; ensorte que cette terminaison ne paroît qu'après quelque - une de ces prépositions exprimées ou sousentendues: c'est cette terminaison du nom qui est appellée ablatif dans les rudimens latins. Sanctius & quelques autres grammairiens l'appellent casus proepositionis, c'est - à - dire cas affecté uniquement non à toutes sortes de prépositions, mais seulement à une douzaine; de sorte qu'en latin ces prépositions ont toûjours un ablatif pour complément, c'est - à - dire un mot avec lequel elles font un sens déterminé ou individuel, & de son côté l'ablatif ne forme jamais de sens avec quelqueune de ces prépositions.

Il y en a d'autres qui ont toûjours un accusatif, & d'autres qui sont suivies tantôt d'un accusatif & tantôt d'un ablatif; ensorte qu'on ne peut pas dire que l'ablatif soit tellement le cas de la préposition, qu'il n'y ait jamais de préposition sans un ablatif: on veut dire seulement qu'en latin l'ablatif suppose toûjours quelqu'une des prépositions auxquelles il est affecté.

Or dans les déclinaisons greques, il n'y a point de terminaison qui soit affectée spécialement & exclusivement à certaines prépositions, ensorte que cette terminaison n'ait aucun autre usage.

Tout ce qui suit de - là, c'est que les noms grecs ont une terminaison de moins que les noms lans.

A contraire les verbes grecs ont un plus grand nombre de terminaisons que n'en ont les verbes lafins. Les Grecs ont deux aoristes, deux futurs, un paulo post futur. Les Latins ne connoissent point ces tems - là. D'un autre côté les Grecs ne connoissent point l'ablatif. C'est une terminaison particuliere aux noms latins, affectée à certaines prépositions.

Ablativus latinis proprius, undè & latinu; Varroni appellatur: ejus enim vim groecorum genitivus susnet qui eâ de causâ & apud latinos haud rarò blativi vicem obit. Gloss. lat. grae. voc. ablat. Ablativus proprius st Romanorum. Priscianus, lib. V. de casu p. 50. verso

Ablativi formâ groeci carent, non vi. Caninii Hellenismi, pag. 87.

Il est vrai que les Grecs rendent la valeur de l'ablatif latin par la maniere établie dans leur langue, formâ carent, non vi; & cette maniere est une préposition suivie d'un nom qui est, ou au génitif, ou au datif, ou à l'accusatif, suivant l'usage arbitraire de cette langue, dont les noms ont cinq cas, & pas davantage, nominatif, génitf, datif, accusatif, & vocatif.

Lorsqu'au renouvellement des lettres les Grammairiens Grecs apporterent en Occident des connoissances plus détaillées de la langue greque & de la grammaire de cette langue, ils ne firent aucune mention de l'ablatif; & telle est la pratique qui a été généralement suivie par tous les auteurs de rudimens grecs.

Les Grecs ont destiné trois cas pour déterminer les prépositions: le génitif, le datif, & l'accusatif. Les Latins n'en ont consacré que deux à cet usage; savoir l'accusatif & l'ablatis.

Je ne dis rien de tenus qui se construit souvent avec un génitif pluriel en vertu d'une ellipse: tout cela est purement arbitraire. « Les langues, dit un philosophe, ont été formées d'une maniere artificielle, à la vérité; mais l'art n'a pas été conduit par un esprit philosophique »: Loquela artificiosè, non tamen accuratè & philosophicè fabricata. (Guillel. Occhami, Logicoe proefat.) Nous ne pouvons que les prendre telles qu'elles sont.

S'il avoit plû à l'usage de donner aux noms grecs & aux noms - latins un plus grand nombre de terminaisons différentes, on diroit avec raison que ces langues ont un plus grand nombre de cas: la langue arménienne en a jusqu'à dix, selon le témoignage du P. Galanus Théatin, qui a demeuré plusieurs années en Arménie. (Les ouvrages du P. Galanus ont été imprimés à Rome en 1650; ils l'ont été depuis en Hollande).

Ces terminaisons pourroient être encore en plus grand nombre; car elles n'ont été inventées que pour aider à marquer les diverses vûes sous lesquelles l'esprit considere les objets les uns par rapport aux autres.

Chaque vûe de l'esprit qui est exprimée par une préposition & un nom, pourroit être énoncée simplement par une terminaison particuliere du nom. C'est ainsi qu'une simple terminaison d'un verbe passif latin équivaut à plusieurs mots françois: amamur, nous sommes aimés; elle marque le mode, la personne, le nombre, le tem, & cette terminaison pourroit être telle, qu'elle marqueroit encore le genre, le lieu, & quelque autre circonstance de l'action ou de la passion.

Ces vûes particulieres dans les noms peuvent être multipliées presque à l'infini, aussi - bien que les manieres de signifier des verbes, selon la remarque de la méthode même de P. R. dans la dissertation dont il s'agit. Ainsi il n'a pas été possible que chaque vûe particuliere de l'esprit fût exprimée par une terminaison particuliere & unique, ensorte qu'un même mot eût autant de terminaisons particulieres, qu'il y a de vûes ou de circonstunces différentes sous lesquelles il peut être considéré.

