ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"816"> leur autorité. Divers passages de l'Ecriture, & la tradition constante de l'Eglise nous enseignent, qu'il n'y en a point de plus respectable. Nous avons dejà eu occasion de citer ces paroles de Jesus - Christ, ubi sunt duo vel tres, &c. Nous avons vû que les peres de Chalcedoine en font l'application aux conciles, & en tirent cette conséquence, qu'à plus forte raison Jesus - Christ ne refusera point son assistance à cinq cens vingt evêques assemblés en son nom. Nous ajoûterons ici que le cinquieme concile général, ou le second de Constantinople, prend dans le même sens ce texte de l'évangile, & reconnoit l'autorité suprême des conciles généraux, qu'il démontre en se servant de differentes preuves. Il se fonde 1°. sur ce que les apôtres, quoiqu'ils fussent tellement remplis de la grace du Saint - Esprit qu'ils n'eussent pas besoin les uns des autres pour être instruits de ce qu'ils devoient faire, cependant ne voulurent rien statuer à l'égard des cérémonies légales, qu'ils n'eussent déliberé ensemble, & que chacun d'eux n'cût appuyé son avis sur les saintes Ecritures. 2°. Sur ce que la décision des apôtres concûe en ces termes, visum est spiritui sancto & nobis, &c. témoigne assez qu'elle est faite & prononcée en commun. L'on peut étendre plus loin la réflexion des peres de Constantinople, & avancer avec confiance comme une suite naturelle de cette réflexion, que les apôtres en attribuant à l'inspiration divine ce qu'ils ont défini, nous autorisent à regarder comme décidé par le Saint - Esprit, tout ce quil'est par l'Eglise assemblée. 3°. Sur l'exemple non interrompu de l'Eglise: car les saints peres en differens tems, (c'est le concile qui parle) se sont assemblés dans les conciles pour décider en commun les questions qui s'étoient élevées, & pour condamner les hérésies, parce qu'ils étoient fermement persuadés que les examens qui se font en commun, & où l'on pese les raisons alleguées de part & d'autre, faisoient briller la lumiere de la verité, & dissipoient les ténebres du mensonge; tom. V. des conciles, pag. 461. & suivantes. Mais non - seulement les peres de Chalcedoine & ceux de Constantinople relevant l'autorité des conciles oecuméniques au dessus de toute autre, nous voyons encore que les souverains pontifes ont tenu le même langage. Celestin premier nous en donne une haute idée dans une lettre au concile d'Ephese, où il dit que les apôtres ont été instruits par Jesus - Christ, que les evêques ont succédé aux apôtres, qu'ils ont reçu leur puissance du même Jesus - Christ; par consequent que le concile est saint, & mérite la plus profonde vénération. tom. III. des conciles, p. 614. Gregoire le grand est encore plus énergique sur ce sujet, dans une lettre adressée aux patriarches Jean de Constantinople, Elogius d'Alexandrie, Jean de Jérusalem, Anastase d'Antioche, pour leur faire part de son élection & leur envoyer sa profession de foi, suivant l'usage de ce temslà, observé par les papes & autres evêques des grands siéges, nouvellement élûs. Voici comme ce saint pontife s'exprime vers la fin de cette lettre: sicut sancti evangelii quatuor libros, sic quatuor concilia suscipere ac venerari me fateor .... & quisquis eorum soliditatem non tenet, etiamsi lapis esse cernitur, tamen extra dificium jacet ..... cunctas vero, quas proefata concilia veneranda personas respuunt, respuo; quas venerantur, amplector; quia dum universali sunt consensu constituta, se, & non illa destruit, quisquis presumit aut solvere quos ligant, aut ligare quos solvunt. Lib. 1. regesti, epist. 