ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
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le triangle B D E, le côté B E est moindre que la
somme des deux autres B D + D E: or le côté B E
exprime le degré de force des deux cordons réunis
& tortillés pour former une corde, les côtés B D
& D E expriment le degré de force avec lequel chacun
des deux cordons est capable de résister à l'effort
d'un poids.
Autre démonstration. La direction des torons dans
une corde composée de deux, peut être considérée
comme deux torons séparés l'un de l'autre, & auxquels
on donneroit la même direction que les torons
ont dans la corde commise; ainsi les deux torons P
A, P C, 15, feront un angle d'autant plus ouvert,
que la corde sera plus commise; A P C, par exemple,
si elle l'est au tiers; I P L, si elle l'est au quart;
M P N, si elle l'est au cinquieme. Supposons maintenant,
16, que deux différentes personnes soûtiennent
le poids H à l'aide des deux torons P C, P A,
lequel soit capable de rompre chaque toron: l'effort
composé qui résultera des deux forces particulieres
P C, P A, sera représenté par P E, 17, qui est la
diagonale du losange P A, E C; cet effort composé
marque tout le poids que peut soûtenir la corde, &
cependant les deux efforts particuliers représentés
par P C, P A, sont ensemble plus grands que l'effort
composé représenté par P E; c'est néanmoins cet effort
particulier que les cordons ont à supporter. Il y
a donc une partie de l'effort des cordons qui est en
pure perte pour soulever le poids; c'est ce qui devient
sensible par l'inspection de la fig. 18. car on apperçoit
aisément que si la corde étoit plus tortillée,
ou, ce qui est la même chose, si les torons P C, P
A, 18, appr>choient plus de la perpendiculaire à H
E, leur direction étant changée, ils produiroient encore
moins d'effet pour soûlever le poids H: chaque
toron à la vérité aura la même force particuliere,
puisque les lignes P C, P A, n'>auront point changé
de longueur; mais comme les forces particulieres
seront encore plus contraires dans leur direction, &
comme elles >'accorderont moins à agir suivant la
verticale pour soûlever le poids H, ou suivant la direction
de la corde H P, leur effort commun sera
encore plus petit, parce qu'il y aura plus de force
employée suivant une direction latérale, & par conséquent
de perdue pour soûlever le poids H. Enfin
si la direction des cordons P C, P A, 19, étoit perpendiculaire
à H E, l'effort composé seroit anéanti,
& les forces P C, P A, ne tendroient nullement à
soûlever le poids H. Il est évident que le contraire
arriveroit si la corde étoit très - peu commise; car
alors les cordons P C, P A, 20, approchant de la
direction P H, l'effort composé P E deviendroit plus
considérable, & les forces agiroient plus de concert
pour soûlever le fardeau H. Ces cordons P C, P H,
pourroient même être tellement rapprochés l'un de
l'autre, que la diagonale P E qui exprime l'effort composé
seroit presqu'aussi longue que les lignes P C, P
A, qui expriment les forces particulieres. Donc deux
cordes réunies & tortillées pour n'en faire qu'une,
sont moins d'effort pour résister à un poids, que ne
feroient ces deux cordes si elles agissoient séparément
selon leur direction: c'est - à - dire que par le tortillement
qui a assemblé ces deux cordes, chacune
d'elles a perdu une partie du degré de force qu'elle
avoit auparavant pour résister à l'effort d'un poids;
& par conséquent qu'elles sont moins en état de résister
à cet effort, que si elles étoient tirées par un
poids égal selon leur longueur; ce qu'il falloit démontrer.