Je tire quelques conséquences de cette observation.

I°. Les différentes dénominations des terminaisons des noms grecs ou latins, ont été données à ces terminaisons à cause de quelqu'un de leurs usages, mais non exclusivement: je veux dire que la même terminaison peut servir également à d'autres uages qu'à celui qui lui a fait donner sa dénomination, sans qu'on change pour cela cette dénomination. Par exemple en latin, dare aliquid alicui, donner quelque chose à quelqu'un, alicui est au datif; ce qui n'empêche pas que lorsqu'on dit en latin, rem alicui demere, adimere, eripere, detrahere, ôter, ravir, enlever quelque chose à quelqu'un, alicui ne soit pas également au datif; de même soit qu'on dise, accusare aliquem, accuser quelqu'un, ou aliquem culpâ liberare, ou de re aliquâ purgare, justifier quelqu'un, aliquem est dit également être à l'accusatif.

Ainsi les noms que l'on a donnés à chacun des cas distinguent plûtôt la différence de la terminaison, qu'ils n'en marquent le service: ce service est déterminé plus particulierement par l'ensemble des mots qui forment la proposition.

II°. La dissertation de la méthode de P. R. p. 476, dit que ces différences d'offices, c'est - à - dire les expressions de ces différentes vûes de l'esprit peuvent être réduites à six en toutes les langues: mais cette observation n'est pas exacte, & l'on sent bien que l'auteur de la méthode de P. R. ne s'exprime ainsi que par préjugé; je veux dire qu'accoûtumé dans l'enfance aux six cas de la langue latine, il a cru que les autres langues n'en devoient avoir ni plus ni moins que six.

Il est vrai que les six différentes terminaisons des mots latins, combinées avec des verbes ou avec des prépositions, en un mot ajustées de la maniere qu'il plaît à l'usage & à l'analogie de la langue latine, suf<pb-> [p. 640] fisent pour exprimer les différentes vûes de l'esprit de celui qui sait énoncer en latin; mais je dis que celui qui sait assez bien le grec pour parler ou pour écrire en grec, n'a besoin que des cinq terminaisons des noms grecs, disposées selon la syntaxe de la langue greque; car ce n'est que la disposition ou combinaison des mots entre eux, selon l'usage d'une langue, qui fait que celui qui parle excite dans l'esprit de celui qui l'écoute la pensée qu'il a dessein d'y faire naître.

Dans telle langue les mots ont plus ou moins de terminaisons que dans telle autre; l'usage de chaque langue ajuste tout cela, & y regle le service & l'emploi de chaque terminaison, & de chaque signe de rapport entre un mot & un mot.

Celui qui veut parler ou écrire en arménien a besoin des dix terminaisons des noms arméniens, & trouve que les expressions des différentes vûes de l'esprit peuvent être réduites à dix.

Un Chinois doit connoître la valeur des inflexions des mots de sa langue, & savoir autant qu'il lui est possible le nombre & l'usage de ces inflexions, aussi bien que des autres signes de sa langue.

Enfin ceux qui parlent une langue telle que la nôtre où les noms ne changent point leur derniere syllabe, n'ont besoin que d'étudier les combinaisons en vertu desquelles les mots forment des sons particuliers dans ces langues, sans se mettre en peine des six différences d'office à quoi la méthode de P. R. dit vainement qu'on peut réduire les expressions des différentes vùes de l'esprit dans toutes les langues.

Dans les verbes hébreux il y a à observer, comme dans les noms, les trois genres, le masculin, le feminin, & le genre commun: ensorte que l'on connoît par la terminaison du verbe, si c'est d'un nom masculin ou d'un féminin que l'on parle.

Verborum hebraicorum tria sunt genera, ut in nominibus, masculinum, femininum, & commune; variè enim pro ratione ac genere personarum verba terminantur. Undè per verba facile est cognoscere nominum, à quibus reguntur, genus. Francisci Masclef, gram. heb. cap. iij. art. 2. pag. 74.

Ne seoit il pas deraisonnable d'imaginer une sorte d'analogie pour trouver quelque chose de pareil dans les verbes des autres langues?

Il me paroît que l'on tombe dans la même faute, lorsque pour trouver je ne sai quelle analogie entre la langue greque & la langue latine, on croit voir un ablatif en grec.

Qu'il me soit permis d'ajoûter encore ici quelques réflexions, qui éclairciront notre question.

En latin l'accusatif peut être construit de trois manières différentes, qui font trois différences spéciales dans le nom, suivant trois sortes de rapports que les choses ont les unes avec les autres. Meth. greq. ibid. pag. 474.

1°. L'accusatif peut être construit avec un verbe actif: vidi Regem, j'ai vû le Roi.

