ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"729"> de la vis, de l'écrou, & de la lanterne. On passe un levier dans les fuseaux de la lanterne; on met une corde à l'extrémité de ce levier: cette corde va s'enrouler sur un arbre; cet arbre est tourné par un bras de levier auquel un homme s'applique. L'écrou étant attaché fixement, la vis fait par bas l'effort le plus violent contre la pressée. En conséquence de cet effort, les feuilles prises entre les molletons s'étendent, leurs pàrties lâches & molles se serrent, s'approchent, & s'essuient. On reçoit dans un baquet l'eau qui s'en échappe par une ouverture pratiquée au plateau: on conçoit aisément que cette eau n'est pas d'une qualité inférieure à celle du tonneau du bout; aussi la conserve - t - on. Je ne doute pas même qu'étant extrèmement chargée de farine, de gomme, de colle, si on s'en servoit dans les trempis, elle n'en rendît la fermentation beaucoup plus vigoureuse & plus forte. On voit l'opération de la presse si clairement, fig. 3. & elle est si simple, qu'il est inutile de la détailler davantage. Cette presse n'a rien de particulier, que son plateau, ses madriers, & la grosseur de toutes ses parties.

Le carton ne reste pas long - tems sous la presse: la pressée, quand elle ne rend plus rien par le plateau, est envoyée dans un autre attelier.

Cet attelier s'appelle l'épluchoir: là des filles, qu'on appelle éplucheuses, s'occupent à tirer les feuilles de carton d'entre les molletons que les ouvriers appellent langes, & à les visiter les unes après les autres pour en arracher les grosses ordures. Ces grosses ordures se sentent facilement à travers la feuille molle, quand on ne les voit pas. On les ôte; on presse avec le doigt l'endroit déchiré, & il n'y paroît plus qu'à l'inégalité d'épaisseur. L'endroit reprend; il est seulement plus mince.

Ou ces feuilles épluchées sont destinées à rester simples comme elles sont, ou à former un carton plus épais dont elles seront parties: si elles sont destinées à rester simples, on les rapporte dans l'attelier de la presse, sous laquelle on les remet, & on les équarrit. Equarrir, c'est en enlever les bords & les rendre plus quarrées; ce qui s'exécute avec une ratissoire tranchante. On conçoit bien qu'alors les feuilles ne sont pas entre les langes.

Si on les destine à former un carton plus épais, il y a des ouvriers qui ne les épluchent point, de peur qu'elles ne se sechent trop; elles passent de dessous la presse où on les a mises entre les langes pour la premiere fois, au côté droit de l'ouvrier sur une table: alors l'ouvrier remet proche de lui son plateau vuide; ôte de dessus la pressée mise sur sa table, le premier lange qui la couvre, & l'étend au fond de son plateau; il enleve pareillement la premiere feuille simple qui se présente: mais comme elle est mollette, pour ne la point déchirer, il prend le lange, sur lequel elle est posée, par les deux coins d'en - bas; il corne ces deux coins; puis il roule le reste de la main droite en allant vers la gauche, & de la gauche en allant vers la droite. Il porte en cet état la feuille roulée en deux parties avec le lange, sur le fond de son plateau. L'endroit des coins étant plus épais que le reste, fait dérouler; & la feuille, & sous cette feuille le lange, sont étendus en un moment sur le fond du plateau. Cela fait, ou plûtôt pendant cette manoeuvre, une forme de matiere s'égoutte sur l'égouttoir; le cartonnier en ôte aussitôt le chassis, le met sur une seconde forme; remplit celle - ci, la met égoutter, & renverse la premiere sur celle qu'il a étendue sur le plateau.

