ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS
Previous page
CLOU
(Page 3:548)
* CLOU, s. m. (Art méch.) petit ouvrage en or,
ou argent, ou fer, ou cuivre, à pointe par un bout
& à tête par l'autre, dont le corps est rond ou à face,
mais va en diminuant de la tête à la pointe, &
dont la tête est d'un grand nombre de formes différentes,
selon les usages auxquels on le destine. Les
clous en fer se forgent; les autres se fondent: la fabrication
de ces derniers n'a rien de particulier; c'est
un ouvrage de Fondeur très - commun. Nous allons
expliquer comment on fabrique les clous en fer: nous
observerons d'abord qu'il y en a de deux sortes, les
clous ordinaires, & les clous d'épingles.
Des clous ordinairés. On donne le nom de Cloutier
tout court, aux ouvriers qui font ces clous. Les outils
du Cloutier sont en petit nombre: ils consistent
en une forge, autour de laquelle on pose des blocs
ou billots qui servent de base au pié d'étape, à la
cloüiere ou cloutiere, & au ciseau. Voy. la vignette.
Le pié d'étape, qu'on voit Planche du Cloutier, figure
21. en A, est une espece de tas ou d'enclume,
dont un des côtés est quelquefois terminé en bigorne: cet instrument est ordinairement tout de fer;
mais pour être bon & durable, il vaut mieux que la
tête en soit acérée & trempée. La place est une espece
de coin émoussé, dont la partie supérieure est applatie
& un peu inclinée. Voyez cet outil, même Pl.
en B. La cloüiere est une espece de bille de fer, d'un
pouce en quarré, & de la longueur de dix pouces;
à deux pouces ou environ d'un de ses bouts, est un
trou quarré dont les bords excedent un peu sa surface: c'est dans ce trou qu'on fait entrer le bout de fer
forgé & coupé qui doit former le clou, pour en faconner
la tête au marteau. Il y a des cloüieres dont
les trous sont plus ou moins grands, ronds ou
quarrés, ou de toute autre figure, selon la différence
des clous qu'on se propose de fabriquer. Les cloüieres
pour clous à tête ronde, sont différentes des autres: les rebords du trou en sont un peu arrondis;
la cloüiere est plantée dans le pié d'étape ou d'étable
de la longueur d'environ cinq pouces, & son autre
bout porte d'environ un pouce sur la place. Voy.
les fig. 22. 25. 26. La premiere montre la cloüiere
montée d'un bout dans le pié d'étable ou d'étape, &
de l'autre appuyée sur le bord de la place: en - dessous
on voit un ressort dont l'usage est de repousser
en en - haut le clou quand il est formé. Pour chasser
le clou du trou de la cloüiere, on frappe en - dessous
ce ressort avec le marteau. On voit fig. 25. le clou
coupé, mais tenant encore à la verge ou baguette,
& présenté par la pointe au trou de la cloüiere, où
l'ouvrier le laisse enfoncé en rompant la partie par
laquelle il tient à la baguette. Et la figure 26. représente
le clou dans la cloüiere prêt à être frappé avec
le marteau 23, pour en façonner la tête. La cloüiere
est acerée & trempée. L'enclume est la même qui
se voit chez tous les ouvriers en fer.
Voici la maniere dont les outils du Cloutier sont
disposés: ils sont rassemblés sur un même billot,
comme on voit fig. 22. en A, B, C, D. La cloüiere
entre dans une mortaise pratiquée à la partie supérieure
du pié d'étape; elle est arrêtée dans cette mortaise
par deux coins de fer, placés l'un en - dessus &
l'a>e en - dessous: le premier à la partie antérieure,
le second à la partie postérieure. Son autre extrémité
est posée sur la place à un des bouts; le pié - d'étape &
la place sont fermement établis dans le bloc, où on
les raffermit à coups de masse quand ils sont dérangés.
