ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"170"> le dedans de ce sac soit garni de tamis de crin; on place le chapeau dans cette chausse ou dans le vigogne; on prend la brosse, on l'asperge; on a une des pieces qu'on place sur le chapeau; de maniere que l'arrête en soit débordée d'un bon pouce; on tape cette piece avec la brosse: si on se sert d'une chausse, il ne faut point de tamis: si on se sert d'un vigogne, on place des tamis sur la piece pour la séparer du vigogne; on retourne cet appareil sens - dessus - dessous; on ouvre le chapeau; on place en - dedans des tamis, de peur que les bords inférieurs de la piece mise ne prennent avec les bords inférieurs de celle qu'on va mettre; on ferme le chapeau; on place une seconde piece; on sépare cette seconde piece par des tamis du vigogne, si c'est d'un vigogne que l'on se sert; on fait un pli à la tête, tel que celui de la figure 25. on continue de plier le reste en trois autres plis, dans la direction du premier pli 25; on prend les maniques, mais non le roulet; on arrose avec la jatte, & on foule. Il faut dans ce travail que l'eau de la chaudiere soit moins chargée de lie; on foule chaud & clos sur la tête & sur les côtés; on examine ensuite si les deux pieces ont bien pris avec le reste de l'étoffe, ce dont on s'appercevra à une espece de gripure ou grenure qui se formera à la surface des pieces. Quand cela est, on ôte du dedans du chapeau les tamis qui empêchoient les bords des pieces de prendre; puis on décroise, de maniere que ce qui étoit sur les côtés du cone soit dans le milieu, & que ce qui étoit dans le milieu soit sur les côtés; & que les côtés du cone après le décroisement, partagent chacun chaque piece en deux parties égales, dont une qui est une des aîles d'une piece soit dessus, & l'autre partie ou aîle dessous; & dont une qui est une des aîles de l'autre piece, soit pareillement dessus, & l'autre partie ou aîle, dessous. On place alors deux autres pieces, comme on a placé les précédentes, les faisant déborder l'arrête du chapeau de la même quantité, leurs aîles sur les aîles des deux premieres; d'où l'on voit combien il étoit raisonnable de faire à l'arçon ces aîles moins épaisses que le centre, puisque le chapeau doit être égal par tout d'épaisseur, & que dans la fabrique, une aîle de piece se devoit cependant trouver placée sur l'aîle d'une autre piece; ce qui ne pouvoit donner la même épaisseur, à moins que le centre de la piece ne fût à - peu - près deux fois plus épais que l'extrémité de son aîle. On met des tamis à ces deux pieces, & on les fait prendre comme les deux autres, faisant un pli sur la tête & sur les côtés, foulant à la manique & sans roulet, mais chaud & clos, & arrosant avec la jatte.

Quand on s'est apperçu que ces deux secondes pieces sont prises, on ôte délicatement les tamis pour ne pas offenser les pieces, on décroise sur les points d'intersection des aîles des pieces, c'est - à - dire qu'on amene ces points dans le milieu; & on en pose deux autres, l'une en - dessus & l'autre en - dessous, de maniere que leur petit axe passe chacun par les deux points d'intersection de deux aîles appliquées l'une sur l'autre; on met les tamis, on foule fortement, on fait prendre ces deux nouvelles pieces; & quand elles sont prises, on en place deux autres, après avoir décroisé de maniere que les deux dernieres prises soient amenées sur les côtés du cone, & divisées en deux parties égales par ces côtés, & que les deux qu'on va placer ayent les bouts de leurs aîles sur les bouts des aîles des deux dernieres placées. On suit cet ordre & cette manoeuvre jusqu'à ce qu'on en ait placé douze, deux à deux.