Puis il retourne à la cuve; ôte à la forme qui égouttoit, son chassis; le met à la forme vuide; la remplit, & la met égoutter. Pendant qu'elle égoutte, il s'avance vers sa table; enleve de la pressée une autre feuille avec la même précaution que ci - dessus, c'est<cb-> à - dire roulée dans son lange, & étend ce lange & cette feuille sur son plateau; puis il prend de ces deux formes la premiere égouttée, celle qui n'a point de chassis, & la renverse sur son plateau, ou plûtôt sur la feuille de pressée.

Il retourne à sa cuve; ôtè à la forme qui égoutte son chassis; remplit la forme qu'il tient, après lui avoir mis le chassis qu'il a ôté à l'autre, & la pose sur l'égouttoir. Tandis qu'elle égoutte, il enleve de la pressée une feuille roulée dans son lange, l'étend sur le plateau avec son lange dessous; puis il prend des deux formes qui égouttoient, celle qui n'a point de chassis, & la renverse sur le plateau, ou plûtôt sur la feuille de pressée. Il retourne ensuite à la cuve, & réitere toute la manoeuvre que nous venons d'expliquer, jusqu'à ce qu'il ait formé une nouvelle pressée, qui ne differera de la premiere qu'en ce que entre chaque lange il ne se trouvoit qu'une feuille; au lieu qu'ici il y en a deux, la feuille de la nouvelle fabrique, & celle de la précédente.

Quand cette pressée est faite, on remet le plateau sous la presse, & l'on presse. L'effet de la manoeuvre précédente & de celle - ci, est d'unir si bien la premiere feuille faite avec la seconde, qu'elles n'en fassent qu'une à peu - près double en épaisseur, ce qui ne manque jamais de réussir; la premiere feuille n'étant pas seche, la seconde étant toute molle & fluide, il se fait entr'elles une distribution égale d'humidité: la feuille de dessous reçoit, pompe même ce que la feuille de dessus en a de plus qu'elle; de maniere que l'action de la presse les identifie sans peine. D'où il arrive que quand ces nouvelles feuilles passent à l'attelier des éplucheuses, elles sont réellement doubles d'épaisseur, & c'est tout: mais leur corps & leur consistance, sont aussi parfaitement uns que si elles avoient été moulées tout d'un coup.

Quand on veut avoir des cartons de moulage très forts, on peut en appliquer trois feuilles l'une sur l'autre entre les mêmes langes, & n'en faire qu'une de trois: mais cela ne va point jusqu'à quatre. Comme il faut que chacune soit moulée & pressée en particulier, l'humidité a le tems de s'échapper pendant ces opérations réitérées; la feuille se seche; & cette feuille composée déjà de trois autres, ou n'est plus assez molle pour pomper l'humidité d'une quatrieme qu'on lui appliqueroit, ou cette quatrieme, qui est simple, n'a pas assez d'humidité pour arroser & amollir celle qui est composée de trois, sur laquelle on l'étend: ainsi il arrive qu'elles ne peuvent plus se lier & faire corps.

Quand la nouvelle pressée, soit simple, soit double, soit triple, sort de dessous la presse, on l'épluche; on la rapporte sous la presse; on l'équarrit, & on l'envoye aux étendoirs.

Les étendoirs sont de grands greniers; les plus airés sont les plus propres; par la raison contraire les caves seroient les meilleurs endroits qu'on pût choisir pour les trempis. Comme il n'y a plus de langes entre les feuilles de carton quand on les équarrit, il est évident qu'on en équarrit beaucoup plus à la fois qu'on n'en presse. La quantité qu'on équarrit à la fois s'appelle une réglée: la réglée est faite d'une trentaine de poignées; & la poignée d'une dixaine de cartons doubles. On peut apprécier là - dessus les réglées & poignées des autres sortes: elles contiennent d'autant moins de feuilles, que les feuilles sont plus fortes.

