ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"32"> de elle devienne incapable de recevoir de nouvelles augmentations. Enfin si on suppose que le froid continue encore à augmenter depuis ce période, il est aisé de voir que sa chaleur innée doit diminuer par degrés, jusqu'à ce qu'elle se termine enfin avec la vie. Id. ibid.

La latitude de la chaleur differe dans les différentes parties d'un animal, & dans les différens animaux, suivant les vîtesses respectives de leur circulation: & de plus, le même animal peut fixer, à sa volonté, cette latitude à différens degrés de froid, suivant qu'il retarde ou accélere le mouvement de son sang par le repos & l'exercice, ou par d'autres causes. D'ailleurs, la température d'un animal chaud ne descend jamais au - dessous de son point naturel, que lorsque la vîtesse de la circulation est en même tems proportionnellement diminuée; & plus sa température s'éloigne de ce point, plus grande est la diminution de cette vîtesse. En un mot, on peut conclure certainement que depuìs ce degré de froid extérieur, où la chaleur innée d'un animal parvient à sa plus grande vigueur, elle diminue ensuite dans la même proportion que la vîtesse du sang, jusqu'à ce qu'elles se terminent l'une & l'autre avec la vie de l'animal. Id. ibid.

Les grands animaux éprouvent une moindre perte de chaleur, que les petits de la même température; & cela exactement en raison de leurs diametres, cateris paribus. Maintenant puisque la densité des corps des animaux est à peu près la même, nous pouvons donc, malgré quelque différence qu'il peut y avoir dans leurs figures particulieres, & qu'on peut négliger ici en toute sûreté comme étant de peu de conséquence dans l'argument général; nous pouvons, dis - je, avancer que les animaux de la même température perdent de leur chaleur en raison inverse de leurs diametres. Mais comme dans les animaux vivans la chaleur qu'ils acquierent doit être égale à la perte qu'ils éprouvent, il suit évidemment que les quantités de chaleur produites par des animaux de la même température, sont volume pour volume réciproquement comme le diametre de ces animaux.

Ainsi, par exemple, si nous supposons que le diametre d'un éléphant soit à celui d'un petit oiseau, comme 100 à 1, il suit que leurs pertes respectives de chaleur étant en cette proportion, la cause qui produit la chaleur dans l'oiseau doit agir avec cent fois plus d'énergie que dans l'éléphant, pour compenser sa perte cent fois plus grande.

De plus, si nous faisons la comparaison entre l'éléphant & l'abeille (insecte que le docteur Martine a trouvé d'une température égale à celle des animaux chauds), la différence entre la quantité de chaleur que perdent ces deux êtres si disproportionnés, & qu'ils acquierent de nouveau, est encore beaucoup plus grande, & se trouve peut - être comme 1000 à 1. Id. ibid.

Un animal, depuis les limites de sa chaleur innée jusqu'à une certaine latitude de froid, conserve sa température naturelle égale & uniforme, comme nous l'avons déjà vû: mais cette latitude n'est pas à beaucoup près la même dans les différentes parties du corps; en général elle est plus grande dans le tronc, & elle diminue dans les autres parties, à peu près à raison de leurs distances du tronc: mais elle est fort petite, sur - tout dans les mains, les piés, les talons, les oreilles, & le visage, &c. la raison en est évidente: la circulation du sang se fait plus vîte, cteris paribus, dans les parties proches du coeur, & diminue de sa vitesse en s'éloignant de ce centre; en sorte que dans les parties les plus éloignées elle doit être fort lente.

La chaleur de la fiévre est dans l'homme d'environ 105, 106 ou 108d du therm. de Fahr. selon l'estimation du docteur Martine.

Le même docteur Martine a observé qu'on pouvoit rester quelque tems dans un bain dont la chaleur est d'environ cent degrés; mais que l'eau échauffée jusqu'au 112e ou 114e étoit trop chaude, pour que le commun des hommes pût tenir dedans pendant un certain tems les piés & les mains, quoique les mains calleuses ou endurcies par le travail de quelques ouvriers, ne soient pas offensées par un degré supérieur.

Il n'est pas inutile d'observer sur cela qu'il ne faut qu'une certaine habitude pour pouvoir laver impunément les mains avec du plomb fondu, comme le pratiquent certains charlatans, pourvû qu'on ait soin de ne faire fondre ce métal qu'au point précis de chaleur qui peut produire la fusion. Ce degré n'ést pas très - considérable: il n'est pas capable de brûler les mains, sur - tout si l'on a soin de ne retenir le plomb que très - peu de tems; précaution qui n'est pas négligée dans l'épreuve dont nous parlons: car on peut toucher à des corps brûlans moyennant cette derniere circonstance, c'est - à - dire, pourvû que ce contact ne soit que momentané. C'est ainsi que les Consiseurs trempent leurs doigts dans du sucre bouillant, les Cuisiniers, dans des sauces assez épaisses aussi bouillantes, &c.