24. Le commencement du canon 3. de la distinction 15, renferme à - peu - près les mêmes sentimens. Gratien attribue ce canon à Gelase, mais il est incertain qu'il soit de ce pape; quelques - uns le donnent à Damase, & d'autres sur la foi de plusieuis manuscrits, pretendent qu'il est du pape Hormisdas. M. Baluze dans sa note sur ce canon, conjecture que le decret qu'il contient, a d'abord été fait par le pape Damase, & ensuite renouvellé par Gelase & Hormisdas. Quoi qu'il en soit, l'auteur de ce canon déclare que la sainte église romaine après les livres de l'ancien & du nouveau testament, ne reçoit rien avec plus de respect que les quatre premiers conciles. En effect la vénération pour ces conciles a été poussée si loin, que Gregoire le grand, comme nous venons de le voir, les compare aux quatre évangiles; & Isidore de Seville dans le canon premier, paragraphe premier de la même distinction, assure qu'ils renferment toute la foi, étant comme quatre évangiles, & autant de fleuves du paradis. Les papes ont reçù avec le même respect les quatre conciles qui ont suivi ces premiers; c'est ce que prouve la profession de foi qu'ils faisoient d'une maniere solennelle, & sous la religion du serment, si - tôt qu'ils étoient élevés au pontificat, avant même que d'être consacrés. Cette profession de foi étoit ensuite rédigée par écrit par les notaires de l'église romaine, & déposée sur l'autel & le corps de saint Pierre. On en trouve la formule dans le Diurnal romain & dans les notes de M. Bignon sur le huitiéme concile général, tom. VIII. des conciles, pag. 492. Suivant cette formule, le nouveau pape promettoit d'observer en tout & avec le dernier scrupule les huit conciles généraux, d'avoir pour eux la vénération convenable, d'enseigner ce qu'ils enseignoient, & de condamner de coeur & de bouche ce qu'ils condamnoient.

Ces témoignages non suspects en faveur des conciles, font voir combien il est déraisonnable de penser que les conciles oecuméniques soient sujets à l'erreur. Ceux qui n'ont pas là - dessus des idées saines, abusent d'un passage de saint Augustin: lib. II. de baptisino contra donatistas, cap. iij. où ce saint docteur enseigne que les conciles qui se tiennent dans chaque province, cedent à l'autorité des conciles universels composés de toute la chrétienté; mais que ces mêmes conciles universels, lorsque l'expérience nous a appris ce que nous ignorions, sont souvent réformés par d'autres qui leur sont postérieurs, & qui ont également l'avantage d'être oecuméniques. lpsa concilia, (ce sont les propres termes de ce pere) qu per singulas religiones vel provincias fiunt, plenariorum conciliorum autoritati, qu fiunt ex universo orbe christiano, sine ullis ambagibus cedunt: ipsaque plenaria, spe priora posterioribus emendantur, cum aliquo experimento rerum aperitur quod clausum erat, & cognoscitur quod latebat. Quelques - uns croyent écarter la difficulté que ce passage semble faire naître, en l'appliquant au concile général d'une nation, de l'Afrique par exemple; mais cette conjecture est détruite par cela seul, que saint Augustin appelle ici les conciles généraux, ceux qui sont composés de toute la chrétienté. On ne répond pas avec plus de solidité, en disant que ces paroles doivent s'entendre des statuts des conciles généraux, dans les causes de fait & de pure discipline, & non des questions de foi. En effet ce saint pere dans cet ouvrage traite la fameuse question, si on doit réïterer le baptême conséré par les hérétiques, qui avoit été agitée auparavant entre saint Cyprien & le pape Etienne: or cette question appartient certainement à la foi & à la doctrine de l'Eglise, & non à la pure discipline. Saint Augustin réfute en cet endroit les Donatistes qui objectoient l'autorité de saint Cyprien & des conciles tenus à l'occasion de la dispute sur le baptême, & il dit que les conciles, &c. Je crois donc qu'il faut ici expliquer saint Augustin, non par les noms, mais par la chose même, & la forme intérieure suivant laquelle les conciles ont été célebrés. Il y a des conciles qui paroissent généraux à cause de la forme extérieure dont ils sont revêtus, mais qui ont un vice intérieur qui porte atteinte à leur vali<pb-> [p. 817] dité. Ces conciles, eu égard à ce vice, ne doivent point être réputés généraux; ils ne le sont que de nom & nullement d'effet; tels sont les faux conciles d'Ephese & de Rimini, dont nous avons déja parlé: les conciles de cette espece, peuvent être réformés par des conciles vraiment oecuméniques, & qui ne donnent aucune prise pour les attaquer. Voilà, si je ne