ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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Mais M. Richer, célebre docteur de Sorbonne, contrebalance cette autorité dans son histoire des conciles généraux, liv. I. chap. ij. num. 7. en rapportant, d'après Socrate & d'après Théodoret, livre I. ch. jx. la lettre synodale des PP. de Nicée aux Alexandrins, où ils disent que si le concile a statué quelque chose outre ce dont ils leur parlent, ils l'apprendront d'Alexandre leur patriarche, qui ayant eu part & ayant présidé aux décisions du concile, leur en rendra un compte plus exact. Voilà le sens que donne Richer au texte grec dans la traduction qu'il en fait, & on ne peut disconvenir qu'il est conforme à l'original. Au reste ce docteur s'accorde avec Vigor en ce qu'il pense comme lui, que le pape doit présider au concile lorsqu'il est présent, mais que cette prérogative est attachée à sa personne & au siége qu'il occupe; que ses légats n'y succedent point, & qu'en effet ils n'ont pas présidé aux conciles généraux, jusqu'à celui de Chalcédoine, où cela leur fut accordé pour la premiere fois.

S'il nous est permis de dire notre sentiment à ce sujet, nous n'adoptons ni ne rejettons entierement l'opinion de M. de Marca; & nous en faisons de même à l'égard de celle de Vigor & de Richer. Nous convenons avec chacun d'eux, que le droit de présider appartient au pape en vertu de sa dignité, qu'il appartient encore aux autres patriarches. Nous croyons pareillement avec Richer & Vigor, que les légats n'ont point présidé jusqu'au concile de Chalcédoine; qu'à l'exception cependant du premier concile de Constantinople, ils y ont assisté, & qu'ils y ont eu une place honorable, quoique ce ne fût point la premiere. Examinons d'abord la chose par rapport à Osius. Il est certain qu'il fut présent au concile de Nicée. Eusebe, témoin oculaire, dit, liv. III. chap. vij. de la vie de Constantin, que cet homme venu d'Espagne & exalté par beaucoup de personnes, assista au concile & prit séance avec les autres; que l'évêque de la ville impériale, c'est - à - dire le pape Sylvestre (suivant l'interprétation d'Henri de Valois) ne s'y trouva point à cause qu'il étoit d'un âge fort avancé; qu'il envoya des prêtres pour le représenter. Socrate d'après Eusebe, rapporte la même chose, liv. I. c. v. Ni l'un ni l'autre n'exprime si Osius assista au concile comme légat de Sylvestre, ou bien jure suo, comme évêque de Cordoue. Et même Sozomene, liv. I. ch. xvj. & Théodoret, liv. I. ch. vij. sans faire aucune mention de lui, disent simplement que Vite & Vincent prêtres, vinrent au concile à la place de l'évêque de Rome; d'ailleurs Sozomene se trompe en ce qu'il donne au pape le nom de Jules, quoique ce ne fût point encore lui, mais Sylvestre qui occupa pour lors le saint siége. Ces différens passages semblent prouver qu'Osius ne fut point légat du souverain pontife.

