ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"172"> ne; on a une plaque de cuivre plus grande que la base du cone, qui sert d'entrée au fourneau; on couvre cette entrée avec cette plaque qu'on tient élevée sur un cerceau qui borde l'ouverture, ou sur quatre morceaux de brique; on étend sur cette plaque plusieurs doubles de grosse toile d'emballage; on arrose cette toile d'eau avec un goupillon; on prend son chapeau dont le bord est apprêté; on trempe une brosse 6 dans de l'eau; on frotte avec cette brosse à longs poils la circonférence du chapeau; on lui fait faire un peu le chapiteau; & on le pose sur la toile, le côté apprêté tourné vers elle. On l'y laisse un instant. Pendant cet instant, il y a un autre chapeau sur l'autre bassin; on va de l'un à l'autre, les retournant à mesure que la vapeur s'éleve de la toile mouillée & les pénetre: cette buée transpire àtravers l'étoffe, emporte avec elle l'apprêt, & le répand uniformément dans le corps de l'étoffe, excepté peut - ête aux endroits foibles où l'apprêt est un peu plus fort.

Ceux qui menent les bassins, ont aussi des blocs 4 dans le voisinage de leurs fourneaux; à mesure qu'un chapeau a reçu assez de buée, & que l'apprêt a suffisamment transpiré, ils en mettent la forme dans le trou de ce bloc, & frottent rapidement avec un torchon le bord qui est encore tout chaud. Pour s'assûrer si l'apprêt est bien rentré, ils passent leur ongle sur la surface qui a été apprêtée; si ce qu'ils en enlevent est humide & aqueux, l'apprêt est bien rentré; il ne l'est pas assez, si ce qu'ils enlevent est épais & gluant: alors ils le remettent aux bassins & le font suer une seconde fois. Les apprêts sont plus ou moins ingrats, & donnent plus ou moins de peine à l'ouvrier. Quand la buée a été trop forte, l'apprêt a été emporté à - travers l'étoffe avec tant de violence, qu'il paroît quelquefois plus du côté où il n'a pas été donné, que de celui où l'on l'a mis avec le pinceau. Nous observerons en passant que cette méchanique est assez délicate, & que ce n'étoit pas - là une des conditions les moins embarrassantes du problème que nous nous étions proposé.

Lorsque le chapeau est apprêté des bords, un autre ouvrier apprête le dedans de la tête, en l'enduisant d'apprêt avec un pinceau; mais on ne le porte plus au bassin: ce fond étant couvert, il n'est pas nécessaire de faire rentrer l'apprêt.

Quand ils sont entierement apprêtés, on les porte dans les étuves où on les fait sécher. Quand ils sont secs, on les abat avec un fer à repasser, qu'on voit Planc. III. figure 8. qui a environ deux pouces d'épaisseur, cinq de largeur, & huit de longueur, avec une poignée, comme celui des blanchisseuses. On fait chauffer ce fer sur un fourneau, fig. 9. le dessus de ce fourneau est traversé de verges de fer qui soûtiennent le fer: on a devant soi un établi, on met le chapeau en forme, on prend la brosse à lustrer, on la mouille d'eau froide, on la passe sur un endroit du bord, & sur le champ on repasse cet endroit avec le fer, & ainsi de suite sur toute la surface du bord; ce qui forme une nouvelle buée qui acheve d'adoucir l'étoffe. Après avoir repassé, on détire, on abat, & on continue la buée, le repassage, le détirage, & l'abatage sur les bords jusqu'à ce qu'ils soient tout - à - fait plats.

Cela fait, on met la tête du chapeau dans un bloc, on arrose la face du bord qui se présente avec la brosse, & on la repasse comme l'autre; on applique le fer très - fortement, on y employe toute la force du bras, & même le poids du corps. Quand le chapeau est abattu du bord, on abat la tête; pour cet effet, on en humecte légerement le dessus avec la lustre, & on y applique fortement le fer qu'on fait glisser par tout; on acheve la tête sur ses côtés de la même maniere. On prend ensuite le peloton, ou avec le talon de la main on appuie sur la tête; on fait tourner la forme, & on couche circulairement tous les poils. Toute cette manoeuvre s'appelle passer en premier.