me trompe, le sens de saint Augustin; ces paroles, spe priora posterioribus emendantur, semblent l'indiquer. Spe, dit - il, c'est - à - dire que cela arrivoit non pas quelquefois, mais fréquemment; & cependant nous ne trouvons nulle part aucun exemple que des conciles reconnus pour oecuméniques par toute l'Eglise, ayent jamais été réformés par d'autres conciles postérieurs; ainsi c'est une entreprise téméraire que de vouloir jetter des doutes sur l'infaillibilité des conciles généraux. Il n'est pas moins absurde, & contraire à l'esprit des anciens papes, de prétendre qu'ils n'ont de validité qu'autant que les souverains pontifes les approuvent. Les defenseurs de cette opinion ont eu recours, pour établir leur système, aux canons de la distinction 17; la critique que nous en avons faite, suffit pour ruiner de fond en comble les inductions qu'on veut tirer de ces canons. Nous avons lieu au contraire de conclure d'après les passages que nous avons rapportés, que les conciles tirent d'eux - mêmes leur autorité, & qu'ils n'ont pas besoin de la confirmation du pape.

Nous ne dissimulons point que le consentement du souverain pontife ne soit d'un grand poids, & qu'il ne soit à desirer que l'évêque du premier siege, le chef visible & ministeriel de l'église catholique, acquiesce à ce qu'elle a décidé; afin qu'on puisse opposer avec plus de force & d'une façon plus évidente le consentement de l'église universelle à ceux qui veulent en troubler la paix. Mais si le pape refuse de souscrire au concile, s'il n'adopte point la décision de l'Eglise universelle, alors le concile général peut exercer envers lui son autorité comme envers les autres membres de l'Eglise; c'est ce qu'à décidé formellement le concile de Constance, sess. 3. & celui de Basle, sess. 2. Cette décision que les ultramontains qualifient d'erronée, contient la doctrine de l'eglise gallicane & des universités du royaume, principalement de celle de Paris. Elle a été soutenue par Gerson chancelier de cette université, par Pierre d'Ailly grand maître de la maison de Navarre, ensuite evêque de Cambrai & cardinal, & par un nombre infini de théologiens & de canonistes. Charles VII. roi de France, qui connoissoit bien les dioits de sa couronne, l'a fait insérer dans la pragmatique sanction, de l'avis de tous les ordres du royaume: voici les paroles tirées tant du decret du concile de Basle, que de la pragmatique sanction. Et primo declarat quod ipsa synodus, in Spiritu sancto legitimè congregata, generale concilium faciens, & ecclesiam militantem representans, potestatem habet a Chriso immediatè. Cui quìlibet cujuscumque status, conditionis, vel dignitatis, etiamsi papalis existat, obedire tenetur in his qu pertinent ad fidem, & extirpationem schismatis, & generalem reformationem ecclesi Dei, in capite & in membris. prag. sanct. tit. 1 p. 3 & 4. On trouve cette doctrine mise dans tout son jour dans le chapitre douzieme des preuves des libertés de l'eglise gallicane, & dans M. Dupin, docteur de Sorbonne, dissert. 6 de antiquâ ellesi disciplinâ, & vetutissim disciplin monumentis, où il démontre 1°. que l'autorité du concile général est supérieure à celle du pape: 2°. que le concile général a la puissance de faire des canons qui astreignent même le pape: 3°. que le concile général a le droit de juger le pape, & de le déposer s'il erre dans la foi. Il est donc suivant nos moeurs permis d'appeller des décisions du pape au concile général, comme d'un juge inférieur à un supérieur, chapit. 12 des mêmes preuves, où l'on rapporte des exemples très remarquables de ces sortes d'appels, tel que celui de Philippe le Bel de la bulle de Boniface VIII, celui des prélats, des sujets & des universités du royaume dans la même cause; tels sont encore les appels au future concile, interjettés par les procureurs généraux, lorsqu'il fut question d'abroger la pragmatique sanction, & plusieurs autres de cette espece interjettés en diverses occasions par l'université de Paris, & conçus dans les termes les plus forts. Nous renvoyons le lecteur aux sources que nous venons d'indiquer.