On applique, comme nous avons dit, aux petites
cloüieres une espece de ressort fixe dans la mortaise
du pié - d'étape; on fixe quelquefois une petite
[p. 549]
fiche de fer à la partie de ce ressort, qui répond au
trou de la cloüiere: cette fiche doit entrer dans ce
trou, & elle sert à chasser le clou hors de la cloüiere,
ce qui se fait en frappant du marteau contre le
ressort; ce qui n'a lieu que pour les petits clous.
On se sert pour les clous de fer en verge, de Berri
& d'Anjou; les paquets sont ordinairement de cinquante
livres. Pour commencer le travail des clous,
on coupe chaque verge en deux, trois, ou quatre
morceaux; comme le fer qu'on employe est cassant,
on n'a pas beaucoup de peine à le couper; il suffit
de poser l'endroit où on veut le casser, sur une des
carnes de l'enclume & de frapper dessus un coup de
marteau; on met chauffer dans la forge deux ou trois
de ces morceaux à la fois, afin de travailler sans cesse,
& que l'un soit chaud quand on quitte l'autre.
Quand le fer est chaud, on l'étire: l'étirer, c'est le
forger pour en faire la lame; c'est ainsi qu'on appelle
la partie qui doit former le corps du clou. On
prépare la lame sur la place, on en forme la pointe;
& quand la pointe est faite, on pare: parer le clou,
c'est l'unir & le dresser sur le pié - d'étape. Quand il
est paré, on le coupe: le couper, c'est présenter le
morceau de fer sur le tranchant du ciseau, & y faire
entrer ce tranchant d'un coup de marteau assez vigoureux,
pour qué la séparation soit presque faite.
On frappe la partie coupée contre le pié - d'étape,
pour en faciliter encore la rupture, & l'on met la
partie coupée dans la cloüiere pour la rabattre: rabattre, c'est former la tête sur la cloüiere. La tête ne
se fait pas de même dans tous les clous. Pour un clou
à téte plate, on se contente de donner plusieurs coups
sur la partie de fer qui excede la cioüiere, observant
que tous les coups tombent perpendiculairement à
cette partie. Pour un clou à tête ronde, après avoir
frappé deux ou trois coups en tout sens, on se
sert de l'étampe. Pour un clou à tête à diamant, chaque
coup devant former une face, & toutes les faces
de la tête étant inclinées les unes aux autres, il
faut que les coups soient inclinés à la portion excédente
qui doit former la tête; il est même évident
que les inclinaisons différentes des coups de marteau
donneront à la tête différentes formes. Pour un clou
à deux têtes, on étire le clou à l'ordinaire, on applatit
la partie qui doit former la tête, on la coupe, on
la rabat, on lui donne quelques coups de marteau
vers les extrémités, sans toucher au milieu. Pour les
clous à glace, on étire, on pare, on coupe, & le clou
est fait. Pour les clous à sabords, on étire, on pare,
on coupe; on observe en coupant de laisser un peu
forte la partie qui doit faire la tête; on place le clou
dans une cloüiere à trou quarré; & comme la tête
doit être à quatre faces & se terminer en une pointe
assez aiguë, les coups qui la rabattent doivent être
frappés très - inclinés: on appelle clous de sabords,
ceux qui ont la forme qu'on voit aux clous de crucifix.
Pour les clous à cheville, on s'y prend d'abord
comme pour les clous à deux têtes, c'est - à - dire qu'on
étire, qu'on applatit ce qui doit former la tête,
qu'on coupe & qu'on rabat sur deux faces, sans frapper
le milieu.