Trois animaux, un moineau, un chien & un chat, que Boerhaave exposa à un air chaud de 146 degrés, moururent tous en quelques minutes. Le thermometre mis dans la gueule du chien quelques instans après sa mort, marqua le 110 degré de chaleur.

Enfin il faut encore se souvenir que les parties des animaux dans lesquelles le mouvement des humeurs est intercepté, ou considérablement diminué, comme dans certains cas de paralysie, après la ligature d'une artere, &c. que ces parties, dis - je, sont froides, ou ne joüissent presque que de la chaleur étrangere, ou communiquée par le milieu ambient.

Voilà une histoire exacte du phénomene que nous examinons; histoire qui dans la question présente, comme dans toute question physiologique, constitue d'abord en soi l'avantage le plus clair & le plus solide qu'on en puisse retirer, & qui doit être d'ailleurs regardée comme l'unique source des raisonnemens, des explications de la saine théorie. Nous allons donc nous appuyer de la considération de ces faits, pour peser le degré de confiance que nous pouvons raisonnablement accorder aux systèmes que les Physiologistes nous ont proposés jusqu'à présent sur cette matiere.

Depuis que notre façon d'envisager les objets physiques est devenue si éloignée de celle qui faisoit considérer la chaleur animale à Hyppocrate, comme un souffle divin, comme le principe de la vie, comme la nature même; & que l'air de sagesse, le ton de démonstration, & le relief des connoissances physiques & mathématiques, ont établi la doctrine desMedecins méchaniciens sur le débris de l'ingénieux système de Galien, & des dogmes hardis des Chimistes, la chaleur animale a été expliquée par les plus célebres Physiologistes, par les différens chocs, frottemèns, agitations, &c. que les parties du sang éprouvoient dans ses vaisseaux, soit en se heurtant les unes contre les autres, soit par l'action & la réaction mutuelle de ce fluide & des vaisseaux élastiques & oscillans dans lesquels il circule. Le mouvement intestin auquel les Chimistes avoient eu recours, & qu'ils regardoient comme une fermentation ou comme une effervescence, n'a pourtant pas été absolument abandonné encore; mais ce mouvement a été ramené par les Physiologistes qui l'ont retenu, aux causes méchaniques de la production de la chaleur, en<pb-> [p. 33] tendues par chaque auteur selon le système de philosophie qu'il a adopté.

Le docteur Mortimer même a proposé en 1745, à la Société royale de Londres, une explication de la chaleur animale, fondée sur une espece d'effervescence excitée entre les parties d'un soufre animal ou phosphore, qu'il suppose tout formé dans les humeurs des animaux, & les particules aériennes contenues dans ces humeurs: mais l'existence de ce soufre, & l'état de liberté de l'air contenu dans nos humeurs, du moins dans l'état de santé, ne sont établis que sur deux suppositions également contraires à l'expérience.

Mais toutes ces opinions qui ont regné dans l'école pendant les plus beaux jours de la Physiologie, qui peuvent compter parmi leurs partisans un Bergerus, un Boerhaave, un Stahl; ces opinions, dis - je, ont été enfin très - solidement réfutées par le docteur Douglas (essai déjà cité), qui leur oppose entre autres argumens invincibles, l'impossibilité d'expliquer le phénomene essentiel, savoir, l'uniformité de la chaleur des animaux sous les différentes températures de leur milieu; & c'est précisément à ce phénomene, qui fait effectivement le vrai fond de la question, que le système du docteur Douglas satisfait par la solution la plus naturelle & la plus séduisante. Cet ingénieux système, qui a été orné, étendu, & soûtenu avec éclat dans les écoles de Paris par M. de la Virotte, n'est cependant encore qu'une hypothese, à prendre cette expression dans son sens desavantageux, comme je vais tâcher de le démontrer: je dis démontrer; car en Physique même nous pouvons atteindre jusqu'à la démonstration, quand nous n'avons qu'à détruire, & sur - tout lorsqu'il ne s'agit que d'une explication physiologique, appuyée sur les lois méchaniques & sur le calcul.

Le système du docteur Douglas est exposé & prétendu démontré dans le théorème suivant, qui est précédé de quatre lemmes mentionnés dans sa démonstration que nous allons aussi rapporter, & de l'énumération des phénomenes que nous venons d'exposer d'après cet auteur.

Théoreme. « La chaleur animale est produite par le frottement des globules du sang dans les vaisseaux capillaires.

