ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"408"> ainsi subtilisée, se consumant perpétuellement par les circulations réitérées, demande semblablement à être réparée. Il est donc nécessaire pour cette réparation de renouveller le chyle, & par conséquent de reprendre de nouveaux alimens & de nouvelles boissons.

On conçoit bien que les humeurs qu'on a perdues se réparent, quant à la matiere, par les alimens, la boisson, & l'air; mais quant aux qualités requises, cette opération s'exécute par le concours des actions naturelles du corps, dont l'exposition fait une des grandes & des belles parties de la Physiologie.

Fausses hypotheses sur la chylification. Comme par le détail qu'on vient de lire, tout ce qui arrive aux alimens depuis leur préparation dans la bouche jusqu'à leur derniere subtilisation, qui produit la nutrition des parties du corps humain, est une suite évidente de la fabrique & de l'action des vaisseaux, de la nature connue des humeurs, démontrée par des raisonnemens méchaniques; falloit - il, pour en donner l'explication, avoir recours à des suppositions obscures ou douteuses, & également contraires à la raison & à l'expérience? falloit - il enfanter tous ces systèmes extravagans en Medecine, si long - tems à la mode, & si justement méprisés aujourd'hui? Je parle des systèmes de la chaleur coctrice du ventricule, de son acreté naturelle & vitale, de l'archée de Vanhelmont, de la bile alkaline qui change le chyle acide en alkalescent salé & volatil, d'une précipitation qui purifie le chyle, des fermentations, des effervescences du sang dans le ventricule droit, du nitre aérien qui le change en rouge dans le poumon? que sai - je, d'une infinité d'autres hypotheses chimériques, qui pour comble de maux, ont eu une influence pernicieuse sur la pratique de leurs auteurs. Cet article est de M. le Chevalier de Jaucourt.

CHYLIFERE (Page 3:408)

CHYLIFERE, adj. en Anatomie, se dit des vaisseaux qui portent le chyle, & qu'on nomme aussi chylidoques ou veines lactées. Voyez Chyle & Veines lactées.

CHYLOSE (Page 3:408)

CHYLOSE, s.f. en Medecine, l'action par laquelle les alimens se tournent en chyle ou chyme dans l'estomac, &c. soit que cela arrive par une fermentation qui se passe dans l'estomac, soit par la force de contraction de ce viscere, soit par ces deux moyens tout à la fois. Voyez Chylification & Digestion. (L)

CHYME (Page 3:408)

CHYME, s. m. (Anat. Physiolog.) suc animal qui est le même que celui qu'on appelle ordinairement chyle. Voyez Chyle.

Il y a cependant des auteurs qui distinguent entre le chyme & le chyle, & qui restreignent le mot chyme à signifier la masse de nourriture telle qu'elle est dans l'estomac, avant qu'elle soit assez attenuée & liquéfiée pour pouvoir franchir le pylore, passer dans le duodenum, & de là dans les veines lactées, pour s'y dissoudre davantage & s'y impregner du suc pancréatique; après quoi elle commence à être dans l'état de chyle. D'autres prétendent tout le contraire.

CHYMIE ou CHIMIE (Page 3:408)

CHYMIE ou CHIMIE, s. f. (Ord. encyc. Entend. Raison. Philos. ou Science. Science de la nat. Physique. Physiq. générale. Physiq. particul. ou des grands corps & des petits corps. Physiq. des petits corps ou Chimie.) La Chimie est peu cultivée parmi nous; cette science n'est que très - médiocrement répandue, même parmi les savans, malgré la prétention à l'universalité de connoissances qui fait aujourd'hui le goût dominant. Les Chimistes forment encore un peuple distinct, très - peu nombreux, ayant sa langue, ses lois, ses mysteres, & vivant presque isolé au milieu d'un grand peuple peu curieux de son commerce n'attendant presque rien de son industrie. Cette incuriosité, soit réelle, soit simulée, est toûjours peu philosophique, puisqu'elle porte tout - au - plus sur un jugement hasardé; car il est au moins possible de se tromper quand on prononce sur des objets qu'on ne connoît que superficiellement. Or comme il est précisément arrivé qu'on s'est trompé, & même qu'on a conçu plus d'un préjugé sur la nature & l'étendue des connoissances chimiques, ce ne sera pas une affaire aisée & de légere discussion, que de déterminer d'une maniere incontestable & précise ce que c'est que la Chimie.

D'abord les personnes les moins instruites ne distinguent pas le chimiste du souffleur; l'un & l'autre de ces noms est également mal - sonnant pour leurs oreilles. Ce préjugé a plus nui aux progrès, du moins à la propagation de l'art, que des imputations plus graves prises dans le fond même de la chose, parce qu'on a plus craint le ridicule que l'erreur.

Parmi ces personnes peu instruites, il en est pour qui avoir un laboratoire, y préparer des parfums, des phosphores, des couleurs, des émaux, connoître le gros du manuel chimique & les procédés les plus curieux & les moins divulgués, en un mot être ouvrier d'opérations & possesseur d'arcanes, c'est être chimiste.

