ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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"720"> un raisonnement énoncé suivant les regles de la logique. Pour le construire, on compare deux idées dont on veut connoitre le rapport ou la différence à une troisieme idée qui se nomme moyenne. Quand deux idées peuvent être comparées ensemble pour en former immédiatement un jugement affirmatif ou négatif, il n'est pas besoin de recourir au raisonnement; mais comme cela ne se peut pas toujours, c'est alors qu'on recourt à l'idée moyenne, qui sert de principe de comparaison. Si j'entreprends, par exemple, de prouver que la terre est sphérique, il m'est impossible de comparer immédiatement l'idée de la figure sphérique & celle de la terre; mais avec le secours d'une idée moyenne, savoir celle de l'ombre de la terre, qui se trouve être l'ombre d'un corps sphérique, je ferai la comparaison dont il s'agit; & voici comment j'exprimerai mon argument: tout corps est sphérique, si son ombre tombant directement sur un plan est circulaire, quelle que soit la situation de ce corps; or nous voyons dans les éclipses de la lune que l'ombre de la terre a cette propriété: donc la terre est un corps sphérique.

Pour que la conclusion soit juste, il faut 1°. que les prémisses qui constituent la matiere de l'argument, soient vraies: ensuite que la conclusion en soit bien déduite, c'est - à - dire, que la comparaison de l'idée moyenne avec les termes de la conclusion démontre leur relation: ce qui fait la forme de l'argument.

Quand une seule idée moyenne suffit pour conduire à la conclusion cherchée, ce raisonnement est simple; quand il faut plusieurs idées moyennes pour démontrer la relation qu'ont entr'elles deux idées qu'on veut comparer, le raisonnement devient composé, & se forme de l'assemblage de plusieurs raisonnemens simples. Pour avoir une idée distincte des syllogismes, il faut connoître les parties qui les composent.

Dans chaque syllogisme régulier il y a trois termes & trois propositions: trois termes, le grand ou l'attribut, le petit ou le sujet, & le terme moyen: trois propositions, la majeure & la mineure, qui forment les deux prémisses, & la conclusion. L'attribut de la conclusion s'appelle le grand terme; & la proposition dans laquelle ce terme est comparé avec l'idée moyenne, forme la majeure de l'argument. Le sujet de la conclusion se nomme le petit terme; & on donne le nom de mineure de l'argument à la proposition dans laquelle ce terme est joint avec l'idée moyenne.

Les regles qui servent à construire un syllogisme, sont de deux sortes: les unes générales qui concernent tous les syllogismes, & les autres particulieres, qui déterminent les figures & les modes. Voyez les figures & les modes où ces regles sont expliquées. Nous nous bornerons à parler ici des regles générales: ces regles sont fondées sur les axiomes qui ont été établis touchant les propositions affirmatives & négatives.

Les propositions considérées par rapport à leur quantité & à leur qualité, se partagent en quatre classes, qu'on désigne par les lettres A, E, I, O.

A marque une proposition universelle affirmative.

E; une universelle négative.

I, une particuliere affirmative.

O, une particuliere négative.

Voici donc les axiomes qu'on peut regarder comme la base sur laquelle sont appuyées toutes les regles générales des syllogismes.

1°. Les propositions particulieres sont enfermées dans les générales de même nature, I dans A, & O dans E. On pourroit dans la rigueur des termes, contester la vérité de cet axiome. On ne peut pas dire, par exemple, dans toute la précision philosophique, que quelque homme est raisonnable, que quelque cercle est rond, parce qu'en le disant, on semble restraindre la rationalité à certains hommes, & l'ex<cb-> clure des autres, de même qu'on paroit restraindre la rondeur à quelques cercles seulement, avec l'exclusion des autres. Quoi qu'il en soit, il est certain que ce qui convient aux sujets pris dans toute leur universalité, convient aussi à tous les individus ou inférieurs de ces sujets: ce qui suffit par rapport aux regles des syllogismes.

2°. L'universalité ou la particularité d'une proposition dépend de l'universalité ou de la particularite du sujet: donc le sujet d'une proposition universelle est universel, & le sujet d'une proposition particuliere est particulier.

3°. L'attribut est toujours particulier quand la proposition est affirmative, parce que l'affirmation ne regarde jamais qu'une partie de l'attribut. En disant, tout homme vit, je ne parle point de toute sorte de vie.

4°. L'attribut d'une proposition négative est toujours universel, à cause que ce sujet est séparé de l'attribut pris dans toute l'étendue dont il est capable. Un certain homme n'est point blanc; il s'agit ici de toute sorte de blancheur.

De - là on déduit les conséquences suivantes: toute proposition universelle négative a ses deux termes pris universellement, & cette propriété ne convient qu'à ces sortes de propositions seules.

