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Il est évident que cognite est au vocatif, & que mihi puero est pour à me puero. Dans l'autre vers fratri est aussi au datif, pour à fratre. O Tutieane amate mihi, id est, à me non minus quàm frater amatur fratri, id est, à fratre.
Dolabella qui étoit fort attaché au parti de César, conseille à Cicéron dont il avoit épousé la fille, d'abandonner le parti de Pompée, de prendre les intérêts de César, ou de demeurer neutre. Soit que vous approuviez ou que vous rejettiez l'avis que je vous donne, ajoûte - t - il, du moins soyez bien persuadé que ce n'est que l'amitié & le zele que j'ai pour vous qui m'en ont inspiré la pensée, & qui me portent à vous l'écrire. Tu autem, mi Cicero, si hoec accipies, ut sive probabuntur tibi, sive non probabuntur, ab optimo certe animo ac deditissimo tibi, & cogitata, & scripta esse judices (Cic. epist. lib. IX. ep. jx.), où vous voyez que dans probabuntur tibi, ce tibi n'en est pas moins un véritable datif, quoiqu'il soit pour à te.
Comme dans la langue françoise, dans l'italienne, &c. la terminaison des noms ne varie point, ces langues n'ont ni cas, ni déclinaisons, ni par conséquent de datif; mais ce que les Grecs & les Latins font connoître par une terminaison particuliere du nom, nous le marquons avec le secours d'une préposition, à, pour, par, par rapport à, à l'égard de; rendez à César ce qui est à César, & à Dieu ce qui est à Dieu.
Voici encore quelques exemples pour le latin; itineri paratus & proelio, prêt à la marche & au combat, prêt à marcher & à combattre.
Causa fuit pater his, Horat. Nous disons cause de; mon pere en a été la cause; j'en ai l'obligation à mon pere. Instare operi; rixari non convenit convivio; mihi molestus; paululum supplicii satis est patri; nulli impar; suppar Abrahamo, contemporain à Abraham; gravis senectus sibi - met; la vieillesse est à charge à elle - même.
On doit encore un coup bien observe que le régime des mots se tire du tour d'imagination sous lequel le mot est considéré; ensuite l'usage & l'analogie de chaque langue destinent des signes particuliers pour chacun de ces tours.
Les Latins disent amare Deum; nous disons aimer Dieu, craindre les hommes. Les Espagnols ont un autre tour; ils disent amar à Dios, temer à los hombres, ensorte que ces verbes marquent alors une sorte de disposition intérieure, ou un sentiment par rapport à Dieu ou par rapport aux hommes.
Ces differens tours d'imagination ne se conservent pas toûjours les mêmes de génération en génération, & de siecle en siecle; le tems y apporte des changemens, aussi - bien qu'aux mots & aux phrases. Les enfans s'écartent insensiblement du tour d'imagination & de la maniere de penser de leurs peres, sur - tout dans les mots qui reviennent souvent dans le discours. Il n'y a pas cent ans que tous nos auteurs disoient servir au public, servir à ses amis (Utopie de Th. Morus traduite par Sorbiere, p. 12. Amst. Blaeu, 1643.); nous disons aujourd'hui servir l'état, servir ses amis.
C'est par ce principe qu'on explique le datif de succurrere alicui, secourir quelqu'un; favere alicui, favoriser quelqu'un; studere optimis disciplinis, s'appliquer aux beaux arts.
Il est évident que succurrere vient de currere & de sub; ainsi selon le tour d'esprit des Latins, succurrere alicui, c'étoit courir vers quelqu'un pour lui donner du secours. Quidquid succurrit ad te scribo, dit Cicéron à Atticus, je vous écris ce qui me vient dans l'esprit. Ainsi alicui est là au datif par le rapport de fin; le pourquoi, c'est accourir pour aider.
Favere alicui, c'est être favorable à quelqu'un, c'est être disposé favorablement pour lui, c'est lui vòuloir du bien. Favere, dit Festus, est bona fari; ainsi favent benevoli qui bona fantur ac precantur, dit Vossius. C'est dans ce sens qu'Ovide a dit:
Prospera lux oritur, linguis animisque favete; Nunc dicenda bono sunt bona verba die. Ovid. fast. j. v. 71.
