ENCYCLOPÉDIE OU DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES, DES ARTS ET DES MÉTIERS

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dans une simple pression ou pulsation, elle se répandroit dans un même instant aux plus grandes distances; or nous voyons clairement le contraire par les phénomenes des éclipses des satellites de Jupiter. En effet lorsque la terre approche de Jupiter, les immersions des satellites de cette planete anticipent un peu sur le tems vrai, ou commencent plutôt; au lieu que lorsque la terre s'éloigne de Jupiter, leurs émersions arrivent de plus en plus tard, s'éloignant beaucoup dans les deux cas du tems marqué par les tables.

Cette déviation qui a été observée d'abord par M. Roemer, & ensuite par d'autres astronomes, ne sauroit avoir pour cause l'excentricité de l'orbe de Jupiter; mais elle provient selon toute apparence, de ce que la lumiere solaire que les satellites nous réfléchissent, a dans un cas plus de chemin à faire que dans l'autre, pour parvenir du satellite à nos yeux: ce chemin est le diametre de l'orbe annuel de la terre. Voyez Satellite.

Descartes qui n'avoit pas une assez grande quantité d'expérience, avoit cru trouver dans les éclipses de lune, que le mouvement de la lumiere étoit instantané. Si la lumiere, dit - il, demande du tems, par exemple une heure pour traverser l'espace qui est entre la terre & la lune, il s'ensuivra que la terre étant parvenue au point de son orbite où elle se trouve entre la lune & le soleil, l'ombre qu'elle cause, ou l'interruption de la lumiere ne sera pas encore parvenue à la lune, mais n'y arrivera qu'une heure après; ainsi la lune ne sera obscurcie qu'une heure après que la terre aura passé par la conjonction avec la lune: mais cet obscurcissement ou interruption de lumiere ne sera vû de la terre qu'une heure après. Voilà donc une éclipse qui ne paroîtroit commencer que deux heures après la conjonction, & lorsque la lune seroit déjà éloignée de l'endroit de l'ecliptique qui est opposé au soleil. Or toutes les observations sont contraires à cela.

Il est visible qu'il ne résulte autre chose de ce raisonnement, sinon que la lumiere n'emploie pas une heure à aller de la terre à la lune, ce qui est vrai; mais si la lumiere n'emploie que 7 rainutes à venir du soleil jusqu'à nous, comme les observations des satellites de Jupiter le font connoitre; elle employera beaucoup moins d'une minute à venir de la terre à la lune, & de la lune à la terre, & alors il sera difficile de s'appercevoir d'une si petite quantité dans les observations astronomiques.

J'ai cru devoir rapporter cette objection pour montrer que si Descartes s'est trompé sur le mouvement de la lumiere, au - moins il avoit imaginé le moyen de s'assurer du tems que la lumiere met à parcourir un certain espace. Il est vrai que la lune étant trop proche de nous, les éclipses de cette planete ne peuvent servir à décider la question; mais il y a apparence que si les satellites de Jupiter eussent été mieux connus alors, ce philosophe auroit changé d'avis; & on doit le regarder comme le premier auteur de l'idée d'employer les observations des satellites, pour prouver le mouvement de la lumiere.

La découverte de l'aberration des étoiles fixes, faite il y a 20 ans par M. Bradley, a fourni une nouvelle preuve du mouvement successif de la lumiere, & cette preuve s'accorde parfaitement avec celle qu'on tire des éclipses des satellites. Voyez Aberration.

La lumiere semblable à cet égard aux autres corps, ne se meut donc pas en un instant. M. Roemer & M. Newton ont mis hors de doute par le calcul des éclipses des satellites de Jupiter, que la lumiere du soleil emploie près de sept minutes à parvenir à la terre, c'est - à - dire, à parcourir une espece de plus de 23, 000, 000, de lieues, vitesse 10000000 fois plus grande que celle du boulet qui sort d'un canon.

De plus, si la lumiere consistoit dans une simple pression, elle ne se répandroit jamais en droite ligne; mais l'ombre la feroit continuellement fléchir dans son chemin. Voici ce que dit là - dessus M. Newton: « Une pression exercée sur un milieu fluide, c'est - à - dire un mouvement communiqué par un tel milieu au - delà d'un obstacle qui empêche en partie le mouvement du milieu, ne peut point être continuée en ligne droite, mais se répandre de tous côtés dans le milieu en repos par - delà l'obstacle. La force de la gravité tend en en - bas, mais la pression de l'eau qui en est la suite, tend également de tous côtés, & se répand avec autant de facilité & autant de force dans des courbes que dans des droites; les ondes qu'on voit sur la surface de l'eau lorsque quelques obstacles en empêchent le cours, se fléchissent en se répandant toujours & par degré dans l'eau qui est en repos, & par - delà l'obstacle. Les ondulations, pulsations, ou vibrations de l'air, dans lesquelles consiste le son, subissent aussi des inflexions, & le son se répand aussi facilement dans des tubes courbes, par exemple dans un serpent, qu'en ligne droite »; or on n'a jamais vû la lumiere se mouvoir en ligne courbe; les rayons de lumiere sont donc de petits corpuscules qui s'élancent avec beaucoup de vitesse du corps lumineux. Sur quoi voyez l'article Émission.

Quant à la force prodigieuse avec laquelle il faut que ces corpuscules soient dardés pour pouvoir se mouvoir si vîte, qu'ils parcourent jusques à plus de 3000000 lieues par minutes, écoutons là - dessus le même auteur: « Les corps qui sont de même genre, & qui ont les mêmes vertus, ou une force attractive, d'autant plus grande par rapport à leur volume, qu'ils sont plus petits. Nous voyons que cette force a plus d'énergie dans les petits aimans que dans les grands, eu égard à la différence des poids; & la raison en est, que les parties des petits aimans étant plus proches les unes des autres, elles ont par - là plus de facilité à unir intimement leur force, & à agir conjointement; par cette raison, les rayons de lumiere étant les plus petits de tous les corps, leur force attractive sera du plus haut degré, eu égard à leur volume; & on peut en effet conclure des regles suivantes, combien cette attraction est forte. L'attraction d'un rayon de lumiere, eu égard à sa quantité de matiere est à la gravité qu'a un projectile, eu égard aussi à sa quantité de matiere, en raison composée de la vîtesse du rayon, à celle du projectile, & de la courbure de la ligne que le rayon décrit dans la réfraction, à la courbure de la ligne que le projectile décrit aussi de son côté; pourvû cependant que l'inclinaison du rayon sur la surface réfractante, soit la même que celle de la direction du projectile sur l'horison. De cette proportion il s'en suit que l'attraction des rayons de lumiere est plus que 1, 000, 000, 000, 000, 000, fois plus grande que la gravité des corps sur la surface de la terre, eu égard à la quantité de matiere du rayon & des corps terrestres, & en supposant que la lumiere vienne du soleil à la terre en 7 minutes de tems ».

Rien ne montre mieux la divisibilité des parties de la matiere, que la petitesse des parties de la lumiere. Le docteur Nieuwentit a calculé qu'un pouce de bougie, après avoir été converti en lumiere, se trouve avoir été divisé par - là en un nombre de parties exprimé par le chifre 269617040, suivi de quarante zéros, ou, ce qui est la même chose, qu'à chaque seconde que la bougie brûle, il en doit sortir un nombre de parties exprimé par le chiffre 418660, suivi

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