Toute proposition particuliere affirmative a ses deux termes pris particulierement, & il n'y a que ces sortes de propositions qui aient cette propriété.

Toute proposition universelle affirmative ou particuliere négative n'a qu'un terme universel.

Une proposition affirmative qui a un terme universel, est universelle.

Une proposition négative qui n'a qu'un terme universel, est particuliere.

De ces axiomes nous déduisons des regles, par le secours desquelles nous déterminons si la conclusion du syllogisme est légitimement tirée des prémisses; & ces mêmes regles nous enseignent ce qu'il faut observer dans la construction du syllogisme; les voici:

1°. Dans tout syllogisme il y a trois termes, & il n'y en peut avoir que trois, chacun desquels est employé deux fois, & pas davantage, de maniere que nous ayons pourtant six termes en trois propositions.

2°. Le moyen terme doit être pris, au moins une fois, universellement; car s'il se prend particulierement dans la majeure & dans la mineure, il pourra arriver que dans ces deux propositions, ce qu'on prend pour le terme moyen, exprimera des idées différentes, & alors il n'y aura point d'idée moyenne. Ainsi dans cet argument, quelque homme est saint: quelque homme est voleur: donc quelque voleur est saint, le mot d'homme étant pris pour diverses parties des hommes, ne peut unir voleur avec saint, parce que ce n'est pas le même homme qui est saint & qui est voleur. Pour déterminer donc si un argument est en forme, il faut examiner d'abord s'il n'a pas quatre termes, c'est - à - dire, si les termes majeur & mineur ont le même sens dans les prémisses que dans la conclusion, & si c'est la même idée qu'on emploie dans chaque prémisse, comme idée moyenne.

3°. Les termes de la conclusion ne doivent pas y avoir plus d'étendue que dans les prémisses. La raison est qn'on ne peut rien conclure du particulier au général; car de ce que quelque homme est estimable, on n'en doit pas conclure que tous les hommes le soient.

De - là on déduit les consequences suivantes: 1°. il doit toujours y avoir dans les prémisses un terme universel de plus que dans la conclusion; car tout terme qui est général dans la conclusion, le doit être aussi dans les prémisses; d'ailleurs le moyen terme doit être pris du moins une fois universellement; [p. 721] 2°. lorsque la conclusion est négative, il faut nécessairement que le grand terme soit pris généralement dans la majeure; car comme il est l'attribut de la conclusion, & que tout attribut de conclusion négative est toujours universel, s'il n'avoit pas la même étendue dans la majeure, il s'ensuivroit qu'il seroit pris plus universellement dans la conclusion que dans les prémisses: ce qui est contraire à la troisieme regle; 3°. la majeure d'un argument dont la conclusion est négative, ne peut jamais être une particuliere affirmative; car le sujet & l'attribut d'une proposition affirmative sont tous deux pris particulierement, comme nous l'avous vu, & ainsi le grand terme n'y seroit pris que particulierement; 4°. le petit terme est toujours dans la conclusion, comme dans les prémisses; la raison en est bien claire; car quand le petit terme de la conclusion est universel dans la mineure, tout ce qui en est prouvé, ne doit pas plutôt être rapporté à une de ses parties qu'à l'autre; d'où il s'ensuit qu'étant le sujet de la conclusion auquel se rapporte l'affirmation ou la négation, il sera aussi universel dans la conclusion, & communiquera à celle - ci son universalité.

4°. On ne peut rien conclure de deux propositions négatives. Le moyen est séparé dans les prémisses, du grand & du petit terme; or de ce que deux choses sont séparées de la même chose, il ne s'ensuit ni qu'elles soient, ni qu'elles ne soient pas la même chose. De ce que les Espagnols ne sont pas turcs, & de ce que les Turcs ne sont pas chrétiens, il ne s'ensuit pas que les Espagnols ne soient pas chrétiens, non plus que les Chinois le soient, quoiqu'ils ne soient pas plus turcs que les Espagnols.

5°. On ne sauroit déduire une conclusion négative de deux propositions affirmatives. Comment deux termes pourroient - ils être séparés, parce qu'ils sont unis l'un & l'autre avec un même moyen?

6°. La conclusion suit toujours la plus foible partie. La partie la plus foible, dans la qualité est la négation, & dans la quantité, c'est la particularité; de sorte que le sens de cette regle est, que s'il y a une des deux propositions qui soit négative, la conclusion doit l'être aussi, comme elle doit être particuliere, si une des deux prémisses l'est. Le moyen, s'il est séparé d'un des deux termes, ne sauroit jamais démontrer que la conclusion est affirmative, c'est - à - dire, que les termes de cette conclusion sont joints ensemble; c'est pourquoi une pareille conclusion ne sauroit subsister avec une des prémisses qui seroit négative.