Quand toutes les pieces sont placées & prises, on leur donne encore dans la chausse ou le vigogne une couple de croisées reglées; puis on retourne le chapeau, & l'on met en - dedans les pieces qui for<cb-> ment le plumet; on foule chaud avec les maniques; mais sans roulet; en tête & sur les côtés, mais non sur l'arrête, ce qui gâteroit le plumet: on continue des croisées jusqu'à ce que le cordon du plumet se dénoüe, c'est - à - dire jusqu'à ce que ce pouce excédant des pieces, ne prenant point de nourriture, se casse & vienne à se séparer du feutre. Quand le cordon est séparé, on examine si la séparation s'en est bien faite; s'il en reste quelque parcelle, on l'arrache doucement avec les pincettes de foule. Puis on retourne le chapeau, l'on remet le plumet en - dehors, & on le foule bien chaud & bien clos, à la manique & sans roulet. Quand à force de fouler & de travailler il ne reste plus rien du tout de l'excédent des pieces, on suppose que le chapeau est assez foulé; on le retourne, on l'égoutte avec le roulet, mais doucement; on le met en coquille, comme s'il étoit sans plumet; on le pousse, on le met sur la forme, on le dresse, on le ficelle, on exécute tout ce qui suit l'opération, comme s'il étoit sans plumet; avec cette différence seule, qu'ensuite on le déficelle & qu'on le dresse deux fois. Après le second dressage, on le resicelle, on l'unit à la piece, on abat la ficelle, on acheve de l'unir, on l'arrose d'une jattée, on l'égoutte avec la piece, on prend un carrelet, & on peigne le plumet pour le démêler; ce qui s'exécute singulierement: on tient le carrelet, on le pose sur le plumet en frappant, puis on n'en releve que la partie qui correspond au bas de la paume de la main: le bout du carrelet reste appliqué sur le plumet vers la tête, ses dents dans cette opération sont tournées du côté du talon de la main, & sa longueur est dans une ligne qui partiroit du centre de la forme pour aller au bord de l'arrête; on tourne la forme sur elle - même à mesure qu'on peigne, & l'action du peigne est de démêler & dresser les poils du plumet: cela fait, on le porte à l'étuve, il y passe la nuit; le lendemain on le ponce, sans toucher au plumet; on l'arrondit: pour cet effet, on repousse avec la main légerement le plumet du côté de la tête, puis on rogne l'arrête tout autour avec des ciseaux, le moins qu'on peut; on repeigne le plumet sec, précisément comme la premiere fois quand il étoit mouillé; on l'éleve à la hauteur de l'oeil, on regarde entre les poils du plumet s'il n'y en a point de noüés, on sépare à la pincette ceux qui le sont, après quoi on le rend au maître qui en marque à feu, avec un fer, le poids & la qualité, avec les premieres lettres de son nom, qui de relief sur le fer, viennent en creux sur le chapeau.

Les chapeaux vont maintenant passer dans l'attelier des Teinturiers. Mais avant que de les teindre, on les robe; rober un chapeau, c'est le frotter avec un morceau de peau de chien de mer qu'on tient entre les doigts, & qu'on appuie avec la paume de la main; pour rober la tête, on met le chapeau sur une forme plus haute, puis on le frotte sur les côtés de la tête, & ensuite sur le plat.