Mais, dira - t - on, Osius eut la préséance sur tous les autres évêques. Or elle n'étoit certainement point dûe à son siége inférieur de beaucoup à ceux des patriarches, auxquels il convenoit de la céder; c'est donc en vertu de sa légation qu'il a obtenu cette préséance. Joignez à cela le témoignage de Gelase de Cyzique, qui vers l'an 689 a recueilli les actes du concile de Nicée. Cet auteur avance qu'Osius tint la place de Sylvestre évêque de l'ancienne Rome, conjointement avec les prêtres Vite & Vincent. Pour répondre à ces objections, nous commencerons par observer avec tous les savans, principalement avec l'auteur de l'avertissement qui est à la tête de l'édition de Rome des conciles, & qu'on trouve tom. II. des conciles de Labbe, pag. 103. nous observerons, dis - je, que l'histoire de Gelase de Cyzique ne méite pas qu'on y ajoûte foi, parce qu'elle renferme beaucoup de choses qui ne s'accordant pas avec ce que disent les meilleurs écrivains, la rendent suspec<cb-> te à juste titre. C'est pourquo'on ne doit point assurer qu'Osius présida au nom de Sylvestre sur le seul témoignage de Gelase. Celui de S. Athanase qui appelle l'éveque de Cordoue, l'ame & le chef des conciles, est sans contredit d'une plus grande autorité, & jetteroit plus de doute sur le rang que celui - ci eut au concile de Nicée, si ce n'est qu'il suffiloit à S. Athanase pour tenir un pareil langage, d'envisager le personnage important que fit Osius dans l'affaire d'Arius. Cette hérésie dès sa naissance ayant excité beaucoup de troubles & de divisions dans l'Eglise, l'empereur Constantin employa tous ses soins pour rétablir la paix. Ce fut dans cette vûe qu'avant de convoquer le concile de Nicée, il envoya à Alexandrie Osius en qui il avoit une confiance particuliere, & le chargea d'une lettre adressée conjointement à Alexandre & à Arius, où il parle de leur différend suivant l'idée qu'on lui en avoit alors donnée, & les exhorte à se réunir. Eusebe de Nicomédie, partisan secret d'Arius, avoit eu l'adresse de faire entendre à l'empereur que la cause du mal étoit l'aversion de l'évêque Alexandre contre le prêtre Arius, & qu'il étoit de sa piété de faire usage de son autorité pour lui imposer silence. Mais l'empereur ayant appris par Osius le peu d'effet de sa lettre, & la grandeur des maux de l'Eglise qui exigeoient un remede plus efficace, il assembla le concile où Osius eut occasion de se signaler. Quelque tems après ce concile, le même Osius fut encore le principal moteur de la tenue du concile de Sardique: ce qui irrita contre lui les Ariens. Ils le détestoient comme un de leurs plus puissans adversaires, & ils mirent tout en oeuvre pour l'abattre. Il n'est donc point étonnant que S. Athanase parle en termes extrèmement honorables d'un vieillard digne de vénération, évêque depuis trente ans, confesseur dans la persécution de Maximien, renommé par toute l'Eglise, & qui récemment venoit de rendre à la bonne cause des services essentiels. Au reste il ne dit rien d'où il faille absolument conclure qu'Osius tint au concile la place de légat du pape. Enfin si à la tête des souseriptions du concile, telles que nous les avons aujourd'hui, nous trouvons le nom d'Osius, & qu'il soit suivi de ceux de Vite & de Vincent, cela vient de ce que les évêques ont souscrit suivant l'ordre de leurs provinces, d'abord les Occidentaux, & ensuite ceux des différentes provinces d'Orient. Les Occidentaux souscrivirent les premiers, attendu que le patriarchat d'Occident qui embrasse la moitié du monde chrétien, est l premier de tous. Osius est à leur tête comme étant le seul évêque de ce patriarchat; & après lui se trouvent les prêtres Vite & Vincent. Après les souscriptions des Latins, l'on compte celles des évêques de la province d'Egypte, ayant à leur tête Alexandre patriarche d'Alexandrie; ensuite les évêques qui lui sont soûmis, savoir ceux de l'Egypte, de la Thébaïde, & de la Lybie: pour lors le patriarchat d'Alexandrie suivoit