C'est d'après les même principes que l'auteur que
nous analysons conclut, qu'il y auroit pareillement
de l'avantage à ne raccourcir qu'au quart ou qu'au
cinquieme, au lieu de suivre l'usage, qui est de raccourcir
au tiers. C'est la certitude que le tortille<cb->
ment affoiblit les cordes, qui détermina M. de Musschembroeck à chercher le moyen d'en faire sans
cette condition. Voyez dans M. Duhamel l'examen
de ses tentatives. Lorsqu'il arrive au toupin d'être
rendu auprès de l'attelier avant que le quarré soit
au tiers accordé par le cordier pour le raccourcissement
des fils, ses cordages sont dits par le cordier
commis au tiers moû; & ceux en qui cela n'arrive
pas, sont dits commis au tiers ferme. L'expérience a
fait voir que les premiers étoient les plus forts. Le
tortillement diminue donc toûjours la force des cordes;
mais on ne peut s'en passer: il faut nécessairement
tordre les torons, & avant que de les commettre,
& pendant qu'on les commet. Supposons qu'on
veuille faire une piece de cordage commise, suivant
l'usage ordinaire, au tiers, on ourdira les fils à 180
brasses, pour avoir un cordage de 120 de longueur;
ainsi les fils auront à se raccourcir de 60 brasses par
le raccourcissement des torons qu'on tord, soit avant
de les commettre, soit pendant qu'on les commet.
Nous avons dit que quelques cordiers divisoient en
deux le raccourcissement total, & en employoient
la moitié pour le raccourcissement des torons avant
que d'être commis, & l'autre lorsqu'on les commet:
ainsi, suivant cette pratique, on raccourciroit les
torons de 30 brasses avant que de mettre le toupin,
& des 30 autres brasses pendant que le toupin parcourroit
la longueur de la corderie. Nous avons aussi
remarqué que tous les Cordiers ne suivoient pas
exactement cette pratique, & qu'il y en avoit qui
raccourcissoient leurs torons, avant que de les commettre,
de 40 brasses, & seulement de 20 brasses
pendant l'opération du commettage: c'est assez l'usage
de la corderie de Rochefort. On pourroit penser
que cette derniere pratique auroit des avantages;
car en tordant beaucoup les torons avant que de les
commettre, on augmente l'élasticité des fils, ce qui
fait que quand la corde sera commise elle doit moins
perdre sa ferme, & rester mieux tortillée: quand on
la commettra, le toupin en courra mieux, les hélices
que forment les torons seront plus allongées, &
le tortiliement se distribuera plus également sur toute
la piece. Ceux qui donnent moins de tortillement
aux torons, pourroient aussi appuyer leur pratique
sur des raisons assez fortes: ils pourroient dire qu'ils
fatiguent moins les fils, & qu'ils évitent de donner
trop d'élasticité aux torons: mais l'expérience est
contre eux; elle démontre qu'on augmente la force
des cordes en diminuant le tortillement des torons
avant l'application du toupin. Ainsi un cordier qui
obstinément voudroit commettre ses manoeuvres au
tiers, feroit donc de meilleures cordes s'il ne donnoit
que trois neuviemes de tortillement à ses torons
avant de mettre le toupin, & que six neuviemes
après qu'il l'a mis, ou quand il commet sa corde,
que s'il donnoit pour le raccourcissement de la premiere
opération six neuviemes, & en commettant
seulement trois neuviemes; parce que, sans s'en appercevoir,
il commettroit sa corde beaucoup plus
lâche que le tiers. Cela seroit à merveille pour les
cordages commis au tiers, mais nous croyons qu'il
en seroit autrement pour un cordage commis au
quart ou au cinquieme, c'est ce qu'il faut expliquer.
