Art Mnemonique. On appelle art mnemonique
la science des moyens qui peuvent servir pour perfectionner
la mémoire. On admet ordinairement quatre
de ces sortes de moyens: car on peut y employer
ou des remedes physiques, que l'on croit propres à
fortifier la masse du cerveau; ou de certaines figures
& schématismes, qui font qu'une chose se grave
mieux dans la mémoire; ou des mots techniques,
qui rappellent facilement ce qu'on a appris; ou enfin
un certain arrangement logique des idées, en les plaçant
chacune de façon qu'elles se suivent dans un
ordre naturel. Pour ce qui regarde les remedes physiques,
il est indubitable qu'un régime de vie bien
observé peut contribuer beaucoup à la conservation
de la mémoire; de même que les excès dans le vin,
dans la nourriture, dans les plaisirs, l'affoiblissent.
Mais il n'en est pas de même des autres remedes que
certains auteurs ont recommandés, des poudres, du
tabac, des cataplasmes qu'il faut appliquer aux tempes,
des boissons, des purgations, des huiles, des
bains, des odeurs fortes qu'on peut voir dans l'art
mnemonique de Marius d'Assigni, auteur Anglois. Tous
ces remedes sont très - sujets à caution. On a trouvé
par l'expérience que leur usage étoit plus souvent
funeste que salutaire, comme cela est arrivé à Daniel Heinsius & à d'autres, qui loin de tirer quelqu'avantage de ces remedes, trouvoient à la fin leur
mémoire si affoiblie, qu'il ne pouvoient plus se rappeller
ni leurs noms, ni ceux de leurs domestiques.
D'autres ont eu recours aux schématismes. On sait
que nous retenons une chose plus facilement quand
elle fait sur notre esprit, par le moyen des sens extérieurs,
une impression vive. C'est par cette raison
qu'on a tâché de soulager la mémoire dans ses fonctions,
en représentant les idées sous de certaines figures
qui les expriment en quelque façon. C'est de
cette maniere qu'on apprend aux enfans, non - seulement à connoître les lettres, mais encore à se rendre
familiers les principaux évenemens de l'histoire
sainte & profane. Il y a même des auteurs, qui par
une prédilection singuliere pour les figures, ont appliqué
ces schématismes à des sciences philosophiques.
C'est ainsi qu'un certain Allemand, nommé Winckelmann, a donné toute la logique d'Aristote en figures.
Voici le titre de son livre: Logica memorativa, cujus
beneficio compendium logicoe peripateticoe brevissimi temporis
spatio memorioe mandari potest. Voici aussi comme il
définit la Logique. Aristote est représenté assis, dans
une profonde méditation; ce qui doit signifier que
la Logique est un talent de l'esprit, & non pas du
corps: dans la main droite il tient une clé; c'est - à - dire, que la Logique n'est pas une science, mais une
clé pour les sciences: dans la main gauche il tient
un marteau; cela veut dire que la Logique est une
habitude instrumentale; & enfin devant lui est un étau
sur lequel se trouve un morceau d'or fin, & un morceau
d'or faux, pour indiquer que la fin de la Logique est de distinguer le vrai d'avec le faux.
Puisqu'il est certain que notre imagination est d'un
grand secours pour la mémoire, on ne peut pas absolument
rejetter la méthode des schématismes, pourvû
que les images n'ayent rien d'extravagant ni de
puérile, & qu'on ne les applique pas à des choses
qui n'en sont point du tout susceptibles. Mais c'est
en cela qu'on a manqué en plusieurs façons: car les
uns ont voulu désigner par des figures toutes sortes
de choses morales & métaphysiques; ce qui est absurde,
parce que ces choses ont besoin de tant d'explications,
que le travail de la mémoire en est
doublé. Les autres ont donné des images si absurdes
& si ridicules, que loin de rendre la science agréa<pb->
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