ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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ABCÈS (Page 1:15)

ABCÈS, s. m. est une tumeur qui contient du pus. Les Auteurs ne conviennent pas de la raison de cette dénomination. Quelques - uns croyent que l'abcès a été ainsi appellé du mot latin abcedere, se séparer, parce que les parties qui auparavant étoient contiguës se séparent l'une de l'autre: quelques autres, parce que les fibres y sont déchirées & détruites; d'autres, parce que le pus s'y rend d'ailleurs, ou est séparé du sang: enfin d'autres tirent cette dénomination de l'écoulement du pus, & sur ce principe ils assûrent qu'il n'y a point proprement d'abcès jus<cb-> qu'à ce que la tumeur creve & s'ouvre d'elle - même. Mais ce sont là des distinctions trop subtiles, pour que les Medecins s'y arrêtent beaucoup.

Tous les abcès sont des suites de l'inflammation. On aide la maturation des abcès par le moyen des cataplasmes ou emplâtres maturatifs & pourrissans. La chaleur excessive de la tumeur & la douleur pulsative qu'on y ressent sont avec la fievre les signes que l'inflammation se terminera par suppuration. Les frissons irréguliers qui surviennent à l'augmentation de ces symptomes sont un signe que la suppuration se fait. L'abcès est formé lorsque la matiere est convertie en pus: la diminution de la tension, de la fievre, de la douleur & de la chaleur, la cessation de la pulsation, en sont les signes rationels. L'amollissement de la tumeur & la fluctuation sont les signes sensuels qui annoncent cette terminaison. Voyez Fluctuation.

On ouvre les abcès par le caustique ou par l'incision. Les abcès ne peuvent se guérir que par l'évacuation du pus. On préfere le caustique dans les tumeurs critiques qui terminent quelquefois les fievres malignes. L'application d'un caustique fixe l'humeur dans la partie où la nature semble l'avoir déposé; elle en empêche la résorption qui seroit dangereuse & souvent mortelle. Les caustiques déterminent une grande suppuration & en accélerent la formation. On les employe dans cette vûe avant la maturité parfaite. On met aussi les caustiques en usage dans les tumeurs qui se sont formées lentement & par congestion, qui suppurent dans un point dont la circonférence est dure, & où la conversion de l'humeur en pus seroit ou difficile ou impossible sans ce moyen.

Pour ouvrir une tumeur par le caustique, il faut la couvrir d'un emplâtre fenestré de la grandeur que l'on juge la plus convenable; on met sur la peau à l'endroit de cette ouverture, une traînée de pierre à cautere. Si le caustique est solide, on a soin de l'humecter auparavant; on couvre le tout d'un autre emplâtre, de compresses & d'un bandage contentif. Au bout de cinq ou six heures, plus ou moins, lorsqu'on juge, sivant l'activité du caustique dont on s'est servi, que l'escarre doit être faite, on leve l'appareil, & on incise l'escarre d'un bout à l'autre avec un bistouri, en pénétrant jusqu'au pus; on panse la plaiea vec des digestifs, & l'escarre tombe au bout de quelques jours par une abondante suppuration.

Dans les cas ordinaires des abcès, il est préférable de faire l'incision avec l'instrument tranchant qu'on plonge dans le foyer de l'abcés. Lorsque l'abces est ouvert dans toute son étendue, on introduit le doigt. dans sa cavite, & s'il y a des brides qui forment des cloisons, & séparent l'abcès en plusieurs cellules, il faut les couper avec la pointe des ciseaux ou avec le bistouri. Il faut que l'extrémité du doigt conduise toûjours ces instrumens, de crainte d'intéresser quelques parties qu'on pourroit prendre pour des brides sans cette précaution. Si la peau est fort amincie, il faut l'empoter avec les ciseaux & le bistouri. Ce dernier instrument est préférable, parce qu'il cause moins de douleur, & rend l'opération plus prompte. On choisit la partie la plus déclive pour faire l'incision aux abcès. Il faut, autant que faire se peut, ménager la peau; dans ce dessein on fait souvent des contre - ouvertures, lorsque l'abcès est fort étendu. Voyez Contre - ouverture. Les abcès causés par la présence de quelques corps étrangers ne se guérissent que par l'extraction de ces corps. Voyez Tumeur.