immédiatement celui de Rome. Après le patriarchat d'Alexandrie, l'on trouve les évêques de celui de Jérusalem qui est le troisieme, & à la tête Macaire leur patriarche. Vient ensuite le patriarchat d'Antioche, à la tête duquel étoit Eustathe. Ainsi les présidens du concile furent Osius; Alexandre, Macaire, & Eustathe, que nous avons vû ci - dessus dénommé président par le pape Felix III. & qui en cette qualité adressa un discours à Constantin. Osius & les autres évêques se trouverent tous au concile jure suo, en vertu de leur dignité, & non d'aucun droit de légation. Cette description de la présidence du concile, faite d'après le concile même, détruit entierement la prétendue présidence de Vite & de Vincent. Pour résumer en deux mots tout ceci, si Osius eût présidé au concile comme légat du pape Sylvestre, les prêtres Vite & Vin<pb-> [p. 815] cent, certainement envoyés par le pape en cette qualité, eussent présidé conjointement avec lui. Nous venons de voir qu'ils n'ont point présidé: donc ce n'est point comme légat qu'Osius a été un des présidens du concile. Dans les deux conciles généraux qui suivirent, & qui se tinrent avant celui de Chalcédoine, les légats du pape ne paroissent pas y avoir présidé. Nous avons vû plus haut qu'au premier concile de Constantinople, il ne se trouva aucun évêque de l'église d'occident, & que les Grecs même s'en plaignirent: mais ce concile fut ensuite reçû par le pape Damase & les autres évêques de l'église Latine; c'est pourquoi on l'a toûjours reconnu pour oecuménique. Les légats du pape Célestin I. Arcadius & Projectus évêques, & Philippe prêtre, assisterent au concile d'Ephese; mais ils n'y présiderent point: ce fut Cyrille d'Alexandrie qui présida; ce droit lui appartenoit au défaut de Nestorius patriarche de Constantinople, qui étoit absent & accusé, car dès ce temslà le patriarche de Constantinople avoit le second rang. Il est bien vrai que dans ce concile le pape Célestin commit Cyrille à sa place; mais comme il avoit d'ailleurs, à raison de son siége, le droit de présider, on ne peut inférer d'un pareil exemple que les légats du pape présidassent alors au concile jure suo. Enfin le concile de Chalcédoine qui condamna & déposa Dioscore, fut présidé par les légats du pape S. Léon, savoir Paschasin & Lucentius évêques, & Boniface prêtre. Vigor, lib. de conciliis, cap. vij. prétend que cela se passa ainsi, parce que tous les patriarches, à l'exception de celui de Constantinople, étoient au nombre des accusés, vû qu'ils s'étoient joints à Dioscore pour condamner Flavien dans le faux concile d'Ephese, & par conséquent ne pouvoient présider à un concile où ils devoient être jugés. Mais il paroît par les souscriptions rapportées tome IV. des conciles, p. 448. & suiv. qu'Anatole patriarche de Constantinople, souscrivit après les légats, & après lui Maxime d'Antioche: ce qui réfute l'opinion de Vigor. Il est très - vraissemblable que l'empereur Marcien, prince religieux, seconda la déférence qu'on eut en cette occasion pour le S. siége. Quoi qu'il en soit, c'est d'après cet exemple que les légats du pape ont présidé dans tous les conciles.

A l'égard de l'ordre, suivant lequel les autres évêques assistent au concile, le dernier canon de la distinction dix - sept du decret de Gratien, établit pour regle que les évêques doivent se conformer à la date de leur ordination, tant pour le rang qu'ils occupent dans la séance, que pour celui des souscriptions. On décida la même chose dans le premier concile de Brague, canon vj. & cette discipline fut pareillement observée dans l'église d'Afrique, où l'on ordonna que pour terminer les contestations qui s'élevoient au sujet de la préséance, chaque évêque seroit tenu de rapporter des lettres de celui dont il auroit reçu la consécration, & qui en continssent la date. Canons viij. & jx. du code des canons de l'église d'Afrique. On s'est néanmoins quelquefois écarté de cette regle en faveur de plusieurs siéges privilégiés.