Le chapeau passé en premier est donné à une ouvriere qu'on appelle une éjarreuse: elle a une petite pince (fig. 10. Pl. III.) courbe, & large par le bout à - peu - près d'un pouce; elle s'en sert pour arracher tous les poils qu'on appelle jarre. On éjarre quelquefois toute la surface du chapeau, plus ordinairement on n'éjarre que les côtés. Quand ils sont éjarrés, on les donne à garnir, c'est - à - dire à y mettre la coëffe, c'est une toile gommée; elle est de deux parties, le tour & le fond; le tour est le développement du cylindre de la forme, le fond est un morceau quarré; on commence par bâtir ces deux morceaux ensemble, puis on l'ajuste dans le fond du chapeau; on commence par ourler les bords de la coëffe, & les coudre aux bords de la tête du chapeau, de maniere que le point ne traverse pas l'étoffe du chapeau, mais soit pris dedans son épaisseur, puis on arrête le fond au fond de la tête par un bâti de fil. Quand il est garni, on finit de le repasser au fer: pour cet effet, on le mouille légerement avec la lustre; on passe le fer chaud sur le bord; on le brosse ensuite fortement; on le repasse au fer; on lui donne un coup de peloton. Il faut seulement observer qu'on ne mouille pas le dessus de l'aîle, l'humidité que le fer a fait transpirer du dessous est suffisante. C'est alors qu'on y met les portes, les agraffes, le bouton, & la gance. Après quoi on le repasse en second avec la brosse rude, le fer, & le peloton. On le met pour cela sur une forme haute; on le brosse; on le presse avec le fer; on le lustre avec la lustre, & on y trace des façons avec le peloton mouillé. On l'ôte de dessus la forme; on le brosse encore avec la lustre mouillée tout - au - tour; on y pratique des façons avec le peloton, & on le pend au plancher où l'on a attaché des petites planches traversées de chevilles, qui peuvent par conséquent soûtenir des chapeaux de l'un & de l'autre côté.

Voilà comment on acheve un chapeau ordinaire après la teinture: il y a quelque différence s'il est à plumet. On le lustre au sortir de la teinture, & on le traite comme les chapeaux communs, excepté qu'on prend la brosse seche, & qu'on la conduit de la forme à l'arrête, ce qui commence à démêler le poil; puis on le porte aux étuves. Au sortir des étuves, on l'apprête comme les autres, on observe seulement de tenir le bloc très - propre. Quand il est sec, on le passe au fer en - dessous & en tête; puis avec un carrelet qu'on tire de la tête à l'arrête, on acheve de démêler le plumet. Quand le plumet est bien démêlé, on le finit comme nous l'avons dit plus haut pour ceux qui n'ont point de plumet.

Voilà la maniere dont on fait l'étoffe appellée chapeau, & celle dont on fabrique un chapeau superfin à plumet. C'est la solution du problême que nous nous étions proposé. Si l'on se rappelle la multitude prodigieuse de petites précautions qu'il a fallu prendre pour arracher les poils, les couper, les arçonner, les préparer, pour les lier ensemble lorsque le souffle auroit pû les disperser, & leur donner plus de consistance par le seul contact, que l'ourdissage n'en donne aux meilleures étoffes: si l'on se rappeile ce qui concerne l'arçonnage, les croisées, la foule, l'assemblage des grandes & petites capades, les travers, la teinture, l'apprêt, &c. on conviendra que ce problème méchanique n'étoit pas facile à résoudre. Aussi n'est - ce pas un seul homme qui l'a résolu; ce sont les expériences d'une infinité d'hommes. Il y avoit, selon toute apparence, longtems qu'on faisoit des chapeaux & du chapeau, lorsqu'on imagina d'en faire des dorés. L'expression do - [p. 173] rs est très - juste; car en Chapelerie, comme en Dorure, elle marque l'art de couvrir une matiere commune d'une matiere précieuse.