Tous les clous dont nous venons de parler, s'appellent
clous d'une seule venue, & on les expédie d'une
seule chaude. Il n'en est pas de même des clous à
patte, à crochet, à crampons: ceux - ci demandent au
moins deux chaudes. A la premiere, on les étire; &
s'il s'agit d'un clou à patte, quand on l'a paré, on applatit
la partie qui doit faire la patte, qu'on finit à la
seconde chaude. D'un clou à crochet; on étire la pointe,
on applatit l'autre extrémité, on rabat la partie
applatie sur le pié - d'étape pour en commencer l'autre
branche; on coupe le clou sur le ciseau, observant
de ne pas le couper suivant sa plus grande face;
on essaye de le séparer de sa branche; & la pre<cb->
miere opération est faite: la seconde consiste à le remettre
au feu, à étirer la seconde branche, à la mettre
en pointe, à l'étirer assez; à séparer le clou, à le parer
un peu sur le pié - d'étape, & à le finir. D'un clou
à crampon; on suit le même travail pour la premiere
branche: quant à la seconde, au lieu de l'étirer, on
l'applatit. D'un clou à gond; on arrondit la seconde
branche, observant que son extrémité soit un peu
plus petite que sa base, afin de faciliter l'entrée du
gond. D'un clou à tête de champignon; on prend une
cloüiere dont la petite éminence soit arrondie en forme
de calote; & quand on rabat la tête, on frappe
tout autour, & on lui fait prendre en - deisous la forme
de la calote de la cloüiere.
Dans la fabrique de ces différens clous, on se sert
de tenailles lorsque les bouts des baguettes sont trop
courts; on resoude ces bouts, & on en refait une
verge. Lorsque les clous sont achevés, on a une
caisse plus élevée sur le fond que sur le devant; les
cases y sont disposées en gradin, comme celles d'une
Imprimerie: on nomme cette caisse l'assortissoire
(Voyez dans la vignette), & on y répand les clous selon
leurs qualités & leurs noms. On y met la broquette
commune, celle qu'on estampe, le clou à ardoise,
le clou à bardeau, le clou à crochet, le clou à
caboche, à tête de diamant, le clou à river, le clou
à champignon, le clou de cheval ordinaire, le clou
de cheval à glace, le clou à bande commun, le clou
à tête rabattue. Voyez ces différentes sortes, figures
1, 2, 3, 4, 5, 6, &c.
Especes principales de clous. Clou à ardoise, ce sont
ceux avec lesquels on attache les ardoises; ils sont
depuis deux jusqu'à trois livres au millier. Clou à bande
& à tête rabattue; ils servent à attacher les bandes
sur les roües des carrosses & charrettes: ceux pour
les carrosses s'appellent clous à bande; ceux pour les
charrettes, clous à tête rabattue: les plus petits sont
de sept livres au millier, & les plus gros de douze
livres au millier. Clous à bardeau ou clous legers; ils
sonï à l'usage des Selliers, des Bahutiers, des Menuisiers, des Serruriers, &c. ils sont depuis trois
jusqu'à quatre livres au millier; ils ont tous la tête
fonde. La broquette sert au Tapissier, au Sellier, au
Serrurier, &c. il y en a de quarre onces, de huit onces,
de douze onces, d'une livre, de cinq quarts, de
six quarts, de sept quarts, & de deux livres au millier.
Clou à Chauderonnier, petites lames de cuivre
coupées en losanges, & tournées en fer d'aiguillettes,
dont les Chauderonniers cloüent leurs ouvrages: pour cet effet ils y pratiquent une tête avec une
cloüiere. Voyez la Planche II. du Chauderonnier, fig.
15. C D. Clous à cheval, ce sont ceux dont on ferre
les chevaux; ils sont ou ordinaires, ou à glace: les
ordinaires ont la tête plate, les autres l'ont en pointe;
ils sont depuis quatorze jusqu'à vingt - quatre liv.
au millier. Clou à Couvreur, voyez Clous à ardoise &
à latte. Clous à crochet, ils servent à suspendre; ils
sont depuis six jusqu'à dix livres au millier: ceux - ci
s'appellent legers, les gros s'appellent clous à crochet
au cent; ils pesent dix à douze livres de plus au millier,
que les legers: ceux qui sont au dessus s'appellent
clous de cinquante. Le clou à crochet de 50, qui a
le crochet plat, s'appelle clou à bec de canne ou à pigeon.