Les réglées trouvent dans les étendoirs des mains toutes prêtes à les employer: chacun se place devant sa réglée, le poinçon à la main. Cet instrument n'est autre chose qu'une espece de pointe de fer, aiguë, d'une ligne & demie de diametre au plus par le bas, de quatre à cinq pouces de long, & emmanchée comme une alêne de Sellier. On enfonce cet instrument [p. 730] au bord de la réglée, à la profondeur de trois ou quatre pouces; ce qui s'appelle piquer. On enleve les feuilles piquées ou une à une, ou deux à deux, ou trois à trois: une à une, si elles sont fort épaisses; deux à deux, si elles le sont moins; & trois à trois, si elles sont simples: cela dépend aussi un peu & de la saison qu'il fait, & de l'espace qu'on a pour tendre. Il est évident qu'il y a de l'avantage à étendre, quand on le peut, les feuilles une à une; exposant plus de surface à l'air, elles en secheront beaucoup plus vîte. Quand on a piqué & séparé les feuilles comme il convient, on a des bouts de fil d'archal, qu'on recourbe en S, de deux pouces de long ou environ; on passe un des crochets de l'S dans le trou de la feuille piquée, & on la suspend par l'autre crochet aux lattes du toict, qui forment des especes d'échelons en - dedans des greniers, comme tout le monde sait. Les feuilles de carton restent dix jours, douze, quinze, trois semaines étendues, selon la saison, & leur épaisseur. Quand elles sont seches, on abat. Abattre, c'est détendre & ôter les aiguilles.

De ces feuilles ainsi préparées, les unes sont vendues aux relieurs, qui les achetent dans cet état brut; & les autres destinées à d'autres usages, sont partagées en deux portions, dont l'une revient de l'étendoir dans l'attelier des lisseurs, & l'autre est portée dans l'attelier des colleurs.

Celles qui passent dans l'attelier des lisseurs, y sont travaillées à la lissoire. La lissoire des cartonniers se meut précisément comme celle des cartiers, par un gros bâton appliqué par son extrémité supérieure à une planche attachée par un bout à une poutre, & qui fait ressort par l'autre bout, celui auquel le bâton de la lissoire est appliqué: ce bâton est fendu par son extrémité inférieure; cette extrémité est encore arrondie circulairement. La langue L de la boîte de la lissoire, fig. 6. entre dans la fente du bâton; & les extrémités arrondies du bâton se placent dans les échancrures concaves M. Cette boîte se meut de bas en haut, & de haut en bas de la feuille de carton, par le moyen des mains N, N. Les feuilles ou sont placées les unes sur les autres en pile, ou sur un bloc, & sont applanies par le cylindre O O, placé sous la lissoire où l'on a pratiqué un canal concave qui le reçoit à moitié. Ce cylindre est de fer poli; & il se meut sur deux tourillons reçûs dans deux pattes de fer, fixées aux deux bouts de la boîte de la lissoire, comme on voit. Au sortir de la lissoire, on peut les vendre. Il faut observer que celles des feuilles qui viennent de l'étendoir pour être lissées, ne doivent pas être bien seches; sans quoi elles ne se lisseroient pas, & il faudroit les humecter.

Celles qui passent dans l'attelier des colleurs, sont ou collées les unes avec les autres, pour former du carton plus épais, ou couvertes de papier blanc auquel elles servent d'ame: d'où l'on voit qu'il y a déjà trois sortes de carton; du carton de pur moulage, du carton de moulage collé, & du carton couvert, auquel le carton de moulage sert d'ame. Il n'y a rien de particulier sur la seconde espece, celle de feuilles de carton de moulage collées ensemble. On a de la colle de farine à l'ordinaire, ou telle que celle des cartiers, voyez Cartier; on trempe une brosse dans cette colle, & l'on en enduit une feuille; on pose sur cette feuille collée deux feuilles, dont celle de dessous n'est point collée, mais celle de dessus l'est; on continue à prendre les feuilles deux à deux, & à ne coller que celle de dessus, & à en former des tas, dans lesquels les feuilles se trouvent seulement collées deux à deux; on passe ces tas sous la presse; on ôte avec une mauvaise brosse la colle que l'action de la presse fait sortir; on sépare ces feuilles qui tiennent ensemble un peu par les bords; on les porte à l'étndoir, où on les fait sécher sans les piquer, parce qu'elles sont assez fortes pour se soûtenir appuyées sans se courber.