Les castors dorés qui viennent après les supersins, se travaillent comme les supersins, à l'exclusion de ce qui concerne le plumet.

Les castors non dorés se travaillent comme les précédens, à l'exclusion de ce qui concerne les dorures.

Les demi - castors dorés se fabriquent comme les castors dorés; la différence n'est ici que dans la ma<-> ere & le succès du travail. Voyez plus haut ce qui conterne la matre. Quant au succès, outre qu'il fatigue quelquefois davantage, parce qu'il est plus ingrat à la rentrée, ce qui multiplic les croisées & la foule, on s'en tire encore avec moins de satisfaction, parce que quand on le bastit trop court, il est sujet à la grigne, défaut qu'on reconnoît à l'étoffe, quand en passant le doigt dessus, & regardant, on y sent & voit comme un grain qui l'empêche d'être lisse; & que, quand il est basti trop grand, & qu'il ne rentre pas assez, il peut être fatigué de croisées & de foule, & s'écailler. Les écailles sont des plaques larges qu'on apperçoit comme séparées les unes des autres; dans la grigne, l'étoffe n'est pas assez fondue, elle est brute; dans l'écaille, elle l'est trop, & commence à dégénérer.

Les demi - castors sans dorure, ou fins, n'ont rien de particulier dans leur travail.

Les croix se travaillent avec moins de précautions que les fins; cependant ils demandent quelquefois plus de tems, donnent plus de fatigue, & sont moins payés. La différence des matieres occasionne seule ces inconvéniens. Les communs se fabriquent comme les precédens.

Les laines se font à deux capades, & un travers qu'on met sur le défaut des capades; quant à l'étoupage, il se fait en - dedans & en - dehors: au reste, quelqu'épaisseur qu'on donne à la laine arçonnée & bastie, on voit néanmoins le jour au - travers, le chapeau fût - il de douze à quatorze onces. Ce sont ces jours plus ou moins grands qui dirigent en étoupant; il faut qu'ils soient les mêmes sur toute une circonférence, & qu'ils augmentent par des degrés insensibles depuis le lien jusqu'à l'arrête. On donne le nom de lien à l'endroit où le travers est uni à la tête, & on étoupe par - tout où les jours ne paroissert pas suivre l'augmentation réglée par la distance au lien, mais aller trop en croissant. Pour étouper, on a deux fourches, ou brins de ballets, qui tiennent les bords relevés pendant cette manoeuvre. Au lieu de tamis, on se sert de morceaux de toile; le lambeau est aussi de toile; le bastissage s'en fait à feu. Une autre précaution qui a même lieu pour tout autre chapeau, c'est de ne pas trop mouiller la feutriere; cela pourroit faire bourser l'ouvrage. Bowser, se dit des capades, lorsqu'étant placées les unes sur les aùtres, elles ne prennent pas par - tout. En effet, les endroits non pris forment des especes de bourses. Les plumets sont particulierement sujets à ce défaut, surtout quand le travail des premieres pieces est vicieux. Les laines ne se bastissent pas à la soule, mais au bassin; & avant que de fouler on fait des paquets de bastis qu'on met bouillir dans de l'urine ou de l'eau chaude, cela les dispose à rentrer. Au sortir de ce bouillon, on les foule à la manique très - rudement & sans précaution. Au lieu du roulet de bois qu'on prend sur la fin de la foule, on se sert d'un roulet de fer à quatre ou six pans; on les dresse comme les autres, mais on ne les ponce point; le reste du travail est à l'ordinaire.