Clou à latte, les Couvreurs s'en servent pour
attacher les lattes: ils s'appellent aussi clous à bouche; ils sont depuis deux jusqu'à quatre livres & demie
au millier. Clous à parquet, ils servent aux Menuisiers pour cloüer les parquets, dans lesquels ils se
noyent facilement, parce qu'ils ont la tête longue;
ils sont depuis dix jusqu'à trente - cinq livres au millier.
Clous à river, ils sont à l'usage des Chauderonniers; ils ont une tête, mais point de pointe, & leur
grosseur est la même par - tout. Clous à deux pointes
ou à tête de champignon, ils servent aux Charpen<pb->
[p. 550]
tiers dans les gros ouvrages: leur tête a la forme de
champignon; on en voit aux portes cocheres & à
celles des granges. Clous à Sellier, ils sont plus petits
que les clous de Cordonnier; & ces ouvriers les
employent à cloüer les cuirs sur les bois des carrosses,
berlines, & autres voitures. Clous à Serrurier, ils
sont depuis quatre jusqu'à huit livres au millier; ils
ont la tête en pointe de diamant; ils sont faits comme
les clous legers, mais ils pesent plus: on les appelle
aussi clous communs; les clous communs pesent
le double des clous legers; & les clous à Serrurier, le
double des communs. Clous à soulier, ils servent aux
Cordonniers pour ferrer les gros souliers des paysans,
des porteurs - de - chaise, &c. il y en a qui pesent
depuis deux livres jusqu'à quatre livres au millier,
ce sont les plus legers; les lourds sont ou à deux
têtes, ou à caboche. Clous à soufflets, ce sont de très gros
clous à tête large, dont on se sert pour cloüer
les soufflets des forgerons. Clous sans tête ou pointes;
il y en a de legers ou à la somme, & de lourds ou au
poids: les premiers sont depuis trois livres jusqu'à
cinq livres au millier; les autres sont de six livres au
millier: ils servent à ferrer les fiches, croisées, &
guichets d'armoires. Clous à trois têtes, ils servent
aux Cordonniers pour monter les talons des souliers: ils ont deux à trois pouces de long; la tête en
est plate, elle a quatre à cinq lignes de hauteur, elle
est divisée en trois par deux rainures; ces rainures
servent à recevoir les tranchans de la tenaille, à les
arrêter, & à faciliter l'extraction du clou. Voy. Soulier. Les Cordonniers ont d'autres clous de la même
forme, mais moins forts. Voilà les sortes de clous
les plus connues; ce ne sont pas les Cloutiers dont
il s'agit ici qui les vendent tous: il y en a qui sont
fabriqués & vendus par les Cloutiers d'épingles,
qui sont des artistes très - distingués des précédens,
comme on verra par ce que nous en dirons dans la
suite de cet article.
Il y a encore les clous de rue: c'est ainsi que les
Maréchaux appellent les pointes que les chevaux
se fichent dans le pié, & qui les font boiter.
Les Lapidaires appellent clou, une cheville fichée
dans la table du moulin, près de la roüe à travailler
où l'on passe le bois & le cadran. Voyez r s, fig. 6.
Planc. du Diamantaire: les Marbriers & Sculpteurs,
les noeuds ou parties dures qui se rencontrent dans
le marbre: les Bas - lissiers, une cheville ou pince de
fer dont ils se servent pour faire tourner leurs ensuples,
&c.
Des clous d'épingle. Voici quel est l'attelier &
quels sont les outils de ce cloutier. Il a une S; c'est un
fil - de - fer ou d'acier auquel on a donné différens contours,
formant des espaces circulaires de différens
diametres: ces espaces servent à déterminer le calibre
& la grosseur des fils employés pour faire les
clous d'épingle. Voyez la Planc. I. du Cloutier, fig. 1.
Un engin ou dressoir, qu'on voit Planc. II. fig. 15.