Si l'on ourdit une piece de cordage qui doit avoir
120 brasses de longueur, & que l'intention soit de la
commettre au tiers, on donne aux fils 180 brasses
de longueur; & pour faire ce cordage comme l'aussiere
E de la premiere expérience, on raccourcit
les torons, avant de mettre le toupin, des deux tiers
du raccourcissement total, c'est - à - dire de 20 brasses,
& ils acquierent assez de force élastique par ce tortillement
pour se bien commettre; il reste 40 brasses
pour commettre la corde, & c'est beaucoup plus
qu'il ne faut pour consommer la force élastique des
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torons. Mais si au lieu de se proposer de commettre
une piece autiers, on la vouloit commettre au quart,
on n'ourdiroit pas les fils à 180 brasses, mais seulement
à 150; & au lieu d'avoir 60 brasses pour le raccourcissement,
on n'en auroit que 30: maintenant si
on vouloit n'employer pour ce cordage, comme
pour le précédent, qu'un tiers du raccourcissement
total pour tordre les torons avant que de mettre le
toupin, on ne devroit dans cette premiere opération
raccourcir les torons que de dix brasses au lieu de
vingt; & alors les torons auroient acquis si peu de
force élastique, que quand on viendroit à ôter la
piece de dessus le chantier, les vingt brasses de tortillement
qu'on auroit données en commettant se
perdroient presqu'entierement; & la corde étant rendue
à elle - même, au lieu d'être commise au quart,
ne le seroit peut - être pas au cinquieme: au contraire
sion avoit raccourci les torons, dans la 1re opération,
de la moitié du raccourcissement total, c'est - à - dire
de 15 brasses, les torons ayant acquis plus de force
élastique, la corde se détortilleroit moins quand elle
seroit rendue à elle - même, & elle resteroit commise
au quart. Il faut donc mettre d'autant plus de tortillement
sur les torons avant de mettre le toupin, qu'on
commet la corde plus lâche: ainsi pour commettre
au cinquieme une corde pareille, le raccourcissement
total étant de 24 brasses, il en faudroit employer
plus de 12 pour le raccourcissement de la
premiere opération, si l'on vouloit avoir une corde
qui ne perdît pas tout son tortillement.
Noms & usages de différens cordages. 1°. Des lignes.
On distingue de quatre sortes de lignes; savoir, 1°.
les lignes à tambour; 2°. les lignes de sonde ou à
sonder; 3°. les lignes de loc; 4°. les lignes d'amarrage.
Les lignes à tambour sont ordinairement faites
avec six fils fins & de bon chanvre, qu'on commet
au roüet & qu'on ne goudronne point. Il n'est pas
besoin de dire que leur usage est de rendre la peau
sonore des caisses ou des tambours. Les lignes à sonder
ont ordinairement un pouce & demi de grosseur,
& 120 brasses de longueur. Les lignes de loc
sont faites avec six fils, un peu plus gros que le fil
de voile: on ne les goudronne point, afin qu'elles
soient plus souples, & qu'elles filent plus aisément
quand on jette le loc. Les deux dernieres especes de
lignes sont à l'usage des pilotes. Les lignes d'amarrage
sont, de même que les trois précédentes, de
premier brin; mais comme elles servent à beaucoup
d'usages différens, savoir, aux étropes des poulies,
aux ligatures, aux haubans, aux étais, &c. il en faut
de différente grosseur; c'est pourquoi on en fait à six
fils & à neuf. On les commet toutes en blanc, mais
on en trempe une partie dans le goudron, & l'autre
se conserve en blanc, suivant l'usage qu'on en veut
faire.
2°. Des quaranteniers. Il y a des quaranteniers de
six & de neuf fils, qui ne different des lignes d'amarrage
que parce qu'ils sont du second brin: car tous
les quaranteniers sont de ce brin; mais il y en a qui
ont 18 fils, & même davantage. On les commet tout
goudronnés: ils n'ont point d'usage déterminé; on
les employe par - tout où l'on a besoin de cordage de
leur grosseur & qualité. On distingue les pieces par
leur longueur en quaranteniers simples qui ont 40
brasses, & quaranteniers doubles qui en ont 80; &
on distingue leur grosseur, en disant un quarantenier
de six, de neuf, de quinze fils, &c.
3°. Des ralingues. Les ralingues sont destinées à
border les voiles, où elles tiennent lieu d'un fort
ourlet, pour empêcher qu'elles ne se déchirent par
les bords. Il y a des corderies où l'on commet toutes
les pieces de ralingues de 80 brasses de longueur,
& dans d'autres on en commet depuis 35 jusqu'à
100, & on leur donne depuis un pouce jusqu'à six
de grosseur, diminuant toûjours par quart de pouce.