On voit que pour faciliter le prompt collage de ces feuilles, il est bon d'en avoir préparé les tas auparavant. Cette préparation consiste à mettre les feuilles par échelle de deux en deux: pour cet effet on prend une feuille, on la met sur une table; on prend deux feuilles qu'on pose dessus cette premiere, de maniere qu'elle les déborde de quatre doigts par en bas; sur ces deux, deux autres qui correspondent à la premiere, & qui sont par conséquent débordées par en - haut de quatre doigts par les deux premieres, & ainsi de suite: on finit le tas par une seule.

Si on veut ajoûter une nouvelle feuille aux deux précédentes, pour avoir un carton d'un tiers plus épais, & composé de trois feuilles, on facilitera cette opération en prenant la même précaution; je veux dire, en mêlant les feuilles simples & les feuilles doubles deux à deux de maniere qu'elles soient en échelle, & que si deux débordent par en - haut celles qui les précedent, elles soient débordées par enbas par les deux qui les suivront, & en ne collant jamais que celle des deux qui est dessus. Il est évident qu'on formera ainsi toûjours des tas où les feuilles ne seront collées que deux à deux

On continuera la même manoe, mêlant, collant, pressant & séchant autant de fois qu'on voudra doubler les cartons: on parviendra de cette maniere à en former qui auront un pouce d'épais, & par - delà.

Quant aux cartons qu'on veut couvrir de beau papier, on ne suivra pas une autre méthode; il suffit de l'avoir indiquée.

Il y a, comme on voit, bien des sortes de carton: il y en a de trois sortes de pur moulage; du simple, du double, & du triple.

Il y en a de feuilles de moulage collées ensemble, de tant d'especes que l'on veut.

Il en est de même de celui de moulage qui est couvert de papier blanc; car on peut également couvrir & celui qui est de pur moulage, ce qui donnera trois sortes de cartons couverts; & celui qui est fait de feuilles de moulage collées, ce qui en ajoûtera un grand nombre d'autres sortes.

Outre toutes ces sortes de carton, entre lesquelles il faut observer que ceux qui sont couverts d'un seul ou des deux côtés reviennent à la lisse, & que pour les bien lisser il est souvent à propos de les savonner & chauffer auparavant, comme nous l'avons prescrit à l'article cartier (voyez Cartier); outre ces especes, dis - je, on en fait de pur collage; celui - ci est beaucoup plus fin que l'autre. On commence par lui préparer une ame de papier commun: on fait cette ame plus ou moins épaisse à discrétion, & on la couvre de beau papier. Voyez à l'article Cartier la maniere détaillée de faire ce carton; car celui dont on fait les cartes est de cette espece.

Il y a aussi des cartons de collage d'un grand nombre de sortes, dont la finesse se distingue par numéros. Il y en a de couverts des deux côtés, d'un seul; de lissés des deux côtés, & d'un seul, &c.

On fait en France un commerce considérable de carton. J'ai visité les atteliers des ouvriers, que je n'ai pas trouvés aussi bien entendus que celui que je viens de décrire: il m'a semblé qu'ils n'apportent pas à leur ouvrage autant d'attention & de propreté qu'ils y en pourroient mettre: ce n'est pas la seule occasion où j'ai remarqué que pourvû que les choses se fissent, on s'embarrassoit fort peu du comment. On se sert de carton pour relier les livres, faire des porte - feuilles, des étuis à chapeaux, à manchons, &c.

Ce sont les Papetiers - Merciers & les Papetiers - colleurs de feuilles, autrement dit Cartonniers, qui en

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