C'est une planche de chêne ou d'autre bois, sur laquelle
on dispose des clous en zigzag, de maniere
cependant que ceux de chaque rang soient tous sur
une même ligne: les rangs doivent être paralleles,
quoique diversement écartés. Pour se former une
idée plus juste de cet instrument, il faut imaginer
une planche sur laquelle on a tracé des paralleles à
des distances inégales les unes des autres: si l'on suppose
chaque ligne divisée en parties égales, & qu'en
attachant les clous on ait l'attention de ne pas les
faire correspondre à la même division sur les deux
lignes correspondantes, & qu'on observe ce procedé
sur toutes, on aura la planche préparée pour l'usage
auquel on la destine. On fixe l'engin à une table
ou à un banc, à l'aide de deux boulons garnis de
leurs clavettes. Voyez la fig. 20. Une meule; l'assortissement
de la meule est fait de deux forts poteaux
fixés au plancher & dans la terre; on y en - arbre la
roüe de maniere qu'elle puisse tourner librement:
cette roüe communique à la meule par une corde
qui passe dans une gorge creusée sur sa circonférence,
de - là dans une poulie adaptée à l'axe de la
meule. La meule est d'acier trempé, elle a depuis
trois jusqu'à cinq pouces de diametre, sur deux à
trois d'épaisseur; sa circonférence est taillée en lime.
Cette meule & ses dépendances sont portées
sur deux petits tourillons de cuivre ou de fer, placés
dans deux petits montans ou poupées pratiquées
à une base circulaire, qui est fixée fortement sur un
bâti composé de deux tretaux & de quelques planches
qu'on y attache; sur cette base, on ajuste une
espece de caisse appellée tabernacle. Voyez Planche
II. fig. 11. & 12. A, est la partie antérieure supérieure
du tabernacle: on voit au milieu un petit
chassis de bois garni d'un verre posé d'une maniere
inclinée; il sert à empêcher les étincelles de feu qui
s'échappent continuellement de la meule, de frapper
les yeux de celui qui affile. La meule & tout son
équipage se voyent fig. 11. & 12. on les voit seulement
de face avec le banc qui sert de base, dans la
fig. 12. Un banc à couper, qu'on a représenté en entier
fig. 13. il est composé d'un fort banc & d'une grosse
cisaille; à un des longs & à un des petits côtés, il y
a de hautes planches qui servent à retenir les morceaux
de fil - de - fer, à mesure qu'on les coupe; partout
ailleurs il y a des rebords, excepté en un endroit
qui sert à tirer les pointes: il faut que cet instrument
soit disposé de maniere à fatiguer le moins
qu'il est possible le coupeur. Un étau; il est de figure
ordinaire: on le voit Plan. II. fig. 14. Un mordant,
qu'on voit figure 16. c'est un composé de deux morceaux
de fer, dont les têtes sont acérées: ces morceaux
circulaires sont assemblés à charniere, & leur
mouvement est libre; on a pratiqué à la tête de chaque
branche & en - dehors, une retraite dont l'usage
est de retenir le mordant toûjours dans la même situation,
lors même qu'on l'ouvre pour en faire sortir
la pointe dont on vient de faire la tête. A la partie
supérieure & intérieure de la tête du mordant,
il y a de petites cannelures propres à recevoir la
pointe; elles sont faites de maniere que l'entrée en
est plus large que le bas: ces cannelures se renouvellent
à l'aide du poinçon qu'on voit fig. 17. 18.
Pour abreger le travail de l'ouvrier, qui seroit contraint
d'écarter les deux branches du mordant à chaque
tête qu'il voudroit faire, on a placé entre elles
un V d'acier dont les extrémités recourbées portent
perpendiculairement contre les faces intérieures du
mordant; on met sous le mordant une calote de chapeau,
pour recevoir les clous à mesure qu'il en tombe.
