ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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exciter l'émulation & la vigilance des juges, & pour empêcher que les crimes ne demeurent impunis.

L'exercice de ce droit est fort ancien.

On voit dans les Etablissemens de S. Louis, chap. clxiv. que la prévention avoit dès lors lieu en certains endroits dans les matieres criminelles; c'étoit celui qui avoit arrêté le criminel qui lui faisoit son procès. Dans les lieux où il n'y avoit pas de prévention, par l'ancien usage de la France, l'aveu emportoit l'homme, & l'homme étoit justiciable de corps & de châtel où il couchoit & levoit; ce qui fut aboli par l'ordonnance de Moulins, art. 35. qui décida que les délits seroient punis où ils auroient été commis. La prévention avoit lieu par - tout, lorsque celui qui avoit arrêté le criminel l'avoit pris sur le fait.

L'ordonnance d'Orléans, art. 72. autorisoit les juges royaux ordinaires à prendre connoissance par prévention sur les malfaiteurs qui sont de la compétence des prevôts des maréchaux.

L'article 116. de la même ordonnance porte que comme plusieurs habitans des villes, fermiers & laboureurs se plaignoient souvent des torts & griefs des gens & serviteurs des princes, seigneurs & autres qui sont à la suite du roi, lesquels exigeoient d'eux des sommes de deniers pour les exempter du logement, & ne vouloient payer qu'à discrétion, il est enjoint aux prevôts de l'hôtel du roi, & aux juges ordinaires des lieux, de procéder sommairement par prévention & concurrence, à la punition desdites exactions & fautes, à peine de s'en prendre à eux.

Il y a une différence essentielle entre la prévention & la concurrence; celle - ci est le droit que divers juges ont de connoître du même fait, de maniere que les parties peuvent s'adresser à l'un ou à l'autre indifféremment; au lieu que la prévention est le droit qu'a un juge d'attirer à soi la connoissance du crime, parce qu'il a prévenu & qu'il en a été saisi le premier.

L'ordonnance de Moulins, art. 46. veut que les présidiaux connoissent par concurrence & prévention, des cas attribués aux prevôts des maréchaux, vicebaillifs & vice - sénéchaux, pour instruire les procès, & les juger en dernier ressort, au nombre de sept, & semblablement contre les vagabonds & gens sans aveu; comme aussi que les prevôts des maréchaux, vice - baillifs, vice - sénéchaux pourront faire le semblable, &c.

Ce droit de concurrence & de prévention attribué aux présidiaux, pour les cas de la compétence des prevôts des maréchaux, vice - baillifs & vice - sénéchaux, leur a été confirmé par l'art. 201. de l'ordonnance de Blois, & par l'ordonnance criminelle, tit. de la compétence des juges, art. 15.

L'article 7. de la même ordonnance dit que les juges royaux n'auront aucune prévention entre eux; & néanmoins qu'au cas que trois jours après le crime commis, les juges royaux ordinaires n'aient pas informé & decreté, que les juges supérieurs pourront en connoître.

L'article 8. ordonne que la même chose sera observée entre les juges des seigneurs.

Les baillifs & sénéchaux ne peuvent, suivant l'art. 9. prévenir les juges subalternes, s'ils ont informé & decreté dans les vingt - quatre heures après le crime commis; sans déroger néanmoins aux coutumes contraires, ni à l'usage du châtelet.

L'ajournement fait la prévention en matiere civile; en matiere criminelle, c'est le decret; & lorsqu'il y a deux decrets de même date, c'est celui qui a été mis le premier à exécution qui donne la prévention.

Voyez Bacquet, des droits de justice, ch. ix. Carondas, liv. IV. de ses pandectes, part. I. ch. v. Chenu, tome II. de ses réglemens, tit. 12. ch. vij. & tit. 42. ch. j. & Filleau, tome I. part. II. tit. 5. ch. xxxiij. le Prêtre, cent. 4. (A)

Prévention

Prévention, est le droit dont le pape jouit depuis plusieurs siecles, de conférer les bénéfices vacans, lorsque les provisions qu'il en accorde précedent la collation de l'ordinaire, ou la présentation du patron ecclésiastique au collateur.

Ce droit est fondé sur ce que la plûpart des canonistes ont établi pour principe que toute jurisdiction ecclésiastique est émanée du pape, & qu'étant l'ordinaire des ordinaires, lorsqu'il a concédé aux ordinaires quelque portion de cette jurisdiction, soit contentieuse ou volontaire, il est présumé s'en être reservé pour le moins autant qu'il leur en a accordé, suivant ce qui est dit dans le chap. dudum de proebendis in 6. d'où les canonistes ont aussi tiré cette conséquence, que quant à la jurisdiction volontaire, le pape a droit non - seulement de conférer par concurrence avec les collateurs ordinaires, mais même de les prévenir.

En France où ce texte n'est point reçu, l'on a toujours regardé le droit de prévention comme peu favorable; car quoique l'on n'y ait jamais revoqué en doute le droit que le pape a de concourir avec tous autres collateurs ordinaires, & même de les prévenir, cependant comme le droit des collateurs ordinaires est fondé dans les anciens decrets des conciles, on a cru devoir favoriser la liberté de leurs collations.

Quelques - uns ont pensé que le droit de prévention avoit été rejetté par les conciles d'Antioche, de Tolede, d'Orléans & autres, rapportés en la compilation de Gratien, caus. X. quest. 1. & par la pragmatique de S. Louis en 1268.

Mais quoique ces anciens conciles & cette pragmatique défendent aux collateurs en général d'entreprendre sur le district des autres, il n'y est pas dit que le droit de prévention du pape soit aboli.

Il est vrai que par la pragmatique - sanction qui fut faite sous Charles VII. l'assemblée fut d'avis de charger les ambassadeurs du roi envoyés au concile de Basle, de demander au concile que les préventions de Rome contre le decret du concile de Latran, & le tems par lui fixé, ne seroient point admises, de maniere que le droit des collateurs & celui des patrons seroit conservé en son entier.

Il paroît aussi que par l'article 22. de l'ordonnance d'Orléans, il fut défendu à tous juges en jugeant la possession des bénéfices, d'avoir égard aux provisions obtenues par prévention en cour de Rome, & aux pourvus de s'en servir sans le congé & permission du roi; mais Charles IX. à la requisition du cardinal de Ferrare, légat en France, donna sa déclaration à Chartres, le 10 Janvier 1562, par laquelle cet article, quant aux provisions de Rome par prévention, fut revoqué.

Le droit de prévention du pape a donc lieu en France, mais avec des restrictions & modifications notables que l'on a faites en faveur des collateurs ordinaires, pour maintenir autant qu'il est possible la liberté de leurs collations.

Les légats du saint siege jouissent aussi du droit de prévention, quand il est marqué expressément dans les bulles de leur légation, & qu'il a plu au roi d'en autoriser l'exécution par des lettres - patentes duement enregistrées en parlement; mais ils ne peuvent conférer en vertu du droit de prévention, les dignités des églises cathédrales ou collégiales qui sont électives confirmatives.

Le vice - légat d'Avignon a pareillement le droit de prévenir les collateurs ordinaires & les patrons ecclésiastiques pour les bénéfices qui sont dans l'étendue de sa légation; mais il ne peut user de ce pouvoir qu'il n'ait obtenu du roi des lettres - patentes, & qu'elles ne soient vérifiées aux parlemens d'Aix, de Toulouse & de Dauphiné.

Les bulles des papes pour la légation d'Avignon,

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