ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"442"> on remue le métal dans le fourneau; 3, cheminées par lesquelles la fumée sort du fourneau; 4, bascules par lesquelles on leve & ferme les portes du fourneau; 5, trou du tampon par lequel sort le métal pour couler dans l'écheno; 6, perrier avec lequel on pousse le tampon dans le fourneau pour en faire sortir le métal, afin qu'il coule dans l'écheno. Ce perrier est suspendu par une chaîne de fer; 7, 7, 7, trois quenouilles dans l'écheno où elles bouchent les entrées du métal, au haut des trois jets, par lesquels le métal se répand dans tous les jets de la figure; 8, 8, bascule pour lever en même tems les trois quenouillettes, afin que le métal entre dans les trois principaux jets; 9, 9, écheno en maniore de bassin, dans lequel coule le métal au sortir du fourneau, pour entrer dans les trois principaux jets en même tems, quand on a levé les quenouillettes.

On laisse reposer le métal dans le moule pendant trois ou quatre jours afin qu'il y prenne corps, & quand la chaleur est entierement cessée, on le découvre, & l'on a une figure toute semblable à celle qu'on avoit exécutée en cire. On a poussé la fonderie si loin, que la cire n'étoit quelquefois guere plus nette que ne l'est l'ouvrage fondu; & qu'on pourroit presque se contenter de le laver, & de l'écurer avec la lie de vin: mais les gens habiles qui sont toûjours difficilement contens d'eux - mêmes, retouchent les contours de leurs figures. D'ailleurs il'y a des trous à boucher, des jets à couper, des évents & d'autres superfluités à enlever; c'est ce qu'on exécute avec des ciseaux. On se sert de la marteline pour détacher une crasse qui se forme sur l'ouvrage du mêlange de la bronze même & de la potée, & qui est plus dur que la bronze même. La marteline est une espece de marteau d'acier pointu par un bout, & à dents de l'autre, avec lequel on frappe sur l'ouvrage, pour ébranler la crasse qu'on enleve ensuite au ciseau. On employe aussi le gratoir, le rifloir, & le gratte - bosse; on acheve de nettoyer avec l'eau - forte, dont on frotte l'ouvrage avec une brosse, usant aussi du gratoir & du gratte - bosse. On réitere cette manoeuvre trois ou quatre fois; puis on écure avec la lie de vin.

Quant aux petits ouvrages, quand on en a ôté les jets, on les laisse tremper dans l'eau - forte pendant quelque tems; la crasse se dissout & se met en une pâte qu'on ôte aisément.

On bouche ensuite les trous en y coulant des gouttes de métal. On appelle goutte, ce que l'on fond après coup sur un ouvrage; ces gouttes remplissent quelquefois les plus grands creusets.

Pour les couler, on taille la piece en queue d'aronde, en la fouillant jusqu'à moitié de l'épaisseur de la bronze. On y met de la terre que l'on modele suivant le contour qu'elle doit avoir, & sur laquelle on fait un moule de terre, ou de plâtre & brique, au - dessus duquel on pratique un évent & un petit godet qui sert de jet pour y faire couler le métal; on déplace ensuite cette piece du moule, pour la faire recuire comme le moule de potée; & après avoir ôté la terre du trou où l'on doit couler la goutte, on remet cette portion recuite dans sa place, en l'attachant avec des cordes à l'ouvrage, pour qu'elle y soit jointe; de maniere que le métal ne puisse s'écouler. Après avoir fait bien chauffer le tout, on y coule le métal, fondu très - chaud dans un creuset, ensorte qu'il fasse corps avec la bronze: on pratique la même chose aux fentes: mais si elles se trouvent dans un endroit où il seroit difficile de jetter du métal; on lime une piece de la même étoffe que l'ouvrage, & de la mesure de la fente, & on l'enfonce à force, après avoir entaillé cette fente en queue d'aronde, de la moitié de l'épaisseur de la bronze.