Voyez, figure 14. le mordant, l'étau, la calote,
& le clou prêt à être frappé. Un vannoir, c'est un
grand bassin de bois fort plat, qu'on voit Planche I.
fig. 7. dans lequel on agite les pointes de laiton ou
de fer pour les rendre claires. Un poinçon à étamper (Voyez Pl. II. fig. 21.); il est petit & quarré:
on a pratiqué à sa base un trou fait en calote. Cela
bien compris, il ne sera pas difficile d'entendre la
maniere de fabriquer le clou d'épingle.
On appelle clou d'épingle, un petit morceau de
fil - de - fer ou de laiton, aiguisé en pointe par un bout,
& refoulé par l'autre bout. Il y en a de différentes
grosseurs & longueurs. La premiere opération consiste
à esser: esser le fil, c'est le présenter à un des espaces
circulaires de l'S, pour connoître s'il est du
calibre qu'on souhaite. Après l'avoir essé, on le
dresse: pour le dresser, on le force à passer à - travers
les rangs de pointes de l'engin; cette manoeuvre lui
ôte toutes ses petites courbures. Quand il est dressé,
on le coupe de la longueur de quinze à dix - huit
pouces; on se sert pour cela de la cisoire, fixée sur
[p. 551]
le banc à couper. Quand on a une quantité suffisante
de bouts, on les affile: affiler, c'est passer le fil - de - fer
sur la meule, pour en faire la pointe. Pour affiler, l'ouvrier
prend unc cinquantaine de brins plus ou moins;
il les tient sur ses doigts dans une situation parallele,
& leur faisant faire un ou plusieurs tours sur eux - mêmes par le moyen de ses pouces qu'il meut dessus en
sens contraire, en conduisant chaque pouce vers le
petit doigt, il les affile tous en même tems. Quand
les brins sont affilés, on les coupe sur la grande cisoire
de la longueur dont on veut les pointes; de là
on les passe dans le mordant pour en faire la tête:
si on veut qu'elle soit plate, on laisse un peu excéder
la pointe au - dessus du mordant, on frappe un
ou deux coups de marteau sur cet excédant; il est
applati, & la tête est faite: si on veut qu'elle soit
ronde, on la commence comme si on la vouloit plate;
on ne frappe qu'un coup; puis on la finit avec le
poinçon à estamper. Le clou fini, il faut le chasser
du mordant; c'est ce que l'ouvrier exécute en prenant
une autre pointe entre le pouce & l'index,
chassant la pointe qui est dans la cannelure avec le
petit doigt, & y plaçant celle qu'il tient. Il continue
ainsi avec une vîtesse extrème; & son opération est
la même pour les clous de quelque grandeur qu'ils
soient. Il en peut fabriquer d'or, de fer, & de cuivre.
Quand ils sont de laiton, on les blanchit: pour
cet effet, on les découvre d'abord; les découvrir,
c'est les mettre tremper dans une solution de tartre
ou de cendre gravelee & d'eau commune, où on les
laisse séjourner quelque tems; après quoi on les vanne.
Pour les vanner, on met du son ou du tan dans le
vannoir; on les y agite; > ils en sortent secs & plus
jaunes. On finit par les étamer: pour les étamer, on a
un vaisseau plus étroit à cnacun de ses bouts qu'au
milieu; on les met dans ce vase; on a un mêlange
d'étain fin & de sel ammoniac; le sel ammoniac
y est en petite quantité: on met ce mêlange en fusion,
on y jette les pointes ou épingles, on les y
agite jusqu'à ce qu'on s'apperçoive qu'elles soient
bien blanchies: le mouvement les empêche de s'attacher
les unes aux autres. Quand elles sont refroidies,
on en fait des paquets de cent: pour cet effet,
on en compte cent; on jette cette centaine dans
un des plats de la balance, & on en jette dans l'autre
plat autant qu'il en faut pour l'équilibre; on continue
ainsi jusqu'à ce qu'on ait mis toutes les pointes
en paquets de centaines, & en état de vente.