Lorsque l'abcès est ouvert, on remplit de charpie mollette le vuide qu'occupoit la matiere, & on y applique un appareil contentif. On panse, les jours suivans, avec des digestifs jusqu'à ce que les vaisseaux qui répondent dans le foyer de l'abcès se soient dé<pb-> [p. 16] gorgés par la suppuration. Lorsqu'elle diminue, que le pus prend de la consistance, devient blanc & sans odeur, le vuide se remplit alors de jour en jour de mammelons charnus, & la cicatrice se forme à l'aide des pansemens méthodiques dont il sera parlé à la cure des ulceres. Voyez Ulcere.

M. Petit a donné à l'Académie Royale de Chirurgie un Mémoire important sur les tumeurs de la vésicule du fiel qu'on prend pour des abcès au foie. Les remarques de ce célebre Chirurgien enrichissent la Pathologie d'une maladie nouvelle. Il rapporte les signes qui distinguent les tumeurs de la vésicule du fiel distendue par la bile retenue, d'avec les abcès au foie. Il fait le parallele de cette rétention de la bile & de la pierre biliaire avec la rétention d'urine & la pierre de la vessie, & propose des opérations sur la vésicule du fiel à l'instar de celles qu'on fait sur la vessie. V. le vol. I. des Mem. de l'Acad. de Chirurgie.

Il survient fréquemment des abcès considérables au fondement, qui occasionnent des sistules. Voyez ce qu'on en dit à l'article de la Fistule a l'anus. (Y)

* M. Littre observe, Histoire de l'Académie, an. 1701, page 29, à l'occasion d'une inflammation aux parois du ventricule gauche du coeur, que les ventricules du coeur doivent être moins sujets à des abcès qu'à des inflammations. Car l'abcès consiste dans un fluide extravasé qui se coagule, se corrompt & se change en pus, & l'inflammation dans un gonflement des vaisseaux causé par trop de fluide. Si donc onsuppose que des arteres coronaires qui nourrissent la substance du coeur, il s'extravase & s'épanche du sang qui ne rentre pas d'abord dans les veines coronaires destinées à le reprendre; il sera difficile que le mouvement continuel de contraction & de dilatation du coeur ne le force à y rentrer, ou du moins ne le brise & ne l'atténue, de sorte qu'il s'échappe dans les ventricules au - travers des parois. Quant à l'inflammation, le coeur n'a pas plus de ressources qu'une autre partie pour la prévenir, ou pour s'en délivrer.

* On lit, Histoire de l'Acad. an. 1730, p. 40. la guérison d'un abcès au foie qui mérite bien d'être connue. M. Soullier Chirurgien de Montpellier fut appellé auprès d'un jeune homme âgé de 13 à 14 ans qui, après s'être fort échauffé, s'étoit mis les piés dans l'éau froide & avoiteu une fievre ordinaire, mais dont la suite fut très - fâcheuse. Ce fut une tumeur considérable au foie, qu'il ouvrit. Il trouva ce viscere considérablement abcédé à sa partie antérieure & conyexe. Il s'y étoit fait un trou qui auroit pû recevoir la moitié d'un oeuf de poule, & il en sortoit dans les pansemens une matiere sanguinolente, épaisse, jaunâtre, amere & inflammable: c'étoit de la bile véritable accompagnée de floccons de la substance du foie.

Pour vuider la matiere de cet abcès, M. Soullier imagina une cannule d'argent émoussée par le bout qui entroit dans le foie, sans l'offenser, & percée de plusieurs ouvertures latérales qui recevoient la matiere nuisible & la portoient en dehors, où elle s'épanchoit sur une plaque de plomb qu'il avoit appliquée à la plaie, de maniere que cette matiere ne pouvoit excorier la peau. L'expédient réussit, la fievre diminua, l'embonpoint revint, la plaie se cicatrisa, & le malade guérit.

* On peut voir encore dans le Recueil de 1731, page 515, une observation de M. Chicoyneau pere, sur un abcès intérieur de la poitrine accompagné des symptomes de la phthisie & d'un déplacementnotable de l'épine du dos & des épaules; le tout terminé heureusement par l'évacuation naturelle de l'abcès par le fondement.

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