Martinius fait venir faveo de
Studere, c'est s'attacher, s'appliquer constamment
à quelque chose: studium, dit Martinius, est ardens
& stabilis volitio in re aliquâ tractandâ. Il ajoûte que
ce mot vient peut - être du grec
Dans cette phrase françoise, épouser quelqu'un, on diroit, selon le langage des Grammairiens, que quelqu'un est à l'accusatif; mais lorsqu'en parlant d'une fille on dit nubere alicui, ce dernier mot est au datif, parce que dans le sens propre nubere, qui vient de nubes, signifie voiler, couvrir, & l'on sousentend vultum ou se; nubere vultum alicui. Le mari alloit prendre la fille dans la maison du pere & la conduisoit dans la sienne; de - là ducere uxorem domum; & la fille se voiloit le visage pour aller dans la maison de son mari; nubebat se marito, elle se voiloit pour, à cause de; c'est le rapport de fin. Cet usage se conserve encore aujourd'hui dans le pays des Basques en France, aux piés des monts Pyrénées.
En un mot cultiver les lettres ou s'appliquer aux lettres, mener une fille dans sa maison pour en faire sa femme, ou se voiler pour aller dans une maison où l'on doit être l'épouse légitime, ce sont là autant de tours différens d'imagination, ce sont autant de manieres différentes d'analy ser le même fonds de pensée; & l'on doit se conformer en chaque langue à ce que l'analogie demande à l'égard de chaque maniere particuliere d'énoncer sa pensée.
S'il y a des occasions où le datif grec doive être appellé ablatif, comme le prétend la méthode de P. R. En
grec le datif, aussi - bien que le génitif, se mettent
après certaines prépositions, & souvent ces prépositions
répondent à celles des Latins, qui ne se construisent
qu'avec l'ablatif. Or comme lorsque le génitif
détermine une de ces prépositions greques, on ne
dit pas pour cela qu'alors le génitif devienne un ablatif,
il ne faut pas dire non plus qu'en ces occasions
le datif grec devient un ablatif: les Grecs n'ont point
d'ablatif, comme je l'ai dit dans le premier Tome
au mot
Pour éclaircir cette question, il faut commencer par déterminer ce qu'on entend par ablatif; & pour cela il faut observer que les noms latins ont une terminaison particuliere appellée ablatif; musâ, â long, patre, fructu, die.
L'étymologie de ce mot est toute latine; ablatif, d'ablatus. Les anciens Grammairiens nous apprennent que ce cas est particulier aux Latins, & que cette terminaison est destinée à former un sens à la suite de certaines prépositions; >lam patre, ex fructu, de die, &c. [p. 638]
Ces prépositions, clam, ex, de, & quelques autres, ne forment jamais de sens avec les autres terminaisons du nom; la seule terminaison de l'ablatif leur est affectée.
Il est évident que ce sens particulier énoncé ainsi
en Latin avec une préposition, est rendu dans les
autres langues, & souvent même en latin, par des
équivalens, qui à la vérité expriment toute la force
de l'ablatif latin joint à une préposition, mais on ne
dit pas pour cela de ces équivalens que ce soient des
ablatifs; ce qui fait voir que par ce> mot ablatif, on
entend une terminaison particuliere du nom affectée,
non à toutes sortes de prépositions, mais seulement
à quelques - unes: cum prudentiâ, avec prudence;
prudentiâ est un ablatif: l'a final de l'ablatif étoit
prononcé d'une maniere particuliere qui le distinguoit
de l'a du nominatif; on sait que l'a est long à
l'ablatif. Mais prudenter rend à la vérité le même
sens que cum prudentiâ; cependant on ne s'est jamais
avisé de dire que prudenter fût un ablatif: de même
Le sens énoncé en latin par une préposition & un
nom à l'ablatif, est ordinairement rendu en grec par
une préposition; & un nom au génitif,
Ainsi quand on demande si les Grecs ont un ablatif, il est évident qu'on veut savoir si dans les déclinaisons des noms grecs il y a une terminaison particuliere destinée uniquement à marquer le >as qui en latin est appellé ablatif.
On ne peut donner à cette demande aucun autre sens raisonnable; car on sait bien qu'il doit y avoir en grec, & dans toutes les langues, des équivalens qui répondent au sens que les latins rendent par la préposition & l'ablatif. Ainsi quand on demande s'il y a un ablatif en grec, on n'est pas censé demander si les Grecs ont de ces équivalens; mais on demande s'ils ont des ablatifs proprement dits: or aucun des mots exprimés dans les équivalens dont nous parlons, ne perd ni la valeur ni la dénomination qu'il a dans sa langue originale. C'est ainsi que lorsque pour rendre coram patre, nous disons en présence de son pere, ces mots de son pere ne sont pas à l'ablatif en françois, quoiqu'ils répondent à l'ablatif latin patre.