Nous prouvons aussi que la conclusion est particuliere, si l'une des prémisses est telle. Les prémisses sont toutes deux affirmatives, ou l'une d'elles est négative; dans le premier cas, comme une des prémisses est particuliere, nous aurons au - moins trois termes particuliers parmi les quatre termes des prémisses, savoir le sujet & l'attribut de la proposition particuliere, & le prédicat de l'universelle, & il n'y aura au plus qu'un de ces termes, savoir le sujet de l'universelle, qui sera universel; mais le moyen est pris au - moins une fois universellement: donc les deux termes de la conclusion seront pris particulierement; ce qui la rend elle - même particuliere.

Dans le second cas, à cause d'une proposition particuliere, il n'y a dans les prémisses que deux termes pris universellement, savoir le sujet de la proposition universelle & l'attribut de la négative; mais le moyen est pris une fois universellement: donc il n'y a qu'un seul terme universel dans la conclusion, laquelle est négative, & par cela même particuliere, comme nous l'avons démontré ci dessus.

7°. De deux propositions particulieres il ne s'ensuit rien; si elles sont l'une & l'autre affirmatives, tous les termes seront particuliers, & le moyen ne sera pas pris universellement une seule fois: donc la conclusion ne sauroit être juste. Si les deux prémisses sont négatives, on n'en peut aussi rien conclure; mais si l'une est négative & l'autre affirmative, elles n'ont qu'un seul terme universel; mais ce terme est le terme moyen, & les deux termes de la conclusion sont particuliers: ce qui ne sauroit être, à cause que la conclusion est négative.

Les syllogismes sont ou simples ou conjonctifs.

Les simples sont ceux où le moyen n'est joint à la fois qu'à un des termes de la conclusion; les conjonctifs sont ceux où il est joint à tous les deux.

Les syllogismes simples sont encore de deux sortes: les uns, où chaque terme est joint tout entier avec le moyen, savoir avec l'attribut tout entier dans la majeure, & avec le sujet tout entier dans la mineure: les autres où la conclusion étant complexe, c'est - à - dire composée de termes complexes, on ne prend qu'une partie du sujet ou une partie de l'attribut pour joindre avec le moyen dans l'une des propositions, & on prend tout le reste qui n'est plus qu'un seul terme, pour joindre avec le moyen dans l'autre proposition, comme dans cet argument:

La loi divine oblige d'honorer les rois: Louis XV. est roi: Donc la loi divine oblige d'honorer Louis XV.

Nous appellerons les premiers des syllogismes incomplexes, & les autres des syllogismes complexes, non que tous ceux où il y a des propositions complexes, soient de ce dernier genre, mais parce qu'il n'y en a point de ce dernier genre, où il n'y ait des propositiens complexes.

Il n'y a point de difficulté sur les syllogismes incomplexes; pour en connoitre la bonté ou le défaut, il n'est question que de les plier aux regles générales que nous venons de rapporter. Mais il n'en est pas tout - à - fait de même des syllogismes complexes; ce qui les rend obscurs & embarrassans, c'est que les termes de la conclusion qui sont complexes, ne sont pas pris tout entiers dans chacune des prémisses, pour être joints avec le moyen, mais seulement une partie de l'un des termes, comme en cet exemple:

Le soleil est une chose insensible: Les Perses adoroient le soleil: Donc les Perses adoroient une chose insensible. où l'on voit que la conclusion ayant pour attribut, adoroient une chose insensible, on n'en met qu'une partie dans la majeure, savoir une chose insensible, & adoroient dans la mineure.

On peut réduire ces sortes de syllogismes aux syllogismes incomplexes, pour en juger par les mêmes regles. Prenons pour exemple ce syllogisme que nous avons déja cité.

La loi divine commande d'honorer les rois: Louis XV. est roi: Donc la loi divine commande d'honorer Louis XV.

Le terme de roi, qui est le moyen dans ce syllogisme, n'est point attribut dans cette proposition: la loi divine commande d'honorer les rois, quoiqu'il soit joint à l'attribut commande, ce qui est bien différent; car ce qui est véritablement attribut, est affirmé & convient: or roi n'est point affirmé, & ne convient point à la loi de Dieu. Si l'on demande ce qu'il est donc, il est facile de répondre, qu'il est sujet d'une autre proposition envelopée dans celle - là. Car quand je dis que la loi divine commande d'honorer les rois, comme j'attribue à la loi de commander, j'attribue aussi l'honneur aux rois. Car c'est comme si je disois, la loi divine commande que les rois soient honorés. Ainsi ces propositions étant ainsi dévelopées, il est clair que tout l'argument consiste dans ces propositions.

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