Cette proposition est un corollaire qui suit naturellement des quatre lemmes (que nous pouvons regarder avec l'auteur comme démontrés); car il est évident que la chaleur animale doit être l'effet ou du frottement des fluides sur les solides, ou de celui des solides entre eux, ou enfin d'un mouvement intestin. Par le lemme premier, elle ne peut pas être produite par le frottement des fluides sur les solides: par le lemme second, elle ne peut être l'effet d'aucun mouvement intestin du sang: par le lemme troisieme, elle n'est produite en aucune maniere par le frottement des solides entre eux, excepté seulement celui des globules dans les vaisseaux capillaires: par le lemme quatrieme, les quantités de ce frottement sont proportionnelles aux degrés de la chaleur engendrée. Ce frottement des globules dans les vaisseaux capillaires, doit donc être regardé comme la seule cause de la chaleur animale». C. Q. F. D.

Le théoreme établi, M. le d. Douglas en déduit avec beaucoup d'avantage l'explication de tous les phénomenes què nous venons de rapporter. Le principal phénomene sur - tout, savoir l'uniformité de la chaleur animale dans les différens degrés de température du milieu environnant, en découle comme de lui - même. En voici la preuve. Les vaisseaux capillaires sont resserrés par le froid, personne n'en peut disconvenir; des vaisseaux capillaires resser<cb-> rés embrasseront un globule étroitement, le toucheront dans un grand cercle entier au moins; puisqu'il est tel degré de constriction, où le diametre du globule sera plus grand que celui du vaisseau capillaire, & où par conséquent ce globule sera forcé de changer sa figure sphérique, & de s'allonger en ovale; ce qui augmentera considérablement le frottement, tant à raison de l'augmentation de la pression mutuelle, que de celle de la surface du contact, qui s'exercera alors dans une zone au lieu d'une simple circonférence: done des vaisseaux ainsi resserrés sont le plus favorablement disposés qu'il est possible pour la génération de la chaleur. Au contraire, dans un vaisseau capillaire relâché par la chaleur, un globule touche à peine à ce vaisseau par un seul point: done le frottement & par conséquent la génération de la chaleur sont puls ou à - peu - près nuls dans ce dernier cas. Rien ne paroît si simple que l'action absolue de ces causes, & que leur rapport exactement proportionnel avec les effets qu'on leur assigne.

Mais d'abord lorsque M. Douglas avance qu'il est évident que la chaleur animale doit être l'effet ou du frottement des fluides sur les solides, ou de celui des solides entre eux, ou enfin d'un mouvement intestin, il suppose sans doute que le système de Galien & des Arabes, qui a si long - tems regné dans l'école, est suffisamment réfuté, & qu'il a été abandonné avec raison. Je suis bien éloigné assûrément de vouloir réclamer la chaleur innée, ou plûtôt le feu ou le foyer inné, allumé par l'esprit implanté, alimenté par l'humide radical, ventillé par l'air respiré, &c. Cependant je ne croi pas que ce feu présenté sur - tout comme ses partisans les plus éclairés l'ont fait, comme un agent physique & réel, & non pas comme une vaine qualité (Calidi nomen concretum est, quod non soium accidens denotat, sed etiam subjectum cui illud inharet. Laz. Riverii J. Med.); que ce foyer, dis - je, doive être exclus de l'énumération des formes possibles, sous lesquelles on peut concevoir la chaleur animale: sur - tout le grand argument du d. D. ne portant pas contre ce système, selon lequel rien n'est si simple que d'expliquer l'uniformité de la chaleur animale dans les différens degrés de température de leur milieu environnant; car l'air respiré étant regardé par les Galénistes comme excitant le feu animal par un méchanisme semblable à celui de son jeu dans nos fourneaux à vent, & l'intensité de cet effet de l'air étant exactement comme sa densité ou sa froideur, la génération de la chaleur par cette cause sera proportionnée à la perte que l'animal en fera par le même degré de froid, & par conséquent il persistera dans sa température uniforme.

Mais le sentiment de l'ancienne école peut être défendu par des considérations qui le rendent plus digne encore, ce semble, d'être mis au moins à côté des théories modernes. En effet toutes les parties des animaux & leurs humeurs sur - tout, sont composées de substances inflammables; elles contiennent le véritable aliment du feu; & les causes qui excitent la chaleur dans ce foyer quelles qu'elles soient, l'ont portée quelquefois jusqu'à dégager le principe inflammable, jusqu'à le mettre manifestement en jeu, en un mot jusqu'à exciter dans les animaux un véritable incendie, comme il est prouvé par un grand nombre de faits rapportés par différens auteurs dignes de foi, & recueillis par M. Rolli, dans un écrit lû à la Société royale de Londres, en 1745. Cet ouvrage se trouve traduit en François à la suite des Dissertations sur la chaleur animale, &c. traduites de l'Anglois, à Paris chez Hérissant, 1751.

Des humeurs ainsi constituées paroissent pouvoir au moins être très - raisonnablement soupçonnées d'être échauffées dans l'état naturel par un

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