Voyez, fig. 21. Pl. I. des clous à tête ronde. Il y
a parmi les clous d'épingle, ceux d'homme & ceux
de femme: ils ne different que par la force; les premiers
sont les plus forts.
Les Arquebusiers donnent le nom de clou, au
clou du chien de la platine. Voyez
Fusil & Platine.
On appelle du même nom la graine de girosle;
voyez
Girofle:
c'est le nom d'une maladie
de l'oeil. Voyez Clou (Medecine). Le clou a servi
quelquefois à marquer les années & les évenemens.
Voyez Clou (Hist. anc.) On argente & l'on dore
les clous. Voyez
Dore & Argenter.
Clou.
(Page 3:551)
Clou. (Hist. anc.) Tite - Live rapporte que les anciens
Romains, encore grossiers & sauvages, n'avoient
pour annales & pour fastes que des clous,
qu'ils attachoient au mur du temple de Minerve. Il
ajoûte que les Etruriens, peuples voisins de Rome,
en fichoient à pareille intention dans les murs du
temple de Nortia leur déesse. Tels étoient les premiers
monumens dont on se servit pour conserver la
mémoire des évenemens, au moins celle des années;
ce qui prouve qu'on connoissoit encore bien peu l'écriture
à Rome, & rend douteux ce que les historiens
ont raconté de cette ville avant sa prise par les
Gaulois. D'autres prétendent que c'étoit une simple
cérémonie de religion, & se fondent aussi sur Tite<cb->
Live, qui dit que le dictateur ou un autre premier
magistrat, attachoit ce clou mystérieux aux ides de
Septembre, idibus Septembr. clavum pungat; mais ils
n'expliquent ni le sens ni l'origine de cette cérémonie,
& la regardent seulement comme un secours à
l'ancienne chronologie, surabondamment ajoûté aux
annales par écrit.
On avoit encore coûtume à Rome, dans les calamités
publiques, d'attacher un clou dans le temple
de Jupiter. Dans une peste qui desola Rome, le
clou sacré fut placé par le dictateur, & la contagion
cessa. En cas de troubles intestins & de secession,
c'est - à - dire de schisme de la populace, on avoit recours
à ce clou. Et dans une circonstance singuliere
o> les dames Romaines donnoient à leurs maris des
philtres qui les empoisonnoient, on pensa que le clou
qui dans les tems de troubles avoit affermi les hommes
dans le bon sens, pourroit bien produire le même
effet sur l'esprit des femmes. On ignore les cérémonies
qu'on employoit dans cet acte de religion,
Tite - Live s'étant contenté de marquer qu'il n'appartenoit
qu'au dictateur, ou à son défaut au plus considérable
des magistrats de placer le clou. Manlius
Capitolinus fut le premier dictateur créé pour cette
fonction. Mém. de l'acad. des Bell. Lett. tom. VI. (G)
Clou,
(Page 3:551)
Clou, (Med.) maladie de l'oeil; espece de staphylome,
en Grec E/LOS2, en Latin clavus oculi.
On donne le nom de clou au staphylome, quand
par un ulcere de la cornée, l'uvée s'étant avancée
en - dehors, s'endurcit & se resserre à la base de la
tumeur qu'elle forme; ou lorsque la cornée s'endurcit
pareillement, & se resserre de telle maniere que
la base de la tumeur étant fort retrécie, la tumeur
en paroît éminente & arrondie en forme de tête
sphérique d'un clou. Cette tumeur détruit la vûe, &
ne se guérit point, parce qu'aucun staphylome n'est
guérissable. Voyez Staphylome. Voyez aussi l'art.
Clavus. Article de M. le Chevalier
de Jaucourt.
Next page
The Project for American and French Research on the Treasury of the
French Language (ARTFL) is a cooperative enterprise of Analyse et
Traitement Informatique de la Langue Française (ATILF) of the
Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), the Division
of the Humanities, the Division of the Social Sciences, and Electronic
Text Services (ETS) of the University of Chicago.
PhiloLogic Software, Copyright © 2001 The University of Chicago.