On acheve enfin tout ce grand travail en vuidant la piece fondue de son noyau; si c'est une statue équestre, on descend dedans par l'ouverture pratiquée au - dessus de la croupe: on retire une partie des fers de l'armure & du noyau par le haut; le reste s'écoule par les ouvertures du ventre. On bouche bien tous ces trous. Si on négligeoit ce soin, les ouvrages venant à se charger d'eau en hyver; & cette eau descendant dans les parties inférieures, dans les cuisses & dans les jambes, elle pourroit s'y glacer, & détruire les formes de ces parties, peut - être même les ouvrir. On coupe les jets; on enleve au ciseau les barbures; on repare l'ouvrage jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à désirer, & on le tire de la fosse, pour le placer sur son pié - d'estal.

Quels travaux, quelles dépenses, quelle industrie! Mais doit - on rien épargner quand il s'agit d'éterniser la mémoire des souverains qui ont rendu leurs peuples heureux? Pour les princes oisifs ou méchans sont - ils dignes des honneurs du bronze? Perdez - vous, art divin, sous les regnes des Claudes, des Nérons, & des Caligulas, & ne vous retrouvez que sous les regnes des Tites, des Trajans, & des Antonins.

La statue équestre élevée par la ville de Paris dans la place de Louis le grand en 1699, est le plus grand ouvrage qui ait peut - être jamais été fondu d'un seul jet; il a vingt - un piés de haut. Les statues équestres de Marc - Aurele à Rome, de Cosme de Medicis à Florence, d'Henri IV. & de Louis XIII. à Paris, ont été fondues par pieces séparées. Il en est de même de la chaire de l'église de S. Pierre de Rome; cet ouvrage, qui a quatre - vingts piés de haut, est fait de pieces remontées sur une armature.

Les Egyptiens, les Grecs, ont connu l'art de fondre: mais ce qui reste de leurs ouvrages, & ce que l'histoire nous apprend des autres, n'est que médiocre pour la grandeur. Le colosse de Rhodes, ainsi que quelques autres ouvrages qui nous paroissent prodigieux aujourd'hui, n'étoient, selon toute apparence, que des platines de cuivre rapportées: c'est ainsi qu'on a fait la statue du connétable de Montmorency, élevée à Chantilly.

On peut exécuter de très - grands ouvrages d'un seul jet: l'expérience qu'on fit du fourneau de la statue équestre de la place de Louis le grand, prouve que le métal en fusion peut couler à cinquante piés à l'air sans se figer; c'est ce que Landouillet n'ignoroit pas. Quand on proposa de faire dans le choeur de Notre - Dame de Paris un autel en baldaquin de bronze de cinquante piés de haut, pour acquitter le voeu de Louis XIII. cet habile fondeur, commissaire de la fonderie de Rochesort, s'offrit de le fondre d'un seul jet dans le choeur même de Notre - Dame, dans la place où le modele étoit fait, établissant ses fourneaux dans l'église, ensorte qu'il n'y eût eu aucun embarras de transport. Ce projet étoit beau & possible, mais au - dessus des lumieres de son tems; & l'on pourroit dire que Landouillet naquit un peu troptôt.

Lorsque M. le Moine, habile sculpteur, executa la statue équestre de Louis XV. pour la ville de Bordeaux, il y avoit 50 ans que celle de Louis XIV. pour la ville de Paris avoit été fondue; les mouleurs, les forgerons, & les fondeurs qu'on y avoit employés n'étoient plus vivans; & la pratique en étoit presque perdue, sans les mémoires & les desseins recueillis par M. Boffrand, & communiqués à M. le Moine: ce fut à l'aide de ces mémoires que l'art de fondre d'un jet des statues équestres se retrouva. A l'égard de la statue équestre de Louis XIV. dont M. de Boffrand a expliqué la fonte & les travaux dans un ouvrage intitulé Description de ce qui a été pratiqué pour fondre la statue équestre, &c. la sculpture est de François Girardon, dont les ouvrages font l'éloge mieux que je ne pourrois faire; & la fonte & ses opérations ont été conduites par Jean Baltasar Kel<pb-> [p. 443] ler, Suisse de nation, homme très - expérimenté dans les grundes fonderies.


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