Les superfins à plumet se payent 5 liv. de façon; les superfins dorés de dix onces, mais sans carder, 2 liv. 15. s. les superfins dorés & cardés de dix on<cb-> ces, 2 liv. 10 s. au - dessous de dix onces, 2 liv. 5 s. les supersins sans do liv. les ca ordinaires dorés 1 liv. 15 s. les non dorés 1 liv. 10 s. les demi - casbors dorés 1 liv. 5 s. les demi - castors sans dorure 1 liv. les autres 1 liv.

Il ne nous re plus qu'un mot à dire des chapeaux blancs; ils demandent à être épincetés plass exactement; jusqu'à la teinture excvement on les travaille comme les autres. Il est à propos d'avoir pour eux une foule de dégorgeage à part; la raison en est évidente; au défaut de cette foule on se de celle des compagnons. On les dégorge bien à l'e claire; quand ils sent dégorgés, on les porte dams étuve particuliere qu'on appelle l'é au ; on les apprête avec la gomme la plus legere & la plus blanche; c'est un mêlange de go arabique & de colle foible. Cet apprêt se fait à part; après quoi on les abbat au fer; quelques maîtres les passent auparavant à l'eau de savon, avec une brosse à lustrer; cette eau doit être chaude. On les fait égoutter & secher; on les passe au fer en premier puis au sen sec, dont on les frotte par - tout; le reste s'acheve à l'ordinaire.

On repasse les vieux chapeaux; ce repassage consiste à les remettre à la teinture & à l'apprêt, & à leur donner les mêmes façons qu'on donne aux chapeaux neufs après l'apprêt.

On ne teint jamais sur le vieux que des laines, de vieux chapeaux, ou des chapeaux de troupes. Le bois d'Inde se brûle au sortir de la chaudiere, & le noir se vend aux teinturiers en bas.

Les chapeaux dont nous venons de donner la fabrique ne sont pas les seuls d'usage; on en sait de crin, de paille, de canne, de jonc, &c. Les aîles en sont très - grandes, & ils ne se portent guere qu'à la campagne dans les tems chauds. Ceux de paille & de canne se nattent. Voyez Nattis. Ceux de crim s'ourdissent. Ils sont rares. Voyez Crin.

Voici maintenant les principaux réglemens sur la fabrique des chapeaux, tels qu'on les trouve p. 339. du recucil des réglemens gen. & part. pour les manuf. & fabriq. du royaume. vol. I.

Le roi avoit ordonné d'abord qu'il ne fùt fait que de deux sortes de chapeaux, ou castor pur, ou laine pure; mais cette ordonnance ayant eu des suites préjudiciables, elle fut modisiée, & il fut permis de fabriquer des chapeaux de différentes qualités. Il fut enjoint 1° que les castors seroient effectivement purs castors: 2° que les demi - castors seroient de laine de vigogne seulement & de castor: 3° qu'on pourroit employer les poils de lapin, de chameau, & autres, mêlés avec le vigogne; mais non le poil de lievre, que les réglemens proscrivirent dans la fabrique de quelque chapeau que ce fùt: 4° qu'on pourroit mêler le vigogne & les poils susdits avec le castor, en telle quantité qu'on voudroit: 5° qu'à cet effet le castor & les autres matieres seroient mêlées & cardées ensemble, ensorte qu'il n'y eût aucune dorure de castor: 6° que la qualité du chapeau seroit marquée sur le cordon, d'un C pour le castor, d'un C D pour le demi - castor, d'une M pour les mélangés, & d'une L pour les laines: 7° que les ouvriers ayant fabriqué, & les maîtres ayant fait fabriquer des chapeaux dorés, seroient punis, ainsi que les cardeurs, coupeurs, & arracheurs, chez qui on trouveroit peau ou poil de lievre; 8° que pour l'exécution de ces nouveaux réglemens, il seroit fait dans les boutiques & ouvroirs de Chapelerie, des visites par ceux à qui le lieutenant de police en commettroit le soin.

On voit, par ce que nous avons dit ci - dessus de la fabrique des chapeaux, & par l'extrait que nous venons de donner des réglemens, qu'il s'en manque beaucoup que ces réglemens soient en vigueur.

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