Quand les chapeaux sont robés, les Teinturiers s'en emparent & les assortissent. Assortir, c'est chercher entre les formes celle qui convient à chaque chapeau. Quand ils en ont assorti une certaine quantité, ils amassent & les chapeaux & les formes à côté d'une petite foule toute semblable à celle du Chapelier, qu'on appelle dégorgeage. Voyez Planche III. de Chapelerie, fig. 1. la foule de dégorgeage; 1, 2, 3, 4, poteaux, dont on verra l'usage; 5, entrée du dessous de la chaudiere; 6, 7, bancs; 8, cheminée. Elle est petite, à quatre seulement, & les bancs en sont plus plats. La chaudiere est pleine d'eau claire, on met le feu dessous; quand elle est sur le point de bouillir, ils prennent les chapeaux par les aîles & en trempent la tête avec la forme dans la chaudiere, les retournent sur le banc de la foule, abattent les plis avec la main, font entrer la forme de leur mieux, [p. 171] mettent la ficelle à moitié de la forme, & abaissent cette ficelle avec l'avaloire, ou l'instrument de cuivre qu'on voit fig. 13. avec un manche de bois, & la tête terminée par deux rainures. La ficelle se loge dans ces rainures; on ne se sert plus du grand côté; les aîles de la rainure ne sont pas égales, l'une est un peu plus haute que l'autre; c'est la plus haute qu'on applique contre la forme, & qu'on insere entre la ficelle & le chapeau. On n'avale pas la ficelle tout - à - fait jusqu'au bas de la forme; il y a au côté de la foule de dégorgeage 4 billots, 1, 2, 3, 4, sur un desquels on frappe auparavant le plat de la forme, pour faire préter le feutre & entrer la forme. On acheve d'avaler la ficelle; on prend le chapeau par le bord, on le trempe dans la chaudiere, on le piece, on en abat les bords à plat, on l'égoutte avec la piece, on le tire au carrelet en - dessus & en - dessous sans le sortir de dessus la forme: cette opération le rend velu; alors il est prêt à entrer en teinture.

Voici maintenant la maniere dont on teint: au reste les maîtres varient entr'eux & sur la quantité relative des ingrédiens & même sur les ingrédiens; il ne faut donc pas s'imaginer que ce que nous allons dire soit d'un usage aussi général & aussi uniforme que ce que nous avons dit.

On teint un plus grand ou un plus petit nombre de chapeaux, suivant la capacité de la chaudiere; on teint jusqu'à 240 chapeaux à la fois. On les prend au sortir de la foule de dégorgeage: on commence par remplir d'eau claire la chaudiere à teindre, qu'on voit fig. 2. Planc. III. de Chapelerie; elle tient communément cinq demi - muids. Avant que de la faire chauffer, on y met toutes les drogues suivantes: 1°. cent livres de bois d'inde haché par petits copeaux; 2°. douze livres ou environ de gomme de pays; 3°. six livres de noix de galle: on fait bouillir le tout pendant la nuit, environ deux à trois heures; après quoi on ajoûte 4°. six livres ou environ de verdet ou verd - de - gris concassé; 5°. dix livres de couperose: quand on met ces deux derniers ingrédiens, la chaudiere ne bout plus, elle est seulement chaude & sur son bouillon.

Immédiatement après l'addition, on prend des chapeaux, on en met cinquante à fond de la chaudiere rangés sur tête; sur ceux - ci, on place les autres forme contre forme par rangées, cinq rangées sur le devant, quatre sur le derriere; le nombre tant de ceux du fond que des rangées, est de 120. On a des perches qu'on étend en - travers sur les formes; on met des planches sur les extrémités de ces perches, & sur ces planches des billots, qu'on voit fig. 2. Planc. III. en a, b, dont le poids tient les chapeaux enfoncés dans la chaudiere; on les y laisse une heure & demie sans les remuer; au bout de ce terns on les releve, & on les disperse sur des planches où ils prennent leur évent. Pendant que ces 120 chapeaux prennent leur évent, on place dans la chaudiere les 120 autres, on les y arrange comles premiers, on les y laisse le même tems, & on les releve. Avant que d'y faire rentrer ceux qui ont pris leur évent, on rafraîchit la chaudiere de quatre seaux de bois d'inde en copeaux. Remarquez, qu'avant de lever les chapeaux, il faut jetter sur la chaudiere trois ou quatre seaux d'eau froide de riviere, pour écarter l'écume qui s'est amassée à la surface: on ajoûte aux quatre seaux de bois d'inde environ trois livres de verd - de - gris, & six livres de couperose; après quoi on remet dans la chaudiere les 120 premiers chapeaux, pour une heure & demie. Au bout de ce tems, on jette sur la chaudiere trois ou quatre autres seaux d'eau; on les releve, & on leur donne l'évent sur les planches, & on continue ainsi jusqu'à la quatrieme chaude, qu'on rafraîchit encore la cuve, mais de deux seaux seulement de bois d'inde & de quatre livres de couperose. On donne seize chaudes en tout; c'est huit chaudes & huit évents, pour chaque 120 chapeaux.