On les fait avec du fil goudronné, premier brin, &
on les commet un peu moins serré que les autres
cordages, afin qu'étant plus souples, elles obéissent
aisément aux plis de la voile. Suivant l'usage ordinaire,
on ourdit les fils à un quart plus que la longueur
de la piece, plus encore un cinquieme de ce
quart: ainsi pour 80 brasses, il faut ourdir les fils à
104 brasses: en virant sur les torons, on raccourcit
d'un cinquieme ou de 20 brasses; & en commettant,
on réduit la piece à 80 brasses. Nous croyons qu'il
les faut commettre au quart. Si donc l'on veut avoir
une ralingue de 80 brasses, nous l'ourdirons à 100
brasses; & comme il est important que les hélices
soient très - allongées, afin que le toupin aille fort
vîte, nous raccourcirons les torons de 15 brasses,
& le reste du raccourcissement sera pour commettre.
Si par hasard on employe une piece de ralingue
à quelque manoeuvre, il n'y a point de matelot qui
ne sache qu'elle résiste beaucoup plus qu'une autre
manoeuvre de même grosseur avant que de rompre.
N'est - il pas surprenant après cela qu'on se soit obstiné
si long - tems à affoiblir les cordages à force de les
tortiller?
4°. Cordages qui servent aux carenes du port. Les
cordages qui servent aux carenes du port, pourroient
être simplement nommés du nom générique
d'aussiere, qu'on distingueroit par leur grosseur en
aussiere de deux ou trois pouces, &c. néanmoins on
leur a donné des noms particuliers; les uns se nomment
des francs funins, les autres des prodes, des
aiguillettes, des pieces de palans, &c. On commet
toûjours ces différens cordages en pieces de cent
vingt brasses, & on s'assujettit aux grosseurs que
fournit le maître d'équipage. Néanmoins les francs
funins ont ordinairement six pouces de grosseur, les
prodes & les aiguillettes cinq, & les pieces de palans
deux pouces & demi jusqu'à trois & demi; ce
qui souffrira beaucoup d'exceptions: car ordinairement
les francs funins qu'on destine pour les grandes
machines à mâter, ont cent trente brasses de longueur.
Pour que ces manoeuvres roulent mieux dans
les poulies, on ne les goudronne point, ce qui n'est
sujet à aucun inconvénient, puisqu'on peut ne les
pas laisser exposées à la pluie; & comme elles doivent
souffrir de grands efforts, on les fait toutes de
premier brin. Il y a des ports où on fait les francs
funins moitié fil blanc & moitié fil goudronné: cette
méthode est très - mauvaise.
Pieces servant aux manoeuvres des vaisseaux. Outre
les différens cordages que nous venons de nommer,
on commet dans les corderies des pieces qui n'ont
point une destination fixe, qui servent tantôt à une
manoeuvre & tantôt à une autre, selon le rang des
vaisseaux. Elles ont toutes 120 brasses de longueur,
elles sont toutes faites avec du sil goudronné, & on
ne les distingue que par leur grosseur: on en fait depuis
dix pouces jusqu'à deux. Il y a des maîtres d'équipage
qui font un grand usage des aussieres à trois
torons. Ceux - là demandent des pieces de haubans,
des tournevires, des itagues, des drisses, des guinderesses,
des écoutes de hune, &c. pour lors on
s'assujettit aux proportions qu'ils donnent, & suivant
les méthodes que nous avons indiquées.
Des aussieres à quatre, cinq & six torons. On our
dit ces sortes de cordages comme ceux qui n'ont que
trois torons. Quand les fils sont étendus, on les divise
en quatre, en cinq ou en six faisceaux; ainsi
pour faire une aussiere à trois torons, comme il a
fallu que le nombre des fils pût être divisé par trois,
une corde, par exemple, de vingt - quatre fils pouvant
être divisée par trois, on a mis huit fils à chaque
toron; de même pour faire une corde de vingt - quatre
fils à quatre torons, il faut diviser les fils par
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