Quelques autres, en bien plus grand nombre, restreignent l'idée de la Chimie à ses usages medicinaux: ce sont ceux qui demandent du produit d'une opération, dequoi cela guérit - il? Ils ne connoissent la Chimie que par les remedes que lui doit la Medecine pratique, ou tout au plus par ce côté & par les hypotheses qu'elle a fournies à la Medecine théorique des écoles.

Ces reproches tant de fois repétés: les principes des corps assignés par les Chimistes sont des êtres très composés; les produits de leurs analyses sont des créatures du feu; ce premier agent des Chimistes altere les matieres auxquelles on l'applique, & confond les principes de leur composition, ignis mutat res: ces reproches, dis - je, n'ont d'autre source que les méprises dont je viens de parler, quoiqu'ils semblent supposer la connoissance de la doctrine & des faits chimiques.

On peut avancer assez généralement que les ouvrages des Chimistes, des maîtres de l'art, sont presque absolument ignorés. Quel physicien nomme seulement Becher ou Stahl? Les ouvrages chimiques (ou plûtôt les ouvrages sur des sujets chimiques) de savans, illustres d'ailleurs, sont bien autrement célébrés. C'est ainsi, par exemple, que le traité de la fermentation de Jean Bernoulli, & la docte compilation du célébre Boerhaave sur le feu, sont connus, cités, & loüés; tandis que les vûes supérieures, & les choses uniques que Stahl a publiées sur l'une & l'autre de ces matieres, n'existent que pour quelques chimistes.

Ce qu'on trouve de chimique chez les physiciens proprement dits, car on en trouve chez plusieurs, & même jusqu'à des systèmes généraux, des principes fondamentaux de doctrine; tout ce chimique, dis - je, qui est le plus répandu, a le grand defaut de n'avoir pas été discuté ou vérifié sur le détail & la comparaison des faits; ce qu'ont écrit de ces matieres, Boyle, Newton, Keill, Freind, Boerhaave, &c. est manifestement marqué au coin de cette inexpérience. Ce n'est donc pas encore par ces derniers secours qu'il faut chercher à se former une idee de la Chimie.

On pourroit la puiser dans plusieurs des anciens chimistes; ils sont riches en faits, en connoissances vraiment chimiques; ils sont Chimistes: mais leur obscurité est réellement effrayante, & leur enthousiasme déconcerte le sage & grave maintien de la philosophie des sens. Ainsi il est au moins très pénible d'appercevoir la saine Chimie (dans l'art [p. 409] excellence, l'art sacré, l'art divin, le rival & même le réformateur de la nature des premiers peres de notre science.

Depuis que la Chimie a pris plus particulierement la forme de science, c'est - à - dire depuis qu'elle a reçu les systèmes de physique régnans, qu'elle est devenue successivement Cartésienne, corpusculaire, Newtonienne, académique ou expérimentale; différens chimistes en ont donné des idées plus claires, plus à portée de la façon de concevoir dirigée par la logique ordinaire des sciences; ils ont adopté le ton de celles qui avoient été répandues les premieres. Mais ces chimistes n'ont - ils pas trop fait pour se rapprocher? ne devoient - ils pas être plus jaloux de conserver leur maniere propre & indépendante? n'avoient - ils pas un droit particulier à cette liberté, droit acquis par la possession & justifié par la nature même de leur objet? la hardiesse (on a dit la folie), l'enthousiasme des Chimistes differe - t - il réellement du génie créateur de l'esprit systématique? & cet esprit systématique le faut - il proscrire à jamais, parce que son essor prématuré a produit des erreurs dans des tems moins heureux? parce qu'on s'est égaré en s'élevant; s'élever est - ce nécessairement s'égarer? l'empire du génie que les grands hommes de notre tems ont le courage de ramener, ne seroit - il rétabli que par une révolution funeste?

Quoi qu'il en soit, le goût du siecle, l'esprit de détail, la marche lente, circonspecte, timide des sciences physiques, a absolument prévalu jusque dans nos livres élémentaires, nos corps de doctrine. Ces livres ne sont, du moins leurs auteurs eux - mêmes ne voudroient pas les donner pour mieux que pour des collections judicieusement ordonnées de faits choisis avec soin & vérifiés séverement, d'explications claires, sages, & quelquefois neuves, & de corrections utiles dans les procédés. Chaque partie de ces ouvrages peut être parfaite, du moins exacte; mais le nceud, l'ensemble, le système, & sur - tout ce que j'oserai appeller une issue par laquelle la Chimie puisse s'étendre à de nouveaux objets, éclairer les autres sciences, s'aggrandir en un mot; ce noeud, dis - je, ce système, cette issue manquent.

C'est principalement le caractere de médiocrité de ces petits traités qui fait regarder les Chimistes, entr'autres faux aspects, comme de simples manoeuvres, ou tout au plus comme des ouvriers d'expériences. Et qu'on ne s'avise pas même de soupçonner qu'il existe ou qu'il puisse exister une Chimie vraiment philosophique, une Chimie raisonnée, profonde, transcendante; des chimistes qui osent porter la vûe au - delà des objets purement sensibles, qui aspirent à des opérations d'un ordre plus relevé, & qui, sans s'échapper au - delà des bornes de leur art, voyent la route du grand physique tracée dans son enceinte.