Outre l'ordre de la séance, la forme du concile consiste encore dans la division des assemblées, & la liberté des suffrages. Comme tout ce dont on doit traiter dans un concile, ne peut se finir en un jour, on a coûtume de partager les affaires en differens tems, & de distinguer les diverses assemblées en actions ou sessions, ainsi qu'on les appelle aujourd'hui: dans ces actions ou sessions, on propose les questions & on prononce les decrets; ce qui ne se fait cependant qu'après avoir tenu des congrégations, c'est - à - dire, des assemblées privées d'évêques. Les peres du concile déliberent entr'eux d'abord dans une congrégation particuliere, sur ce qui fait la matiere de la question. Ensuite on fait le rap<cb-> port de ce qui y a été agité dans une congrégation plus générale, où l'on convoque ceux même des evêques qui n'ont point assisté à la premiere. De cette façon aucun d'eux n'ignore ce dont il s'agit. On discute de nouveau la question, & on la décide, avant que de la porter dans la session publique. Cela a été introduit afin qu'il ne restât plus aucun sujet d'altercation entre les evêques, & que les sessions publiques se passassent avec plus de décence: cette précaution néanmoins ne s'est prise que dans les derniers conciles. On ne trouve rien de semblable dans les anciens, & chaque affaire se disutoit dans les actions publiques. Il étoit pareillement d'usage autrefois de prendre les voix de chaque membre de l'assemblée; ce qui a été observé jusqu'au concile de Constance, où il parut nécessaire de recueillir les suffrages par nation, c'est - à - dire, que chaque évêque opinoit dans sa nation, & qu'on rapportoit dans le concile les suffrages des nations. De puissantes raisons obligerent les peres du concile de Constance d'introduire cette nouveauté. Il y avoit pour lors trois contendans à la papauté, Gregoire XII. Benoist XIII. & Jean XXIII. Chacun d'eux avoit ses adhérans parmi les evêques. Il étoit à craindre si on comptoit les voix suivant l'ancien usage, que les evêques d'une nation l'emportant par le nombre sur les autres, on ne pût parvenir au rétablissement de la paix & à l'extinction du schisme, qui étoient le but principal de la tenue du concile. On suivit la même methode au concile de Basle, & il est sensible que c'est un moyen sûr pour réunir le consentement de toute l'Eglise. Quant à la liberté des suffrages, elle doit être très - grande; autrement le concile cesse d'être oecuménique, & ne contient plus la décision de l'Eglise universelle. Il n'y a point de marque plus certaine pour connoître si un concile a été oecuménique, ou non, que la liberté des suffrages. Nous en avons un exemple dans le faux concile d'Ephese, tenu par Dioscore, & cassé par celui de Chalcédoine. Ce faux concile avoit été convoqué dans la même forme que les trois précédens conciles généraux. Theodose le grand avoit interposé son autorité pour la convocation de ce concile, le pape S. Leon avoit donné son consentement & envoyé ses légats; ainsi rien ne paroissoit manquer à l'extérieur, de ce qui constitue la forme des conciles. Mais on n'y eut point la liberté de déliberer; les evêques, les prêtres & les clercs furent forcés par les soldats à coups d'épée & de bâton de signer un papier blanc. Plusieurs moururent de cette violence, entr'autres Flavien de Constantinople. Dioscore avoit conspiré sa perte, & il le fit condamner & déposer par ces voies de fait dans cette assemblée; c'est pourquoi on l'a toujours regardée comme un conciliabule. Il est donc très imporrant d'avoir une regle sûre pour discerner si le concile a la liberté des suffrages; car il est à craindre que sous ce prétexte quelqu'un ne s'éleve contre l'autorité des conciles généraux la mieux fondée, & ne veuille s'y soustraire, en disant que le concile n'a pas été libre. Or on peut juger qu'il a été libre par l'acquiescement de l'Eglise universelle; si au contraire toutes les eglises se plaignent, & rejettent les décisions du concile, c'est une preuve manifeste qu'il n'a joui d'aucune liberté. Par exemple on reclama de toute part contre le brigandage du faux concile d'Ephese; on demanda un autre concile, & il parut évidemment que celui d'Ephese n'avoit point été libre; c'est ce que prouvent les actes du concile de Chalcédoine. L'Eglise universelle reclama pareillement contre le faux concile de Rimini, où l'on avoit également employé la violence, & à la formule duquel le pape Libere avoit souscrit.

Maintenant pour terminer ce qui concerne les conciles généraux, nous allons examiner quelle est

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