Quand le teint est fait, on porte les 240 chapeaux au puits, & on les lave dans deux tonneaux d'eau claire, en les prenant l'un après l'autre, les humectant & les brossant; après quoi on les relave. Quand ils sont relavés, on a une petite chaudiere qu'on appelle chaudiere à retirer; on la remplit d'eau de riviere qu'on entretient bouillante; on y met les chapeaux par trente, puis on les retire.: les retirer, c'est les prendre par les bords, les manier, & les détirer fortement pour les abattre & les rendre plats. A mesure qu'on en tire une douzaine de la chaudiere à retirer, on en va prendre au puits douze autres qu'on y remet; & ainsi de suite jusqu'à la fin.

Au sortir de la chaudiere à retirer, on les porte sur une table où on les retire encore, maie c'est pour les rendre velus, & ce retirage se fait avec le carrelet & sortement, & en - dessus & en - dessous. Le premier retirage s'appelle retirage à l'eau; celui - ci s'appelle retirage à poil. Il ne faut guere que six heures pour retirer en cette sorte toute la teinture, tant à l'eau qu'à poil.

Quand les chapeaux ont été retirés à poil, on les porte aux étuves: il y a dans ces étuves un grand bassin rond scellé dans le sol, où l'on allume un brasier; on y porte les 240 chapeaux par port on, on les y laisse quatre heures; & à chaque fois qu'on sort & qu'on retire des chapeaux dans l'étuve, on jette environ six boisseaux de charbon dans le bassin. Quand ils sont secs, on les met en tas hors des étuves, tête sur tête; on les brosse à sec avec une brosse rude: cela s'appelle brosser la teinture. Quand ils sont brossés, on les lustre avec de l'eau claire; puis on les remet aux étuves où ils passent la nuit; le lendemain on les déforme, & on les rend au maître.

Le maìtre les remet aux apprêteurs ou approprieurs. L'apprêt est une espece de colle qui se compose de la maniere suivante: au reste il en est encore de ceci comme de la teinture, chacun a sa composition dont il fait un secret même à son confrere. On prend de gomme de pays quatre à cinq livres, de colle de Flandres trois à quatre livres, de gomme Arabique une demi - livre; on fait cuire le tout ensemble à grands bouillons pendant trois à quatre heures. Quand ce mêlange est cuit, on le pasie au tamis, & l'on s'en sert ensuite pour apprêter. Il y en a qui l'éclaircissent, à ce qu'on dit, avec l'amer de boeuf; on lui donne la consistance de la bouillie avec l'eau chaude. Voyez, fig. 3, 4, 5, 6, 7, l'attelier de l'apprêteur.

L'apprêteur est assis sur une chaise; il a devant lui un bloc de bois, fig. 5. monté sur quatre piés, & percé dans le milieu d'un trou capable de recevoir la tête, & à côté de lui une pile de chapeaux à apprêter. Il en prend un, met la forme dans le trou 5 du bloc, prend dans sa chaudiere de l'apprèt avec un pinceau à longs poils, tâte son chapeau par - tout, donne un coup de pinceau aux endioits qui paroinent soibles, & passe eniuite son pinceau sur tout le reste de la surface du bord, observant de fortifier 'apprêt les endroits qu'il a marqués d'abord comme foibles. Comme l'apprêt ne laisse pas que d'être fluide, il en coule un peu dans la tète du chapeau: l'apprêteur a un autre pinceau sec avec lequel il ramasse & étend cet apprêt.

Le chapeau dans cet état passe entre les mains d'un autre ouvrier qui tient les bassins; ces bassins ne sont au re chose que deux fourneaux 3, 3, qui ne differem de ceux de cuisine qu'en ce que le foyer en est conique; la grille est à l'extrémité du cone, & le cendrier est sous la grille, On allume du feu dans le co<pb->

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