Boerhaave a dit expressément au commencement de sa Chimie, que les objets chimiques étoient sensibles, grossiers, coercibles dans des vaisseaux, corpora sensibus patula, vel patefacienda, vasis coercenda, &c. Le premier historien de l'académie royale des Sciences a prononcé le jugement suivant à propos de la comparaison qu'il a eu occasion de faire de la maniere de philosopher de deux savans illustres, l'un chimiste, & l'autre physicien. « La Chimie par des opérations vilibles, résout les corps en certains principes grossiers & palpables, sels, soufres, &c. mais la Physique, par des spéculations délicates, agit sur les principes comme la Chimie a fait sur les corps; elle les résout eux - mêmes en d'autres principes encore plus simples, en petits corps mûs & figurés d'une infinité de façons: voilà la principale différence de la Physique & de la Chimie. ... L'esprit de Chimie est plus confus, plus enveloppé; il ressemble plus aux mixtes, où les principes sont plus embarrassés les uns avec les autres: l'esprit de Physique est plus net, plus simple, plus dégagé, enfin il remonte jusqu'aux premieres origines, l'autre ne va pas jusqu'au bout ». Mém. de l'acad. des Sciences, 1699.

Les Chimistes seroient fort médiocrement tentés de quelques - unes des prérogatives sur lesquelles est établie la prééminence qu'on accorde ici à la Physique, par exemple de ces spéculations délicates par lesquelles elle résout les principes chimiques en petits corps mûs & figurés d'une infinité de taçons; parce qu'ils ne sont curieux ni de l'infini, ni des romans physiques: mais ils ne passeront pas condamnation sur cet esprit confus, enveloppé, moins net, moins simple que celui de la Physique; ils conviendront encore moins que la Physique aille plus loin que la Chimie; ils se flatteront au contraire que celle - ci pénetre jusqu'à l'intérieur de certains corps dont la Physique ne connoît que la surface & la figure extérieure; quam & boves & asini discernunt, dit peu poliment Becher dans sa physiq. soûterr. Ils ne croiront pas même hasarder un paradoxe absolument téméraire, s'ils avancent que sur la plûpart des questions qui sont désignées par ces mots, elle remonte jusqu'aux premieres origines, la Physique n'a fait jusqu'à présent que confondre des notions abstraites avec des vérités d'existence, & par conséquent qu'elle a manqué la nature nommément sur la composition des corps sensibles, sur la nature de la matiere, sur sa divisibilité, sur sa prétendue homogénéité, sur la porosité des corps, sur l'essence de la solidité, de la fluidité, de la molesse, de l'élasticité, sur la nature du feu, des couleurs, des odeurs, sur la théorie de l'évaporation, &c. Les chimistes rebelles qui oseront méconnoître ainsi la souveraineté de la Physique, oseront prétendre aussi que la Chimie a chez soi dequoi dire beaucoup mieux sur toutes les questions de cette classe, quoiqu'il faille convenir qu'elle ne l'a pas dit assez distinctement, & qu'elle a négligé d'étaler tous ses avantages; & même (car il faut l'avoüer) quoiqu'il y ait des chimistes qui soupçonnent si peu que leur art puisse s'élever à des connoissances de cet ordre, que quand ils rencontrent par hasard quelque chosede semblable, soit dans les écrits, soit dans la bouche de leurs confreres, ils ne manquent pas de le proscrire avec hauteur par cette formule d'improbation, cela est bien physique; jugement qui montre seulement qu'ils n'ont une idée assez juste ni de la Physique à laquelle ils renvoyent ce qui ne lui appartiendra jamais, ni de la Chimie qu'ils privent de ce qu'elle seule a peut - être le droit de posséder.

Quoi qu'il en soit de nos prétentions respectives, l'idée que les Physiciens avoient d'eux - mêmes & des Chimistes en 1669, est précisément la même qu'en ont aujourd'hui les plus illustres d'entre - eux. C'est cette opinion qui nous prive des suffrages dont nous serions le plus flattés, & qui fait à la Chimie un mal bien plus réel, un dommage vraiment irréparable, en éloignant de l'étude de cette science, ou en confirmant dans leur éloignement plusieurs de ces génies élevés & vigoureux, qui ne sauroient se laisser traîner de manoeuvre en manoeuvre, ni se nourrit d'explications maigres, seches, foibles, isolées, mais qui auroient été nécessairement des chimistes zélés, si un seul trait de lumiere leur eût fait entrevoir combien la Chimie peut préter au génie, & combien elle peut en recevoir à son tour.

Il est très - difficile sans doute de détruire ces impressions défavorables. Il est clair que la révolution qui placeroit la Chimie dans le rang qu'elle mérite, qui la mettroit au moins à côté de la Physique calculée; que cette révolution, dis - je, ne peut être opérée que par un chimiste habile, enthousiaste, &

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