Au reste, ce que nous avons dit de l'autorité suprème des conciles ne regarde que la foi qui est immuable, & non la discipline qui peut changer; & c'est pourquoiles différentes églises ont reçû ou rejetté divers canons des conciles, suivant qu'elles les ont jugés conformes ou contraires à leurs usages. Par exemple, l'église de Rome a reçû les canons du concile de Sardique, en vertu desquels il étoit permis à un évêque qui se croyoit injustement condamné, de s'adresser au pape, & de faire examiner de nouveau sa cause: les Orientaux & les Grecs n'ont point voulu les admettre, comme étant contraires aux canons des conciles de Nicée & d'Antioche. De même ceux du concile d'Antioche ont été adoptés par l'Eglise universelle, quoiqu'elle ait constamment rejetté la soi de ce concile où les Ariens furent les maîtres. D'un autre côté, l'église Romaine a souscrit au symbole du second concile général, mais elle a toûjours refusé d'admettre le cinquieme canon de ce concile, qui ordonne que l'évêque de Constantinople aura la place d'honneur aprês l'évêque de Rome, attendu que Constantinople étoit la nouvelle Rome. Le canon vingt - huitieme du concile de Chalcédoine, par lequel on étend & on augmente les priviléges déjà accordes à l'église de Constantinople, déplut pareillement aux Romains: les légats du pape S. Léon résisterent vigoureusement à ce decret, & S. Léon lui - même témoigna beaucoup de zele contre cette entreprise. A l'égard de la définition de foi, il se hâta d'en faire part aux églises d'Occident, de leur apprendre que la vérité avoit triomphé, & que l'hérésie avoit été condamnée avec ses auteurs & ses partisans. Enfin la foi du concile de Trente a été reçûe par l'église Gallicane; mais elle en a rejetté tous les points de discipline, qui ne s'accordent ni avec l'ancienne ni avec nos moeurs.

Après avoir rempli les différens objets que nous nous étions proposés par rapport aux conciles généraux, il nous reste à parler des conciles particuliers, sur lesquels nous nous étendrons peu, cette matiere étant & plus simple, & moins importante. Ces conciles sont de trois sortes, savoir les nationaux, les provinciaux, & les diocésains.

Les conciles nationaux sont ceux qui sont convoqués, soit par le prince, soit par le patriarche, soit par le primat, & où l'on rassemble les évêques de toutes les provinces du royaume. Nous disons que ces conciles sont convoqués soit par le prince, soit par le patriarche, ou même le primat, car il n'est pas douteux que ce droit n'appartienne aux souverains; nos conciles de France fournissent à ce sujet une foule d'exemples. Du tems de l'empire Romain, nous voyons les conciles des Gaules convoqués par les empereurs, comme le concile d'Arles qui fut convoqué par Constantin l'an 314, dans la cause des Donatistes; celui d'Aquilée, qui est plûtôt un concile d'Italie que des Gaules, convoqué par Gratien l'an 381. Nous lisons dans les actes de ce concile ces paroles de S. Ambroise: Nos in Occidentis partibus constituti, convenimus ad Aquileiensium civitatem, juxta imperatoris prceptum. Et dans la lettre synodale du même concile adressée aux empereurs, les peres

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