2°. Il peut être construit avec un infinitif, avec lequel il forme un sens total équivalent à un nom. Hominem esse solum non est bonum: Il n'est pas bon que l'homme soit seul. Regem victoriam retulisse, mihi dictum fuit: le Roi avoir remporté la victoire, a été dit à moi: on m'a dit que le Roi avoit remporté la victoire.

3°. Enfin un nom se met à l'accusatif, quand il est le complément d'une des trente prépositions qui ne se construisent qu'avec l'accusatif.

Or que l'accusatif marque le terme de l'action que le verbe signifie, ou qu'il fasse un sens total avec un infinitif, ou enfin qu'il soit le complément d'une préposition, en est - il moins appellé accusatis?

Il en est de même en grec du génitif, le nom au génitif détermine un autre nom; mais s'il est après une préposition, ce qui est fort ordinaire en grec, il devient le complément de cette préposition. La préposition greque suivie d'un nom grec au génitif, forme un sens total, un ensemble qui est équivalent au sens d'une préposition latine suivie de son complément à l'ablatif: dirons - nous pour cela qu'alors le génitif grec soit un ablatif? La méthode greque de P. R. ne le dit pas, & reconnoit toûjours le génitif après les prépositions qui sont suivies de ces cas. Il y a en grec quatre prépositions qui n'en ont jamais d'autres: EC, AVTI/, PRO/, AWO/, n'ont que le génitif; c'est le premier vers de la regle VI. c. ij. l. VII. de la méthode de P. R.

N'est - il pas tout simple de tenir le même langage à l'égard du datif grec? Ce datif a d'abord, comme en latin, un premier usage: il marque la personne à qui l'on donne, à qui l'on parle, ou par rapport à qui l'action se fait; ou bien il marque la chose qui est le but, la sin, le pourquoi d'une action. l'A/DIA WAVTA QEW= (supple E)I\SI, sunt) toutes choses sont faciles à Dieu, QEW= est au datif, selon la méthode de P. R. mais si je dis WARA\ TW= QEW=, apud Deum, QEW sera à l'ablatif, selon la méthode de P. R. & ce qui fait cette différence de dénomination selon P. R. c'est uniquement la préposition devant le datif: car si la même préposition étoit suivie d'un géntif ou d'un accusatif, tout Port - Royal reconnoitroit alors ce génitif pour génitif. PARA\ QEW=N XAI A)IQRWN, devant les dieux & devant les hommes, QEW=N & ANQRW/WN ce sont - là des génitifs selon P. R. malgré la préposition ARA\. Il en est de même de l'accusatif PARA/ TOU\S2 PO/DAS2 TW=, A)POTTO/LON, aux piés des apôtres, TOU\S2 PO/DAZ est à l'accusatif, quoique ce soit le complément de la préposition PARA\. Ainsi je persiste à croire, avec Priseien, que ce mot ablatif, dont l'éty mologie est toute latine, est le nom d'un cas particulier aux Latins, proprius est Romanorum, & qu'il est aussi étranger à la grammaire greque, que le mot d'aorisle le seroit à la grammaire latine.

Que penseroit - on en effet d'un grammairien latin qui, pour trouver de l'analogie ente la langue greque & la lanue latine, nous diroit que lorsqu'un prétérit latin répond à un prétérit parfait grec, ce prétérit latin est au prétérit: si honoravi répond à TE/<-> TIXA, honoravi est au prétérit; mais si honoravi répond à ETIA qui est un aoriste premier, alors honoravi sera en latin à l'aoriste premier.

Enfin si honoravi répond à E)/TION, qui est l'aoriste second, honoravi sera à l'aoriste second en latin.

Le datif grec ne devient pas plus ablatif grec pa l'autorité de P. R. que le prétérit latin ne deviendroit aoriste par l'idée de ce grammairien.

Car enfin un nom à la suite d'une préposition, n'a d'autre office que de déterminer la préposition selon la valeur qu'il a, c'est - à - dire selon ce qu'il signifie; ensorte que la préposition ne doit point changer la dénomination de la terminaison du nom qui sit cette préposition; génitif, datif, ou accuatif, selon la destination arbitraire que l'usage fait alors de la terminaison du nom, dans les langues qui ont des cas, car dans celles qui n'en ont point, on ne fait qu'ajouter le nom à la préposition, dans la ville, à l'armée; & l'on ne doit point dire alors que le nom est à un tel cas, parce que ces langues n'ont point de cas; elles ont chacune leur maniere particuliere de marquer les vûes de l'esprit: mais ces manieres ne consistant point dans la désinance ou terminaison des noms, ne doivent point être regardées comme on regarde les cas des Grecs & ceux des Latins; c'est aux Grammairiens qui traitent de ces langues à expliquer les différentes manieres en vertu desquelles les mots combinés font des sens particuliers dans ces langues.

Il est vrai, comme la méthode greque l'a remarqué, que dans les langues vulgaires même les Grammairiens disent qu'un nom est au nominatif ou au gé<pb->

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