La question ainsi exposée, je répete ce j'ai dit dans l'Encyclopédie, les Grecs n'ont point de terminaison particuliere pour marquer l'ablatif.
Cette proposition est très - exacte, & elle est généralement reconnue, même par la méthode de P. R. p. 49, édit. de 1696, Paris. Mais l'auteur de cette méthode prétend que quoique l'ablatif grec soit toûjours semblable au datif par la terminaison, tant au singulier qu'au plurier, il en est distingué par le régime, parce qu'il est toûjours gouverné d'une préposition expresse ou sousentendue: mais cette prétendue distinction du même mot est une chimere; le verbe ni la préposition ne changent rien à la dénomination déjà donnée à chacune des désinances des noms, dans les langues qui ont des cas. Ainsi puisque l'on convient que les Grecs n'ont point de terminaison particuliere pour marquer l'ablatif, je conclus avec tous les anciens Grammairiens que les Grecs n'ont point d'ablatif.
Pour confirmer cette conclusion, il faut observer qu'anciennement les Grecs & les Latins n'avoient
Les Grecs n'ont rien changé à ce nombre; ils n'ont que cinq cas: ainsi le génitif est toûjours demeuré génitif, le datif toûjours datif, en un mot chaque cas a gardé la dénomination de sa terminaison.
Mais il est arrivé en latin que le datif a eu avec le tems deux terminaisons différentes; on disoit au datif morti & morte,
Postquàm est morte datus Plautus, comoedia luget. Gell. noct. attic. >. 24. . où morte est au datif pour morti.
Enfin les Latins ont distingué ces deux terminaisons; ils ont laissé à l'une le nom ancien de datif, & ils ont donné à l'autre le nom nouveau d'ablatif. Ils ont destiné cet ablatif à une douzaine de prépositions, & lui ont assigné la de>niere place dans les paradigmes des rudimens, ensorte qu'ils l'ont placé le dernier & après le vocatif. C'est ce que nous apprenons dePriscien dans son cinquieme livre, au chapitre de casu. Igitur ablativus proprius est Romanorum, & quia novus videtur à Latinis inventus, vetustati reliquorum casuum concessit. C'est - à - dire qu'on l'a placé après tous les autres.
Il n'est rien arrivé de pareil chez les Grecs; ensorte que leur datif n'ayant point doublé sa terminaison, cette terminaison doit toûjours être appellée datif: il n'y a aucune raison légitime qui puisse nous autoriser à lui donner une autre dénomination en quelque occasion que ce puisse être.
Mais, nous dit - on, avec la méthode de P. R. quand la terminaison du datif sert à déterminer une préposition, alors on doit l'appeller ablatif, parce que l'ablatif est le cas de la préposition, casus proepositionis; ce qui met, disent - ils, une merveilleuse analogie entre la langue greque & la latine.
Si ce raison>ement est bon à l'égard du datif, pourquoi ne l'est - il pas à l'égard du génitif, quand le génitif est précédé de quelqu'une des prépositions qui se construisent avec le génitif, ce qui est fort ordinaire en grec?
Il est même à observer, que la maniere la plus commune de rendre en grec un ablatif, c'est de se servir d'une préposition & d'un génitif.
L'accusatif grec sert aussi fort souvent à déterminer des prépositions: pourquoi P. R. reconnoît - il en ces occasions le génitif pour génitif, & l'accusatif pour accusatif, quoique précédé d'une préposition? & pourquoi ces messieurs veulent - ils que lorsque le datif se trouve précisément dans la même position, il soit le seul qui soit métamorphosé en ablatif? Par ratio paria jura desiderat.
Il y a par - tout dans l'esprit des hommes certaines vûes particulieres, ou perceptions de rapports, dont les unes sont exprimées par certaines combinaisons de mots, d'autres par des terminaisons, d'autres enfin par des prépositions, c'est - à - dire par des mots destinés à marquer quelques - unes de ces vûes; mais sans en faire par eux - mêmes d'application individuelle. Cette application ou détermination se fait par le nom qui suit la préposition; par exemple, si je dis de quelqu'un qu'il demeure dans, ce mot dans énonce une espece ou maniere particuliere de demeurer, différente de demeurer avec, ou de demeur sur ou sous, ou auprès, &c.
Mais cette énonciation est indéterminée: celui à qui je parle en attend l'application individuelle. J'ajoûte, il demeure dans la maison de son pere: l'esprit est satisfait. Il en est de même des autres prépositions, avec, sur, à, de, &c.
Dans les langues où les noms >'ont point de cas, on met simplement le nom après la préposition.
Dans les langues qui ont des cas, l'usage a affecté
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